Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du jeudi 14 janvier 2021 à 9h00
Conclusions du rapport de la commission d'enquête sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Je vais revenir sur les enquêtes préliminaires, preuve que, sur tous les bancs de l'Assemblée comme au sein du Gouvernement, on prend conscience que c'est sur elles que se focalise l'essentiel des critiques relatives à la procédure pénale française.

On reproche à ces enquêtes préliminaires de se dérouler sans aucun contrôle d'un juge indépendant – en dehors d'un recours marginal au juge des libertés et de la détention pour la mise en oeuvre de mesures spécifiques – , de durer autant que le souhaite le parquet, autrement dit potentiellement le pouvoir politique, ce qui conduit à une forme d'imprescriptibilité des affaires, soit à l'initiative politique soit à celle du magistrat, et enfin d'offrir au parquet un moyen de pression arbitraire et durable. On peut imaginer ce que cela donnerait dans le cas d'une majorité moins démocratique : on parle aujourd'hui de « gouvernements illibéraux » ici ou là : cela pourrait, hélas ! nous arriver aussi.

La procédure de l'enquête préliminaire n'est pas contradictoire. Elle est totalement secrète, sauf lorsque des indiscrétions qu'on a habilement fait fuiter dans la presse viennent à informer les citoyens alors même que l'objet de l'enquête n'est pas connu de celui qu'on va interroger… J'aurais d'ailleurs une proposition à ce sujet : si l'on ne pouvait pas faire autrement, les intéressés devraient, dès la première fuite dans la presse, avoir un accès total, complet et entier au dossier. Ce serait très dissuasif pour ceux qui seraient tentés de faire fuiter une information.

Outre ce déséquilibre, l'enquête préliminaire permet aussi d'entendre pendant des années et à plusieurs reprises des personnes suspectées, voire d'opérer plusieurs perquisitions sans qu'elles puissent savoir ce qui leur est potentiellement reproché, et ce au mépris de toutes les garanties qu'impose la protection des droits de la défense. Une telle situation expose la France à une condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme. La différence de traitement des suspects selon que l'enquête est menée sous l'autorité du parquet, qui ne bénéficie pas d'une indépendance totale, ou dans le cadre d'une information judiciaire respectueuse, elle, des droits de la défense, est édifiante – d'autant que l'orientation des dossiers non criminels est opérée à la seule décision du parquet. C'est donc avec beaucoup d'espoir que nous attendons un projet de loi capable de mettre enfin la France à la hauteur des droits de la défense qui devraient faire sa réputation.

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