La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
avant d'appeler l'examen des questions au Gouvernement, j'ai le chagrin de devoir évoquer la disparition de Marielle de Sarnez, qui, vous le savez, nous a quittés le 13 janvier dernier.
Comme moi, vous connaissiez la grande militante de la démocratie et de l'Europe qu'elle a été toute sa vie. Sa passion du bien public et sa détermination exprimaient au quotidien toute la profondeur de son engagement. Depuis 2017, à l'Assemblée nationale, Marielle de Sarnez était une députée respectée et assidue qui ne ménageait ni sa peine ni son temps pour s'investir dans les travaux de fond. Animée par une haute idée du débat démocratique, elle agissait de toute son ardeur pour faire vivre le contrôle parlementaire. Dans le contexte difficile que nous connaissons, marqué par le Brexit et la pandémie de covid-19, elle a présidé la commission des affaires étrangères avec exigence et dignité. Les membres de cette commission, je le sais, ont apprécié l'esprit dans lequel ils ont travaillé sous sa présidence, dans le respect des points de vue et de la liberté d'opinion. Oui, Marielle de Sarnez fut une grande présidente de commission ; sa disparition constitue une grande perte pour l'Assemblée nationale et, plus largement, pour la démocratie française et pour la consolidation de l'idée européenne.
À sa famille, à ses amis, à ses collaborateurs, j'adresse en votre nom les condoléances attristées de la représentation nationale. Je prononcerai bientôt son éloge funèbre. Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, je vous demande de bien vouloir observer, en mémoire de notre collègue disparue, une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Marielle de Sarnez, femme politique française, figure du centre, militante européenne, combattante de la justice et de la liberté, n'est plus. De la révolution ukrainienne à la transition démocratique en Tunisie, de la reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité par l'Union européenne au développement du programme Erasmus, de ses engagements en Syrie et en Irak à son analyse visionnaire des crises migratoires, de ses combats, aussi, comme élue de Paris, pour le logement des classes moyennes à la couverture du périphérique pour désenclaver la capitale, elle nous laisse d'abord une oeuvre politique. À une époque où beaucoup s'interrogent sur le rôle et la place des élus, le parcours et l'action de Marielle de Sarnez apporte des réponses. Elle était la politique.
C'est en portant l'action publique au plus haut degré d'exigence que Marielle de Sarnez a vécu son engagement de toujours au centre, de Valéry Giscard d'Estaing à Emmanuel Macron, ferraillant aux côtés de François Bayrou qui avait trouvé en elle un autre lui-même parce qu'elle aussi avait trouvé, en lui, un autre elle-même. Ensemble, ils ont permis à ce courant politique de vivre, de survivre aux tempêtes, de revivre, toujours au service du pays. L'affirmation de convictions profondes, tout en reconnaissant la légitimité de convictions contraires, même si on les combat, suscite le respect sur tous les bancs ; de toutes parts, les hommages ont été innombrables et unanimes comme rarement. Soyez-en tous remerciés.
Il arrive dans nos vies de rencontrer des personnes qui nous rendent meilleurs. Pour ceux qui m'entourent ici, c'est ce que fut Marielle de Sarnez, dans une sororité politique qui nous manquera tant désormais. À ses enfants dont elle était si fière, à ses petits-enfants dont elle parlait si tendrement, à tous ses amis comme à ceux qui furent ses adversaires, je veux dire qu'elle fait partie de ces êtres dont il émanait tant de lumière qu'elle continuera, telles les étoiles quand elles s'éteignent, d'éclairer encore longtemps nos chemins.
Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.
Permettez-moi de vous remercier de me permettre à mon tour, au nom du Gouvernement, de rendre à Marielle de Sarnez, devant la représentation nationale, l'hommage qu'elle mérite. Mes premières pensées vont à sa famille et à ses proches, à qui je veux dire toute mon affection dans ces moments douloureux.
Vous l'avez dit, monsieur le président, Marielle de Sarnez a joué un rôle important dans la vie politique de ce pays, particulièrement dans la pérennité de votre famille politique. Il fut un temps, en effet, où d'autres majorités que la nôtre, d'autres gouvernements que le mien, travaillés par la tentation hégémonique, ont cherché à inféoder le centre plutôt que d'en faire un allié.
Murmures sur les bancs du groupe LR.
En créant le MODEM avec François Bayrou, Marielle de Sarnez assurait l'indépendance politique du centre et du centre droit, une indépendance qui a permis à votre parti politique de jouer un rôle essentiel que nous n'oublions pas.
Si Marielle de Sarnez a été une grande figure du MODEM et du centre, elle fut aussi, tout simplement, une femme politique, et c'est également en cette qualité que je veux lui rendre hommage. Une femme de caractère, une femme de conviction, une femme de fidélité, une femme qui s'est engagée corps et âme dans le militantisme à une époque où les pupitres, les estrades et même, disons-le, les bancs de cet hémicycle, étaient essentiellement occupés par des hommes. Par son talent, par son travail et par la force de ses convictions, Marielle de Sarnez a quitté le fond des réunions publiques où elle aimait à se tenir pour occuper enfin le devant de la scène, notamment au Parlement européen où elle a siégé à partir de 1999 avant d'assurer, au sein de cette Assemblée, la présidence ô combien prestigieuse de la commission des affaires étrangères. Durant tous ses mandats, cette femme de conviction a toujours défendu son attachement à la construction européenne et à ce personnalisme démocrate-chrétien dont elle était, d'une certaine façon, l'héritière.
Rendons hommage à cette parlementaire exemplaire qui s'est battue jusqu'à son dernier souffle pour achever le rapport sur les politiques européennes face à la crise sanitaire. Oui, rendons hommage à cette femme qui n'est tombée face à la maladie qu'après l'avoir relu, signé et assumé jusqu'à la dernière ligne. Avec Marielle de Sarnez, monsieur le président Mignola, mesdames et messieurs les députés, votre famille a perdu une figure centrale, mais la République et l'Europe ont perdu une combattante de la première heure.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et SOC ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.
À mon tour, et au nom de mon groupe, je voudrais saluer la mémoire de Marielle de Sarnez. Pour ma part, j'aimais beaucoup son énergie et l'enthousiasme qu'elle avait pour l'Europe.
Monsieur le Premier ministre, la France est vingt-cinquième sur vingt-sept en Europe et trente-cinquième sur trente-sept au niveau mondial : nous sommes les derniers de la classe concernant le nombre de personnes vaccinées pour cent habitants. C'est un déclassement que nous ne pouvons accepter.
Depuis jeudi dernier, les bugs s'enchaînent. Vous dites recevoir 500 000 doses par semaine : nous aurions donc reçu 1,6 million de doses depuis le début du mois de janvier. Or seulement 480 000 Français ont été vaccinés. Où sont donc passées les doses ? Pire, vous annulez déjà les rendez-vous que certains avaient finalement réussi à obtenir vendredi et lundi dernier, après avoir passé des heures au téléphone ou sur leur ordinateur, alors que, sur la base de vos informations, il resterait 1,1 million de doses disponibles. Je vous repose la question : où sont passées les doses ?
Confirmez-vous que les cinq plateformes interrégionales attendent toujours les instructions de livraison pour une partie des doses qu'elles ont en stock dans leurs supercongélateurs ? Comment justifiez-vous la répartition inégale des centres de vaccination, avec zéro centre de vaccination dans certaines circonscriptions de plus de 100 000 habitants, par exemple dans le Puy-de-Dôme ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe GDR.
La France, l'Europe et le monde sont engagés dans une course extrêmement importante à la vaccination.
J'ai présenté devant vous, le 16 décembre dernier, la stratégie vaccinale retenue par la France.
Cette stratégie vaccinale se déploie. Vous ne pouvez pas juger de ses résultats au premier jour, …
« Eh non ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LaREM
… d'autant que nous avons toujours déclaré devant vous que la campagne débuterait par les publics les plus vulnérables, à savoir par les personnes résidant dans les EHPAD et dans les USLD – unités de soins de longue durée –…
Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR
… qui ont pour caractéristique d'être impossibles à déplacer. Il faut donc aller vers elles. De plus, leur consentement est particulièrement difficile et précieux à recueillir ;
Exclamations sur les bancs des groupes SOC et GDR
c'est ce que nous avons fait. Vous l'avez dit, madame la présidente, nous avons vacciné, à ce jour, 480 000 de nos concitoyens.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
La semaine qui s'est ouverte hier est extrêmement importante, puisque, comme nous l'avions prévu, la montée en charge de la vaccination s'accélérera.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Dans les EHPAD, nous avons pour objectif, grâce au travail de recueil des consentements, de vacciner 430 000 personnes.
Que nous auriez-vous dit si nous nous étions précipités et que le taux de personnes vaccinées avait été plus faible ?
Mêmes mouvements.
L'objectif de la vaccination est de convaincre et d'obtenir le taux de personnes vaccinées par catégorie le plus élevé possible.
Alors que l'appétence pour la vaccination n'est pas des plus élevées dans notre pays, comme vous l'aviez tous signalé lors des débats du 16 décembre…
… nous avons par ailleurs ouvert lundi la vaccination aux personnes de plus 75 ans, après l'avoir ouverte aux soignants de plus de 50 ans, le lundi 4 janvier.
À la fin du mois de janvier, comme nous l'avions annoncé, plus d'un million de nos concitoyens seront vaccinés. Vous le savez, nous sommes dépendants, comme les autres pays, du nombre de doses qui nous sont livrées.
Vous aurez ainsi observé que demain, alors que nous aurions dû, comme les autres pays européens, recevoir 520 000 doses du vaccin Pfizer, nous n'en recevrons que 320 000. Toutefois, cet écart sera rattrapé.
Il faut dire la vérité : cette vaccination est une opération de masse qui concerne le monde entier ; les capacités de production sont à bloc et la France en profitera au même rythme que les autres pays.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La répartition est faite selon des critères transparents ; plus de 800 centres sont ouverts dans notre pays.
Vous m'avez demandé pourquoi aucun centre n'avait été ouvert dans certaines circonscriptions. J'ai fait le choix, que j'assume, de déléguer la responsabilité de la gestion territoriale aux préfets de département, en lien avec les ARS – agences régionales de santé – et tous les élus locaux.
Exclamations sur les bancs des groupes GDR et LR.
C'est cela, la déconcentration que vous appeliez de vos voeux – et cela marche très bien sur le terrain.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Bien sûr, il y aura ici ou là des difficultés, mais je vous assure que notre politique vaccinale se déploiera au service de tous nos concitoyens.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Huées sur plusieurs bancs.
S'il vous plaît, chers collègues, un peu de calme.
La parole est à Mme Valérie Rabault.
Monsieur le Premier ministre, j'aurai trois remarques. Alors que la France reçoit le même nombre de doses que les autres pays, proportionnellement à sa population, nous sommes classés vingt-cinquième sur vingt-sept pour le nombre de vaccination pour cent habitants.
Nous sommes parmi les derniers ! Comment cela se fait-il ?
Deuxièmement, une course la montre a démarré, depuis qu'au moins deux variants sont arrivés dans notre pays. Si nous continuons ainsi, le nombre de contaminations montera jusqu'à 70 000 par jour et vous n'aurez d'autre choix qu'un nouveau confinement – peut-être, je ne sais pas. Il faut l'éviter.
Cette course contre la montre doit être menée tout de suite !
Enfin, s'il y a un million de doses dans les supercongélateurs, je vous demande de les libérer tout de suite et d'enclencher la vaccination.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LR ainsi que parmi les députés non inscrits.
Ma question s'adresse au secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, chargé de l'enfance et des familles, Adrien Taquet.
J'y associe ma collègue Alexandra Louis, qui a tout récemment rendu son rapport d'évaluation sur la loi de 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Depuis plusieurs jours, des témoignages affluent sur les réseaux, sous le hashtag #MeTooInceste. Ils libèrent la parole des victimes qui ont connu des abus sexuels dans la sphère familiale. Ces témoignages poignants nous rappellent combien la protection de l'enfance est une impérieuse nécessité.
On estime aujourd'hui à 6 millions – j'ai bien dit 6 millions – le nombre de victimes ; ce sont autant de vies marquées, traumatisées à jamais.
La loi du 3 août 2018, dite loi Schiappa, a renforcé notre arsenal juridique pour durcir la répression des viols sur mineurs de moins de 15 ans. Elle a aussi allongé le délai de prescription pour les crimes sexuels à l'encontre des mineurs, le faisant passer de vingt à trente ans. Le message est clair : c'en est fini de l'impunité.
Sur l'inceste, en revanche, le législateur a à chaque fois été contraint de reculer au nom de la sécurité juridique. Ce n'est plus possible. Les Français nous regardent.
Il nous appartient de rompre l'isolement des victimes, de les accompagner, de les protéger, de donner aussi aux témoins les moyens de procéder aux signalements.
Monsieur le secrétaire d'État, quelles actions ont été engagées pour briser ce tabou et traduire dans les actes une prise de conscience collective sur cette question cruciale ? Quelles mesures envisagez-vous pour renforcer la protection des enfants face aux abus sexuels, au sein même de la famille ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Petit également.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Madame Givernet, en avril 2019, en réponse à une question de Maud Petit, j'avais parlé d'inceste devant cette assemblée, appelant à briser le tabou. Nous y sommes et il faut nous en réjouir.
Depuis, avec l'ensemble du Gouvernement et les associations, nous avons travaillé sur la question des violences sexuelles faites aux enfants, conduisant à l'élaboration du plan de lutte contre les violences faites aux enfants de toutes natures – notamment sexuelles, notamment les incestes – du 20 novembre 2019.
Celui-ci vise à améliorer la formation des magistrats, à déployer les unités d'accueil pédiatrique sur l'ensemble du territoire pour recueillir la parole des enfants victimes, mais aussi à élargir le contrôle des antécédents judiciaires de toutes les personnes qui travaillent auprès des enfants, mesure élaborée notamment avec Roxana Maracineanu, au sein du Gouvernement. Ce plan, que vous avez voté l'été dernier, a en outre durci les peines encourues par les personnes visitant des sites pédocriminels, entraînant leur inscription automatique au fichier des agresseurs sexuels.
Il faut évidemment aller plus vite, plus loin, en formant davantage les professionnels en contact avec les enfants et en sensibilisant davantage les enfants eux-mêmes. Nous y travaillons avec Jean-Michel Blanquer, afin qu'ils deviennent les premiers remparts contre les menaces qui pèsent sur eux. Nous devons mieux prendre en charge les victimes.
Madame la députée, ce qui est en train de se passer dépasse largement les pouvoirs publics, le Gouvernement, les murs de cette assemblée, et nous interroge tous, individuellement et en tant que Nation. C'est collectivement que nous pourrons enfin briser le tabou et faire en sorte que le couvercle du déni ne se referme pas une fois de plus sur les violences sexuelles faites aux enfants et sur l'inceste. Nous devons affronter collectivement ce sujet dans sa complexité, dans son entièreté. Je pense notamment…
… aux enfants handicapés, davantage victime que les autres des violences sexuelles et de l'inceste, en particulier.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Les témoignages des jeunes affluent de partout et sont bouleversants. C'est Samia, étudiante en Seine-Saint-Denis, qui a basculé dans la prostitution pour survivre. C'est Marion, en décrochage scolaire, qui vit dans neuf mètres carrés et est devenue une habituée des banques alimentaires. C'est Yannis, manutentionnaire à Roissy, dont l'emploi intérimaire a cessé du jour au lendemain. C'est ce jeune anonyme que j'ai croisé en maraude. Ce sont ces invisibles qui sombrent dans la dépression et la pauvreté, ces étudiants isolés, sans job, condamnés à la vie par écran interposé.
Il ne suffit pas de constater, comme l'a fait Emmanuel Macron, que « c'est dur d'avoir 20 ans en 2020 ». Pour sortir de la formule, il faut sortir les jeunes de la galère et de l'angoisse. C'est un choix politique, celui du partage des richesses.
Nous le savons, des prix Nobel d'économie le clament : plus on aide les gens, plus ils sont aptes à sortir de la trappe à pauvreté. Ma question est concrète et se borne à une mesure d'urgence dans ce moment de crise sociale et sanitaire inédite : pourquoi n'ouvrez-vous pas le RSA – revenu de solidarité active – aux jeunes de moins de 25 ans ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.
Aujourd'hui, pour eux, c'est le no man's land. Quand on est jeune, aucun filet de sécurité n'empêche de sombrer. Ceux qui ne peuvent pas compter sur des parents suffisamment riches ou aidants sont tout simplement abandonnés. C'est une question d'égalité et d'autonomie de la jeunesse. L'exclusion des jeunes des minima sociaux est une exception française en Europe.
Il suffirait pourtant de revenir sur la suppression de l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – , et sur l'instauration de la flat tax, pour financer l'essentiel d'une telle extension du RSA.
Mêmes mouvements.
