qui nous a quittés le 28 mai dernier. Tous ici, nous avons souvenir en effet des belles séances qu'il faisait retentir de ses opinions, avec cette verve et cette culture qui lui étaient propres. Tous ici, nous avons en mémoire sa voix, sa haute silhouette, sa gestuelle d'orateur classique. Claude Goasguen fut député pendant vingt-cinq ans mais en réalité, il était taillé pour siéger au Sénat de l'ancienne Rome. Le droit romain constituait d'ailleurs pour lui une source d'inspiration vive et féconde. Assistant, maître-assistant, maître de conférences, recteur puis doyen de faculté, il enseigna sa vie durant l'histoire du droit. Et nous fûmes ici en quelque sorte ses derniers élèves quand, dans cet hémicycle qui devenait son amphithéâtre, l'universitaire qu'il était foncièrement resté replaçait le débat dans les perspectives longues et les problématiques élevées qu'il avait le talent de nous ouvrir.
Au printemps dernier, il venait de fêter ses 75 ans quand la maladie le frappa, lui, le fils de marin né dans cette petite Bretagne méditerranéenne qu'est un peu la rade de Toulon. Mais il restait flamboyant et passionné, comme il l'avait été tout au long de sa carrière politique. Tenté dans sa jeunesse par une forme d'activisme qui, sans doute, convenait à son goût de la bataille et du défi, il comprit que cette voie n'était pas la bonne et préféra s'engager sur le chemin de la vie élective. Suppléant de Jacques Toubon dans la dixième circonscription de la capitale, située dans les 13e et 14e arrondissements, Claude Goasguen devient député de Paris en 1993. Deux ans plus tard, le voici brièvement ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la citoyenneté. En 1997, il conquiert un nouveau siège de député dans la quatorzième circonscription de Paris, où il sera réélu quatre fois de suite.
Conseiller de Paris dès 1983, adjoint de Jacques Chirac qui l'appelait « il magnifico », maire du 16e arrondissement de 2008 à 2017, Claude Goasguen était aussi un acteur influent de la démocratie locale parisienne. Son dernier acte politique fut d'ailleurs de voter aux dernières élections municipales. Homme de droite, volontiers bretteur, Claude Goasguen pouvait être moqueur ou caustique, truculent et parfois désarmant, mais toujours il restait respectueux de ses contradicteurs. C'était le débat qu'il aimait, la fine controverse, le ballet des arguments et contre-arguments. Dans cet art il était passé maître, et sa maestria nous étourdissait.
J'ai évoqué sa présence dans l'hémicycle. Je voudrais aussi saluer son assiduité et son exigence dans les travaux moins médiatisés, mais pourtant si utiles et si nécessaires, des commissions. Claude Goasguen fut membre successivement de la commission des lois, de celle des finances et enfin de celle des affaires étrangères, ce qui montre la diversité de ses talents. Écouté et respecté de ses collègues, y compris de ceux qui ne pensaient pas comme lui, Claude Goasguen était si estimé qu'au lendemain de sa disparition, la commission des affaires étrangères lui consacra une séance d'hommage des plus émouvantes, à l'initiative de sa présidente Marielle de Sarnez qui vient de nous quitter elle aussi. Comme elle, Claude Goasguen scrutait la marche du monde avec curiosité et acuité, avec gravité aussi quand il s'agissait de déceler les menaces et d'alerter la représentation nationale. Ce fin connaisseur de l'histoire proche-orientale, devenu président du groupe d'amitié France-Israël, s'était mobilisé contre l'antisémitisme, allant jusqu'à porter symboliquement la kippa en salle des quatre colonnes par solidarité avec un concitoyen juif victime d'une agression. Ennemi de toutes les formes de persécution, Claude Goasguen défendit avec la même conviction et la même force la cause douloureuse des chrétiens d'Orient. Au plan international, cet amoureux de la parole et des mots militait aussi pour la francophonie, tissant des liens chaleureux avec nos cousins québécois. Patriotisme et ouverture au monde, chez Claude Goasguen, allaient de pair. Le français était pour lui la langue des libertés, qui convenait à merveille à son indépendance d'esprit, à son anticonformisme et tout simplement à son brio.
Pour faire taire un pareil tribun, il fallut qu'une pandémie nous frappe. Comme des dizaines de milliers de nos concitoyens, Claude Goasguen fut rattrapé par le coronavirus. Il connut les mêmes souffrances, les mêmes angoisses, l'hospitalisation et la réanimation. Claude Goasguen était un combattant. Pendant plusieurs semaines, il lutta vaillamment contre la maladie. Il pensait d'ailleurs l'avoir vaincue et se préparait à revenir parmi nous pour continuer d'exercer son mandat ; cette perspective le soutenait. Mais l'épreuve avait affaibli son coeur qui, le 28 mai 2020, cessa de battre. Lecteur de Cicéron, Claude Goasguen connaissait bien cet enseignement de la première Tusculane : « On envisage la mort avec sérénité si, au moment de mourir, on peut être fier de sa vie. » Oui, notre collègue pouvait partir fièrement, fort d'une existence tout entière vouée à son pays et à la République. Adieu, géant batailleur et tonitruant, dont le verbe manque à nos débats maintenant. L'Assemblée nationale se souviendra de lui longtemps.
À sa famille, à ses amis et à ses collaboratrices, au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.
La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.