Une année déjà que le coronavirus SARS-CoV-2 quittait son hôte habituel, la chauve-souris de la forêt de l'Hubei, pour – avec ou sans intermédiaire – infecter l'homme. Cela fait très probablement suite à la déforestation locale, qui a rabattu des animaux à proximité de la population de Wuhan. N'oublions pas que cette chauve-souris possède un système immunitaire sans égal, qui lui permet d'abriter de dix à vingt souches différentes de coronavirus. Le signal est clair pour ceux qui pouvaient en douter : de la santé végétale dépend la santé animale, et de celle-ci dépend notre propre santé.
Dès lors, les scientifiques ont engagé une course contre la montre, facilitée dans ses étapes initiales. En effet, la partie la plus fondamentale sur la nature du virus, son mode d'entrée dans nos cellules par l'intermédiaire de la protéine virale S – appelée aussi protéine Spike – , avait été élucidée dès le début des années 2000, suite aux deux épidémies à coronavirus que l'on avait un peu oubliées : celle du MERS-CoV – coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient – et celle du SRAS – syndrome respiratoire aigu sévère.
Les techniques de séquençage à haut débit ont vite permis d'en établir la fiche d'identité, et ce simultanément aux quatre coins du globe. Ce sont alors quelque 250 recherches vaccinales qui se sont déployées, associant toutes les stratégies possibles, du virus inactivé en passant par la protéine virale comme antigène, la plateforme virale avec gène du covid-19 intégré ou encore l'utilisation d'acides nucléiques ADN ou ARN. Si cette dernière technique a été encore peu utilisée, n'oublions pas qu'elle est quand même le résultat de plus de vingt années de recherches. Il s'agit plus particulièrement de l'ARN messager, qui code la fameuse protéine S du virus. Produite par synthèse chimique, enrobée de lipides pour la protéger de la dégradation et permettre sa meilleure pénétration dans nos cellules, elle induira, après traduction en protéine S, les anticorps protecteurs correspondants. Ainsi entraîné à identifier cette dernière, notre corps la bloquera, détruira le virus et nous protégera donc de l'infection et de la pathologie.
Ces données ont vite quitté le monde de la recherche fondamentale et ont ensuite été développées par les entreprises de biotechnologie, les biotechs, qui ont finalisé cette innovation de rupture. Elles se sont ensuite associées à de grands groupes pharmaceutiques, seuls aptes à financer des essais cliniques sur des dizaines de milliers d'individus et à assurer la bioproduction et la distribution de centaines de millions de doses vaccinales. Ces dernières étapes ont été réalisées en collaboration étroite avec les cliniciens et les agences d'évaluation, pour attester de la rigueur des études menées et des résultats obtenus. Le tout a été mis en libre accès sur les réseaux dès le début et publié dernièrement dans les plus grandes revues scientifiques. Les conditions de mise sur le marché des vaccins sont renforcées par rapport à celles des autres médicaments : la réglementation européenne impose un contrôle qualité de 100 % des lots de vaccins avant leur mise sur le marché.
Les résultats de l'essai clinique ont été décrits non pas comme un succès, mais comme un véritable triomphe. La seule incertitude concerne la durée de l'immunité ainsi acquise, qui bien sûr ne peut encore être attestée au-delà de trois mois. Il nous reste à tirer profit de ce succès extraordinaire en relevant le défi logistique, dernier verrou pour reconquérir notre liberté.
Ce sera aussi l'occasion de questionner notre filière santé sur bien des aspects. Donnons-nous suffisamment de moyens à la recherche en santé ? L'organisation de cette dernière ne doit-elle pas être repensée pour plus d'efficience ? Ne faut-il pas encourager davantage la collaboration entre les secteurs public et privé ?