À la place, vous avez annoncé une usine à gaz, avec votre plan « 1 jeune, 1 solution ». Je traduis ce qu'il donne dans les villes de ma circonscription : 44 emplois proposés pour près de 20 000 jeunes. Non, il ne suffit pas de traverser la rue pour trouver un emploi. Comme le disait Nelson Mandela, « vaincre la pauvreté n'est pas un acte de charité, mais un acte de justice. »
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Vous avez raison, nos jeunes souffrent, nos étudiants souffrent et, évidemment, nous les accompagnons depuis le premier confinement, depuis cette rentrée universitaire et plus encore pour ce second semestre.
Nous avons revalorisé pour la deuxième année consécutive toutes les bourses sur critères sociaux.
Nous avons fait en sorte qu'ils puissent bénéficier de repas équilibrés deux fois par jour, pour un euro, dans les restaurants universitaires. Nous avons versé une aide exceptionnelle au mois de juin, puis une autre au mois de décembre.
Nous avons créé presque 22 000 emplois étudiants dans les établissements, pour que, justement, les jeunes qui ont perdu leur petit boulot puissent en retrouver un, et avec celui-ci, la possibilité de créer du lien.
Vous avez aussi raison sur un deuxième point. Nous devons repenser profondément notre système d'accompagnement, à cause d'une double difficulté : certains parents qui pouvaient aider leurs enfants ne le peuvent plus, dans ce contexte de crise économique ; certains étudiants qui travaillaient ont perdu leur emploi.
C'est pourquoi, vendredi dernier, lorsque nous avons reçu les conférences d'établissement et les associations étudiantes, le Premier ministre m'a demandé d'engager dans l'urgence une réflexion, afin de mieux accompagner ces jeunes dans les classes moyennes.
L'action a déjà été lancée : 700 millions d'euros ont été dégagés depuis le mois de mai, pour accompagner les jeunes les plus précaires. Ce n'est pas rien ; c'est beaucoup plus que ce qui a été fait sous d'autres quinquennats. Nous continuerons afin de trouver, pour chaque jeune, une solution.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je souhaite à mon tour rendre hommage, au nom de l'ensemble des députés du groupe Les Républicains, à la mémoire de notre collègue et amie, Marielle de Sarnez.
Applaudissements sur tous les bancs.
Sa disparition a suscité, bien au-delà de sa famille politique, une profonde émotion à la hauteur de la trace qu'elle laisse dans cet hémicycle, elle qui était si attachée au pouvoir du Parlement.
Marielle de Sarnez aura lutté avec infiniment de force mais aussi beaucoup de pudeur face à la maladie et son courage fut en tout point admirable.
Je veux aussi retenir ses combats politiques, que nous avons souvent partagés, la force et la constance de ses convictions, symbolisées notamment par son inlassable engagement européen, qui a façonné son parcours politique.
Je retiendrai enfin que Marielle de Sarnez fut une grande présidente de la commission des affaires étrangères, reconnue de tous
mêmes mouvements
pour son exigence, sa compétence, sa parfaite indépendance et sa hauteur de vue. La commission lui rendra d'ailleurs hommage demain matin.
Jusque sur son lit d'hôpital, elle aura exercé ses responsabilités et elle se sera battue pour remettre un remarquable rapport parlementaire, en décembre dernier, sur les dimensions européennes et internationales de la crise. Face à une pandémie mondiale, elle avait compris la nécessité absolue d'une réponse internationale coordonnée en matière sanitaire. Elle avait regretté, tout comme nous, la réaction trop tardive de l'Union européenne, qui doit se doter enfin d'une véritable autonomie stratégique.
Elle déplorait la faiblesse du multilatéralisme et le manque de coopération internationale illustrés par l'absence de transparence de la Chine, au moment de l'apparition du virus. Elle s'inquiétait également des risques pour l'Afrique, qui se sont hélas confirmés, avec l'identification du variant sud-africain du virus, particulièrement virulent.
Monsieur le Premier ministre, dans un contexte géopolitique aussi instable, que comptez-vous faire pour appliquer les recommandations du rapport de Marielle de Sarnez, afin d'amplifier la réaction internationale dans la lutte contre la covid-19 ? Les appliquer serait la plus belle façon de lui rendre hommage.
Les députés de tous les groupes se lèvent et applaudissent.
Je partage votre émotion et veux m'associer à l'hommage que vous venez de rendre à Marielle de Sarnez, dont l'engagement européen passionné se conjuguait avec un regard lucide sur l'Europe.
Je veux aussi souligner le talent avec lequel elle menait les travaux et les débats de la commission des affaires étrangères de cette assemblée depuis 2017, et je peux témoigner que, grâce à elle, nos échanges ont toujours servi notre diplomatie.
Dans un monde où les enjeux nationaux et internationaux ne cessent de se télescoper, pour le meilleur mais souvent pour le pire, une diplomatie forte est une diplomatie ouverte au débat et aux exigences des sociétés civiles. La diplomatie parlementaire a donc un rôle majeur à jouer, et Marielle de Sarnez y veillait, avec la rigueur intellectuelle et l'expérience politique que nous lui connaissions ; sa disparition est donc une perte immense pour notre diplomatie.
Marielle luttait contre la maladie avec un courage et une détermination que vous avez soulignés, et le rapport que vous venez d'évoquer n'en est que plus remarquable puisque rédigé dans les conditions que vous savez. C'est avec beaucoup d'intérêt et de passion que j'ai pris connaissance de ses conclusions, de la portée qu'elle voulait donner aux conséquences géopolitiques de la crise pandémique et des enseignements à en tirer.
Je suis tout disposé à venir devant la commission pour discuter de ce rapport, en particulier des trois enseignements majeurs qu'il recèle : la nécessité pour l'Europe de renforcer son autonomie stratégique, celle, pour le multilatéralisme, de soutenir plus avant les biens publics mondiaux que sont en particulier les enjeux sanitaires et les enjeux climatiques, enfin la nécessaire solidarité avec les pays les plus en difficulté – je pense en particulier à l'Afrique. Cela serait un bel hommage à lui rendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le ministre de l'agriculture, j'associe l'ensemble de mes collègues des départements des Landes, des Pyrénées-Atlantiques, du Gers et des Hautes-Pyrénées à ma question.
Depuis le 6 décembre dernier, nos départements, et la Chalosse en particulier, où je suis élu, sont frappés par une épizootie d'une violence sans pareille, hors de contrôle depuis le départ – c'est la troisième en cinq ans. C'est un drame humain, une catastrophe sanitaire et économique, qui touche des milliers de salariés et d'éleveurs –
MM. Jean Lassalle et Paul Molac applaudissent
M. Dominique Potier applaudit.
Monsieur le ministre, vous êtes venu sur le terrain et nous avons été sensibles à votre écoute. Vous avez pu mesurer combien forte était l'attente d'un engagement total de l'État pour procéder au dépeuplement et nettoyer les élevages, et à quel point il était indispensable, d'une part, d'accélérer les indemnisations pour l'abattage, d'autre part, d'ouvrir des perspectives d'indemnisation pour perte d'exploitation. Certaines de ces indemnisations nécessitent l'aval de Bruxelles, et nous comptons sur votre diligence pour engager des discussions avec la Commission européenne dans les meilleurs délais.
Au-delà de l'urgence, nous avons besoin d'envisager l'avenir et de tirer toutes les conséquences de la crise, sans parti pris, dans la transparence et en se gardant des mesures simplistes.
M. Jean Lassalle applaudit.
La charte de 2017 a-t-elle été correctement appliquée et faut-il en rester là ? Non. Nous avons besoin pour l'avenir d'un plan qui respecte l'élevage de plein air et tous les modes de production, la filière longue, la vente directe, sans exclusive. Si l'on peut se réjouir que les esprits convergent sur la réduction des densités avant Noël au profit de la production locale, d'autres sujets demeurent plus conflictuels – notamment la question des vaccins, qu'il ne faudra pas esquiver pour autant.
Pouvez-vous nous dire où nous en sommes du traitement de la crise, des négociations et de la mise en oeuvre des indemnisations ? Quelles sont les perspectives de reprise de la filière palmipède, selon quelles modalités et quel calendrier ? Comment l'État envisage-t-il l'avenir de cette filière ?
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LT.
Une épidémie d'influenza aviaire très sévère sévit actuellement dans notre pays. Plus de 300 élevages sont touchés, dans sept départements, dont les Landes, qui regroupent à elles seules près de 250 foyers.
Je voudrais par votre truchement saluer l'engagement de tous les parlementaires Fabien Lainé, Lionel Causse ou Jean-René Cazeneuve que j'ai rencontré dans le Gers comme je vous ai rencontré dans les Landes, il y a quelques jours.
Nous devons accompagner nos éleveurs face à ce terrible drame auxquels ils sont confrontés. Cela passe par trois axes. Il faut, d'abord, mettre tout en oeuvre pour contenir cette épidémie, ce qui implique malheureusement des abattages et des abattages préventifs : depuis le début de la crise, ce ne sont pas moins de 1 250 000 palmipèdes ou gallus qui ont été abattus, ce qui montre à l'ampleur des mesures de prévention. Une demi-douzaine d'abattoirs ont déjà été réquisitionnés, et il va nous falloir continuer pour limiter l'extension de l'épidémie.
En second lieu, les éleveurs touchés doivent bénéficier d'un accompagnement social et financier, et je salue à cet égard le travail accompli avec la Mutualité sociale agricole et les chambres d'agriculture.
Ayant tiré les leçons de la crise de 2016-2017, j'ai pris l'engagement de verser dès à présent, c'est-à-dire pendant la phase de dépeuplement, un acompte sur les indemnisations.
Enfin, nous devons étudier l'évolution de la crise et en tirer un retour d'expérience. Soyez en tout cas assuré que l'État sera, avec la représentation nationale, aux côtés de nos éleveurs.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem.
Grippe aviaire
Réapparu à la mi-novembre 2020, le virus H5N8 – dont il importe de préciser, compte tenu du contexte sanitaire, qu'il n'est pas transmissible à l'homme – s'est rapidement répandu en France, notamment dans mon département, les Landes, région qui regroupe la plus grande densité d'élevages avicoles.
Avec plus de 270 foyers, principalement dans les élevages de canards, la situation est extrêmement tendue et nous rappelle tragiquement la dernière épidémie de 2016-2017. À ce jour, plus d'un million de canards ont été abattus de manière préventive. C'est évidemment un drame sanitaire, économique, mais aussi humain.
Monsieur le ministre, vous êtes venu dans les Landes, le 8 janvier, à la rencontre des acteurs locaux mobilisés dans la gestion de cette crise ; je tiens à vous en remercier. Votre venue témoigne de la mobilisation du Gouvernement en faveur de la filière.
Lors de cette visite, vous avez annoncé de mesures concrètes, efficaces et rapides à appliquer : les abattages systématiques, la création de vides sanitaires et la réquisition d'abattoirs permettront d'endiguer rapidement le virus. En outre, vous avez annoncé l'indemnisation des agriculteurs pour le dépeuplement et le nettoyage des élevages, ainsi que le versement d'un acompte de 70 à 75 %. Ces mesures ont permis – et je le salue – de clarifier la situation et d'offrir la visibilité nécessaire au redémarrage de la production le plus vite possible.
Cependant, c'est la deuxième fois en quatre ans qu'une épizootie d'influenza aviaire touche la production agricole française.
La France représente les trois quarts de la production mondiale de foie gras, et 20 % des poulets landais sont vendus à l'export. Les conséquences économiques de long terme seront donc lourdes.
M. Jean Lassalle applaudit.
Afin de progresser dans la prévention de ces risques sanitaires, les parlementaires se tiennent prêts à réfléchir, à agir et à établir un retour d'expérience à partir de la gestion de ces deux crises successives, ce qui mériterait, selon moi, un espace de travail dédié au sein de notre institution.
Monsieur le ministre, pouvez-nous dire où en est la situation à ce jour ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je pense en effet qu'un travail conjoint entre le Gouvernement et la représentation nationale est nécessaire. À mon tour, je tiens à préciser de manière solennelle que, si cette influenza aviaire est fortement contagieuse chez les canards, elle ne l'est pas pour l'homme. Je le dis donc : continuez à manger du canard, du foie gras, du poulet et des oeufs, il n'y a aucun risque à déguster nos bons produits du terroir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – MM. Olivier Becht et Jean Lassalle applaudissent également.
S'il y a des conclusions à tirer de cette crise, c'est avant tout la grande solidarité de la filière, du Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras – CIFOG – aux vétérinaires en passant par les élus des Landes, du Gers, des Pyrénées-Atlantiques, des Hautes-Pyrénées, de la Vendée et des Deux-Sèvres, la mobilisation a été générale. Or, cette mobilisation face à l'incendie, elle doit se poursuivre au-delà, pour que tous, nous tirions ensemble les conséquences de la crise.
À cet égard, mon message sera très clair : notre modèle n'a pas à être remis en cause, et ceux qui prônent l'arrêt de l'élevage en plein air se trompent.
M. Loïc Prud'homme proteste.
La vraie question en revanche est de savoir si, lorsque cette influenza aviaire arrive, transportée par les oiseaux migrateurs qui traversent notre pays en provenance de l'Europe de l'Est du Nord, nos dispositifs de contrôle et de protection sont suffisamment performants. Or, force est de constater que ce qui avait été établi en 2017 allait dans le bon sens mais n'était pas suffisant.
Cent millions d'euros sont prévus dans le plan de relance pour la modernisation des élevages et des mesures de biosécurité. Cela doit nous permettre de réviser les dispositifs issus de 2017, ce que nous ferons collégialement, je m'y engage.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Au nom du groupe Libertés et territoires, je tenais également à rendre hommage à notre collègue Marielle de Sarnez, à son engagement et à ses combats menés avec sensibilité ; elle va beaucoup nous manquer.
Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement a décidé de reporter en juin les élections départementales et régionales initialement prévues en mars. La loi présentée par le Gouvernement reprend les principales préconisations du rapport remis par Jean-Louis Debré. Le conseil scientifique à son tour doit remettre au Gouvernement, au plus tard en avril prochain, un rapport sur la situation sanitaire et les risques liés à l'organisation du scrutin.
De nouveau, ces derniers jours, les médias évoquent un possible report, donc une possible annulation de ces élections. Pourtant, la démocratie ne peut être mise sous cloche : vous ne cessez de répéter, à juste titre, qu'il faut apprendre à vivre avec le virus, sur le long terme.
L'élection présidentielle américaine a pu avoir lieu, la Roumanie a organisé ses élections législatives en décembre dernier et le Portugal doit procéder, ce dimanche, à son élection présidentielle : la démocratie française serait-elle donc la seule à ne pas pouvoir s'adapter au virus et à ne pas pouvoir organiser ses élections ?
Des procédures doivent bien évidemment être dès à présent élaborées pour que ces scrutins se déroulent dans les meilleures conditions sanitaires, et il est nécessaire d'anticiper et de préparer ces élections dès maintenant car, si elles ne pouvaient se tenir, nous serions face un grave déni démocratique – Jean-Louis Debré a d'ailleurs mis en garde le Gouvernement contre un nouveau report.
Monsieur le ministre, prenez-vous l'engagement de tout faire pour organiser dans les meilleures conditions possibles ces prochaines élections ? Il faut mettre dès à présent en place un groupe de coordination entre les partis politiques et la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques pour prévoir le plus précisément possible les modalités des prochaines élections en période de pandémie : vous y engagez-vous ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Votre question me donne l'occasion de rappeler à la représentation nationale la position du Gouvernement concernant l'impact de la crise sanitaire sur les élections régionales et départementales prévues au mois de mars prochain.
Nous avons toujours été extrêmement clairs, d'une part sur le fait que notre décision se fonderait exclusivement sur des considérations sanitaires objectives, d'autre part, sur notre volonté de trouver le plus large consensus possible.
À cet effet, j'ai donné mission, dès le 23 octobre, au président Jean-Louis Debré de rédiger un rapport sur le sujet, et je tiens à saluer ici le travail de concertation approfondi des autorités politiques et scientifiques conduit par Jean-Louis Debré, dans des délais extrêmement rapides puisqu'il m'a remis son rapport dès le 13 novembre.
Fidèle à son engagement, le Gouvernement a repris strictement, dans le projet de loi adopté par le Conseil des ministres le 21 décembre dernier, les préconisations du président Debré, qui consistent à reporter les élections départementales et régionales de mars à juin ; à transmettre au plus tard le 1er avril de cette année un nouveau rapport du Conseil scientifique à la représentation nationale, pour qu'elle puisse souverainement évaluer les conséquences qu'il y aura lieu d'en tirer, compte tenu de la situation sanitaire à ce moment-là.
Le rapport de M. Jean-Louis Debré formule également plusieurs recommandations, notamment l'augmentation du plafond des dépenses électorales pour tenir compte de l'allongement de la campagne, et la reconduction de différentes simplifications adoptées pour l'organisation des élections municipales l'année dernière. Ce texte sera examiné dès demain en commission au Sénat et à partir du 3 février en commission à l'Assemblée nationale. Je ne doute pas que vous l'examinerez avec toute la sérénité nécessaire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Avant de lui donner la parole pour sa dernière question au Gouvernement, je remercie Mme Laure de La Raudière pour son engagement constant dans le travail parlementaire et je lui adresse mes voeux de succès dans ses nouvelles fonctions.
Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LaREM, Dem et LT.
Merci monsieur le président et mes chers collègues, mais il reste encore l'audition au Sénat demain…
Permettez-moi de m'associer, au nom de tous les députés du groupe Agir ensemble, à l'hommage rendu à notre collègue Marielle de Sarnez. Elle était une militante engagée dans la défense des valeurs européennes, combat que nous partagions avec elle. Tout en présidant avec talent la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, elle luttait avec courage et discrétion contre une maladie incurable. Nous avons tous été profondément émus de sa disparition et adressons toutes nos pensées attristées à sa famille et à ses proches.
Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance : loin de mes questions habituelles sur les enjeux numériques, variés et nombreux, je souhaite vous interroger sur le feuilleton Veolia-Suez qui dure depuis plus de quatre mois.
M. Jean Lassalle applaudit.
L'opération est toujours incertaine, comme en témoignent plusieurs décisions de justice qui l'ont bloquée.
Nous souhaitons tous que la solution réponde aux critères que vous avez vous-même posés : maintenir un niveau de concurrence satisfaisant permettant des prix compétitifs pour les Français, garantir l'emploi dans les territoires et disposer de deux champions puissants dans les services aux collectivités en France et en Europe. Hier a émergé la possibilité d'une solution alternative, avec le fonds Ardian. Monsieur le ministre, il est temps de revenir à une solution négociée et amicale, de prononcer en quelque sorte un cessez-le-feu entre les deux grands groupes. Nous connaissons votre volonté d'apaiser la situation et de protéger les milliers d'emplois qui sont en jeu. Que pensez-vous de la solution alternative qui se dessine avec le fonds Ardian ? Est-elle à même d'apporter les garanties nécessaires ? Lui apportez-vous le soutien de l'État ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Permettez-moi tout d'abord, à la suite du président Ferrand, de rendre hommage à la qualité du travail que vous avez effectué depuis 2007 comme députée avec la majorité, notamment sur les questions de technologies numériques. Grâce à vous, le statut de conjoint collaborateur a été renforcé dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite PACTE.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'était une avancée sociale majeure, dont je tiens à vous remercier une nouvelle fois.
S'agissant du projet Veolia-Suez, nos convictions restent les mêmes. Vous l'avez rappelé, ce qui compte dans cette affaire, c'est d'abord la préservation de l'emploi – 30 000 salariés sont concernés – , mais c'est aussi la qualité de l'offre industrielle et la préservation de la concurrence dans les métiers de la gestion de l'eau et des déchets. Nous resterons attentifs à ce que ces défis soient relevés dans le cadre de l'opération entre Veolia et Suez. Ma conviction profonde, que j'exprime depuis le début et que je voudrais rappeler ici avec beaucoup de fermeté, c'est que ces défis seront relevés si cette opération se fait dans un cadre négocié amical et durable. Je souhaite donc qu'elle s'inscrive dans ce cadre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, le 2 octobre dernier, le Président de la République a déclaré aux Mureaux : « Le problème, c'est le séparatisme islamiste. » Très bien ; mais que reste-t-il de ce discours auquel, à titre personnel, j'ai vraiment cru ?
Une fois encore, force de la parole présidentielle et faiblesse des décisions et des actes. Même le titre du projet de loi dont nous commençons l'examen n'y fait plus référence. Ça commençait plutôt bien, mais à l'arrivée, tous les sujets essentiels ont été gommés. À la place, on a un texte qui omet soigneusement d'aborder les principaux ferments du séparatisme : l'immigration, le voile et le monde carcéral, pourtant premier producteur de séparatisme et premier foyer de radicalisme.
Ce parti pris est politique, strictement politique. On pouvait espérer que les députés auraient été davantage associés à l'élaboration du texte, dans une sorte de coconstruction. Mais nous en sommes empêchés : plus de 25 % des amendements du groupe Les Républicains, concernant notamment la laïcité et la radicalisation, ont ainsi été déclarés irrecevables, sous couvert d'un juridisme pointilleux et d'un usage dévoyé de l'article 45 de la Constitution.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM. – Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean-Luc Mélenchon applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, à quoi sert une loi qui évite l'essentiel ? Nous avons été noyés sous une avalanche d'auditions, pendant cinquante heures, pour passer finalement à côté du coeur des problèmes, peut-être pour donner l'apparence d'un débat. En réalité, la discussion a été verrouillée, le Parlement méprisé devenant in fine une sorte de chambre d'enregistrement.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Quelle déception pour tous ceux qui croient en l'avenir de la République et voudraient que ses valeurs et ses principes soient vraiment défendus contre l'islamisme qui les ravage ! Que craignez-vous, monsieur le Premier ministre ? Que prévoyez-vous pour lutter efficacement contre le séparatisme islamiste qui nous attaque et nous menace chaque jour davantage ?
Mêmes mouvements.
En matière d'actes, je ne crois pas que le Gouvernement, même s'il peut toujours faire davantage, ait une quelconque honte de ceux qu'il a réalisés sous l'impulsion du Président de la République : dissolution du CCIF – Collectif contre l'islamophobie en France – , de Barakacity, du Collectif Cheikh Yassine et des Loups gris ; en un mois, fermeture de neuf lieux de culte sur les dix-huit que nous avions évoqués.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Le projet de loi ne peut être comparé avec ce qu'ont pu faire les gouvernements précédents. Même si vous évoquez la forme alors qu'il faudrait du fond, je sais qu'à la fin de son examen, le groupe LR, fidèle à sa cohérence politique, votera en faveur de ce texte.
Parce que le sujet, c'est l'extension du service public et du principe de neutralité aux délégations de transport ou aux piscines : êtes-vous contre ? Considérez-vous que c'est une mesure négative, qui n'apporte pas du bien à la République ? Pas de subventions à ceux qui prônent la subversion de la République ; pour la première fois, nous l'inscrirons dans la loi. Dissolution des lieux de culte et des associations, non pas en raison de liens avec le terrorisme, mais pour lutter contre le séparatisme. Déclaration des financements et opposition à ceux qui viennent de l'étranger : tout le monde en a parlé, personne ne l'a jamais fait ; nous le faisons à la suite du discours des Mureaux. Fin des certificats de virginité, pénalisation de la polygamie, fin des mariages forcés, qui concernent encore 200 000 personnes !
Nous avons encore plein de discussions à mener, compte tenu des 1 500 amendements déposés ; la commission spéciale a débuté leur examen hier. Dire que les débats sont tronqués, ce n'est pas être fidèle au bon esprit qui a régné hier soir jusqu'à deux heures du matin ; nous avons discuté des vêtements ostensibles dans l'espace public. Vous le savez bien, les courants de pensée sont très nombreux ; même dans le groupe LR, il peut y avoir des difficultés.
Je rappelle d'ailleurs qu'à l'époque, trente députés de l'UMP n'avaient pas voté pour la loi de suppression du voile à l'école !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et quelques bancs du groupe Dem.
Madame la ministre déléguée en charge de l'industrie, tout comme Bruno Le Maire, vous connaissez le poids économique de l'industrie pharmaceutique dans le département de l'Eure et dans la circonscription de Louviers.
Le groupe Sanofi, implanté à Val-de-Reuil, a annoncé la suppression de 400 postes à l'échelle nationale ; le secteur recherche et développement – R& D – serait principalement concerné par ce choix. Depuis des années, la puissance publique accompagne ces groupes industriels – l'industrie dans son ensemble – , en particulier pharmaceutiques, pour préserver l'innovation, l'emploi et l'investissement dans les territoires. En échange des aides d'État, des contreparties et des engagements sont actés.
Ce matin, sur le site de Sanofi de Val-de-Reuil, une grève a débuté. L'un de mes collègues, cinéaste amateur et imprécateur à ses heures perdues, est sur place. Au-delà des incantations de M. Ruffin pour véhiculer de faux espoirs et au-delà des mensonges qu'il profère, …
Exclamations sur les bancs des groupes LR et FI
… il revient au Gouvernement et à la majorité de s'adresser aux salariés et plus largement aux Françaises et aux Français, pour leur rappeler l'attention que vous portez madame la ministre déléguée, sous l'impulsion du Président de la République, au maintien et au développement de l'industrie pharmaceutique en France et, plus largement, au renforcement de la souveraineté industrielle.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et UDI-I. – Exclamations sur les bancs des groupes FI et LR.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie. Madame Panot, baissez le ton s'il vous plaît !
Je vous remercie pour cette question, qui va me permettre de redire que le Gouvernement sera très vigilant quant au respect de ses engagements par le groupe Sanofi, notamment celui qu'aucun départ contraint ni aucune suppression d'emploi ne résultera des recherches sur les vaccins. Je veux rappeler aussi l'engagement de Sanofi d'investir chaque année deux milliards dans la recherche et le développement en matière de santé.
Plus largement, alors que les industries de la santé ont connu des délocalisations importantes entre 2005 et 2015…
… c'est ce Gouvernement, sous l'impulsion du Président de la République, qui a obtenu que l'usine de vaccins de Sanofi soit implantée en France, à Marcy-l'Étoile, avec plus de 200 créations d'emplois. C'est ce Gouvernement qui est en train d'obtenir, en travaillant avec Sanofi, qu'une production de vaccins contre la covid-19 soit effectuée par Sanofi pour le compte d'autres solutions technologiques, alors que Sanofi poursuit sa R& D. C'est également ce Gouvernement qui a mis en place le comité stratégique des industries de santé, pour rendre plus attractive la France en la matière. C'est ce qui explique que la France est l'un des rares pays à pouvoir revendiquer la production de quatre vaccins sur les six qui ont été sécurisés dans l'Union européenne.
Voilà du concret, bien loin des agitateurs qui sont de tous les combats mais d'aucune lutte, ceux qui nous demandent de monter des réunions à Bercy pour des entreprises et ne daignent même pas y venir avec les organisations syndicales.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance, la commission d'enquête pour mesurer et prévenir les effets de la crise du covid-19 sur les enfants et les jeunes a adopté à l'unanimité quatre-vingts propositions visant à une véritable prise en compte de leurs droits et de leurs besoins dans les politiques publiques en période de crise.
Si les enfants sont pour l'instant peu touchés par la pandémie, leur vie quotidienne et leur rapport aux autres ont été bouleversés. Les auditions ont révélé des conséquences physiques liées à la fermeture des cantines et à l'arrêt des pratiques sportives, mais aussi la suspension des vaccinations ou du suivi médical.
La situation des enfants dont les familles sont placées en hôtel social est particulièrement inquiétante, y compris en ce qui concerne la continuité pédagogique ; mais l'alerte porte aussi sur les conséquences psychiques de cette période sur les enfants, pointés en début de crise comme porteurs du virus, coupés de leurs écoles et donc de sociabilité, voire victimes de tensions intrafamiliales.
Plusieurs points d'alerte sont remontés durant les auditions, face à la gestion de cette crise : le nombre de pédopsychiatres a diminué de 50 % depuis 2006, pour atteindre seulement 600 professionnels ; les PMI – protection maternelle et infantile – n'ont pas toujours pu poursuivre leurs activités pendant le confinement et les disparités territoriales perdurent ; la médecine scolaire connaît une situation difficile : un médecin pour 12 500 élèves, un infirmier pour 1 300 élèves ; quant aux psychologues, chacun accompagne 1 600 élèves.
Si les personnels de l'aide sociale à l'enfance se sont mobilisés auprès des enfants, cette crise a montré que l'État doit jouer un rôle accru, pour assurer partout l'égalité des droits.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite connaître votre avis sur les propositions de la commission d'enquête, notamment sur la présence d'un pédopsychiatre au Conseil scientifique, sur le soutien au service de la protection maternelle et infantile à hauteur de 100 millions d'euros, sur le renforcement de l'attractivité des professions du secteur médico-social scolaire et sur la création d'un observatoire de l'enfance et de la jeunesse.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
J'ai pris connaissance avec beaucoup d'attention et d'intérêt du rapport de la commission d'enquête, par laquelle j'ai d'ailleurs été auditionné. Je salue sa présidente Sandrine Mörch et de l'ensemble des membres de cette commission, dont la contribution est fondamentale pour appréhender les difficultés auxquelles nos enfants ont été confrontés et continuent d'être confrontés.
Les chiffres qui commencent à parvenir des différents CHU – centres hospitaliers universitaires – montrent que les violences ont augmenté, en dépit de la vigilance de tous et de l'augmentation des appels au 119. Un certain nombre de signaux faibles nous avaient déjà inquiétés. Les enfants vivaient effectivement une perte de repères depuis le confinement, avec une scolarité bousculée, une sédentarité forcée, une alimentation parfois déréglée, notamment du fait de la fermeture des cantines.
Les parents ont dû faire face. Ils ont pu compter sur la CNAF – la Caisse nationale des allocations familiales – , dont je salue les initiatives, sur beaucoup d'associations d'aide à la parentalité et sur les mesures mises en place par le Gouvernement. On parle beaucoup de burn-out parental en ce moment et c'est un enjeu qui est encore devant nous.
Et la crise a, bien évidemment, également des conséquences psychiques. Nous le constatons sur chacun d'entre nous, qui sommes adultes : la crise commence à peser sur notre moral. Dès le mois de novembre dernier, j'ai réuni un ensemble de pédopsychiatres, notamment de l'hôpital universitaire Avicenne, en Seine-Saint-Denis : ils nous font part de l'augmentation d'un certain nombre de troubles anxieux et de troubles du comportement alimentaire.
En réaction à cela, Olivier Véran a annoncé, dès le 5 janvier 2021, l'amplification de la feuille de route pour la santé mentale et la psychiatrie, présentée par Agnès Buzyn en 2018 : est notamment prévu un renforcement des moyens de la psychiatrie à hauteur de 60 millions d'euros, dont 20 millions seront consacrés à des projets relevant de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent.
Le Président de la République a également rencontré la semaine dernière, en ma présence, ces mêmes pédopsychiatres, ainsi que la présidente de la Société française de pédiatrie. Il a annoncé la tenue, avant l'été, d'assises de la psychiatrie et de la santé mentale centrées sur les enfants. Il a également appelé à une réflexion sur le remboursement des consultations des psychologues libéraux ainsi qu'au renforcement de la médecine scolaire, pour, là encore, mieux détecter et accompagner les souffrances.
Depuis près d'un an, les soignants et les maires sont au front pour lutter contre l'épidémie de covid-19. Mais, si nous sommes en guerre, alors c'est bien piètrement que vous les avez armés. Tout leur a manqué : les masques, les tests, les lits, et désormais, nous manquons de doses de vaccin.
M. le Premier ministre fait des signes de dénégation.
En effet, alors que la vaccination de la population est absolument cruciale pour sortir de la crise, on constate chaque jour le degré d'impréparation et d'approximation du Gouvernement dans sa campagne vaccinale. Pourquoi devoir en quelques jours mettre en place sur le terrain des plateformes pour trouver des soignants et régler des détails logistiques qui auraient dû être discutés et réglés par les agences régionales de santé il y a trois mois ? Sur les supercongélateurs ou sur les aiguilles, l'approximation règne.
Après le fiasco des premiers jours de la campagne, où la France a été la risée de tous, seulement 10 % des résidents des EHPAD ont finalement été vaccinés. Nous nous retrouvons désormais dans la débâcle des prises de rendez-vous : plateforme saturée, rendez-vous annulés, soignants et Français désemparés – sans parler des livraisons des doses qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.
Les élus ont répondu à l'appel en se mobilisant sans relâche pour ouvrir plus de 800 centres, mais ils attendent les 500 000 doses promises par semaine. Par exemple, à Mayotte, directement touchée par le variant sud-africain, aucune dose du vaccin n'a été livrée.
Comble du comble : alors que nous n'avons pas assez de doses, nous risquons d'en perdre entre 25 % et 30 % en raison de problèmes logistiques.
M. Frédéric Reiss approuve
Ce gâchis est insupportable. C'est pourquoi, plutôt que de jeter les doses en fin de journée, nous vous proposons d'instaurer une réserve de volontaires qui serait prête à se faire vacciner juste avant la fermeture des centres, au cas où il reste des doses. Cette réserve permettrait d'utiliser chaque dose, de n'en jeter aucune, parce que chaque dose est un pas de plus vers l'immunité collective et vers un retour à la normale. Monsieur le ministre, quand allez-vous mettre fin aux atermoiements de votre stratégie vaccinale ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
La réussite de la vaccination se fera main dans la main avec les maires, avec les élus locaux, dont vous avez salué l'engagement : le Gouvernement partage votre conviction. Depuis la fin du mois de décembre, par l'intermédiaire notamment des cellules départementales de vaccination, nous avons demandé aux maires de proposer des lieux adaptés à l'ouverture des centres vaccinaux et de prendre l'attache des personnes vulnérables concernées par la nouvelle étape de vaccination, qui a débuté hier pour nos concitoyens de plus de 75 ans. Je tiens à les remercier d'avoir contribué, grâce à leur expertise de terrain, à l'ouverture de plus de 800 centres à ce jour. Le Gouvernement sait pouvoir leur faire confiance et compter sur leur mobilisation.
