Ce début d'année est marqué par une note d'espoir : l'ouverture de la couverture vaccinale, visant en priorité nos aînés. Le vaccin vise à protéger contre les formes les plus graves de ce virus qui aura changé nos vies et demandé de nombreux sacrifices – que vous avez amplement évoqués, certains avec raison, d'autres en vous éloignant quelque peu des faits.
Il y a un an, nous ne connaissions rien de la virulence du covid-19, encore moins de sa mortalité. Nous débattons aujourd'hui de la situation dans les EHPAD au terme de deux périodes de confinement. Il est essentiel de le rappeler, car le contexte a profondément évolué à mesure que nous découvrions le virus et que nous apprenions à le connaître, à nous en protéger et, désormais, à le prévenir.
Le contexte est donc essentiel. Vous connaissez mon engagement pour que le contrôle parlementaire, mission essentielle du Parlement, s'effectue dans les meilleures conditions compte tenu du contexte dans lequel l'action publique a été menée. C'est d'ailleurs pour avoir conduit le contrôle parlementaire dans le domaine qui nous occupe, qu'après ma nomination aux côtés d'Olivier Véran, il m'a paru essentiel de tirer tous les enseignements de la première vague. S'agissant de nos aînés, nous devions examiner ce qui avait été fait et ce qui pouvait être entrepris au vu des éléments apparus depuis, pour mieux mesurer notre action et instaurer un nouvel équilibre entre la protection des aînés et une nécessaire liberté. C'est pourquoi, dès mon arrivée, le ministère a publié un premier protocole sanitaire, le 11 août, destiné notamment aux EHPAD, visant à anticiper une dégradation de la situation épidémique. Il s'agissait de mettre en alerte les équipes de ces établissements en cas d'apparition de clusters. Au milieu de l'été, au moment où l'épidémie semblait marquer le pas, nous recommandions à chaque établissement de s'assurer du strict respect des gestes barrières et des règles d'hygiène, de conserver une cellule covid-19 et de s'organiser pour gérer au mieux l'apparition de clusters.
J'entends trop souvent dire que l'État n'a pas anticipé la deuxième vague. Or, je peux vous l'affirmer : ce n'est pas vrai, en particulier en ce qui concerne les EHPAD. Les personnels, que je rencontre tous les jours, m'en ont d'ailleurs fait part : ils sont mieux aguerris et mieux préparés.
Je me suis particulièrement engagée pour défendre l'équilibre grâce auquel nous pourrions protéger nos aînés sans les isoler. Il s'agit de tout faire pour éviter la propagation de l'épidémie à l'intérieur des établissements, mais sans jamais nier une réalité incontestable : les personnes âgées sont des citoyens à part entière, pas des objets de soins. Lors de la première vague, alors que nous ne connaissions pas encore bien le virus, des décisions d'isolement strict en chambre ont été prises, au risque de provoquer les syndromes de glissement que vous avez évoqués et des pertes de chance. À l'époque, nous n'avions pas le choix : le virus frappait nos aînés sans leur laisser beaucoup de chances de s'en sortir, et nos connaissances scientifiques étaient très limitées.
Forts de ces enseignements, nous ne pouvions reproduire les mêmes instructions lors de la deuxième vague. Le principe de protéger sans isoler s'est alors imposé comme la seule ligne de conduite possible. À la rentrée, alors que les cas de contamination atteignaient des niveaux importants, et alors qu'un nouveau protocole, daté du 1er octobre, renforçait les mesures sanitaires, nous avons déployé ce principe dans une charte éthique définissant sans ambiguïté les droits des résidents en période de crise sanitaire et mettant l'accent sur la recherche du consentement des personnes et sur le maintien des liens avec leurs proches. Affirmer que les EHPAD sont des lieux de vie et d'hébergement était, de mon point de vue, un prérequis indispensable avant d'imposer de nouvelles contraintes pour la sécurité des résidents. Dans la gestion de la crise, j'ai été particulièrement attentive à conjuguer une modération dans l'élaboration des protocoles sanitaires avec la nécessité absolue de s'adapter à l'évolution de l'épidémie et à la disponibilité de nouvelles armes pour la combattre.
