Intervention de Julien Dive

Séance en hémicycle du mardi 12 janvier 2021 à 21h00
Politiques de lutte contre la pauvreté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Dive :

Manger cinq fruits et légumes par jour : un slogan qui paraît simple à suivre, sauf quand on est pauvre. En revanche, sauter un repas, se priver, privilégier la quantité plutôt que la qualité : voilà le quotidien des personnes en situation de grande précarité. Alors que la France est mondialement reconnue pour sa gastronomie, manger, c'est surtout, pour plus de 10 millions de Français aujourd'hui, un simple élément de survie. Coluche disait en 1985 : « J'en ai marre de voir les pauvres crever de faim dans le pays de la bouffe. » Force est de constater que la situation ne s'est aucunement améliorée, et a même empiré.

S'il y a une chose en marche dans cette République à l'arrêt, c'est l'appauvrissement d'une part croissante de la population. Comment peut-on encore négocier un besoin vital dans la sixième puissance mondiale et la première puissance agricole de l'Union européenne ? Pourquoi la France compte-t-elle aujourd'hui huit fois plus de personnes en situation de pauvreté que dans les années 1980 ? Comment sortir de ce paradoxe et désamorcer la bombe à retardement social qu'est la crise sanitaire ? On se serait tristement habitué à compter les 9 millions de Français vivant sous le seuil de pauvreté ; malheureusement, la covid-19 en a décidé autrement, faisant basculer 1 million de personnes supplémentaires dans cette situation. On anticipe des conséquences pires que celles de la crise de 2008, et ce que vous proposez n'est pas à la hauteur. Alors qu'on manque de bénévoles et de stocks pour couvrir les besoins de plus en plus importants après la vague des confinements successifs, alors que les associations souffrent d'un effondrement des recettes liées aux dons et aux subventions, la situation est alarmante.

Seuls une action ambitieuse et un engagement politique fort peuvent enrayer ces inégalités de destin. Il ne s'agit plus de compter sur la seule implication des associations pour pallier l'action insuffisante de la puissance publique. Les Restos du coeur, les banques alimentaires, la Croix-Rouge, tant d'associations tentent de s'adapter face à l'augmentation constante du nombre de bénéficiaires. Elles jouent un rôle essentiel pour épauler de nombreuses familles, mais c'est à l'État – parfois absent – d'attribuer les fonds nécessaires pour les aider à faire face à la crise. Vous vous focalisez sur les premiers de cordée, mais n'ignorez pas les difficultés sociales de nos autres concitoyens. En effet, les plus pauvres apparaissent aujourd'hui comme les grands perdants de vos annonces, et l'arrivée du coronavirus a été un coup de massue dans un système français à bout de souffle, drapé dans une arrogante certitude d'être le meilleur.

Un plan pauvreté aux ambitions limitées, des primes insuffisantes : vous cherchez à camoufler le problème au lieu de le résoudre. La précarité alimentaire était hier problématique ; elle est aujourd'hui catastrophique tant elle est accentuée par des décisions politiques parfois aberrantes. Le chef du Gouvernement a par exemple proposé un plan d'urgence qui a déçu les associations : l'aide ponctuelle de 150 euros destinée aux jeunes en difficulté est un premier pas, mais elle ne saurait en rien répondre à la crise durable que subit cette population. Comment sortir d'une situation précaire avec une aide temporaire ? La prime ne permet pas de résoudre un problème de fond, qui persiste et s'aggrave de jour en jour.

Pour que bien manger ne soit pas l'apanage d'une élite, il convient d'attribuer aux personnes les moyens de se nourrir correctement. Il s'agit du respect de l'homme, de l'autre et de ses conditions de vie. Le droit à l'alimentation c'est non seulement l'accès à une quantité adéquate de nourriture, mais aussi la possibilité de bénéficier d'un régime alimentaire équilibré. Il est grand temps de prendre conscience de la dichotomie entre une stratégie qui cherche à promouvoir les aliments transformés et une stratégie favorable aux systèmes alimentaires locaux et aux circuits courts. Pour passer de la première à la seconde, je soutiens fortement la proposition d'instaurer un chèque alimentaire qui aiderait les ménages précaires à accéder à des produits de qualité et à se tourner vers une alimentation saine et locale, plus en phase avec les impératifs environnementaux que nous connaissons.

Je vous invite, monsieur le ministre, à réunir les grands donneurs d'ordres de la grande distribution pour impulser une action nationale consistant à fixer et à geler un prix accessible d'un panel de références alimentaires de qualité.

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