Les maires auront également un rôle important à jouer s'agissant du transport des personnes vers ces centres de vaccination. Le ministre des solidarités et de la santé Olivier Véran a eu l'occasion de réaffirmer ce principe auprès du président de l'AMF – l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité : François Baroin.
Depuis le démarrage de la campagne vaccinale, le Gouvernement a fait preuve de transparence sur les approvisionnements : nous avons transmis aux élus locaux, par l'intermédiaire des associations d'élus, des préfets, des directeurs généraux d'ARS, les nombres de vaccins, les lieux, les dates de livraison dans les établissements pivots.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Je peux regretter, tout comme Olivier Véran l'a fait ce matin, qu'effectivement un certain nombre d'élus locaux aient ouvert davantage de créneaux qu'il n'y avait de doses vaccinales à leur disposition, ce dont ils avaient connaissance. Il s'agit soit d'approximation, soit d'impréparation, à moins que cela soit pour lancer des polémiques, ce que je ne saurais croire. Notre stratégie de vaccination tient compte de l'arrivée progressive des doses.
Nous travaillons au plus près des gens, notamment avec les maires, et cela fonctionne.
Madame la députée, vous dites que nous allons perdre 20 % à 30 % des doses, notamment dans les EHPAD : c'est une contre-vérité. Quand il reste des doses dans les EHPAD ou dans les hôpitaux, elles ne sont pas jetées : les soignants, même s'ils ne sont pas dans la cible, sont vaccinés en fin de journée.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Faisons confiance aux élus locaux, faites confiance aux professionnels de santé dans les établissements pour organiser la vaccination.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, permettez-moi d'associer à ma question les quarante députés du groupe La République en marche qui ont pris, en décembre dernier, sous l'impulsion de Cécile Rilhac, l'initiative de porter le Grenelle de l'éducation au niveau local.
La communauté éducative, les enseignants en premier lieu, fait preuve au quotidien d'un engagement sans relâche, sans compter, sans faille. Permettez-moi de les féliciter. La consultation que nous avons menée l'été dernier avait confirmé cet engagement : 70 % d'entre eux sont fiers d'être enseignants et 72 % prennent plaisir à faire leur travail. L'objectif était simple : donner la parole aux parties prenantes aux quatre coins du pays, dans les outre-mer, aux Français de l'étranger aussi, et construire des propositions. Nous vous remettrons, avec plusieurs collègues, le carnet de propositions issues de ces échanges avec ces quelque 1 000 acteurs.
Les participants ont cependant alerté sur une rupture de confiance avec l'administration centrale, dont les injonctions sont interprétées comme autant de freins à une collaboration active et à un pilotage renouvelé. Ce matin encore, une enseignante me faisait part d'une ambivalence : ma priorité, disait-elle, c'est de m'occuper de mes élèves, d'avoir des super-cours, de mener des super-projets, de travailler avec les professionnels du terrain ; mais alors que les rencontres dites de projet sont interdites, il faut tout de même se réunir pour de la paperasserie administrative et réaliser un auto-audit Qualéduc pour faire plaisir à l'administration.
Dans ce contexte, il n'est pas étonnant que seuls 6 % des enseignants apprécient le système éducatif français, que 13 % aient confiance dans leur hiérarchie. Les leviers d'action sont nombreux : accompagnement, écoute, compte personnel de formation, synergie avec l'extérieur. Il s'agit de valoriser les compétences de chacun, de permettre aux professeurs d'évoluer dans leur métier en étant acteurs de leur formation.
Les Grenelle locaux ont révélé un foisonnement d'idées : il faut les appliquer avec exigence. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire comment vous allez agir pour que la communauté éducative soit considérée à sa juste valeur, pour lui permettre de remplir pleinement ses missions, d'instruire, de faire des citoyens de notre République ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député, je veux d'abord vous remercier pour le travail considérable accompli avec Mme Cécile Rilhac et les dizaines de parlementaires qui se sont associés à vous, et plus généralement les milliers de personnes qui ont participé à ce travail de consultation. Même si j'ai connu les étapes de ce travail, je suis pressé d'en lire les conclusions : cela traduit bien sûr une volonté, dont nous devons faire quelque chose de grand.
Cette volonté, c'est d'assouplir notre système, de donner plus de liberté aux acteurs, aux professeurs, mais aussi aux autres personnels. Je ne souhaite pas que l'on caricature le système actuel en pachyderme préhistorique, ce qu'il est parfois facile de faire : je n'utilise jamais le mot correspondant, parce que je pense que la page est tournée. La crise le montre. Je veux à cet égard rendre hommage à ce magnifique service public de l'éducation nationale, qui peut nous rendre fiers dans toute l'Europe de ce qu'il est en train de faire en ce moment.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Mais il peut faire encore mieux, plus, en encourageant ses acteurs. C'est le sens du travail que vous avez mené. Nous allons l'utiliser dans le cadre du Grenelle de l'éducation, qui en arrive à sa dernière étape. Comme chacun le sait, il s'agit notamment de revaloriser la rémunération des professeurs : nous avons commencé à le faire grâce au soutien du Premier ministre sur le budget pour 2021. Celui-ci nous permet d'avoir une prime informatique et de valoriser les plus jeunes : à partir du mois de mai, les plus jeunes des professeurs verront 100 euros de plus sur son bulletin mensuel. Nous continuerons en 2022.
Cette approche dans le temps nous donne aussi la vision qualitative de ce qui se passe en matière de ressources humaines. Il est possible que ces travaux conduisent à une révolution des ressources humaines de l'éducation nationale, dans un sens bénéfique à tous les acteurs, et donc à tous les professeurs et tous les personnels. Le bien-être des professeurs et des personnels, ce sera la réussite de nos enfants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Davantage de professeurs, voilà ce qui permettra la réussite des enfants !
Ma question était initialement destinée au ministre de la santé, mon confrère Olivier Véran, et, en son absence, je vous l'adresse, monsieur le Premier ministre, car c'est vous qui avez présenté la stratégie vaccinale aux Français. Trois millions de personnes ont contracté le virus SARS-CoV-2 dans notre pays. Or, en échangeant avec les professionnels de santé qui sont quotidiennement à leur contact, j'ai réalisé qu'aucune directive claire s'agissant de leur vaccination n'émanait du Gouvernement, des autorités sanitaires, ou encore de leurs sociétés savantes.
Les médias ne se font pas davantage l'écho d'une stratégie en la matière, incapables de transmettre la moindre information à la population sur cette question. C'est tout juste si, après de longues recherches, j'ai pu trouver, la semaine dernière, le 14 janvier, un vague paragraphe publié sur le site du ministère de la santé. Il y est question des recommandations de la Haute Autorité de santé, selon laquelle « il n'y a pas lieu de vacciner systématiquement les personnes ayant développé une forme symptomatique de la covid-19 », même si « ces personnes doivent pouvoir être vaccinées si elles le souhaitent ».
Si la stratégie vaccinale manque de clarté, c'est le moins que l'on puisse dire, elle est carrément obscure s'agissant de ces 3 millions de personnes, soit tout de même près de 5 % de la population française. C'est pourquoi, je vous demande, monsieur le Premier ministre, de bien vouloir préciser à la représentation nationale, et ce faisant à l'ensemble des Français, la position du Gouvernement et des autorités sanitaires s'agissant du protocole de vaccination applicable aux personnes ayant déjà contracté le SARS-CoV-2. Cela paraît d'autant plus urgent que l'apparente et avérée insuffisance des doses, ainsi que les difficultés de leur acheminement, imposent d'établir des priorités selon des critères médicaux clairement établis et diffusés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
La stratégie vaccinale du Gouvernement, vous l'avez rappelé, se fonde sur les recommandations de la Haute Autorité de santé, notamment sur le degré de vulnérabilité des personnes face au virus. C'est la raison pour laquelle, dans un premier temps, ce sont les résidents des EHPAD qui ont bénéficié de cette vaccination, ainsi que les personnels soignants qui officient auprès de ces populations vulnérables. Dans un deuxième temps, depuis hier, nous avons élargi cette possibilité à nos concitoyens de plus de 75 ans, ou qui présentent des pathologies des pathologies lourdes.
S'agissant des effets du virus sur les personnes qui l'ont déjà contracté, vous savez que certaines questions sont encore sans réponse. La recherche avance, mais on ne connaît pas la durée de l'immunité liée aux anticorps, par exemple. Sauf erreur de ma part, la Haute Autorité de santé – HAS – a recommandé de respecter un délai de trois mois après la contamination, avant de vacciner les 3 millions de personnes concernées. Elle travaille sur cette question, ainsi que sur les prochaines étapes de la vaccination. En effet, nous espérons ouvrir cette dernière le plus rapidement possible à la population générale, en fonction de l'approvisionnement de notre pays en doses, comme l'a évoqué le Premier ministre.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Depuis de longs mois, le plan de restructuration d'EDF est secrètement négocié dans les bureaux feutrés de la Commission européenne. Les semaines passent et la représentation nationale, comme les salariés, est tenue très à l'écart des discussions relatives au projet Hercule. L'avenir du grand service public de l'électricité est pourtant menacé : la survie de son modèle intégré est en jeu, alors qu'il a fait la preuve de son efficacité depuis sa création. La réunion de la production, de la distribution et de la gestion du réseau d'électricité au sein d'une même entité, c'était la promesse d'un véritable service public de l'électricité, indispensable s'agissant de ce bien de première nécessité.
Aujourd'hui est une énième journée de mobilisation des salariés d'EDF, extrêmement inquiets pour l'avenir de leur entreprise. Nous sommes nombreux sur ces bancs à partager leurs craintes. Le projet Hercule – pour ce que l'on en sait, donc si peu de chose – , risque bien de détruire la cohérence du système électrique français. Pourtant, malgré les nombreuses sollicitations, le Gouvernement ne publie aucun élément concernant la stratégie et les fondements des discussions avec la Commission européenne. Il est désormais indispensable d'organiser un débat devant la représentation nationale sur le projet industriel pour EDF. En effet, ni votre projet ni le statu quo ne répondront aux impératifs de la transition énergétique, dans laquelle EDF doit naturellement tenir un rôle d'envergure. Seuls une gestion publique et un modèle intégré solide sont en mesure d'y participer.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous enfin faire connaître à la représentation nationale les fondements des discussions en cours et le calendrier retenu, et ouvrir un débat au Parlement ? C'est notre rôle de parlementaires de délibérer de l'avenir de cette entreprise.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LT.
Sachez que le Gouvernement entend qu'EDF joue un rôle très important dans la transition énergétique à venir, en respectant la PPE – programmation pluriannuelle de l'énergie. Pour y parvenir, il faut qu'EDF en ait les moyens : les moyens d'investir dans son parc nucléaire, ainsi que dans la transition vers les énergies renouvelables. C'est pourquoi nous avons en effet ouvert des négociations avec la Commission, comme nous avons déjà eu l'occasion de l'évoquer. Je tiens à souligner que l'objectif des négociations en cours est de conserver le groupe le plus intégré possible, parce que nous défendons son caractère public. Il s'agit également d'assurer à l'entreprise toutes les capacités d'investissement dont elle a besoin, afin que les salariés exercent leur savoir-faire dans les meilleures conditions possibles, de garantir – je le répète – le financement du parc nucléaire et des énergies renouvelables, et enfin de protéger durablement le consommateur des hausses de prix sur les marchés de l'électricité. Parce que je sais que c'est un sujet qui vous tient à coeur, j'ajoute que la négociation concerne aussi les concessions hydroélectriques. Certains contentieux durent depuis dix ans : nous devons en sortir.
Vous avez raison : si les discussions en cours aboutissent – j'y travaille avec Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la relance – , une réorganisation sera nécessaire ; elle imposera bien sûr la tenue d'un débat parlementaire, sans lequel il est impossible d'engager la restructuration d'une entreprise comme EDF. Il faudra aussi, évidemment, associer les partenaires sociaux au projet. Mais chaque chose en son temps : pour le moment, nous négocions avec la Commission pour donner un avenir à EDF, ce que nous souhaitons tous.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne croyez-vous pas que l'ordre des choses est inversé ? Le débat parlementaire devrait précéder les négociations avec la Commission européenne : c'est ici, dans l'hémicycle, que les décisions devraient être prises.
Deuxièmement, nous ne voulons pas du modèle le plus intégré possible, mais d'un modèle totalement intégré.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe FI.
Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. David Corceiro, devenu le 27 août député de la sixième circonscription du Val-d'Oise, en remplacement de Mme Nathalie Elimas, nommée secrétaire d'État chargée de l'éducation prioritaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-I.
J'adresse mes pensées à Marielle de Sarnez et à ses proches, en particulier à M. François Bayrou.
Madame la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, la semaine dernière, ma collègue Élodie Jacquier-Laforge, comme beaucoup dans cet hémicycle, s'est faite le relais de la détresse des jeunes et des étudiants. La perte d'espoir est en général inacceptable ; elle est intolérable lorsqu'elle touche des jeunes. Pour cette jeunesse qui désespère, nous devons faire encore plus et encore mieux. Actionnons tous les leviers qui se présentent à nous pour redonner confiance à nos jeunes, pour nous montrer digne de leur confiance : des leviers plus simples et plus proches, ceux de l'écoute, de la considération et, in fine, de la compréhension.
Leur redonner confiance, voilà un but qui nous ramène à la citoyenneté, terreau du lien entre la puissance publique et sa jeunesse, et d'une relation entre générations si importante, car elle concerne l'avenir de la nation. L'attention ainsi portée aux jeunes se lit notamment dans les mesures de soutien aux étudiants, qui doivent être encore amplifiées, mais aussi dans de multiples initiatives, telles que le plan « un jeune, une solution », qui vise à ne laisser personne de côté, des efforts consentis en faveur de l'apprentissage, qui ont donné de grands résultats, ainsi que de la multiplication des missions de service civique, pour répondre à une demande toujours plus importante.
Comment donner davantage confiance et espoir aux jeunes qui viennent d'acquérir la citoyenneté française, afin qu'ils s'intègrent pleinement ? Les citoyens français forment un ensemble solidaire : nous avons le devoir d'accueillir, année après année, ces nouveaux citoyens. Pour cela, nous entendons bien écouter, dialoguer, nous faire les représentants des besoins spécifiques de ces jeunes, qui sont l'avenir. Madame la secrétaire d'État, comment remédier au manque de confiance de nos jeunes dans la capacité de la puissance publique à entendre leur malaise et à trouver des réponses ? Comment les amener à l'engagement citoyen, au service de la nation, et de notre devenir commun ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs des groupes LaREM et UDI-I.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement.
Je ne peux commencer sans avoir une pensée pour Marielle de Sarnez ; la jeunesse de France et les jeunesses européennes étaient pour elle une priorité de fait, une priorité de son action.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR et UDI-I.
Il n'y a pas une jeunesse en France, il y a des jeunesses ; nous leur devons des réponses, mais celles-ci sont diverses, et nous devons les multiplier. Il existe des jeunesses rurales et des jeunesses urbaines ; certains jeunes travaillent, quand d'autres cherchent un emploi. Nos réponses doivent d'abord être économiques, bien sûr. C'est le cas du plan « un jeune, une solution », qui accompagne l'accès à l'emploi. Elles doivent également être sociales, parce qu'accompagner notre jeunesse la plus précaire, c'est l'honneur de la France. Nous nous y employons avec la garantie jeunes, …
… à laquelle nous travaillons encore : nous démultiplions les bénéficiaires et nous l'améliorons sur le fond.
L'engagement constitue une autre réponse, qui fait honneur à nos territoires. Les associations et le service civique en sont des voies. Pour les plus jeunes, nous proposons un beau projet républicain, qui s'appelle le service national universel.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous apportons également des réponses aux questions que soulève le moral de notre jeunesse, qu'il nous faut regarder en face. La ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation y travaille, comme nous tous, parce que la réponse doit être complète : les familles, les forces publiques, les associations et les enseignants contribuent à la construire. Si nous sommes tous unis, nous pouvons insuffler cette énergie dont ils ont besoin. Nous leur devons notre confiance ; nous avons confiance en eux. La jeunesse de France est une jeunesse engagée.
Pourtant, je crois nécessaire d'aller encore plus loin, pour leur donner l'élan nécessaire à la construction de l'avenir, dans lequel ils doivent se pouvoir se projeter. Telle est la promesse française, républicaine : où que tu sois né, quelle que soit ta situation, tu peux trouver ta place ! Notre responsabilité est de la remplir, grâce à plusieurs moyens : l'école, le travail, l'engagement de tous. Il y a là ni chicaneries, ni idéologie, mais simplement des actes conformes à nos responsabilités vis-à-vis de cette génération.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Notre jeunesse est notre avenir ; et, aujourd'hui, son avenir est entre vos mains. La crise sanitaire dure depuis dix mois. Bien évidemment, cette période est compliquée pour tous les Français, mais il est absolument nécessaire que vous entendiez l'immense détresse des étudiants. De jour en jour, les difficultés augmentent pour les jeunes et leurs familles, tant sur le plan psychologique que dans le domaine économique.
