Tous ceux qui connaissent le monde de l'entreprise le savent et le déplorent : les délais de paiement sont une spécialité française dont on se passerait bien volontiers. Le groupe La République en marche remercie le groupe Dem d'avoir demandé l'inscription de ce sujet à l'ordre du jour de cette après-midi. En effet, s'il peut paraître trivial, certains de ses aspects sont décisifs pour la compétitivité des entreprises françaises.
Avec la meilleure volonté du monde, les gouvernements successifs ont tenté de résorber ces périodes de latence, dont l'accumulation, qui produit un effet boule de neige, atrophie les trésoreries. Pire, elles pénalisent doublement les petites et moyennes entreprises. C'est David contre Goliath : elles subissent des retards, imposées par le rapport de forces avec les grandes entreprises qui sont leurs partenaires. Une grande entreprise sur deux ne respecte pas les délais de paiement. Nos PME accusent le coup à chaque retard et s'en trouvent fragilisées.
Depuis la crise financière de 2008, les délais de paiement stagnent, après une amélioration au cours des années 2000 ; ils atteignent onze jours en moyenne, contre sept en Allemagne et quatre aux Pays-Bas. Loin d'être anodine, cette situation a des répercussions pénibles et profondes, non seulement sur la santé de nos PME et ETI – entreprises de taille intermédiaire – , mais aussi sur la philosophie de l'entreprise en France – sur ce que le haut-commissaire au plan appelle notre « esprit de conquête ».
En tant que femme d'entreprise, cofondatrice il y a vingt-cinq ans d'une PME familiale, je rejoins volontiers les rangs du cortège de responsables politiques et d'économistes qui appellent de leurs voeux l'émergence d'un Mittelstand français. Ce tissu d'entreprises familiales interdépendantes, spécialisées et en pointe dans leurs domaines respectifs, est une réalité outre-Rhin mais fait office de chimère en France. Or, comment voulez-vous que s'installent le climat de confiance en l'avenir, la coopération entre dirigeants d'entreprises et la sérénité nécessaires pour s'épanouir et prendre des risques, lorsque renflouer sa trésorerie avec ce qui est dû relève parfois du parcours du combattant ?
Conscients d'un problème structurel que la crise n'a fait qu'exacerber, plusieurs députés de la majorité, dont je fais partie, ont constitué, à l'été 2020, un groupe de travail sur les adaptations et simplification réglementaires. Les délais de paiement en sont ressortis comme un chantier prioritaire dans un contexte de crise et de relance, on l'avait constaté en 2008, et, malheureusement, on le vérifiera probablement avec 2020 : la crise favorise les retards, matériellement et psychologiquement, car grande est la tentation de conserver un matelas de sécurité lorsque la seule préoccupation est de survivre.
Afin d'identifier les cas urgents et d'éviter les défaillances en cascade, un comité de crise sur les délais de paiement a été créé dès le 23 mars et s'est réuni fréquemment. Bercy a rempli son rôle de gendarme quand il le fallait, en sanctionnant les donneurs d'ordres qui ne jouaient pas le jeu de la solidarité. Néanmoins, de nombreux indicateurs, qui témoignent d'une aggravation nette en 2020, conduisent à sonner l'alarme. Les indicateurs préliminaires dont on dispose mettent en lumière une augmentation importante des délais à l'été 2020 : la France serait le seul pays européen à ne pas avoir retrouvé son niveau d'avant-crise.
La reprise économique est une condition nécessaire de l'amélioration mais elle n'est pas suffisante. La visibilité et la confiance seront indispensables pour apaiser les relations entre clients et fournisseurs. Le cap est clair : le plan de relance remettra de l'huile dans la machine grippée par la baisse du PIB, afin de tenter de faire passer, avant la fin de l'année, le retard moyen de paiement sous la barre des dix jours. Il est urgent d'impulser une cadence régulière et d'encourager une véritable culture de la diligence dans nos relations commerciales.
La numérisation et la dématérialisation des factures constituent un passage incontournable de cette démarche, …