Après trente interminables années de société de chômage de masse – qui a été le moyen pour le capitalisme de réaliser quelques objectifs qui étaient les siens, notamment le démantèlement des conquêtes sociales réalisées au lendemain de la guerre – , nous, Français, comme bien d'autres, entrons dans les eaux glacées de la pauvreté de masse.
On aurait tort de croire que le phénomène que nous affrontons se limitera aux mois à venir, pendant lesquels la covid-19 continuera de frapper nos sociétés : dans dix ans, si les conditions structurelles qui conduisent à la pauvreté de masse ne sont pas changées, nous y serons encore. Dans vingt ans, nous y serons encore ! En témoigne l'état dans lequel nous avons laissé s'enfoncer les territoires des départements et des territoires d'outre-mer, qui, de ce point de vue, préfigurent la situation générale de nos sociétés : ils ne sont pas une exception, mais une loupe grossissante des processus à l'oeuvre.
J'en parle avec toute la douleur qu'on peut imaginer et que la plupart d'entre nous ressentent. Nous voudrions croire que ça ne durera pas, mais non ! La covid-19 nous a mis à l'épreuve. Or cette épreuve, nous ne la surmontons pas, parce que toutes les bases dont nous aurions besoin pour agir, celles qu'ont construites les générations précédentes, tant dans les gouvernements de gauche que dans les gouvernements gaullistes, ont été détruites les unes après les autres. Les services publics ont été privatisés et, progressivement, nous en parvenons au point où même les réseaux de la solidarité associative et caritative sont emportés.
Qui m'aurait dit qu'un jour je transformerais, comme l'ont fait tous mes camarades, une permanence parlementaire en lieu de collecte d'aliments et de vêtements pour apporter de l'aide aux associations, lesquelles représentent aujourd'hui la première et la principale ligne de front ?