À l'heure actuelle, votre seule réponse consiste à instaurer des cours à distance, à l'exception, à partir de la fin du mois, des étudiants de première année. Mais une plateforme ne se substitue pas aux échanges humains et aux travaux en petits groupes !
L'université est la grande oubliée. Imaginez-vous, savez-vous seulement, que les étudiants passent de cours en ligne en cours en ligne et d'« apéro Zoom » en « apéro Zoom », que l'écran d'ordinateur est devenu leur unique horizon ?
Ces choix provoquent une dévaluation des formations, et donc des diplômes qui seront délivrés demain. Et c'est sans compter tous ceux qui resteront sur le bord du chemin : l'emploi des jeunes diplômés est fortement affecté. Le phénomène est d'autant plus inquiétant que même les jeunes issus de très bonnes formations ne sont pas épargnés ; six mois après l'obtention de leur diplôme, plus de 45 % d'entre eux ne trouvent toujours pas d'emploi, quand ils n'étaient que 25 % dans ce cas en 2018. La reprise des cours mais également la professionnalisation des cursus universitaires sont des nécessités vitales pour relancer notre pays. Il est impératif de redonner un cap à ces générations, qui ne doivent pas être sacrifiées. II y va de leur avenir. La France a besoin d'eux. Entendez-les. Monsieur le Premier ministre, rouvrez nos facs !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Vous avez raison de dire que, comme nous tous, les étudiants subissent les effets de cette crise sanitaire sans précédent. Le Gouvernement ne manifeste évidemment aucune volonté de maintenir les cours à distance pour les étudiants. C'est une mesure adoptée dans la quasi-totalité des pays du monde, il en va de même pour l'école. Nous essayons d'y remédier, par paliers, dans les universités. En effet, nous devons examiner les conséquences de la reprise des brassages des étudiants dans les établissements, et nous préférons annoncer des mesures pérennes plutôt que déclarer le grand retour de tous les étudiants pour refermer après quinze jours : rien ne nuit davantage à la continuité pédagogique que le « stop and go ».
Je tiens à saluer le travail accompli par les enseignants et par les enseignants-chercheurs pour que les diplômes conservent toute leur valeur. J'en appelle à l'ensemble de la représentation nationale, comme à toute la population : nous devons adresser un message d'espérance à nos jeunes, et arrêter de les qualifier de « génération sacrifiée ».
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
Ils ne sont pas sacrifiés ! En effet, nous avons instauré l'aide à l'embauche des jeunes diplômés, et ces derniers sont embauchés comme les autres années, en CDI pour plus de 70 % d'entre eux.
Nous avons soutenu l'apprentissage ; il y a même davantage d'apprentis cette année que l'an dernier. Nous avons maintenu l'organisation des examens en présentiel lorsque c'était nécessaire. Leurs enseignants sont derrière les écrans et maintiennent en permanence un lien avec eux. Alors certes, tout ne va pas bien ; il est essentiel que les étudiants retournent dans leurs établissements, mais nous traversons une crise sanitaire sans précédent, et nous apportons des réponses qui garantissent la sécurité de l'ensemble de nos concitoyens.
Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.
La campagne de vaccination des plus de 75 ans a commencé lundi, mais les doses manquent déjà. Avec l'arrogance qui caractérise ce gouvernement, vous affirmez que tout va bien. Or, dans mon département, en Seine-Saint-Denis, il n'y a déjà plus de rendez-vous avant le mois de mars ; des personnes âgées attendent au téléphone ou dans la rue, sans obtenir de réponse.
Après les masques, après les tests, c'est de nouveau le grand bazar. Les gens qui souhaitent se faire vacciner ne le peuvent pas. Comment avons-nous pu en arriver là ? Nous en sommes là parce que vous vous êtes livrés au bon vouloir du privé, des géants de l'industrie pharmaceutique comme Pfizer, des cabinets de conseil comme McKinsey, et des plateformes privées comme Doctolib.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Faute de pôle public du médicament, nous dépendons de laboratoires étrangers qui ont négocié dans le secret avec l'Union européenne et attendent de juteux profits. La promesse de Macron de faire du vaccin un bien public mondial est bien loin.
Nous en sommes là parce que vous avez laissé agoniser la recherche publique et l'industrie. Vous avez gavé de crédits d'impôts des firmes privées comme Sanofi, qui versent des dividendes et suppriment des postes de chercheurs.
Applaudissements du groupe FI.
Vous n'avez pas soutenu l'Institut Pasteur dans le développement d'une solution souveraine. Résultat : il n'y a pas de vaccins français dans la patrie de Pasteur. La recherche française doit même être financée par LVMH, faute de soutien public.
Nous en sommes là parce que vous avez organisé l'impuissance de l'État. Santé publique France n'a même plus les capacités stratégiques et logistiques pour planifier et mener de façon cohérente une campagne de vaccination. Les collectivités n'ont pas été associées, et les ressources des armées, mal utilisées.
Quand ce cirque va-t-il cesser ? Qu'allez-vous faire pour permettre à tous les Français qui le souhaitent, de se faire vacciner dans des délais raisonnables ? Quand allez-vous garantir la souveraineté sanitaire de la France ? Comment pouvez-vous envisager la création d'un passeport vaccinal quand les Français ne peuvent même pas se faire vacciner ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
D'abord, permettez-moi de saisir cette occasion pour rappeler que disposer aujourd'hui de vaccins efficaces à plus de 90 % et dont des millions de doses sont produites, c'est un exploit technologique de recherche et de développement industriel. C'est l'Union européenne qui l'a rendu possible,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
puisque l'ensemble des pays européens, en particulier l'Allemagne, la France, les Pays-Bas et l'Italie, sous l'impulsion du Président de la République, se sont associés pour négocier le premier contrat avec AstraZeneca…
… ce qui a ensuite permis de mener une stratégie systématique de sécurisation des doses. Rappelons que l'Union européenne a sécurisé 600 millions de doses du vaccin Pfizer, contre 200 millions pour les États-Unis.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ces doses arrivent régulièrement, …
… en toute transparence et sur la base d'un quota populationnel, c'est-à-dire sur la base de l'équité – valeur qui vous est chère, …
… pour que les pays de l'Union européenne et ceux avec lesquels nous sommes associés, notamment au sein de l'espace économique européen, puissent vacciner leurs populations. Alors même que le vaccin ne connaît pas de frontières, les pays européens ne disposent pas tous des mêmes moyens budgétaires ni des mêmes capacités de négociation, nous le savons tous.
Telle est la stratégie que nous déployons. C'est parce que le Gouvernement a lancé un appel à projets en juin dernier – je le redis ici – , que nous allons fabriquer quatre des six vaccins évoqués et qui sont aujourd'hui sécurisés. Grâce à Recipharm, à Delpharm et à Fareva, nous allons produire des doses de Moderna, de Pfizer et de CureVac sur le territoire français.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.
Soutien aux entreprises
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Nombre de nos entreprises souffrent cruellement de cette crise qui dure et se durcit. Après deux confinements, peut-être un troisième, et un couvre-feu dès dix-huit heures, plane une nouvelle menace, celle de ne pouvoir rembourser les prêts qui leur ont été consentis alors que les échéances approchent.
D'après une étude publiée par l'INSEE, 84 % des entreprises ont eu recours à une ou plusieurs aides gouvernementales pour surmonter la crise. Mais il ne faut pas oublier que la plupart d'entre elles avaient déjà contracté des emprunts, bien avant la crise, pour leur fonctionnement, pour leurs investissements, pour leur développement voire, pour certaines, pour leur création. Le remboursement de ces crédits est leur priorité.
Or, vous le savez, la baisse considérable voire l'absence de chiffre d'affaires de nombreuses PME les confrontent, par ailleurs, à d'énormes difficultés. Combien ne seront pas en mesure de rembourser, faute de trésorerie, en particulier celles faisant l'objet d'une fermeture administrative ? Comment voulez-vous que ces entreprises puissent faire face ? Il ne faut pas différer le problème, mais le régler !
J'approuve le décalage d'un an du remboursement des prêts garantis par l'État – PGE – , mais cela implique que les entreprises devront dégager une rentabilité supérieure à celle précédant la période actuelle. Dans certains cas, ce sera tout simplement impossible, notamment pour celles ayant contracté un PGE pour leur trésorerie.
Notre groupe plaide pour la transformation d'une partie des PGE accordés aux PME en fonds propres, afin de les sauver de la faillite. Monsieur le ministre de l'économie, des finances et de la relance, que proposez-vous pour sauver nos entreprises, piliers de notre pays, qui font face, mais qui pourraient, hélas, se fracasser contre un mur ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Vous avez raison de rappeler, après d'autres parlementaires, la situation critique que rencontrent certaines entreprises, non pas du fait du virus, mais du fait des conséquences économiques et sociales liées au virus et en raison des mesures sanitaires nécessaires que le Gouvernement a dû prendre pour y faire face.
Nous affrontons ces défis depuis le début de la crise : nous avons engagé plusieurs dizaines de milliards d'euros pour des mesures d'urgence. L'Assemblée nationale et le Sénat ont débattu, et voté 20 milliards d'euros de mesures d'urgence pour 2021.
Les prêts garantis par l'État sont un outil efficace ; 130 milliards d'euros ont été contractés. Comme vous l'avez rappelé, nous avons pris plusieurs décisions. D'abord, nous avons permis aux entreprises qui n'avaient pas souscrit ou pleinement souscrit de le faire jusqu'au 30 juin 2021, au lieu du 31 décembre 2020. Nous avons aussi, sous l'égide de Bruno Le Maire, veillé à ce que la possibilité de décaler la première échéance soit effective. Nous travaillons actuellement avec la Fédération bancaire française pour qu'un décalage supplémentaire soit possible, afin de permettre aux entreprises de reprendre pied et leur souffle avant d'être confrontées à la nécessité de rembourser ces prêts garantis par l'État.
La durée de remboursement des prêts garantis a été allongée au maximum, dans le respect des règles européennes qui imposent qu'ils soient remboursés sous six ans. Nous avons aussi veillé à ce que le taux d'intérêt soit compris entre 1 % et 2,5 % pour les PME, tout en obtenant, dans le même temps, l'accord de la Banque de France pour que les différés de première échéance ne soient pas considérés comme des incidents de paiement et qu'ils n'aient pas de conséquences sur la cotation bancaire des entreprises.
Au-delà, nous travaillons à d'autres outils. Le plan de relance prévoit des prêts participatifs, sous l'égide de BPIFrance, la banque publique d'investissement. Agnès Pannier-Runacher et moi-même accompagnons des entreprises pour des projets industriels qui leur permettront de renouer avec l'activité et la rentabilité que vous appelez de vos voeux, grâce, très souvent – pour ne pas dire, presque tout le temps – , à l'apport de fonds propres et de subventions directes à l'investissement ; elles retrouveront ainsi une compétitivité nécessaire à leur relance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mes chers collègues, avec le groupe LaREM, je m'associe à l'intense émotion suscitée sur nos bancs par la disparition de Marielle de Sarnez. Mes pensées et mon affection vont à ses proches.
Applaudissements sur tous les bancs.
Compte tenu de la circulation active du virus sur tout le territoire, le Gouvernement a durci les conditions de déplacement, en établissant un couvre-feu à dix-huit heures. Vous avez également défini un plan de vaccination sans précédent : près de 480 000 personnes ont été vaccinées et, depuis hier, la vaccination est ouverte aux personnes de plus de 75 ans.
Or j'apprends que la semaine dernière, dans les Deux-Sèvres, quinze EHPAD sont malheureusement devenus des clusters. Dans l'un d'eux, près de 96 % des résidents sont touchés par le virus : 83 résidents sur 86 et 29 membres du personnel sont positifs à la covid-19. Dans un autre, en une semaine, on dénombre 60 cas positifs et en deux jours, on déplore trois décès.
Les maigres effectifs des EHPAD font, quant à eux, leur possible pour gérer une situation difficile et inédite. Les sapeurs-pompiers du département, grâce notamment à leur volontarisme, sont rapidement venus en aide aux personnels de santé et aux aidants. Saluons-les tous et rendons ici hommage à leur dévouement sans faille et à leur courage pour assister nos aînés.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
L'épidémie gagne du terrain, non plus seulement dans les territoires urbains, mais également dans nos territoires ruraux. Cette situation n'est pas tenable. Pouvez-vous nous éclairer sur les moyens et les renforts humains prévus pour soutenir les EHPAD durement touchés par la pandémie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Je vous remercie de cette question qui me permet de rappeler à la fois l'engagement constant des professionnels dans les EHPAD et le fait que, malgré le développement de la vaccination pour prévenir le virus, il demeure particulièrement actif – vous avez décrit la situation dans votre département. Il va donc continuer de requérir toute notre vigilance.
Le ministère des solidarités et de la santé a déployé tous les outils disponibles et en a créé de nouveaux pour être en mesure d'apporter les réponses les plus adaptées aux besoins de chaque territoire, qu'il soit urbain ou rural et ce, de façon ponctuelle pour faire face à l'urgence, ou de façon pérenne.
Plus précisément, en matière de ressources humaines, la réserve sanitaire a été mobilisée pleinement à l'échelle nationale, et les étudiants infirmiers et en médecine ont été mis à contribution ; leur formation a été adaptée. Ce sont plus de 19 000 professionnels qui sont inscrits sur la plate-forme dédiée aux renforts RH, et plus de 15 000 qui sont disponibles sur tout le territoire national. Il est nécessaire que les établissements y aient recours de façon effective.
En outre, Brigitte Bourguignon et Brigitte Klinkert ont lancé une mobilisation des associations intermédiaires. Je pense aux salariés de l'association Air à Parthenay – vous les connaissez probablement – , qui viennent en renfort dans votre département aux soignants de l'EHPAD de Secondigny.
Par ailleurs, 10 000 jeunes engagés dans le service civique ont été déployés pour lutter contre l'isolement. Enfin, Brigitte Bourguignon a lancé la campagne « Un métier pour nous » qui a permis de recruter en urgence plus de 10 000 personnes dans les EHPAD. C'est une réponse qui se veut pérenne aux besoins de soutien à l'autonomie.
Le Gouvernement répond ainsi présent face aux inquiétudes fort légitimes des personnels des EHPAD, dans un contexte qui requiert encore toute notre attention et toute notre vigilance. Nous ne laisserons aucun territoire seul face au covid-19, soyez-en convaincu.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il y a plusieurs mois déjà, j'interrogeais le Gouvernement sur les intentions de Sanofi de supprimer 400 postes, signalant qu'après avoir déjà beaucoup touché à la production, la cure avait bien entamé la recherche puisque 300 postes venaient d'y être supprimés.
De quinze centres de recherche il y a vingt ans, nous sommes aujourd'hui passés à quatre – et demain à trois, si vous laissez faire. En douze ans, les effectifs auront bientôt été divisés par deux. L'entreprise abandonnerait la recherche sur les antibiotiques destinés à lutter contre les nouvelles maladies infectieuses, sur le diabète ou sur la maladie d'Alzheimer. Un plan est même dans les cartons pour aller plus loin, engageant une réorganisation financière, où l'État serait potentiellement contributeur.
Sanofi aura touché environ 1 milliard d'euros d'aides publiques en dix ans, alors qu'elle a versé 4 milliards d'euros de dividendes en 2020 au titre de l'année 2019. Dès lors, comment s'étonner qu'elle peine à surmonter ses difficultés pour mettre au point un vaccin ou pour trouver un traitement contre le covid-19 ?
M. Jean Lassalle applaudit.
Nous ne pouvons pas déléguer à Sanofi, pas plus qu'à Pfizer ou au club de la « big pharma », la politique du médicament et des produits de santé. Il faut les sortir de la logique de marchandisation. L'État doit disposer d'outils publics et de moyens industriels. C'est pourquoi nous avons proposé à maintes reprises de créer un pôle public du médicament.
Dans l'urgence et face à la crise, ce qui est le plus insupportable, au-delà de l'idée qu'on puisse tirer des profits de la pandémie, c'est de ne pas avoir programmé l'utilisation des capacités de production présentes sur le territoire national pour le vaccin.
Deux questions se posent. Quand allez-vous enfin mobiliser au maximum les capacités de production disponibles, dont celles de Sanofi, pour contribuer à produire les vaccins dont la France et le monde ont besoin ? Allez-vous laisser détruire la recherche chez Sanofi ou allez-vous enfin imposer la puissance publique autour de la table et dans le petit monde du médicament ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
Je l'ai dit tout à l'heure, obtenir un vaccin en si peu de temps est une prouesse de recherche et développement, un exploit industriel et technologique.