Dès lors qu'une de ces armes, à l'efficacité scientifiquement prouvée, est à notre disposition, je m'assure qu'elle est déployée en priorité vers le secteur du grand âge. C'est ainsi que, dès la fin des vacances de la Toussaint, quand les tests antigéniques sont arrivés, nous avons organisé une opération de dépistage massif auprès de tous les professionnels des EHPAD, avec des stocks fournis et financés en totalité par l'État. Nous avons ensuite systématisé cette action pendant tout le mois de décembre, avec une opération « coup de poing » de dépistage hebdomadaire de tous les professionnels d'EHPAD par tests antigéniques. L'État est le garant de cette opération pour laquelle, au total, 1,6 million de tests ont été livrés. Je sais que cette mesure a pu rencontrer une certaine réticence chez les professionnels – je peux évidemment les comprendre – , mais c'était l'une des garanties du respect de notre boussole : protéger sans isoler. En outre, je suis particulièrement attentive à ce que le rôle des proches aidants soit toujours pris en considération et à ce que les protocoles s'adaptent à la présence des aidants auprès des personnes âgées, dans le respect des mesures sanitaires.
À l'approche des fêtes de fin d'année, alors que nous avions fourni des efforts considérables, il n'était évidemment pas l'heure de relâcher notre vigilance ; il y allait de la situation sanitaire du pays. En revanche, il m'a semblé essentiel de trouver le juste équilibre, une fois encore, entre la sécurité sanitaire et la liberté, afin de permettre au plus grand nombre d'aînés de ne pas se sentir seuls et isolés pendant ce temps si particulier. Cette année, la période des fêtes était en effet – plus encore, peut-être, qu'elle ne l'avait été depuis longtemps – très importante pour les personnes âgées et leurs proches. J'ai voulu qu'un protocole spécifique à cette période soit publié pour sécuriser les visites, en autorisant les familles qui le souhaitaient à voir leurs proches, pour sécuriser le retour en établissement des aînés qui avaient passé un moment dans leur famille, sans les isoler en chambre, et enfin pour que des temps festifs soient organisés dans les établissements – je m'en suis d'ailleurs rendu compte sur place dans beaucoup d'endroits.
Outre les protocoles sanitaires, je me suis résolument engagée, pendant les six premiers mois de la crise, pour soutenir les établissements. Avec Olivier Véran, nous avons déployé un plan d'action ambitieux pour aider ceux qui souffraient de tensions en ressources humaines. Sans être exhaustive, je n'évoquerai que les principaux dispositifs qui ont été mis en oeuvre : recours à la réserve sanitaire ; mobilisation de 10 000 jeunes en service civique, notamment pour lutter contre l'isolement des personnes en établissements et à domicile ; déploiement et renforcement des astreintes gériatriques et sanitaires dans tous les établissements ; recours à des modalités de tarification spéciales pour inciter plusieurs dizaines de milliers de médecins libéraux à intervenir en EHPAD ; mobilisation des agences de Pôle emploi et des ARS pour identifier les besoins dans les territoires et y répondre – 10 000 demandes d'emploi ont été pourvues à ce jour.
Je ne me suis donc pas cantonnée à édicter des règles depuis Paris, mais suis venue au soutien du secteur du grand âge, aux côtés de ses acteurs, dans les territoires, au quotidien. Mon engagement a aussi concerné le financement des structures, avec une prise en compte des surcoûts supportés par les EHPAD pendant la période. Au titre de la seule première vague, nous avons mobilisé 200 millions d'euros pour couvrir les surcoûts dus au covid-19. Comme je l'ai annoncé, de nouvelles modalités de couverture des surcoûts seront prévues pour la deuxième vague. C'est avec le même état d'esprit que nous assumons une prise en charge des surcoûts liés à la campagne vaccinale dans les établissements, à la mobilisation d'infirmiers et de médecins, ainsi qu'à l'acquisition des équipements de protection nécessaires.
