… mais la confiance n'exclut pas le contrôle et, en l'occurrence, en matière de contrôle, c'est l'état néant. Je ne sais pas si je dois vous croire sur parole et je ne sais même pas si ce document contient toutes les informations nécessaires à une bonne évaluation. À cet égard, il est urgent de mettre en place des dispositifs d'évaluation associant des universitaires et des représentants indépendants de l'exécutif et de la majorité, à même de rendre des comptes aux parlementaires et de juger de la pertinence des mesures arrêtées par le Gouvernement, je profite de mon temps de parole pour insister sur ce point.
En l'occurrence, c'est uniquement par des fuites dans la presse sur ce rapport confidentiel que j'ai pu commencer à me forger un début d'avis – je prends des pincettes puisque je n'ai pas lu le document. Selon la presse, ce rapport indiquerait que seulement dix personnes présentant un risque en matière de terrorisme ont été détectées par les fameuses boîtes noires pour les années 2017 et 2018, et qu'aucune d'elles n'aurait fait l'objet d'un dossier opérationnel et encore moins judiciaire. Dans la mesure où le déploiement des boîtes noires est une expérimentation limitée dans le temps, on pourrait en déduire que le dispositif n'est pas opérant. Au contraire, le Gouvernement nous dit que si le dispositif n'a produit aucun résultat probant, c'est parce qu'il ne va pas assez loin : en fouillant bien, peut-être trouvera-t-on quelque chose ! Autrement dit, les captations des boîtes noires doivent être étendues aux URL – le Gouvernement prépare le terrain pour le futur projet de loi et la discussion de fond prévus au premier semestre 2021. Voilà donc la situation dans laquelle je me trouve en tant que parlementaire de l'opposition. Heureusement qu'il y a des fuites dans la presse pour m'informer de la nature précise des dispositifs utilisés en matière de renseignement !
Quant aux mesures prévues dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, le rapport présenté hier en commission des lois est très intéressant : toutes les dérives potentielles que nous avions pointées se trouvent vérifiées. Les périmètres de sécurité mis en oeuvre répondent à des raisons d'ordre public davantage qu'à des impératifs en matière de lutte contre le terrorisme. De même, il apparaît que les visites domiciliaires ont été très peu nombreuses pendant deux ans et qu'elles ont pour la plupart débouché sur des judiciarisations et répondu à des enjeux opérationnels, pour le dire sobrement. Enfin, à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, nous en sommes revenus au règne de la communication politique avec des perquisitions tous azimuts ne débouchant sur rien.
Au total, nous sommes suspendus aux décisions de l'exécutif, en lequel nous devrions avoir une confiance absolue. Non ! Je n'ai pas une confiance absolue dans le Gouvernement, surtout pour des mesures administratives, surtout si elles sont attentatoires aux libertés individuelles et fondamentales, face auxquelles l'autorité judiciaire constitue le dernier rempart, avec le contrôle du JLD.
Lorsque le précédent ministre de l'intérieur nous a remis son rapport sur ces mesures, nous avons reçu deux versions du document – souvenez-vous, un mail nous avait été envoyé par erreur – , la première contenant les pré-propositions du ministre. Celui-ci proposait notamment de limiter le contrôle du juge des libertés et de la détention, objectif qui n'avait évidemment pas échappé aux lecteurs attentifs. Je ne sais pas si cet objectif sera atteint, mais ce serait très problématique qu'il le soit car cela conduirait à accorder un grand pouvoir à des gens en qui je ne place aucune espèce de confiance, dans le cadre d'un contrôle parlementaire pour le moins limité. Si chacun des groupes parlementaires avait été représenté dans la délégation parlementaire au renseignement, alors un véritable partage de l'information serait possible et nous pourrions discuter d'égal à d'égal.