Les vaccins arriveront au fur et à mesure de la production et des autorisations. Il y a fort à parier que nous aurons à traiter non pas d'un vaccin, mais de plusieurs vaccins dont les chaînes d'acheminement différeront. Avez-vous intégré cette difficulté supplémentaire à votre stratégie ?
Il faudra également se poser la question du coût de ces vaccins, alors que les plus avancés d'entre eux sont les plus chers et que la vaccination sera entièrement prise en charge par l'État. Cela a-t-il vocation à évoluer dans le temps ?
J'en viens au troisième impératif, celui d'une organisation territoriale de proximité bien identifiée. Vous avez souhaité placer les médecins généralistes au coeur du dispositif, ce qui nous paraît pertinent et même essentiel. Cela suppose de les écouter : or ils nous disent qu'ils ne seront probablement pas prêts pour débuter la vaccination le 4 janvier, malgré l'accélération du calendrier d'autorisation de l'AEM. Nous craignons un manque d'anticipation dans les territoires : les préfets, les ARS, les médecins, les pharmaciens et les infirmiers attendent le mot d'ordre national pour le décliner dans les territoires, mais ils redoutent de manquer de temps pour le faire. Nous devons identifier, dès maintenant, les lieux de vaccination adaptés. Pourquoi ne pas s'appuyer sur les centres de dépistage du covid-19 dans lesquels chacun pourrait se rendre sur prescription d'un médecin généraliste ?
De la même manière, les EHPAD, qui seront les premiers concernés par la campagne vaccinale, ne seront pas prêts : il faut les accompagner et les soutenir pour recenser les besoins, recueillir les consentements de manière éclairée et sécurisée, et organiser les vaccinations.
Nous regrettons que les personnes âgées vivant à domicile ne soient pas concernées par la première phase de vaccination, alors qu'elles sont aussi vulnérables et potentiellement exposées, en raison notamment des nombreuses visites des intervenants à domicile.
Si nous vous rejoignons sur le choix du caractère non obligatoire de la vaccination compte tenu de notre manque de recul, les médecins libéraux alertent sur un point important : comment comptez-vous assurer leur protection juridique ? Envisagez-vous d'en faire des collaborateurs occasionnels du service public ?
Enfin, nous insistons sur la nécessité d'un suivi de court terme des personnes vaccinées pour vérifier que la vaccination est complète et prévenir les effets secondaires. Il faudra également assurer un suivi de long terme pour connaître la réelle protection conférée par le vaccin et formuler des recommandations selon les spécificités des populations. Pour cela, nous avons besoin d'un système d'information adapté et plus performant que le carnet de santé numérique actuel. Qu'avez-vous prévu ? Comment comptez-vous renforcer le dispositif de pharmacovigilance en la matière ?
Chers collègues, il est normal que nous nourrissions de grands espoirs dans le vaccin : la succession de confinements et de déconfinements n'est pas soutenable et pèse trop lourd sur nos concitoyens, notre économie et notre santé. Il est toutefois précipité et erroné de penser que le vaccin suffira à vaincre l'épidémie et il nous faudra probablement vivre encore longtemps avec ce virus. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une stratégie claire et transparente : la prévention avant tout et le dépistage ensuite. Finalement, monsieur le Premier ministre, si nous ne devions retenir qu'un mot d'ordre, ce serait « anticiper de manière concertée et transparente », trois dimensions qui ont souvent fait défaut depuis le début de la crise, mais qui seront demain, nous l'espérons, au rendez-vous pour le vaccin.