Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du jeudi 14 janvier 2021 à 9h00
Conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Le parquet se voit confier des prérogatives de plus en plus importantes ; il peut mener des enquêtes avec quasiment les mêmes pouvoirs qu'un juge d'instruction, sans le consentement de l'intéressé, avec la seule contrainte, parfois, du juge des libertés et de la détention – JLD. La loi de 2019, comme celle de 2016, accentue ce mouvement au profit du procureur, qui peut étendre ses enquêtes sans être obligé d'ouvrir une information judiciaire. La CEDH – Cour européenne des droits de l'homme – refuse le statut de magistrat aux procureurs. Si nous savons leur excellence sur le terrain et leur volonté de travailler dans l'impartialité, il faut toutefois revoir les procédures de nomination et de gestion des carrières pour les confier au CSM.

La deuxième observation est la suivante : il faut mettre un terme à l'enquête préliminaire qui peut durer des années et traduit un attachement du parquet à conserver l'entièreté du pouvoir, alors que l'information judiciaire ouvre le contradictoire. Un juge de l'enquête doit être créé – c'était une proposition de Didier Paris – , à même de recueillir les demandes des parties et de décider de la prolongation d'une enquête. Telle est la teneur des propositions nos 21, 29 et 31.

Troisième observation : les droits de la défense doivent être introduits au coeur de l'enquête préliminaire. Il est de plus en plus difficile d'admettre que le citoyen ne connaisse rien du dossier qui l'accuse, que la décision de mesures d'instruction intrusives pour les besoins de l'enquête, attentatoires à la vie privée d'une des parties et souvent à charge, ne puisse être conditionnée à un débat contradictoire. Il s'agit de réorganiser les rapports du parquet et de l'avocat, lequel doit devenir un acteur fort de la procédure.

Quatrième observation : l'indépendance et l'impartialité du magistrat dépendront d'abord de sa force personnelle et de sa détermination à résister aux influences venues de toutes parts. La diffusion d'une culture déontologique en soutien à cette impartialité est bien admise par les magistrats, à travers la réflexion générée par les déclarations d'intérêts qui doivent comporter des éléments d'information similaires à ceux demandés aux magistrats administratifs. Ce sont les propositions nos 9 et 10.

Les affaires pendantes du PNF posent la question des remontées d'informations : cela a été dit. Les propositions nos 24 et 25 traitent le sujet. Le taux élevé des plaintes classées sans suite interroge : il résulte des chiffres clés de la justice publiés en 2020 que 64 % des affaires reçues sont classées non poursuivables. La question de l'efficacité et de la protection attendue de la justice dépasse ici la question de son indépendance, mais participe de la défiance. Nous y reviendrons, notamment dans le projet de loi sur le séparatisme.

En conclusion, le pénal, dont il a été fortement question lors des auditions, ne doit pas nous faire oublier que la justice du quotidien – justice commerciale, prud'hommes, justice des mineurs, justice des pauvres dont parle si bien Pierre Joxe – , doit aussi être questionnée selon des préoccupations d'indépendance et d'impartialité. Monsieur le ministre, je pense que vous partagez notre analyse.

La responsabilité du juge, dont il a été peu question, et l'exigence qui entoure son office dès lors qu'il est source de droit, sont indissociables de celles de l'indépendance et de l'impartialité qui nous ont préoccupés dans le cadre de cette enquête. Je vous remercie, monsieur le garde des sceaux, des réponses que vous voudrez bien nous apporter.

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