Je le répète parce que c'est important et qu'on ne le mesure peut-être pas assez. Il y a dix mois, je vous assure qu'aucun expert n'aurait cru une telle prouesse possible, en particulier en recourant à l'ARN messager, nouvelle technologie en matière de vaccins…
… que nous n'avions éprouvée que de manière expérimentale et qui apporte une réponse éclatante d'efficacité à la pandémie à laquelle nous faisons face.
M. Jimmy Pahun applaudit.
S'agissant ensuite de la situation de Sanofi, je rappelle que ce laboratoire fait partie des dix premiers à avoir commencé à développer une solution vaccinale parmi les 250 travaux de recherche actuellement menés.
Sur la maladie et le vaccin, nous apprenons tous les jours. Par exemple, nous ne savons pas s'il sera nécessaire de revacciner les personnes, ou encore si nous aurons besoin de disposer de solutions vaccinales pour les enfants alors que celles dont nous disposons ne concernent que les adultes. Vous savez également qu'il tient à coeur au Président de la République que nous mettions des doses à disposition des pays en développement. Aussi, produire des vaccins pour le plus grand nombre va nécessiter encore beaucoup de travail et une très importante production industrielle.
Vous m'interrogez sur ce que nous faisons dans ce domaine.
Je vous l'ai dit, nous y travaillons depuis juin. C'est pour cette raison que la France est en capacité de produire trois des six premiers vaccins dont des doses ont été réservées par l'Union européenne.
Je ne citerai pas à nouveau les entreprises concernées, même si je les salue à nouveau pour l'énorme travail qu'ils ont accompli. Ils peuvent agir parce qu'Olivier Véran et moi-même avons lancé, en juin, un appel à manifestation d'intérêt « Capacity building », permettant justement de déployer ces nouvelles lignes de production. Nous poursuivons ce travail avec Sanofi et d'autres groupes et j'espère que nous aurons rapidement des annonces à faire.
Je signale simplement qu'un transfert technologique dans un site industriel requiert quinze mois de travail.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Pour qu'il y ait un droit au vaccin, il faut que celui-ci soit décrété bien commun. C'est dans cette direction qu'il faut aller.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Je tiens à me faire le relais de la très grande détresse de nos distributeurs de boissons, fournisseurs des cafés, hôtels et restaurants présents dans nos circonscriptions. Les deux confinements cumulés et les perspectives très incertaines de reprise plongent ces entreprises dans des situations financières qui menacent leur pérennité, ainsi que les 16 000 emplois directs liés à leur activité au niveau national. La mobilisation de l'ensemble des aides instaurées par le Gouvernement, qu'il s'agisse du chômage partiel, du prêt garanti par l'État – remboursable, faut-il le rappeler – , ou des exonérations de charges, ne suffiront pas à sauver la profession.
Je sais que des discussions sont en cours avec la Fédération nationale des boissons. Il est aujourd'hui impératif que ses membres puissent bénéficier de mêmes conditions préférentielles d'accès au fonds de solidarité que les entreprises du secteur S1.
Néanmoins, les aides plafonnées ne sont pas adaptées aux entreprises perdant l'essentiel de leur chiffre d'affaires, quelle que soit leur taille.
Vous le savez comme moi, le seuil de rentabilité d'une entreprise n'est pas proportionnel à son chiffre d'affaires. La rentabilité n'apparaît que si le chiffre d'affaires permet à l'entreprise de couvrir ses charges fixes, mais aussi de réaliser des investissements d'acquisition ou d'innovation pour adapter son outil de travail, notamment aux exigences environnementales.
Par ailleurs, si rien n'est entrepris au niveau national, la gestion des stocks, soumise à la date de durabilité minimale, laquelle, faut-il le rappeler, n'a rien à voir avec la date limite de vente, va engendrer une perte estimée – en fonction d'une date hypothétique de reprise de l'activité des commerces – à plus de 200 millions d'euros. Nos brasseurs de bière se sont d'ores et déjà adaptés à la situation, qui exigerait une vaste campagne de communication pour éviter le gaspillage.
Dans la mesure où leur clientèle, composée des cafés, hôtels et restaurants, est également très affectée économiquement et exposée à la difficulté de retrouver une fréquentation soutenue, surtout dans les territoires touristiques, nos distributeurs attendent une intervention forte et adaptée du Gouvernement. Quelles réponses concrètes le Gouvernement entend-il apporter à cette filière essentielle de notre économie ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Nous avons déjà eu l'occasion d'échanger sur la question des grossistes, puisque vous aviez appelé mon attention sur ce sujet à l'occasion d'une visite que j'ai effectuée dans votre circonscription avec Brigitte Klinkert.
Par ailleurs, les grossistes en boissons ont saisi le Premier ministre, et échangé avec lui ; il a pris un certain nombre de décisions. Celles-ci ont été annoncées jeudi dernier par Bruno Le Maire lors de la conférence de presse faisant le point sur la situation sanitaire.
Les grossistes en boissons sont intégrés à la liste S1 bis du fonds de solidarité et auront accès à des aides pouvant représenter jusqu'à 10 000 euros par mois ou 20 % du chiffre d'affaires du mois de référence, dès lors qu'ils feront état d'une perte de chiffre d'affaires de 70 %, ce qui est un régime préférentiel par rapport aux autres secteurs d'activité.
Par ailleurs, une disposition autorisera le Gouvernement à financer 70 % des coûts fixes des entreprises réalisant plus de 1 million d'euros de chiffre d'affaires, ce qui répond très largement à l'attente et aux demandes des grossistes, lesquels ont indiqué leur satisfaction au Premier ministre.
J'ajoute que nous nous sommes mobilisés depuis le début de la crise en faveur de la viticulture au sens large, avec notamment l'instauration d'un dispositif, voté à la fois par l'Assemblée nationale et le Sénat,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
prévoyant pour cette filière un accès aux exonérations de cotisations patronales en ayant à justifier une perte de chiffre d'affaires nettement moins importante que dans les autres secteurs. De la même manière, l'accès au fonds de solidarité a été assoupli jeudi dernier pour permettre aux entreprises du secteur d'être mieux accompagnées.
Cumulées aux dispositifs que vous avez vous-même évoqués et au fait qu'à l'initiative en particulier de Marie-Christine Verdier-Jouclas, co-présidente du groupe d'études sur la vigne, le vin et l'oenologie, nous avons mobilisé 250 millions d'euros pour permettre la distillation de crise, ces mesures démontrent notre présence auprès des viticulteurs et, désormais de manière très renforcée, des grossistes.
Mêmes mouvements.
Tout d'abord, permettez-moi d'associer les membres du groupe UDI et indépendants à l'hommage qui a été rendu à Marielle de Sarnez.
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ayant été parlementaire européenne en même temps que Marielle, j'ai pu mesurer au quotidien son engagement pour une Europe forte et ambitieuse.
Monsieur le Premier ministre, au-delà des 70 000 Français décédés des suites de la covid-19, des dizaines de milliers de morts seront, demain, imputables à ce virus par la déprogrammation d'opérations chirurgicales. Les victimes de cancers et de maladies cardiovasculaires ou neurovégétatives seront les victimes collatérales de cette épidémie.
On évalue à 2 millions le nombre d'opérations déprogrammées et de suivis non effectués entre la mi-mars et aujourd'hui, et à 30 000 le nombre de cancers non dépistés.
Lors de mon parcours de santé personnel, j'ai rencontré des malades, des chirurgiens et des médecins qui s'interrogent. À quel point la survie des patients risque-t-elle d'être diminuée si l'on repousse encore leur opération chirurgicale de plusieurs mois et, surtout, sans concertation avec les praticiens hospitaliers ? Pour nombre de patients, la reprogrammation de leur opération n'est toujours pas d'actualité.
Selon l'institut Gustave-Roussy, premier centre européen de lutte contre le cancer, les retards de prise en charge causeront, d'ici à cinq ans, une surmortalité de plusieurs pourcents. Notons que six mois de retard de prise en charge engendrent une diminution des chances de survie à long terme pouvant atteindre 30 % chez certains malades.
Monsieur le Premier ministre, pourquoi n'avons-nous pas associé systématiquement le corps médical et hospitalier aux décisions de déprogrammation d'opérations chirurgicales, qui ont été prises sans concertation par les ARS – agences régionales de santé – et l'administration ? Comment le ministère de la santé va-t-il gérer ces déprogrammations ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé de l'enfance et des familles.
Je connais votre engagement sur cette question. Soyez convaincue que nous faisons tout pour ne pas aboutir à la situation que vous décriviez dans votre question.
Cependant, depuis le déclenchement de la crise, la déprogrammation de soins est une pratique incontournable qui permet, quand c'est possible, de soulager la pression sur les différents centres hospitaliers. Ce n'est évidemment pas la seule, étant donné qu'un effort sans précédent a par ailleurs été accompli pour augmenter les capacités en réanimation et pour former de nouveaux personnels soignants.
Concernant les activités de soins, nous avons constaté une baisse générale de l'activité hospitalière en mars et en avril – je remonte un peu dans le temps – et, dans une moindre mesure, en mai, avant un retour à des niveaux d'activité équivalents aux années précédentes à partir de juin. Cette diminution de l'activité a été notable pour la chirurgie, la médecine en ambulatoire et les techniques interventionnelles, tandis que la médecine en hospitalisation complète et l'obstétrique ont connu une évolution similaire à l'année précédente.
Face à la deuxième vague, pour absorber les prises en charge liées à l'épidémie, il a été demandé aux établissements de santé – sous l'égide des ARS, vous l'avez rappelé – d'augmenter fortement les capacités en réanimation. La priorité est de reprogrammer toutes les activités chirurgicales, y compris en ambulatoire, et médicales non urgentes pouvant l'être, dès lors qu'elles mobilisent des ressources humaines pouvant être affectées dans les services de soins critiques. Il a été demandé que ces reprogrammations soient effectuées en garantissant que les patients atteints d'un cancer, en attente de greffe, suivis pour une maladie chronique et requérant des soins urgents, ou relevant de la santé mentale, puissent être pris en charge dans les meilleures conditions ; très tôt, Olivier Véran s'est engagé sur ces points.
Dans les autres situations, les établissements ont été invités à favoriser l'hospitalisation à domicile, les sorties précoces ou encore le télésuivi. Les ARS qui coordonnent ces mesures pourront également soutenir les coopérations entre établissements.
Je tiens à rappeler que chaque reprogrammation repose sur une décision collégiale des équipes médicales, qui s'accompagne de l'évaluation du bénéfice et du risque en fonction de l'état de santé de chaque patient, comme il est toujours de coutume de procéder.
Je vous rappelle qu'à l'issue des questions au Gouvernement, la séance ne sera pas suspendue, car je prononcerai l'éloge funèbre de notre regretté collègue Claude Goasguen.
Madame la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, face à l'isolement des étudiants et à leur détresse, induite par des mesures sanitaires totalement disproportionnées, ma question sera très simple : combien de suicides ou de tentatives de suicide d'étudiants faudra-t-il encore attendre pour que vous preniez enfin des mesures cohérentes ?
La parole est à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Le suicide d'un jeune est quelque chose de dramatique et nous avons malheureusement à en déplorer. Il s'agit de la deuxième cause de décès chez les jeunes de 15 à 25 ans, et ce depuis de très nombreuses années. C'est aussi pour cette raison que nous devons accorder une considération particulière à notre jeunesse et, particulièrement dans les cas que vous évoquez, respecter le deuil des familles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Votre réponse, madame la ministre, n'est pas tout à fait à la hauteur de ce qu'attend la jeunesse de notre pays.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ce qui pouvait être compréhensible il y a dix mois est désormais totalement insoutenable. Les étudiants souffrent de l'isolement social dans lequel ils sont plongés.
Il ne suffit pas de saupoudrer des mesurettes financières. Vous le savez bien, ce ne sont pas les 150 euros que le Gouvernement a distribués aux étudiants qui leur permettent de survivre et encore moins de vivre.
La semaine dernière, nous, parlementaires, avons reçu plus d'une centaine de témoignages d'étudiants en souffrance psychique. Que répondez-vous à cet étudiant qui explique : « Nous n'allons plus à la fac puisque nous sommes en distanciel. Nous n'allons plus au cinéma, au café, au musée, lieux sociaux où jadis nous pouvions échanger, puisque l'on ne peut plus. Nous restons vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, dans nos chambres universitaires mesurant les mêmes dimensions qu'une cellule de prison » ?
M. Bertrand Pancher applaudit.
Comment croire qu'un simple accès gratuit à un psychologue peut être la solution alors que la plupart des étudiants ne sont déjà plus en mesure d'appeler à l'aide ? Il faut offrir aux étudiants un accès effectif à ces services de soins universitaires par une resocialisation que seul le chemin de l'université peut permettre. Cessons de considérer les jeunes uniquement comme un vecteur de propagation du virus alors qu'ils sont l'avenir de la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.
L'ensemble des « mesurettes » que vous évoquez, les étudiants qui en avaient besoin les ont saluées et nous allons continuer à discuter avec eux pour leur proposer des choses qui leur sont utiles.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
Vous avez reçu des centaines de témoignages d'étudiants ; je suis, pour ma part, une à deux fois par semaine au coeur des universités pour parler aux enseignants et des cités et résidences universitaires pour parler aux étudiants.
Je salue le courage des étudiants qui, dans les résidences universitaires, oublient leur propre détresse pour aller aider les autres.
Mêmes mouvements.
Je salue le courage des enseignants et des enseignants-chercheurs qui ont passé l'été à préparer des enseignements à distance. Nous nous trouvons dans une situation extrêmement difficile, à l'échelle mondiale. Ce que nous devons garantir à notre jeunesse, c'est que demain, son avenir reste ouvert. Les jeunes ont l'impression qu'on leur a volé leur présent ; à nous de leur garantir que nous traverserons ensemble les moments difficiles et qu'il y aura des solutions. C'est ce que nous faisons pour l'emploi et pour l'apprentissage, et c'est ce que nous ferons pour les stages et les diplômes. L'ensemble du monde universitaire, dans le monde entier, continue à porter l'espoir et l'avenir de ses étudiants.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est avec l'émotion des souvenirs que je prends aujourd'hui la parole en hommage à notre ancien collègue Claude Goasguen,
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent
qui nous a quittés le 28 mai dernier. Tous ici, nous avons souvenir en effet des belles séances qu'il faisait retentir de ses opinions, avec cette verve et cette culture qui lui étaient propres. Tous ici, nous avons en mémoire sa voix, sa haute silhouette, sa gestuelle d'orateur classique. Claude Goasguen fut député pendant vingt-cinq ans mais en réalité, il était taillé pour siéger au Sénat de l'ancienne Rome. Le droit romain constituait d'ailleurs pour lui une source d'inspiration vive et féconde. Assistant, maître-assistant, maître de conférences, recteur puis doyen de faculté, il enseigna sa vie durant l'histoire du droit. Et nous fûmes ici en quelque sorte ses derniers élèves quand, dans cet hémicycle qui devenait son amphithéâtre, l'universitaire qu'il était foncièrement resté replaçait le débat dans les perspectives longues et les problématiques élevées qu'il avait le talent de nous ouvrir.
Au printemps dernier, il venait de fêter ses 75 ans quand la maladie le frappa, lui, le fils de marin né dans cette petite Bretagne méditerranéenne qu'est un peu la rade de Toulon. Mais il restait flamboyant et passionné, comme il l'avait été tout au long de sa carrière politique. Tenté dans sa jeunesse par une forme d'activisme qui, sans doute, convenait à son goût de la bataille et du défi, il comprit que cette voie n'était pas la bonne et préféra s'engager sur le chemin de la vie élective. Suppléant de Jacques Toubon dans la dixième circonscription de la capitale, située dans les 13e et 14e arrondissements, Claude Goasguen devient député de Paris en 1993. Deux ans plus tard, le voici brièvement ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la citoyenneté. En 1997, il conquiert un nouveau siège de député dans la quatorzième circonscription de Paris, où il sera réélu quatre fois de suite.
Conseiller de Paris dès 1983, adjoint de Jacques Chirac qui l'appelait « il magnifico », maire du 16e arrondissement de 2008 à 2017, Claude Goasguen était aussi un acteur influent de la démocratie locale parisienne. Son dernier acte politique fut d'ailleurs de voter aux dernières élections municipales. Homme de droite, volontiers bretteur, Claude Goasguen pouvait être moqueur ou caustique, truculent et parfois désarmant, mais toujours il restait respectueux de ses contradicteurs. C'était le débat qu'il aimait, la fine controverse, le ballet des arguments et contre-arguments. Dans cet art il était passé maître, et sa maestria nous étourdissait.
