Se pose ensuite la question des traitements. En médecine, on parle de traitement préventifs, curatifs ou palliatifs.
Les traitements préventifs visent à faire échapper à la pauvreté une personne qui a des facteurs de risque d'y tomber ou de s'y maintenir. Boris Cyrulnik a remis à Adrien Taquet et à moi-même un rapport du comité scientifique qu'il présidait sur les 1 000 premiers jours de l'enfant, composé de gens très bien – de tous bords politiques, je vous rassure. Ce rapport formule des mesures très intéressantes, visant à lutter contre ce déterminisme, que j'ai évoqué, qui fait que, si vous êtes né dans une famille pauvre, vous aurez beaucoup plus de mal à vous en sortir dans la vie – si vous ne l'avez pas lu, je vous invite à le faire. Vous en avez voté une : le développement du congé paternité, qui permet aux pères d'être constamment présents auprès de l'enfant dans les premières semaines et d'éviter ainsi aux mères des ruptures professionnelles trop longues, qui rendent encore plus difficile la recherche d'un bon emploi.
Parmi les autres mesures de prévention auxquelles je crois fondamentalement, il y en a une autre, que votre assemblée a également votée : le dédoublement des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire et éducation prioritaire renforcée – REP et REP+. Un tel dédoublement est efficace car n'être que douze dans une classe facilite l'apprentissage de la lecture et de l'écriture pour les élèves issus d'un milieu social précaire et vivant dans un contexte particulièrement fragile. Vous avez tous assisté à des rentrées scolaires : vos circonscriptions sont bariolées, elles sont toutes composées de communes aisées et d'autres qui le sont moins. À côté d'établissements où 100 % des effectifs sont présents le premier jour, le père et la mère assistant parfois ensemble aux réunions de parents d'élèves, il y en a d'autres où la rentrée est plus difficile. Il faut mettre le paquet sur ces écoles-là.
À cet égard, rendre la scolarité obligatoire dès l'âge de 3 ans et jusqu'à 18 ans, c'est refuser l'idée de laisser des enfants au bord du chemin et décider de les accompagner. Je me souviens d'une très bonne mesure mise en place à Grenoble par un maire socialiste : des classes passerelles permettant d'intégrer des petits dès l'âge de 2 ans dans le milieu scolaire pour leur donner plus de chances de surmonter les inégalités liées au milieu familial. Je crois, pour ma part, à tous ces moyens de prévention de la pauvreté.
Quant aux traitements curatifs, le premier d'entre eux est l'accès à l'emploi, lequel est, dans notre pays, la première des solidarités. L'emploi fait sortir de la misère, puisque la personne peut alors, grâce au revenu de son travail, faire régulièrement ses courses, élever ses enfants dans de bonnes conditions, acheter les moyens de se déplacer, éventuellement voyager, communiquer, au moins se loger et se nourrir. Les gouvernements qui conduisent des politiques en faveur de l'emploi – ceux qui nous ont précédés, celui-ci comme ceux qui nous suivront – ont toujours à l'esprit le fait que l'emploi est le premier moyen de sortir de la misère, et que le perdre représente le principal risque d'y tomber.
Le Gouvernement a pris, pendant le confinement, des mesures de chômage partiel pour permettre, « quoi qu'il en coûte », aux Français empêchés, de fait, de travailler, de continuer à vivre en percevant toujours une rémunération : ne croyez-vous pas qu'il a fait ce choix afin de limiter la pauvreté dans notre pays ? Souvenez-vous de la crise économique de 2008 qui a frappé l'Europe : les amortisseurs sociaux ont permis à la France d'avoir trois fois moins de nouveaux pauvres qu'en Allemagne. On compare souvent l'Allemagne et la France dans de nombreux domaines : or je n'ai jamais entendu rappeler ce fait. N'oublions donc pas les amortisseurs sociaux que nous avons mis en place, non seulement le chômage partiel, mais aussi l'accompagnement des artisans, des commerçants et des autres indépendants.
Ceux d'entre vous qui soulignent que la misère s'est développée dans ces milieux professionnels, jusqu'ici relativement épargnés, ont raison, d'autant que ces professionnels, déjà touchés dans leurs sources de revenus, mettent également en jeu leur patrimoine personnel – le commerce est souvent possédé en fonds propres. C'est l'honneur de l'État français de soutenir comme il le fait l'ensemble de ces professions, montrant ainsi à tous nos concitoyens que personne ne restera sur le bord du chemin. L'obligation de formation et la prime d'activité sont, eux aussi, des outils très efficaces pour lutter contre la pauvreté.
Enfin, quand toutes ces mesures n'ont pas suffi, quand les outils de prévention n'ont pas été suffisamment développés, quand les dispositions visant le maintien dans l'emploi n'ont pas atteint leurs objectifs, quand les publics concernés ne sont pas suffisamment accessibles, il y a, alors, les traitements palliatifs – le terme n'est en rien péjoratif : les amortisseurs sociaux. Il s'agit des prestations sociales. Bien sûr qu'il en faut et qu'elles coûtent, mais elles sont tout aussi vitales. Cette majorité a voté une augmentation très importante, de 100 euros nets par mois, de plusieurs prestations : je pense non seulement à l'allocation de solidarité aux personnes âgées, l'ASPA, destinées à celles qui ne peuvent pas bénéficier d'une retraite, alors qu'elles ont travaillé toute leur vie, mais également à l'allocation aux adultes handicapés et au reste à charge zéro appliqué depuis le 1er janvier.
Je suis certain que vous avez reçu, comme moi lorsque j'étais député, des habitants de votre circonscription pour lesquels s'appareiller pour bien entendre coûtait trop cher, puisque le reste à charge par oreille s'élevait à 2 000 euros. Vous avez également croisé, comme moi, des personnes qui n'avaient pas assez d'argent pour se payer des prothèses dentaires dignes de ce nom, ou encore des personnes qui avait cassé leurs lunettes et vous demandaient comment percevoir une aide sociale pour pouvoir les remplacer. Le reste à charge zéro, c'est l'assurance que personne ne sera désormais privée de tous ces soins essentiels par manque de moyens financiers.
Je rappelle également la création de la complémentaire santé solidaire, qui complète les dispositifs antérieurs. Les amortisseurs sociaux progressent année après année, gouvernement après gouvernement. Quant au plan 1 jeune, 1 solution, il s'inscrit dans la même logique. Vous avez évoqué, monsieur Mélenchon, les jeunes attirés par la rapine ou par les commerces souterrains, parce qu'aucune autre possibilité ne s'offre à eux. Mais quel est le meilleur moyen de s'adresser à eux aujourd'hui ? Certes, faisons en sorte, grâce à l'éducation et aux moyens mis en place pour gommer les inégalités de départ, qu'ils soient moins nombreux demain, mais proposons-leur, dès aujourd'hui, des solutions. La garantie jeunes fonctionne, de même que les stages, la formation professionnelle, l'intégration sur le poste de travail, l'apprentissage : aucun jeune qui souhaite bénéficier d'une de ces solutions n'en sera privé. Nous faisons également les démarches nécessaires pour aller les chercher là où ils sont et leur proposer ces solutions. Je crois à cette politique !