Je suis venu devant vous pour débattre, discuter, échanger. Quel que soit notre bord politique, nous partageons évidemment le constat et la volonté de lutter contre la pauvreté, voire de l'éradiquer un jour. Nous pouvons avoir chacun l'esprit ouvert, sans nous renvoyer la balle. Pas un gouvernement, pas une majorité quelle qu'elle soit, au cours des dernières décennies, ne peut s'enorgueillir d'avoir fait véritablement reculer, de façon massive, la pauvreté. Sinon, nous n'en serions pas là et le débat de ce soir ne porterait pas sur les politiques publiques de lutte contre la pauvreté. Une fois que nous nous sommes dit cela, nous pouvons sans doute trouver le moyen de travailler ensemble.
Je m'excuse pour l'analogie, vous allez dire que cela m'obsède – ce n'est pas totalement faux – , mais, je définirai la pauvreté, ou plutôt la misère, un peu comme une pandémie. Cette pandémie touche toutes les sociétés, tous les pays du monde y font face, pas uniquement la France, sans que nous ayons identifié de vaccin. Le constat est clair et, à la différence d'un virus, la misère ne se transmet ni par les mains ni par la salive, elle se transmet par le destin, l'héritage, mais aussi par des accidents de la vie, qui frappent de nombreuses familles. Certains ont soutenu que la pauvreté pouvait être héréditaire : ce déterminisme est proprement insupportable et nous devons le combattre de toutes nos forces.
Je vais essayer de décliner mon raisonnement en bon médecin, traitant d'abord du diagnostic, avant d'évoquer les différents moyens que nous pourrions trouver ensemble pour lutter avec plus d'efficacité contre la misère.
Pour poser le diagnostic, demandons-nous quelle est dans notre pays la première raison d'entrée dans la pauvreté : c'est la perte de son emploi. Les associations le confirment. J'ai d'ailleurs eu l'honneur de présider, aux côtés de la présidente du Secours catholique, un des ateliers organisés dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté. Les associations indiquent que l'une des raisons principales, c'est aussi la séparation au sein des couples. Il ne s'agit pas de les dissuader de se séparer, mais un divorce, un nouveau départ dans la vie, ne devrait pas s'accompagner de la mise en danger de son propre patrimoine et donc de celui de ses enfants actuels ou à venir.
Il y a bien d'autres facteurs dont nous pourrions débattre : je pense aux situations sanitaires, qui peuvent compliquer singulièrement les choses. Je tiens toutefois à souligner l'importance du déterminisme de la naissance : j'ai été marqué d'apprendre que si vous naissez dans une famille pauvre, il faut en moyenne quatre à six générations pour que l'un de vos descendants sorte de la pauvreté. Ce déterminisme très fort, la perte de l'emploi comme la difficulté d'en trouver un, ainsi que les séparations, tels sont les principaux facteurs de la pauvreté.