Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du mardi 12 janvier 2021 à 21h00
Politiques de lutte contre la pauvreté

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

En octobre 2018, le Président de la République et Mme Agnès Buzyn, alors ministre des solidarités et de la santé, présentaient un plan de lutte contre la pauvreté, ensemble de réformes et de mesures annoncées comme ambitieuses et inédites, bénéficiant d'un budget prétendument sans précédent de 8,5 milliards d'euros, l'essentiel de ce montant étant en réalité préexistant. Quel bilan trois ans après ?

En 2021, plus de 300 000 personnes vivent encore dans la rue. En 2021, il y a encore des bidonvilles en France. En 2021, il y a encore plus de 9 millions de Français qui vivent sous le seuil de pauvreté. En 2021, une crise sanitaire, économique et sociale ravage la France, creuse les inégalités et ne fait qu'accélérer la précarisation des plus modestes. La fermeture de nombreuses entreprises et la menace qui plane sur beaucoup de celles qui tentent de survivre à la crise ne sont pas de bon augure pour l'avenir de leurs employés. La hausse du chômage, qui s'est accentuée au cours des derniers mois, fait craindre une augmentation catastrophique du nombre de personnes ayant recours au RSA – revenu de solidarité active – et vivant sous le seuil de pauvreté.

Les politiques des trois dernières années en matière de lutte contre la pauvreté s'apparentent plus à des opérations de communication qu'à des mesures ayant un impact réel sur le quotidien de nos concitoyens les plus précaires. Je pense notamment à la réforme de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapés, qui, si elle a permis une augmentation modérée des aides accordées à ses bénéficiaires, a réduit drastiquement le nombre de ces derniers. Bilan : moins de bénéficiaires, plus de personnes dépendantes de leur conjoint et donc, de fait, pas de réelle amélioration pour les personnes handicapées précaires.

En 2018, M. Macron se targuait de présenter des solutions pour combattre la précarité grandissante de nos concitoyens. Mais il oubliait déjà certains d'entre eux, qui comptent aujourd'hui parmi les premières victimes des conséquences économiques de la crise sanitaire.

Je veux parler des jeunes de 18 à 25 ans, des étudiants précaires, des jeunes actifs qui peinent à s'insérer durablement dans le marché de l'emploi et de ceux qui ne sont pas en mesure de suivre et d'achever leurs études supérieures dans les meilleures conditions, principalement pour des raisons financières. Depuis 2009, le coût de la vie étudiante ne cesse d'augmenter et, avec lui, inévitablement, la précarité étudiante s'accroît. Près de la moitié des étudiants sont obligés de cumuler travail et études pour vivre, ce qui n'est pas sans impact sur leur réussite et leur santé physique et mentale.

L'Observatoire des inégalités, dans son récent rapport sur la pauvreté en France, estime à 12,8 % le taux des jeunes de 18 à 25 ans vivant sous le seuil de pauvreté – un niveau deux fois supérieur à la moyenne nationale. La crise sanitaire n'a fait qu'accentuer la précarisation de la jeunesse. Perte de jobs étudiants, difficultés à s'insérer sur le marché de l'emploi et à assurer la bonne poursuite de leurs études ou de leur apprentissage : autant d'obstacles qui se multiplient pour les jeunes à l'aube de leur entrée dans la vie active. L'urgence de leur situation est sans appel. Qu'avez-vous proposé à la jeunesse ces trois dernières années ? Rien pour l'aider, mais plutôt des baisses successives des aides qui comptent parmi les plus essentielles à la survie de certains jeunes, à savoir les APL – aides personnalisées au logement – , qui ont baissé de près de 100 euros mensuels depuis 2017.

Les difficultés financières ne doivent pas être un frein à la poursuite des études ou à la stabilisation professionnelle. C'est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés a présenté un plan pour la jeunesse, élaboré par Boris Vallaud et Hervé Saulignac. L'instauration d'un minimum jeunesse par la création d'une dotation universelle et d'un revenu de base pour les jeunes à partir de 18 ans nous paraît constituer une solution efficace pour les aider à démarrer leur vie active et pour les soulager du poids des difficultés financières auxquelles ils peuvent être confrontés.

Face à la crise, le Gouvernement a trouvé les moyens de déployer des dispositifs d'aide d'urgence. Cependant, ces mesures sont ponctuelles et restent insuffisantes sur le long terme. Nous demandons donc au Gouvernement d'approfondir la politique du « quoi qu'il en coûte », qu'il a semblé appliquer durant ces dernières semaines d'urgence sanitaire, et d'apporter de vraies solutions pour lutter contre la précarisation grandissante de nos concitoyens – des mesures aux effets concrets et perceptibles au quotidien pour les Français les plus modestes. La pauvreté n'est pas seulement synonyme de difficultés financières, elle est également une menace pour les droits fondamentaux de ceux qui en sont victimes : se loger, se nourrir, se soigner et s'instruire sont les droits les plus basiques de tout être humain aspirant à vivre dignement. L'État se doit de les garantir à tous nos concitoyens.

Je conclus en empruntant à Victor Hugo des mots prononcés en ces lieux, qui me paraissent tout à fait pertinents, en ces temps de crise, pour dresser le bilan des politiques de lutte contre la pauvreté menées par le Gouvernement : …

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