J'ai évoqué sa présence dans l'hémicycle. Je voudrais aussi saluer son assiduité et son exigence dans les travaux moins médiatisés, mais pourtant si utiles et si nécessaires, des commissions. Claude Goasguen fut membre successivement de la commission des lois, de celle des finances et enfin de celle des affaires étrangères, ce qui montre la diversité de ses talents. Écouté et respecté de ses collègues, y compris de ceux qui ne pensaient pas comme lui, Claude Goasguen était si estimé qu'au lendemain de sa disparition, la commission des affaires étrangères lui consacra une séance d'hommage des plus émouvantes, à l'initiative de sa présidente Marielle de Sarnez qui vient de nous quitter elle aussi. Comme elle, Claude Goasguen scrutait la marche du monde avec curiosité et acuité, avec gravité aussi quand il s'agissait de déceler les menaces et d'alerter la représentation nationale. Ce fin connaisseur de l'histoire proche-orientale, devenu président du groupe d'amitié France-Israël, s'était mobilisé contre l'antisémitisme, allant jusqu'à porter symboliquement la kippa en salle des quatre colonnes par solidarité avec un concitoyen juif victime d'une agression. Ennemi de toutes les formes de persécution, Claude Goasguen défendit avec la même conviction et la même force la cause douloureuse des chrétiens d'Orient. Au plan international, cet amoureux de la parole et des mots militait aussi pour la francophonie, tissant des liens chaleureux avec nos cousins québécois. Patriotisme et ouverture au monde, chez Claude Goasguen, allaient de pair. Le français était pour lui la langue des libertés, qui convenait à merveille à son indépendance d'esprit, à son anticonformisme et tout simplement à son brio.
Pour faire taire un pareil tribun, il fallut qu'une pandémie nous frappe. Comme des dizaines de milliers de nos concitoyens, Claude Goasguen fut rattrapé par le coronavirus. Il connut les mêmes souffrances, les mêmes angoisses, l'hospitalisation et la réanimation. Claude Goasguen était un combattant. Pendant plusieurs semaines, il lutta vaillamment contre la maladie. Il pensait d'ailleurs l'avoir vaincue et se préparait à revenir parmi nous pour continuer d'exercer son mandat ; cette perspective le soutenait. Mais l'épreuve avait affaibli son coeur qui, le 28 mai 2020, cessa de battre. Lecteur de Cicéron, Claude Goasguen connaissait bien cet enseignement de la première Tusculane : « On envisage la mort avec sérénité si, au moment de mourir, on peut être fier de sa vie. » Oui, notre collègue pouvait partir fièrement, fort d'une existence tout entière vouée à son pays et à la République. Adieu, géant batailleur et tonitruant, dont le verbe manque à nos débats maintenant. L'Assemblée nationale se souviendra de lui longtemps.
À sa famille, à ses amis et à ses collaboratrices, au nom de tous les députés de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes condoléances attristées.
La parole est à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Voilà déjà plus de six mois que s'est éteint Claude Goasguen dont vous venez, monsieur le président, de rappeler ce que furent les engagements d'élus et ce qu'étaient les qualités d'homme. Plus de six mois déjà et cette nouvelle n'a toujours pas fini de nous stupéfier tant Claude, par son énergie débordante, son indéfectible bonhomie et sa verve savoureuse, semblait incarner la vie dans ce qu'elle a de mieux assuré et de plus éclatant. Avec sa carrure d'ancien joueur de rugby, avec sa voix de stentor, avec ce sourire irrésistible que nous lui connaissions, il paraissait à toute épreuve, taillé pour toutes les batailles.
Entre les deux tours des élections municipales du printemps dernier, le coronavirus l'a pourtant arraché à la dernière mêlée dans laquelle il s'était jeté avec la fougue intacte de ses 75 ans et une passion inébranlable pour les joutes politiques parisiennes. Le coup fut rude. Il l'avait encaissé et commençait à se remettre quand brusquement, son coeur a lâché. « Nous sommes nés pour agir. [… ] Agissons donc, et autant que nous le pouvons ; prolongeons nos travaux tant que dure notre vie. » C'est Montaigne qui l'écrit, mais c'est bien ainsi que Claude l'entendait aussi, et c'est dans le tourbillon de la vie politique, où il avait passé ses plus belles années, qu'il fut emporté.
À mon tour, je veux lui rendre hommage, au nom du Premier ministre, au nom du Gouvernement et en mon nom personnel, en l'honneur de cette cordiale camaraderie – j'ose ce mot qui, sans doute, l'aurait fait sourire – , qui nous unissait depuis notre rencontre ici même, sur les bancs de cette assemblée. Je veux lui rendre hommage et tiens à assurer son épouse Camille, ses deux fils Olivier et Gille, et sa petite-fille Margaux, que nos pensées les accompagnent toujours et que nous non plus, nous ne l'oublions pas.
Certains de ses combats, bien sûr, n'étaient pas les miens. Lui-même a d'ailleurs reconnu s'être parfois fourvoyé. Pour le reste, je crois que ce ne serait pas lui faire honneur que de chercher aujourd'hui à estomper les lignes de clivage qu'il considérait comme l'oxygène de la démocratie. Continuer à respecter nos différends et nos oppositions c'est, je crois, la meilleure manière de respecter la mémoire d'un homme pour qui la politique comptait au plus haut point. Claude était de ces orateurs qui stimulent, qui provoquent, qui aiguillonnent le débat démocratique. C'est qu'il mettait à défendre les causes qu'il croyait justes tant de conviction sincère et si peu de dogmatisme qu'avec lui la discussion, fût-elle contradictoire, restait toujours possible, voire encouragée. Encore fallait-il accepter d'en courir les risques. Il avait en effet, pour désarmer ses contradicteurs, des saillies pleines de panache et, pour convaincre son auditoire, des arguments plein de brio qui, s'ils n'emportaient pas toujours l'adhésion, ne manquaient pas du moins de retenir l'attention.
Outre la rigueur du juriste, outre l'élégance de l'avocat, il n'hésitait pas, pour gagner la partie, à déployer une redoutable combinaison de faconde méditerranéenne et d'obstination bretonne. Mélange rare. Mélange détonant, que ce natif de Toulon au nom cependant peu méridional, devait à sa mère d'origine piémontaise et à son père finistérien, ce « kermoco » comme on appelait alors les marins bretons installés à Toulon. Jusque dans ses excès savamment dosés, il y avait en lui une forme de virtuosité politique qui impressionnait de part et d'autre de cet hémicycle, comme sur les bancs du Gouvernement.
Mais cette verve et ce talent n'étaient pas tout. Claude, incontestablement, était un homme qui gagnait à être connu. Sur le pourpoint de Cyrano, on découvrait un coeur loyal, un tempérament artiste, une très riche personnalité qui nous manque désormais cruellement.
Ce qui impressionnait chez lui, c'était aussi la profondeur de son engagement diplomatique. Je ne recule pas devant ce terme car, trente ans durant, le souci de faire le lien entre les questions nationales et les questions internationales fut au coeur de son action d'élu parisien puis de parlementaire. C'était pour lui une affaire de cohérence et de conviction, une affaire de cohérence, parce que cet amoureux de la France et de Paris savait qu'il n'y a qu'à l'horizon des échanges internationaux que notre pays, sa capitale et notre langue montrent leur vrai visage. Sa curiosité à l'égard du monde était donc à la mesure de son patriotisme et ce n'est pas le moindre des paradoxes qui l'entouraient. Adjoint aux affaires étrangères de son mentor Jacques Chirac à la mairie de Paris de 1989 à 1995, il semblait avoir parcouru la terre entière à ses côtés et ne manquait jamais une occasion d'évoquer les péripéties de ses voyages mémorables au Japon, bien sûr, mais aussi en Afrique, en Europe ou en Amérique du Nord. Il le faisait avec une drôlerie qui n'appartenait qu'à lui.
L'engagement diplomatique, c'était aussi une affaire de conviction. Ses engagements internationaux étaient solidement ancrés dans les valeurs qui étaient les siennes. Je pense, bien sûr, à son implication au sein du groupe d'amitié France-Israël, dont il fut le président. Je pense aux liens si puissants qu'il entretenait avec ce pays. Je pense à sa mobilisation en faveur des chrétiens d'Orient à la tête du groupe d'études qu'il coprésidait aux côtés de M. Rouillard. Je pense à son attachement au destin méditerranéen de la France et au destin méditerranéen de l'Europe.
Cette diplomatie d'élu qu'il pratiquait, c'était une diplomatie du coeur, nourrie d'expériences humaines accumulées au fil de ses nombreux déplacements et de visites de terrain, parfois même dans des zones dangereuses.
C'était aussi, bien sûr, une diplomatie de la raison. Ce qui faisait de lui l'un des piliers de la commission des affaires étrangères, c'était en effet la hauteur de vue que son immense culture historique donnait à ses analyses des bouleversements qui redessinent le monde d'aujourd'hui, et particulièrement de ceux qui affectent le Moyen-Orient, dont il était un excellent connaisseur et auquel je me souviens qu'il avait, avec Bruno Joncour, consacré il y a tout juste un an un rapport d'information d'une très grande qualité.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, vous le savez, la vie politique est faite de ces rencontres qui, dans une autre vie, n'auraient peut-être pas lieu. C'est ce qui en fait la densité et l'épaisseur, mais aussi, parfois, la saveur amère, comme nous l'a rappelé l'immense tristesse que nous avons ressentie en apprenant le départ de Claude – cette immense tristesse qu'est venue raviver la disparition mercredi d'une autre battante, Marielle de Sarnez, l'admirable présidente de cette commission des affaires étrangères à laquelle Claude Goasguen tenait tant.
Souvenons-nous aujourd'hui de la force des convictions qui les animaient, de la fierté et de la joie républicaines qu'ils portaient dans cette enceinte et saluons ensemble ces existences d'engagement passionné au service de la France et des Français.
Applaudissements sur tous les bancs.
En mémoire de notre collègue disparu, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, je vous demande d'observer une minute de silence.
Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Sylvain Waserman.
Nous examinons aujourd'hui un projet de loi organique qui touche au fondement même de notre République, puisqu'il porte sur le scrutin qui permet d'élire le Président de la République – un scrutin qui, dans nos institutions, est l'une des pierres angulaires de la démocratie. La démocratie ne se résume évidemment pas à l'élection présidentielle, mais, comme le disait le général de Gaulle, « la clé de voûte de notre régime, c'est l'institution nouvelle d'un Président de la République désigné par la raison et par le sentiment des Français pour être le chef de l'État ».
Si la démocratie ne se joue pas seulement au moment de l'élection, mais tous les jours du quinquennat qu'elle inaugure, le scrutin présidentiel est pour les Français un rendez-vous important survenant une fois tous les cinq ans. C'est ce moment singulier lors duquel le peuple fait le choix de la personne qui occupera la fonction présidentielle. Nos débats sur ce texte auront donc une résonance singulière pour les élus que vous êtes, pour les démocrates que nous sommes, et revêtiront, j'en suis sûr, une certaine solennité.
Vous le savez, les règles de l'élection du Président de la République ne figurent pas en tant que telles dans le code électoral, puisqu'elles sont fixées par les dispositions de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962, qui avait accompagné le discours que je viens de citer. C'est pourquoi, un an au moins avant l'élection, une loi organique actualise habituellement ce cadre pour lui rendre applicables les évolutions législatives intervenues depuis sa dernière modification.
L'examen d'une loi organique venant modifier la loi de 1962 est donc un exercice récurrent qui intervient avant chaque élection présidentielle. Cette actualisation permet aussi de tenir compte des observations formulées par l'ensemble des parties prenantes à l'élection présidentielle, au premier rang desquelles le Conseil constitutionnel. C'est précisément l'objet du projet de loi organique qui a été examiné en commission des lois et que j'ai l'honneur de vous présenter : il s'agit de rendre applicables les dispositions du code électoral de droit commun et de préciser quelques règles spécifiques qui s'appliquent particulièrement à ce scrutin.
Comme à chaque fois, ce projet de loi vient actualiser les références des articles du code électoral pour les rendre applicables dans leur dernière version. Cette actualisation, de portée essentiellement technique, ne fait qu'appliquer au scrutin présidentiel les règles qui régissent les autres scrutins. À titre d'illustration, j'aimerais appeler votre attention sur les deux évolutions récentes de notre droit électoral qui trouveront à s'appliquer au scrutin présidentiel.
Il s'agit d'abord du rétablissement du droit de vote des personnes majeures sous tutelle, voté dans le cadre de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
Cette évolution concrétise la volonté du Gouvernement d'assurer la participation la plus active possible des personnes en situation de handicap à la vie démocratique et citoyenne.
Il s'agit ensuite de l'application de la procédure d'urgence, instaurée par la loi du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information. Cette loi a créé la possibilité de saisir un juge des référés pour faire cesser la diffusion de fausses informations pendant la campagne électorale.
Outre ces modifications, le présent projet de loi organique introduit de nouvelles dispositions qui visent à sécuriser cette élection, à moderniser les modalités de la campagne financière et à favoriser la participation électorale de tous les citoyens.
Sécurisation de l'organisation tout d'abord, en fixant dans la loi une date limite de publication du décret de convocation des électeurs, qui interviendra au moins dix semaines avant la date du premier tour du scrutin. En effet, à la différence des autres élections, la date de publication du décret de convocation à l'élection présidentielle, qui déclenche la période de recueil des parrainages, n'est aujourd'hui encadrée par aucun texte. L'inscription de cette disposition dans la loi est donc de nature à sécuriser cette opération, les candidats potentiels connaissant à l'avance, et de façon certaine, le délai dont ils disposeront.
Sécurisation dans l'organisation ensuite, en reportant à une date fixée par décret, au plus tard le 1er janvier 2027, l'entrée en vigueur de la possibilité de transmettre au Conseil constitutionnel les parrainages par voie dématérialisée. Cette faculté avait été introduite dans la loi en 2016, par voie d'amendement, sans étude préalable de faisabilité. À l'heure actuelle, l'absence d'identité numérique de niveau élevé, seul dispositif de nature à sécuriser la transmission dématérialisée des parrainages, impose de différer l'application de ce dispositif car il n'apparaît pas souhaitable de faire peser un risque sur le processus électoral en allant trop vite dans cette démarche.
Le projet de loi organique prévoit également la modernisation de la campagne financière, en prévoyant la transmission dématérialisée des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – CNCCFP – , autorité indépendante chargée de cette mission, ainsi que de l'édition des reçus de dons.
Enfin, le présent projet de loi organique garantit la participation de tous, en prévoyant la déterritorialisation du vote par procuration. Concrètement, il s'agit de permettre à un électeur de confier sa procuration à une personne ne résidant pas nécessairement dans la même commune que lui. Cette disposition, adoptée dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique, doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022 pour les autres scrutins. Il est nécessaire de l'intégrer dans ce texte, pour qu'elle puisse s'appliquer au scrutin présidentiel. Elle va dans le sens de la simplification du vote, tout en permettant les mêmes garanties de sécurité que ce qui prévaut actuellement. Cette mesure de simplification complète le projet déployé en ce moment par le ministère de l'intérieur de e-procuration, qui permet la dématérialisation d'une partie de la procuration.
La participation de tous, c'est aussi – et vous savez combien le Président de la République y est attaché – permettre aux détenus d'exercer leur droit de vote lors du scrutin présidentiel de 2022. Le projet de loi organique prévoit à cet effet la possibilité de voter par correspondance, reconduisant ainsi pour l'élection du président de la République un dispositif qui a très bien fonctionné lors des élections européennes de 2019. Le système est simple : l'ensemble des votes seront centralisés dans un bureau de vote national, qui procédera au dépouillement et à la proclamation des résultats. Cette mesure répond à la demande du Conseil constitutionnel en la matière et permet de restaurer un impératif démocratique.
Voilà, en quelques mots, les principaux éléments de ce projet de loi organique, texte important car il touche à l'élection la plus structurante…
… pour nos institutions. C'est précisément pour cette raison que sa portée doit rester limitée à ce seul scrutin, la loi organique n'ayant pas vocation à servir de véhicule à des règles électorales revêtant une portée générale. J'aimerais, en particulier, souligner le souci du Gouvernement d'assurer la sincérité du scrutin et des procédures électorales, qui conditionne la confiance de nos concitoyens dans le résultat du vote. Nous devons être très vigilants collectivement face à toute innovation qui pourrait, même potentiellement, faciliter la fraude. Entre modernisation souhaitable et impératif de sécurité et de sincérité du vote, l'équilibre qui caractérise notre droit électoral doit prévaloir.
C'est avec le même souci d'équilibre que la commission des lois a examiné le projet de loi, dans un esprit foncièrement républicain, celui qui a toujours présidé à l'examen des textes au Parlement, esprit dont je ne doute pas qu'il animera les travaux que nous engageons ce soir.
Pierre Mendès France disait : « L'amour de la démocratie est d'abord un état d'esprit. » C'est, je le souhaite, celui qui guidera nos débats sur ce texte et qui doit préparer le moment fort de notre démocratie que constituera le prochain scrutin présidentiel.
La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Nous sommes réunis pour examiner un projet de loi organique dont le principal objet est de garantir le bon déroulement de la prochaine élection présidentielle qui se rapproche un peu plus de nous, jour après jour.
Il nous est proposé de respecter un principe cardinal en matière électorale : si nous procédons à quelques réglages rendus nécessaires pour actualiser les dispositions du code électoral à l'élection présidentielle, nous n'en modifions pas les principales règles. En effet, toute autre initiative pourrait soulever des interrogations parmi les citoyens sur les motivations du législateur et affecter la sincérité du scrutin.
