En effet : si l'on regarde les chiffres dans le détail, contrairement à certaines idées reçues qui ont la vie dure, on s'aperçoit que, depuis une dizaine d'années, les délais de paiement des services de l'État se sont considérablement améliorés : de 2011 à 2019 – ce qui recouvre plusieurs majorités – , au niveau national, le délai global de paiement en matière de commande publique est tombé de quarante-cinq à dix-neuf jours ; et, selon le dernier rapport de l'observatoire des délais de paiement, ils se sont encore améliorés de deux jours entre 2018 et 2019. Cette dynamique est le résultat d'une vraie prise de conscience et d'une amélioration des procédures de traitement des factures, en particulier par la numérisation.
Néanmoins, ces chiffres cachent des disparités fortes au sein du secteur public – là encore, je vous renvoie à l'intervention de M. Bernalicis – , et des retards importants demeurent dans certaines collectivités, notamment de grande taille. Cette situation n'est pas acceptable et appelle une correction car la puissance publique doit être irréprochable.
Depuis l'adoption de la loi de modernisation de l'économie de 2008, plusieurs réformes ont été engagées pour assurer un contrôle plus strict des délais de paiement et lutter contre les retards. Les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont toujours mieux ciblés. Les sanctions ont été renforcées et peuvent désormais dépasser 1 million d'euros dans les cas les plus graves. Elles sont par ailleurs systématiquement publiées. Voici d'autres chiffres : en 2019, la DGCCRF a contrôlé plus de 1 500 établissements ; à l'issue des contrôles, 271 procédures d'amende administrative, représentant au total 34 millions d'euros, ont été lancées ; depuis 2014, 1 186 amendes administratives, représentant au total 65 millions d'euros, ont été prononcées.
Au-delà des contrôles de la DGCCRF, le médiateur des entreprises apporte un soutien aux entreprises pour trouver des solutions amiables aux contentieux, en particulier à ceux qui portent sur les délais de paiement. Son action permet de rétablir et de faciliter le dialogue entre les entreprises. Les deux parties présentes lors de la médiation prennent un engagement juridique réciproque, aux conditions dont elles conviennent. Du fait de cet accord commun, dont les termes sont construits par les deux parties, l'accord est respecté dans la quasi-totalité des cas. Le médiateur des entreprises est saisi chaque mois de plus d'une soixantaine de demandes de médiation relatives à ces questions.
De toute évidence, la crise sanitaire, devenue économique, a eu un impact conjoncturel important sur les délais de paiement, pour trois raisons, dont la contribution a été plus ou moins équivalente : premièrement, la désorganisation de la chaîne de paiement, du fait du confinement et du télétravail, surtout au printemps dernier, car les entreprises n'étaient alors pas prêtes pour dématérialiser ces procédures et les traiter à distance ; deuxièmement, les difficultés financières de certaines entreprises qui ne pouvaient tout simplement pas payer leurs factures ; troisièmement, les pratiques délibérées de certaines entreprises qui souhaitaient anticiper et préserver leur trésorerie.
Pour éviter une dégradation des délais de paiement, nous avons pris des mesures fortes dès les premiers jours de la crise. La priorité a évidemment été d'aider financièrement les entreprises directement touchées par la crise, ce qui a contribué à éviter des retards de paiement trop importants. Il s'agit notamment des mesures permettant de soulager la trésorerie des entreprises.
Nous avons d'abord instauré les prêts garantis par l'État : plus de 130 milliards d'euros de prêts ont été contractés par les entreprises touchées. Nous avons constitué un Fonds de solidarité pour les entreprises des secteurs les plus touchés : près de 12 milliards d'euros leur ont ainsi été versés. Enfin, nous avons créé des dispositifs d'activité partielle, d'exonération et de report de charges.
