Intervention de Didier Paris

Séance en hémicycle du jeudi 14 janvier 2021 à 9h00
Conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDidier Paris :

S'y ajoute, contre toute logique, le dépôt de soixante-trois propositions du président, qui ne sont rien d'autre qu'un manifeste politique, pour certaines sans rapport avec nos travaux, et qui n'ont jamais été discutées ni validées par la commission elle-même.

C'est sans doute la raison pour laquelle quelques-unes de ces propositions témoignent d'une curieuse conception de l'indépendance, comme celle, par exemple, visant à instaurer le droit, pour un parlementaire ou un élu local, d'effectuer une intervention volontaire dans un dossier judiciaire en cours, pour « éclairer » les magistrats. On appréciera cette conception de l'indépendance.

Le principe d'indépendance de la justice vise à garantir la possibilité de prendre des décisions à l'abri de toute pression ou instruction, émanant non seulement des pouvoirs législatif et exécutif, mais aussi, de manière plus contemporaine, de groupes sociaux, économiques, culturels ou encore des médias.

Nos travaux, à travers une cinquantaine d'auditions publiques et de nombreuses contributions, se sont attachés à faire un constat de la situation et à dresser des pistes d'amélioration. Que les choses soient claires : nous pouvons être fiers, en France, de notre justice et du travail de ses acteurs, magistrats, greffiers, fonctionnaires, sans oublier les auxiliaires indispensables que sont les avocats et nos forces de sécurité. Rien ne permet de soutenir sérieusement, au vu de nos travaux du moins, que notre justice ne serait pas indépendante et aucune des soixante-dix personnes auditionnées ne s'est plainte, en conscience, d'avoir été victime de pressions ou d'avoir eu connaissance de telles situations.

Toutefois, force est de reconnaître que notre justice est de plus en plus sollicitée pour son rôle régulateur de notre société et qu'elle encourt, à ce titre, critiques et suspicions, raisons pour lesquelles son indépendance doit encore et toujours être confortée. C'est le sens, au-delà des contingences de l'actualité, des quarante propositions que j'ai déposées en tant que rapporteur, toutes rigoureusement issues de nos travaux et validées à l'unanimité par les membres de la commission.

Elles visent à mieux garantir l'indépendance, grâce notamment au triptyque fondamental motivant la réforme constitutionnelle tant attendue : alignement du mode de nomination et du régime disciplinaire des magistrats du parquet sur celui des magistrats du siège, extension des pouvoirs du CSM et suppression de la Cour de justice de la République au profit des juridictions ordinaires.

Elles ont aussi pour objectif de permettre à l'autorité judiciaire de disposer de moyens adaptés à sa charge et de donner plus de respiration budgétaire et d'autonomie de gestion aux juridictions. Il faut ici relever l'augmentation historique du budget de la justice, qui commence manifestement à porter ses fruits, si j'en juge, exemple caractéristique s'il en est, par l'amélioration sensible de la situation du tribunal de Bobigny, relevée il y a quelques jours dans un grand quotidien du soir.

Elles ont enfin pour finalité de clarifier les remontées d'information, de garantir un meilleur contradictoire dans les enquêtes, tout en proposant une réflexion complémentaire sur la durée de celles-ci : plus globalement, elles entendent améliorer la transparence du système. Nous serons attentifs, monsieur le ministre, aux suites que vous voudrez bien donner à ce rapport, espérant qu'il ne finisse pas, comme tant d'autres, dans un placard.

Nous n'avons pas, cela étant, éludé les situations problématiques, dont certaines se sont trouvées exacerbées par nos travaux eux-mêmes – je pense en particulier aux remontées d'informations mal vécues au sein du parquet national financier – PNF – , aux zones d'ombre – pour ne pas dire plus – entourant la pratique des fadettes, au traitement des gardes à vue par le parquet de Paris lors des manifestations de gilets jaunes, ou encore à la question de l'impartialité de certaines décisions politiques dans la perspective que dessinaient les élections municipales de 2020.

Tout système contient ses brèches. Il est de notre responsabilité de parlementaires, chargés du contrôle de l'action du Gouvernement, de les relever ; il est de votre responsabilité, monsieur le ministre, de les colmater.

Alors que la demande de justice est plus forte que jamais dans notre société, qui n'a jamais eu autant besoin d'avoir confiance dans des institutions transparentes, les propositions de cette commission d'enquête n'ont qu'un seul but : faire en sorte que nos concitoyens aient la certitude que la décision du magistrat est juste, impartiale et qu'elle a été prise à l'abri de toute pression.

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