Avant d'échanger plus largement et plus précisément avec vous en répondant à vos questions, je voulais répondre aux affirmations erronées que j'ai pu entendre ces derniers jours à propos de la vaccination en EHPAD. Notre stratégie vaccinale se fonde – et s'est toujours fondée – sur les avis des scientifiques et des autorités sanitaires, et sur l'association, à laquelle j'ai toujours veillé, de tous les acteurs du grand âge. Forts de cette coconstruction, nous avons fait le choix de vacciner en priorité les personnes les plus vulnérables. Qu'aurions-nous entendu si nous en avions décidé autrement, avec le nombre de décès que vous avez tous rappelé ? Nous savons que les vaccins de Pfizer et Moderna protègent contre les formes graves, mais nous n'avons aucune certitude qu'ils agissent contre la contagiosité du virus ; il est donc inutile de commencer par les plus jeunes ou par les personnes ne présentant pas de facteur de risque, même si ce sont des soignants.
Nous voulons protéger les plus vulnérables en les vaccinant, mais il est hors de question de le faire hors de leur lieu de résidence. Il était inconcevable de demander à des personnes âgées en perte d'autonomie de se rendre, en plein hiver, dans des centres de vaccination. C'est pourquoi le vaccin est apporté jusque dans les EHPAD – naturellement, cela demande toutefois un peu plus de temps. Chaque EHPAD recevra des doses de vaccin dans les semaines à venir – cela a déjà commencé, comme vous le savez : toutes les dates des campagnes de vaccination sont déjà connues ; si ce n'est pas le cas, indiquez-le moi dans les plus brefs délais. Nous avons donc choisi d'offrir un environnement parfaitement sécurisé aux personnes concernées.
La vaccination n'est pas obligatoire, et doit résulter d'un libre choix. Pour les résidents des EHPAD ou des unités de soins de longue durée – USLD – parfois atteints d'Alzheimer, le recueil du consentement prend forcément un peu plus de temps, mais n'en est pas moins primordial. Il faut contacter les familles, qui souhaitent parfois être sur place au moment de la vaccination. Que n'aurait-on dit dans le cas contraire ? Je trouve donc intolérable qu'on juge ces procédures responsables d'une supposée lenteur de la campagne vaccinale, alors qu'elles découlent du bon sens et du respect de la personne, et qu'elles correspondent à ce qui est normalement prescrit pour tout acte médical.
Notre objectif est d'avoir proposé la vaccination à toutes les personnes âgées en EHPAD et en USLD, et de vacciner un million de personnes d'ici au début du mois de février. Notre montée en charge est exponentielle pour atteindre cet objectif.
Il est évidemment trop tôt, comme vous en conviendrez, pour dresser un bilan exhaustif des mesures prises pendant la gestion de la crise sanitaire. Celle-ci nous mettra encore à l'épreuve et nous mobilisera pendant de nombreux mois. Toutefois, l'évolution de notre réponse nous permet d'obtenir des résultats mesurables : alors qu'au pic de la première vague, un EHPAD sur deux était touché par un ou plusieurs cas de covid-19, ils n'étaient plus qu'un sur quatre environ au pic de la deuxième vague, et ne sont plus qu'un sur dix aujourd'hui, soit environ 700 clusters. Ce progrès est dû à l'apprentissage collectif tiré de la première vague – nous avons su nous préparer et nous adapter – , mais il tient surtout au dévouement quotidien des personnels des EHPAD, aides-soignants, médecins coordinateurs, personnel d'appui et infirmiers. Nous leur devons beaucoup, et nous ne cesserons de le répéter. Alors que 850 établissements étaient touchés au 24 décembre, la situation s'améliore, mais reste très fragile. Aussi, je resterai pleinement mobilisée pour lutter contre l'épidémie, sans jamais remettre en cause les principes intangibles que j'ai rappelés : protéger sans isoler.
C'est avec ces mêmes principes que le Gouvernement est déterminé à appliquer la réforme du grand âge et de l'autonomie, volonté érigée en priorité au terme de la crise sanitaire. Le Ségur de la santé comporte un plan d'investissement massif dédié à transformer profondément l'offre d'hébergement des personnes âgées.