Les fermetures administratives et l'application de protocoles sanitaires ont très fortement affecté les entreprises depuis près d'un an, on le sait. Cela a entraîné une autre menace pour notre économie et sa viabilité : l'allongement des délais de paiement entre entreprises, ce qui est, si j'ai bien compris, le sujet du jour.
Ces retards frappent la trésorerie des fournisseurs, qui peuvent à leur tour être incités à reporter le règlement de leurs factures et alimenter ainsi un dangereux cercle vicieux. Les conséquences sont négatives sur l'ensemble des filières : pertes d'emplois, déficit de compétitivité et d'innovation, risque de faillite pour les entreprises les plus fragiles. Alors que le crédit interentreprises atteignait déjà plus de 700 milliards d'euros en France avant le déclenchement de la crise du covid-19, il a encore gagné du terrain l'an dernier, au point de devenir une menace pour la pérennité de beaucoup de petites structures.
Le risque de défaillances en série est réel. Les délais de paiement, qui étaient en moyenne de onze jours sur les trois dernières années, sont ainsi passés à quatorze jours et demi fin septembre 2020, selon une étude de KPMG. Ce phénomène fragilise d'autant plus ces entreprises qu'il touche particulièrement des secteurs d'activité déjà fortement affectés par la crise, notamment la restauration et les cafés, on le sait. Face au risque d'effet domino, il faut mettre fin au cercle vicieux de l'allongement des délais.
Le groupe Libertés et territoires salue la réactivité du ministère de l'économie, des finances et de la relance, qui a adopté, depuis mars dernier, une démarche de sensibilisation des grands donneurs d'ordres, afin de les inciter à payer leurs sous-traitants et fournisseurs dans les délais. Certains donneurs d'ordres, à l'instar d'Action logement, RTE ou Michelin, mettent en place un paiement accéléré de leurs fournisseurs.
Par ailleurs, le Gouvernement a permis aux petites entreprises subissant des problèmes de trésorerie d'étaler leurs charges sur douze, vingt-quatre voire trente-six mois. L'objectif poursuivi est de redonner des liquidités à bon nombre d'entre elles, actuellement à court de trésorerie et attendant d'être payées par d'autres entreprises, elles aussi en difficulté.
Ces mesures s'avèrent d'autant plus nécessaires que les retards de paiement touchent toutes les catégories d'entreprises. Le retard moyen de paiement des PME a ainsi bondi de près de dix jours à près de dix-neuf jours, alors qu'en 2019, les délais de paiement étaient globalement d'autant plus élevés que les entreprises étaient de taille importante, selon le rapport annuel de l'observatoire des délais de paiement.
Si les mesures prises vont dans le bon sens, le groupe Libertés et territoires tient à rappeler que la France reste le seul pays européen à présenter des délais de paiement supérieurs à leurs niveaux pré-pandémiques, avec une hausse de 17 % depuis la mi-mars.
Par ailleurs, si la crise a amplifié les retards de paiement entre entreprises, n'oublions pas que ce cercle vicieux menaçait déjà avant l'épidémie. Depuis quelques années, ces retards ne se résorbaient pas et une légère hausse avait même été constatée en 2019. L'accompagnement des artisans et des dirigeants de TPE-PME reste essentiel : une meilleure compréhension de la réglementation et des solutions de financement leur permettrait de renforcer leur trésorerie et de ne pas être pénalisés par un déficit d'information.
En outre, nous appelons également à l'exemplarité de la sphère publique en matière de respect des délais de paiement. Nous soutenons ainsi la proposition de la CPME, qui demande à l'ensemble des ministères de signer la charte « Relations fournisseurs responsables » et d'adopter une stratégie en faveur de l'obtention du label relations fournisseurs et achats responsables.
N'oublions pas que les retards de paiement sont indissociables de l'endettement de nombreuses TPE-PME. La crise a en effet accentué la tendance de ces dernières années des entreprises à recourir au crédit pour financer leur trésorerie, en raison de taux d'intérêt très bas, plutôt que de chercher à générer de la trésorerie, puis à réduire les délais de paiement. Le prix garanti par l'État participe à cette logique qui n'est pas très saine sur le fond.
Enfin, les experts s'accordent à dire que l'amélioration de la situation économique attendue pour l'an prochain – nous l'espérons – ne va pas forcément réduire, à court terme, les retards de paiement. En effet, lors d'une reprise de l'activité, les besoins en trésorerie remontent, du fait des tensions liées aux besoins en fonds de roulement. Or, pour certaines entreprises, vont arriver les premières échéances de remboursement des PGE, cela vient d'être dit, ainsi que celles des reports de charges sociales et fiscales. Nous espérons, pour notre part, que les négociations du Gouvernement avec les banques pour un nouveau délai de remboursement des PGE aboutiront.