Le groupe Dem nous invite à débattre cet après-midi de l'allongement des délais de paiement et des mesures pour y remédier en temps de crise. Notre groupe avait travaillé sur cette question dans le cadre de la loi PACTE et formulé alors un certain nombre de propositions. Parmi celles-ci, figurait le renforcement des intérêts moratoires, notamment pour les personnes publiques, afin d'inciter au respect de ces délais. Nous proposions également une modification de l'ordre des créanciers privilégiés afin, au stade des procédures collectives, de favoriser les créances détenues par les TPE-PME, aux trésoreries plus fragiles. À l'époque, nos propositions n'avaient pas retenu votre intérêt mais, puisque vous nous proposez d'en débattre à nouveau, nous saisissons la balle au bond.
Avant même d'évoquer la situation actuelle, marquée par l'épidémie de covid-19, on peut identifier deux dynamiques opposées dans l'évolution des délais de paiement en 2019. Les délais de paiement des entreprises françaises restent au niveau observé depuis 2015 : les délais fournisseurs se maintenant à cinquante et un jours d'achat pour la troisième année consécutive et les délais clients représentant quarante-quatre jours de chiffre d'affaires, durée inchangée depuis 2014. Depuis l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie, ces délais ont diminué de deux jours en moyenne pour les TPE-PME et les entreprises de taille intermédiaire, tandis qu'ils ont augmenté d'une journée pour les grandes entreprises. Corrélativement, moins de la moitié des grandes entreprises règlent leurs fournisseurs sans retard, alors que plus de 70 % des PME respectent le plafond réglementaire.
Ces données fondées sur la taille des entreprises cachent néanmoins d'importantes disparités entre secteurs d'activité : les délais s'étendaient, en 2018, de six jours de chiffre d'affaires pour le secteur de l'hébergement et de la restauration à soixante-dix-huit jours pour le secteur de l'information et de la communication.
Si, depuis quinze ans, les délais de paiement ont diminué en moyenne de dix à quinze jours selon les secteurs, plusieurs d'entre eux présentent encore des délais de paiement moyen supérieur au délai légal de soixante jours. Dans le secteur des transports, qui comporte certes un délai dérogatoire de trente jours pour certaines activités, les délais effectifs sont ainsi très supérieurs à cinquante-cinq jours.
S'agissant des donneurs d'ordres publics, les délais sont tombés, en moyenne nationale, de 36 jours en 2011 à 14,9 jours en 2019 – année de bascule complète des dépenses de l'État dans le progiciel Chorus Pro – pour l'ensemble des dépenses, et de 45,1 à 19,4 jours pour la commande publique.
Toutes catégories de collectivités et d'établissements publics locaux et hospitaliers confondus, le délai de paiement moyen c'est très légèrement détérioré, de 0,6 jour. Le délai de paiement moyen des communes a très légèrement augmenté entre 2018 et 2019, de 20 à 20,2 jours ; le délai de paiement des départements est passé, dans le même temps, de 23 à 23,1 jours.
Cette dynamique de hausse, certes limitée, nous inquiète néanmoins, au regard de la forte diminution des ressources de ces collectivités, notamment des départements, en 2020. Les remontées des comptables publics sur le terrain montrent une dégradation des délais de paiement consécutive à l'assèchement de la trésorerie des collectivités. Durant l'examen du PLF pour 2021, nous avions alerté la majorité sur les conséquences de l'absence de compensation effective des pertes de recettes des collectivités locales : outre les conséquences inquiétantes sur l'investissement, cette dégradation de trésorerie aura une incidence évidente sur les délais de paiement et la situation des entreprises – nous devrons malheureusement attendre encore quelques mois avant d'en mesurer la magnitude. Monsieur le secrétaire d'État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, en temps de crise – puisque tel est l'objet de notre débat – , l'État doit pourtant préserver la trésorerie des acteurs économiques et des donneurs d'ordres publics locaux afin d'éviter les défauts en cascade.
S'agissant des relations entre entreprises elles-mêmes, nous constatons que les délais se dégradent, en particulier pour les plus importantes, avec un effet boule de neige tout au long de la chaîne de valeur. La situation des TPE-PME se retrouve d'autant plus incertaine qu'elles sont également les premières à se voir confrontées aux difficultés de paiement des particuliers. Monsieur le secrétaire d'État, quelles mesures entendez-vous prendre pour préserver la trésorerie de ces entreprises et éviter ainsi des cessions d'activités en cascade ?
Enfin, pour les entreprises qui se retrouveraient en procédure collective, le Gouvernement est-il désormais ouvert à une réforme de l'ordre des créanciers privilégiés, de manière à ce que les acteurs économiques les plus fragiles ne soient pas les plus pénalisés par la crise ?