Intervention de Marguerite Deprez-Audebert

Séance en hémicycle du mercredi 13 janvier 2021 à 15h00
Délais de paiement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarguerite Deprez-Audebert :

Le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés a souhaité inscrire à l'ordre du jour, lors de la semaine de contrôle de l'Assemblée nationale, un débat sur l'allongement des délais de paiement et les mesures pour y remédier en temps de crise, tant ils ont de multiples incidences sur le financement et la trésorerie des PME et TPE.

La trésorerie, chacun le sait, est le nerf de la guerre pour toute entreprise. La gestion de celle-ci est donc cruciale. Ce qui a été perçu pendant longtemps comme un certain laisser-aller en France dans le règlement des factures, mais qui était en réalité plutôt une volonté d'accroître la trésorerie en allongeant les délais de règlement, a finalement débouché sur de réelles difficultés pour les fournisseurs. Les conditions d'achat des plus gros donneurs d'ordres prévalaient en effet souvent sur les conditions de vente des plus petites sociétés ou des sous-traitants.

C'est la raison pour laquelle la loi de modernisation de l'économie, dite « loi LME », a instauré un délai de règlement plafonné à soixante jours pour les transactions entre entreprises. Les délais moyens de paiement ont alors baissé : le délai client est ainsi tombé de cinquante et un à quarante-quatre jours, et le délai fournisseur de soixante-deux à cinquante et un jours.

Toutefois, si la situation s'est améliorée juste après l'application de la loi, elle s'est malheureusement de nouveau dégradée ensuite, parfois très fortement, les délais passant à une centaine de jours pour certaines PME, avec pour conséquence la fragilisation du tissu de PME et même le dépôt de bilan de nombreuses entreprises initialement en bonne santé mais obligées de mettre la clé sous la porte en raison d'un manque de trésorerie.

Une analyse des retards de paiement des entreprises en Europe nous permet de constater une grande disparité de situations entre nos voisins. Sur la période allant de 2017 à 2019, le délai s'établit à environ treize jours en moyenne dans les pays de l'Union européenne, mais à seulement sept jours en Allemagne, contre vingt-cinq au Portugal. Précisons également que, dans la directive européenne du 16 février 2011, la règle est de trente jours dans le silence du contrat, alors que le délai est de soixante en France.

Signe que la situation est particulièrement compliquée pour nos entreprises, la charge du crédit interentreprises s'élevait à onze jours de chiffre d'affaires en moyenne en 2018. Le solde du crédit interentreprises constitue un indicateur significatif de la solidité et de la santé des entreprises : exprimé en jours de chiffre d'affaires, il reflète leur situation, prêteuse ou emprunteuse, vis-à-vis de leurs partenaires commerciaux. Lorsqu'il est positif, l'entreprise finance ses partenaires par le biais du crédit interentreprises ; dans le cas inverse, ses partenaires la financent. Or, si ce ratio a globalement baissé jusqu'en 2019, il présente toutefois des disparités en fonction de la taille des entreprises et des secteurs d'activité.

Le secteur du conseil aux entreprises, par exemple, souffre de délais clients très élevés, de soixante-quinze jours, alors que les fournisseurs doivent être payés plus rapidement, si bien que le solde de crédit interentreprises y est de quarante-cinq jours de chiffre d'affaires en moyenne. De même, les imprimeurs de magazine doivent régler leurs fournisseurs papier comptant dans les trente jours, alors qu'ils ne sont payés par leurs clients éditeurs que lorsque ceux-ci sont eux-mêmes payés par les messageries de distribution, parfois à cent-vingt jours.

Ce contexte général récent étant rappelé, j'en viens à l'objet du débat : l'impact de la crise sanitaire sur les délais de paiement des entreprises françaises.

Depuis le mois de mars, plusieurs alertes sont remontées au ministère de l'économie, des finances et de la relance sur la tendance de certaines grandes entreprises à se constituer une trésorerie de précaution, sur le dos de leurs petits fournisseurs, en allongeant les délais de paiement. Cette démarche de stock est compréhensible lorsque l'on sait qu'un quart des entreprises pourrait connaître une crise de trésorerie l'année prochaine. La situation sera alors d'autant plus critique qu'il faudra commencer à rembourser les emprunts, dont les PGE – prêts garantis par l'État – , et à payer les décalages de charges.

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