Entré en France en janvier 2020, le coronavirus s'est diffusé au sein des EHPAD comme dans le reste de la population. Conformément aux décisions des autorités, et dans le but de protéger des personnes particulièrement fragiles face au virus, ces établissements comme les maisons de retraite ont été fermés au public pendant de longues semaines, privant nombre de nos aînés de contacts sociaux et familiaux. Pendant la crise, les personnes âgées auront finalement été peu entendues et peu visibles. M. le ministre des solidarités et de la santé a donc confié à Jérôme Guedj, en mars dernier, la mission d'identifier les leviers qui permettraient de combattre l'isolement des personnes fragiles. Celui-ci ne constitue pourtant pas un fait nouveau : ce sentiment de solitude, de relégation en marge de la société, est régulièrement exprimé dans le cadre de témoignages émouvants, et appelle une politique engagée d'inclusion globale et continue des personnes âgées.
Il ne faut plus considérer ces Français sous le seul angle de leur santé, mais envisager leur vécu, leurs souhaits, leurs attentes, afin qu'ils puissent vivre leur citoyenneté de manière pleine et entière. Dans ce but, le rapport de Jérôme Guedj, publié le 16 juillet 2020, formule une trentaine de recommandations organisées autour de cinq axes, en vue de structurer une politique de lutte contre l'isolement. Il propose entre autres de jumeler les EHPAD avec des écoles ou des clubs sportifs, de financer des équipements numériques, de généraliser l'organisation de solidarités de voisinage ou encore de créer des lignes téléphoniques départementales d'écoute, de soutien psychologique et d'orientation sociale. Toutefois, ces recommandations peuvent sembler presque utopiques dans un contexte de rationalisation des soins et de pénurie de personnels.
Ainsi, madame la ministre déléguée, au nom du groupe UDI et indépendants, je souhaite vous interroger au sujet d'un thème central : celui du ratio d'encadrement. En EHPAD, comme dans de nombreux services de soins, beaucoup d'agents ont le sentiment de ne pouvoir exercer leurs fonctions correctement, de bâcler leur travail, de ne pas accorder suffisamment d'attention aux résidents dont ils ont la charge. Les interactions de ces personnes âgées avec les soignants prennent la forme d'activités routinières, à l'encontre de la valorisation de leur autonomie. Le sujet revient fréquemment dans nos débats, notamment lors de l'examen annuel du PLFSS, car nos aînés ne veulent pas seulement vivre plus longtemps, mais tout simplement vivre mieux.
Le plan 2007-2012 « Solidarité grand âge » prévoyait la progression de ce ratio jusqu'à 1, c'est-à-dire un soignant par personne âgée. À ce jour, les objectifs affichés sont loin d'être atteints : selon la dernière étude de la DREES – la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé – , le ratio d'encadrement était de 0,6 en 2017. La plupart des établissements comptent au moins un poste vacant depuis plus de six mois ; ceux qui se situent dans des communes isolées sont souvent les premières victimes de ces difficultés de recrutement, et le besoin de médecins coordonnateurs y est criant. De plus, ce taux d'encadrement reste faible en comparaison d'autres pays européen : pour dix résidents, il y a dix soignants au Danemark, douze en Allemagne. Si les rapports publiés récemment, notamment celui de Mme El Khomri, font état de l'engagement et du dévouement du personnel soignant chargé d'accompagner nos aînés, il n'en est pas moins évident que l'épuisement professionnel et le manque d'attractivité de ces métiers, appellent une réponse claire et volontariste.
Madame la ministre déléguée, nos questions au sujet des EHPAD étaient sensiblement identiques il y a un an, le 8 janvier 2020, à la veille de la crise sanitaire. Pouvez-vous nous apporter des précisions concernant le calendrier du projet de loi « grand âge et autonomie », et nous indiquer quels efforts sont prévus en matière d'effectifs ? Tous les acteurs du secteur attendent ces réponses ; ce texte revêt aujourd'hui un caractère d'urgence absolue.