Concernant plus particulièrement la question des délais de paiement, nous avons installé un comité de crise, présidé par les médiateurs des entreprises et du crédit. Depuis le mois de mars dernier, ce comité réunit régulièrement les organisations professionnelles, les chambres consulaires et la DGCCRF afin de détecter les signaux faibles et de les traiter. Ce comité de crise a permis de faire remonter les pratiques d'une quarantaine de grandes entreprises ou d'ETI qui ont délibérément ralenti les délais de paiement. Après l'intervention du médiateur des entreprises, les pratiques se sont normalisées. Dans le même temps, le comité de crise a valorisé l'action de seize grandes entreprises et ETI qui ont décidé, à l'inverse, d'accélérer les paiements pour préserver la trésorerie de leurs fournisseurs. Depuis plusieurs mois, le comité ne reçoit heureusement plus de signalements.
Ainsi, les différentes mesures prises par le Gouvernement ont permis de contenir l'impact sur les délais de paiement et d'éviter une dégradation trop brutale. Si la situation a été très tendue au deuxième trimestre, elle s'est plus ou moins normalisée au cours des derniers mois. En effet, après une multiplication par dix des demandes de médiation au cours du deuxième trimestre, les chiffres du quatrième trimestre montrent un retour à la normale. S'agissant des retards de paiement, les chiffres semblent suivre la même évolution : la situation tend à s'améliorer.
Cependant, au cours des derniers mois, le retard moyen s'est allongé de deux jours par rapport à l'avant-crise, effaçant les gains obtenus ces dernières années. Ces retards se sont notamment accrus dans les secteurs les plus touchés par les mesures prises pour limiter la circulation du virus.
Quant aux délais de paiement publics, ils ne semblent pas s'être allongés du fait de la crise. En effet, le nombre de cas signalés au médiateur des entreprises pour des problèmes de paiement d'organismes publics n'a pas évolué en valeur absolue au cours des derniers mois par rapport à l'année dernière. Ces données doivent encore être consolidées, notamment dans le prochain rapport de l'observatoire des délais de paiement, qui sera publié en mars prochain.
Au-delà des actions de l'État, une partie de la solution demeure entre les mains des entreprises, en particulier des plus grandes d'entre elles. Il faut en appeler à la responsabilité de chacun, en particulier à celle des grands donneurs d'ordres. Il n'est évidemment pas question que la crise devienne une excuse pour repousser des paiements et induire des retards risquant d'être fatals pour nos PME.
Nous sommes vigilants face à ce type de pratiques. Nous avons d'ailleurs demandé à la DGCCRF de poursuivre ses contrôles et de s'assurer qu'il n'y a eu aucun comportement inacceptable de rétention volontaire des paiements pendant la crise. Au cours des prochains mois, les grandes entreprises et les ETI ayant bénéficié d'un PGE seront ciblées dans le cadre du contrôle des délais de paiement, afin de vérifier que l'aide apportée par l'État a bien été utilisée pour payer les fournisseurs.
Lorsque la crise sera passée, il est capital que nous puissions retrouver très rapidement le niveau des retards de paiement observé en 2019, à savoir onze jours environ. Mais, au-delà, nous devons reprendre une dynamique de réduction de ces retards de paiement, pour passer, à l'horizon 2021, sous les dix jours.
Aux Pays-Bas, je le rappelle, les retards sont en moyenne de quatre jours ; en Allemagne, de sept jours. Même si la France fait désormais partie des bons élèves européens en la matière, les retards de paiement qui y sont pratiqués ne sont pas une fatalité. Il faut que le respect des délais de paiement devienne une véritable culture et « percole » au sein même des organisations.
La politique de publication du nom des entreprises faisant l'objet de sanctions en matière de délais de paiement, engagée en 2015, visait à sensibiliser les dirigeants des entreprises à cette question. Il faut maintenant que cette sensibilisation, cette culture du paiement dans les temps, imprègne toutes les strates de la chaîne de paiement. La dématérialisation du traitement des factures sera un levier complémentaire pour parvenir à une baisse des délais.
Je prendrai maintenant le temps de répondre à quelques questions qui m'ont été posées.
S'agissant des ménages, monsieur Wulfranc, …