Intervention de Brahim Hammouche

Séance en hémicycle du mardi 12 janvier 2021 à 21h00
Politiques de lutte contre la pauvreté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrahim Hammouche :

À la sortie du premier confinement, le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés avait déjà interpellé le Gouvernement sur l'aggravation de la précarité en France en raison de la crise sanitaire et sur les conséquences dévastatrices de celle-ci sur une population qui était alors déjà fortement fragilisée : 1 million de nouveaux pauvres en plus des 9,3 millions de nos compatriotes soumis au quotidien à des choix anxiogènes et à l'incertitude en matière d'accès aux soins et à l'éducation.

Le Gouvernement, si injustement décrié par l'opposition ces derniers mois, ne saurait souffrir de la comparaison avec ceux des pays voisins. Car oui, chez les démocrates, nous le disons : l'action publique a été au rendez-vous pour apporter des réponses à la crise sanitaire sans précédent qui perdure encore aujourd'hui sur tout le territoire national, crise dont les répercussions en matière économique, sociale, culturelle, psychologique et démocratique – les restrictions des libertés – sont d'une violence inouïe pour beaucoup de Français. L'ensemble des ministères ont été mobilisés ces derniers mois, et restent mobilisables, pour soutenir le pouvoir d'achat des plus précaires.

Afin de redresser rapidement et durablement l'économie française, un plan de relance exceptionnel de 100 milliards d'euros a été déployé par le Gouvernement autour de trois volets principaux : l'écologie, la compétitivité et la cohésion. Un plan de relance pour tous, plus particulièrement à destination des jeunes : les aides incitatives à l'embauche de 6,7 milliards d'euros ont ainsi permis de mettre le pied à l'étrier à 750 000 d'entre eux – ceux qui, chaque année, arrivent sur le marché du travail. Le dispositif « un jeune, une solution » s'est traduit par la création d'une aide exceptionnelle au recrutement des apprentis : 5 000 euros pour le recrutement d'un apprenti de moins de 18 ans, 8 000 euros pour un apprenti majeur. Une aide exceptionnelle de 150 euros pour les jeunes non étudiants et les étudiants boursiers a été également accordée. Des solutions d'insertion sociale et professionnelle, et d'insertion par l'activité économique, ont été proposées aux personnes éloignées de l'emploi. Les conditions de logement et d'hébergement ont été adaptées. Au total, près de 2 milliards d'euros ont été mobilisés pour financer de nouvelles mesures de lutte contre la pauvreté, s'ajoutant aux 8 milliards de la stratégie déployée jusque-là.

Les crédits de la mission « Solidarité » s'élèveront cette année à 26,12 milliards d'euros. J'ai noté avec une grande satisfaction que le Premier ministre a annoncé, en automne dernier, des mesures supplémentaires à l'intention des plus précaires, avec un plan de 1,8 milliard d'euros, qui s'ajoutent aux mesures prises durant la crise, soit 1,5 milliard d'euros, et à celles du plan de relance pour 6 milliards d'euros.

La précarité qui touche les jeunes, mais aussi massivement les familles monoparentales, a également incité notre Président de la République, Emmanuel Macron, à élargir dès le 1er janvier à tous les parents le service public des pensions alimentaires, qui bénéficie d'ores et déjà à 10 000 familles pour 85 millions d'euros en 2021.

D'autres mesures ont été prises, comme la création d'un congé de proche aidant ou le soutien et l'accompagnement des ESAT fragilisés – établissements et services d'aide par le travail.

Pourtant, la pauvreté dans les territoires est devenue plus intense. En Moselle, un habitant sur sept, soit 145 300 personnes, vit sous le seuil de pauvreté. Cela représente un taux de pauvreté moyen dans le département de 14,6 %, équivalent à celui observé dans le Grand Est et la France de l'intérieur. La moitié des Mosellans vivent avec moins de 1 729 euros par mois. Le niveau du revenu médian des personnes pauvres en Moselle, à 832 euros par mois, est inférieur de 20,1 % au seuil de pauvreté. À Thionville, par exemple, ville-arrondissement de la Moselle Nord, il l'est de 22,1 %. Cette pauvreté plus intense se traduit donc aussi par de fortes inégalités sur le territoire, notamment en raison de la présence de hauts revenus perçus, pour une part significative, par des travailleurs transfrontaliers.

En septembre 2018, Emmanuel Macron avait annoncé une réflexion sur la création d'un revenu universel de base. Une concertation avait été conduite, mais les négociations n'ont pas encore permis de résoudre les questionnements autour de son financement. L'idée d'une garantie active de mobilité sociale reviendra en force dans le débat lors d'une prochaine législature, car la dignité humaine n'a ni coût ni prix. L'augmentation de la pauvreté ne saurait devenir acceptable parce qu'elle se généraliserait, et la crise révèle une évidence : les minima sociaux des temps ordinaires sont insuffisants par temps difficile. Ils ne sont plus des filets de sécurité, ils ne suffisent plus pour rétablir une trajectoire d'insertion, pour enrayer les incertitudes du quotidien.

Les associations humanitaires soulignent régulièrement que dans notre pays, sixième puissance mondiale, la pauvreté n'est pas un problème, mais un scandale. Comme le disait mon archiprêtre à Hayange, lors de notre récente conversation, pour nous qui sommes à l'abri du besoin, elle reste un débat ; mais pour Jason, Sandrine ou Malika, elle est une atteinte à leur dignité, une atteinte à la dignité humaine, donc aussi à la nôtre. Nous devons désormais faire un choix politique, celui d'une société unie et solidaire, pour que la misère ne condamne pas nos concitoyens au séparatisme de la déliaison sociale et, pour citer Albert Camus, à « cet exil intérieur qui sépare des millions d'hommes de leur propre pays ».

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