C'est donc un texte pondéré et utile que notre commission a examiné et adopté, dans la grande majorité des votants. Tous les groupes présents se sont en effet accordés sur l'importance de l'élection présidentielle et il n'est pas superflu de souligner, comme l'a fait Mme la ministre déléguée, le rôle de clef de voûte du président de la République dans le cadre de cette élection. La prudence s'impose en la matière et toute modification des règles de l'élection doit avoir été au préalable examinée avec attention et précision, après consultation des différents groupes politiques et après avoir fait de l'expérimentation l'une des règles essentielles de toute modification du code électoral.
L'importance de cette élection se traduit également par le niveau des normes qui en régissent les modalités. Comme vous le savez, les principales règles relatives à l'élection présidentielle sont fixées par l'article 7 de la Constitution et par la loi organique du 6 novembre 1962. Toutefois, aussi singulière cette élection soit-elle, tant au regard des enjeux de la politique nationale qu'elle emporte, que de la participation électorale qu'elle suscite, de nombreuses mesures communes à l'ensemble des élections lui sont également applicables.
La loi organique renvoie ainsi aux articles concernés du code électoral, qui déterminent notamment les conditions dans lesquelles se déroulent la campagne électorale et les opérations de vote. Or, si le Conseil constitutionnel admet qu'une loi organique puisse renvoyer à des dispositions législatives ordinaires, il demande au législateur de mentionner expressément la version de ces dispositions qui s'applique. En effet, la modification d'une loi ordinaire ne peut entraîner d'elle-même celle d'une loi organique, à moins de contrevenir à la hiérarchie des normes.
Par conséquent, la loi organique du 6 novembre 1962 comprend un dispositif dit « compteur » qui détermine la version des dispositions législatives ordinaires applicables à l'élection présidentielle. En cas de modification de celles-ci ou d'introduction de dispositions nouvelles, il convient d'actualiser ce compteur et de prévoir, le cas échéant, de nouveaux renvois.
C'est l'un des principaux objets du présent projet de loi organique, qui comprend des aménagements relativement modestes recommandés par le Conseil constitutionnel et la CNCCFP, avec l'appui du Conseil d'État dont l'avis a été sollicité. S'il traite d'un événement et d'un sujet éminemment politique pour les raisons que j'ai citées, il s'agit d'un texte technique, dit de réglage, présenté par le Gouvernement un an avant le prochain scrutin présidentiel, comme le veut l'usage.
Ce texte soumet à votre examen quatre articles. L'article 1er vise à fixer à dix semaines avant la date du premier tour de l'élection présidentielle la publication du décret de convocation des électeurs. Ce délai doit garantir aux candidats un temps suffisant pour recueillir leurs parrainages et éviter que cette publication ne soit soumise aux aléas du calendrier de l'activité gouvernementale.
L'article 2 comporte plusieurs objectifs. En premier lieu, le report, au plus tard au 1er janvier 2027, de la transmission par voie électronique des parrainages au Conseil constitutionnel, mesure adoptée par le législateur en 2016. En effet, la France ne dispose pas, à ce jour, d'outil numérique suffisamment sécurisé pour permettre de recourir à cette faculté à l'occasion de la prochaine élection présidentielle et le Conseil constitutionnel a, lui-même, recommandé de différer l'application de cette mesure, pour éviter tout risque de fraude.
Deuxièmement, la liste des articles du code électoral applicables à l'élection présidentielle est actualisée, afin de prendre en compte diverses modifications législatives intervenues depuis la dernière révision de la loi organique du 6 novembre 1962 et d'effectuer les coordinations nécessaires.
Afin de faciliter les contrôles, la transmission à la CNCCFP, par voie dématérialisée, des comptes de campagne et des reçus de dons des candidats est rendue désormais obligatoire.
De plus, le vote par procuration des personnes détenues, expérimenté dans le cadre des élections européennes de 2019 et qui devait s'appliquer lors des élections départementales et régionales, s'appliquera dès la prochaine élection présidentielle.
L'article 3 actualise, quant à lui, le compteur de la loi organique du 6 novembre 1962, en prévoyant que les dispositions législatives ordinaires applicables à l'élection présidentielle sont celles en vigueur à la date de publication de la présente loi organique.
Il convient, par ailleurs, de prendre en considération la déterritorialisation des procurations, à savoir la possibilité pour un mandataire de voter pour un mandant même s'il n'est pas inscrit sur les listes électorales de la même commune. Cette mesure s'appliquera au prochain scrutin présidentiel. Pour être resté plus de trente-six ans maire de ma commune, je dois vous dire que cette faculté est considérée comme un grand progrès.
Enfin, l'article 4 prévoit des coordinations à la loi organique no 76-97 du 1er janvier 1976 relative aux listes consulaires et au vote des Français établis hors de France pour l'élection du président de la République, ainsi qu'un assouplissement des règles de remplacement des membres des commissions de contrôle des listes électorales consulaires.
La commission des lois a adopté plusieurs amendements de coordination ou de précision rédactionnelle, qui n'ont pas modifié le fond des dispositions proposées dans le présent projet de loi organique. Nous avons débattu de sujets intéressants, comme le recours aux procurations ou la participation électorale, qui nous ont conduits à rappeler que le principal objectif de l'élection reste d'abord, surtout et avant tout, de parvenir à un résultat sincère. Une forte participation dans des conditions qui alimenteraient le doute sur la sincérité des opérations représenterait un danger pour notre démocratie. Je me félicite, à ce titre, que nous ayons, les uns et les autres, la volonté d'assurer la sincérité du scrutin, c'est l'essence même des voies démocratiques qui nous réunissent. Bien évidemment, nous approuverons le projet de loi organique qui nous est soumis.
Comme il est de coutume à l'amorce d'une élection présidentielle, il revient à notre assemblée le soin de procéder à l'adoption de certaines modifications nécessaires, au moyen d'une loi organique qui reste, d'ailleurs, essentiellement technique.
Nous saluons par conséquent que soit inscrit dans la loi le fait que le décret de convocation des électeurs ne pourra être publié moins de dix semaines avant l'élection. Cette disposition permettra de sécuriser juridiquement la campagne électorale présidentielle et de laisser davantage de temps aux candidats pour effectuer l'ensemble des démarches concernées.
Par ailleurs, l'instauration, lors de l'élection présidentielle, du vote par correspondance des personnes détenues est une mesure souhaitable : elle facilitera grandement leur vote, ces dernières, bien que privées de liberté, ayant pleinement leur place au sein du système démocratique.
L'obligation de transmettre les comptes de campagne par voie dématérialisée n'appelle pas d'objection de notre part, tant que la procédure est totalement sécurisée – ce qui n'était pas le cas, par exemple, lors de l'élection des députés des Français de l'étranger.
A contrario, le report de la transmission des parrainages par voie dématérialisée nous interroge. Nous aurions aimé que cette possibilité soit prévue et sécurisée, car il n'est pas simple pour tous les candidats de se présenter à l'élection présidentielle. Nous le savons bien : la campagne étant courte, certains emploient tous les médias possibles pour la commencer sans le dire, bien avant la date officielle. Les petits candidats, eux, ne le peuvent pas.
Quant à la possibilité pour un électeur de porter deux procurations, elle entre progressivement dans les esprits, et nous paraît de bon aloi.
Nous notons par ailleurs que le vote par correspondance n'est pas prévu, alors qu'il a permis à des millions d'Américains d'élire dernièrement leur président. Nous devrions songer à cette pratique :
M. Pacôme Rupin fait un signe de désapprobation
elle nous permettrait de préserver le débat démocratique et de voter dans un contexte affecté par la pandémie, voire menacé par un nouveau virus encore plus contagieux, venu de Grande-Bretagne.
J'aimerais, pour finir, ouvrir la réflexion : nous ne pouvons nous satisfaire que l'élection présidentielle soit l'alpha et l'oméga de la vie démocratique, dans une République aussi centralisée. Cette présidentialisation a été renforcée par l'élection du président au suffrage universel direct adoptée en 1962, par le passage au quinquennat en 2000 et par l'inversion du calendrier électoral. Or, il ne nous paraît pas sain que la vitalité de notre démocratie dépende de l'élection du seul président. Depuis 2002, tous les présidents de la République ont toujours disposé d'une majorité absolue – dont certains regrettent qu'elle soit aux ordres.
On évoque, ces derniers temps, l'introduction d'une dose de proportionnelle dans les élections législatives. Donnerait-elle davantage de pouvoir au Parlement ? Je n'en suis pas certain. Je crains qu'elle ne soit finalement qu'un moyen, pour certains apparatchiks – il y en a – , de se faire réélire très facilement. Elle couperait également le lien, pourtant essentiel, entre les circonscriptions et notre assemblée. Comme l'a voulu le législateur, le député est bien aussi le représentant d'électeurs qui l'ont élu dans une circonscription, et qui expriment des souhaits et des besoins pour leur vie courante. Le fait que nous représentions la nation, dans toutes ses différences, nous permet d'élaborer des lois qui s'adaptent aux territoires et à la vie réelle. Gardons-nous donc de couper ce lien, d'autant que nos concitoyens sont parfois très critiques à l'égard de leurs élus, voire trop. Dans un tel contexte, il est particulièrement important de restaurer un lien de confiance ; et pour cela, les élus doivent être au contact des citoyens.
Pour le groupe Libertés et territoires, il est temps de revoir l'architecture institutionnelle du pays en renforçant le pouvoir du Parlement, s'agissant par exemple de l'élaboration de son agenda ou encore des niches parlementaires, bien trop réduites. Il est sain que nous débattions à l'Assemblée, quitte à nous invectiver – car c'est cela, aussi, la démocratie.
Le projet de loi organique relatif à l'élection du président de la République comporte plusieurs volets qui n'appelleront ni critique, ni commentaire particulier du groupe de la Gauche démocrate et républicaine : ils visent à intégrer dans la loi du 6 novembre 1962 des dispositions inscrites postérieurement dans le code électoral, afin de sécuriser la tenue du scrutin. Nous y sommes favorables pour la plupart, en particulier lorsqu'elles visent à encourager la participation au scrutin et à faciliter l'accès au vote, en particulier pour les détenus.
Nous sommes également favorables aux simplifications et aux dispositions qui intègrent les outils numériques, comme la création de téléservices de dépôt des comptes de campagne ou de délivrance de reçus aux associations de financement – services opérés par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Concernant la numérisation, nous notons avec regret que vous avez reporté à 2027 la dématérialisation des parrainages. Nous regrettons, d'ailleurs, que nos propositions touchant au numérique n'aient pas été jugées recevables : nous persistons à penser que la création d'un téléservice de demande et de délivrance de procurations faciliterait les démarches et soutiendrait la participation au scrutin, tout en limitant les flux et les risques sanitaires afférents, particulièrement pour les personnes les plus fragiles. Cela soulagerait également les commissariats, qui n'auraient plus à accueillir et à collecter les demandes de procuration, et permettrait aux agents du service public et aux policiers de se consacrer à d'autres opérations.
En revanche, nous prenons nos distances avec les dispositions prévues à l'article 3, qui envisagent de déterritorialiser les procurations établies pour l'élection présidentielle : le mandant pourrait ainsi confier sa procuration à la personne de son choix, même si elle n'est pas inscrite dans sa commune. Une telle disposition comporte des risques. La déterritorialisation renforce en effet les possibilités de fraude électorale et d'achat de voix. Elle ne s'appliquerait qu'à l'élection présidentielle et non aux élections législatives, d'où une source de confusion préjudiciable pour les électeurs. De plus, le référentiel communal retenu actuellement pour organiser les scrutins n'est pas anodin : la commune est la pierre angulaire de la vie citoyenne de la nation, et c'est à cette échelle que nos institutions ont réglé la mécanique démocratique. Il convient, selon nous, de ne pas l'affaiblir. C'est pourquoi nous défendrons un amendement de suppression de l'article 3.
Alors que notre démocratie est malmenée, tant l'élection présidentielle surplombe un édifice démocratique de moins en moins visité par nos concitoyens, nous regrettons enfin que vous ne saisissiez pas l'occasion d'emprunter vous-mêmes le chemin de la réinvention. Ce ne sont pourtant pas les projets qui manquent ! Je pense notamment à la proposition de loi déposée il y a quelques années par notre ancien collègue Alain Bocquet, visant à faire tomber le verrou des pseudo-duels du second tour, en autorisant tous les candidats ayant atteint un certain seuil à se présenter au second tour. Voilà qui libérerait le pays du carcan qui l'oblige à ne choisir qu'entre deux chemins, favorisant un vote par défaut plutôt que par adhésion, et écartant des familles politiques pourtant structurantes pour le débat démocratique.
Je pense également aux modalités de financement de campagnes toujours plus coûteuses, fortement dépendantes du rapport des candidats avec les banques ou de leur capacité à mobiliser de généreux et fortunés donateurs. Mais la réinvention supposerait de l'audace et la capacité de s'éloigner d'une lecture conformiste et toujours plus monarchique de nos institutions – lecture à laquelle ce texte n'échappe pas ! Néanmoins, parce que nous y voyons principalement un texte technique plutôt que politique, et sous réserve du débat qui sera réservé à notre amendement de suppression, nous le voterons.
Comme le rapporteur l'a indiqué, nous allons procéder, avec ce traditionnel texte, à plusieurs coordinations législatives indispensables, à des aménagements techniques nécessaires et bienvenus, ainsi qu'à une actualisation des dispositions de la loi organique du 6 novembre 1962, telle que l'a préconisée le Conseil constitutionnel après l'élection de 2017. Vous l'aurez compris, le groupe La République en marche est favorable à ce projet de loi organique en général, et plus particulièrement à certains de ses points que nous jugeons très positifs, comme le délai de dix semaines qui permettra aux candidats de recueillir sereinement leurs parrainages.
On pourra, naturellement, regretter le report du parrainage électronique. Toutefois, si nous ne disposons pas encore d'une solution technique fiable en la matière, il est préférable d'en différer l'application. Il n'en reste pas moins essentiel de faire aboutir ce chantier démocratique.
Nous saluons en revanche la déclaration dématérialisée des comptes de campagne. Autre avancée notable : le texte n'oublie pas de rattacher à la loi organique les dispositions relatives au vote des détenus, que nous avions prises dans la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique. Nous nous en réjouissons, car la réinsertion sociale passe aussi par l'exercice de la citoyenneté.
Pour faire écho aux discussions en commission, je crois nécessaire de faciliter le recours au vote par procuration, afin que la majorité des Français, qui sont gens de bonne foi et de bonne volonté, puissent exprimer leur choix démocratique quelles que soient les circonstances, générales ou personnelles. Il nous faudra toutefois plus de temps pour en apprécier toutes les conséquences, favorables ou défavorables, d'autant que d'autres modalités de vote pourraient, elles aussi, favoriser la participation électorale des citoyens. Il convient donc d'étudier cette question plus précisément, sans la traiter subrepticement au détour d'un amendement applicable à un seul scrutin, fût-il présidentiel.
Ce texte, qui démontre l'adaptabilité de nos lois dans le cadre de la Constitution de la Ve République, permet d'assurer la bonne tenue d'un des moments les plus importants de notre vie démocratique, l'élection au suffrage universel direct du président de la République. Il reçoit donc tous nos suffrages ; nous le voterons, et nous vous engageons à en faire de même.
L'élection présidentielle étant, en France, le scrutin suprême, il est nécessaire que toutes les conditions soient réunies – comme vous l'avez indiqué, madame la ministre déléguée – , pour qu'elle se déroule de la manière la plus transparente, la plus claire et la plus incontestable possible. Tel est le sens du présent projet de loi organique. Si les éléments techniques qu'il comporte peuvent sembler relever du détail, ils sont néanmoins importants pour le déroulement du scrutin.
À l'instar de mes collègues, je me permettrai donc de les rappeler : convocation des électeurs au moins dix semaines avant le premier tour du scrutin ; report de la dématérialisation de la transmission des parrainages au Conseil constitutionnel – j'y reviendrai ; actualisation de la liste des articles du code électoral applicables à cette élection ; obligation pour les candidats de déposer leurs comptes de campagne par voie dématérialisée ; vote par correspondance des personnes détenues. Ces dispositions n'appellent pas d'opposition de la part du groupe Les Républicains ; nous les voterons, dans la perspective d'une élection présidentielle vers laquelle les regards des Français se tournent déjà amplement.
Je ferai toutefois une remarque sur l'article 2, qui prévoit de différer l'entrée en vigueur de la possibilité de transmettre les parrainages de façon dématérialisée. Comme je l'ai dit la semaine dernière en commission, lors de l'examen du texte, il est regrettable qu'il n'ait pas été fait en sorte depuis 2016, date à laquelle cette mesure a été votée, que nous puissions avaliser aujourd'hui l'application de dispositions permettant de moderniser le scrutin, même si j'ai bien entendu, madame la ministre déléguée, que vous souhaitez que toutes les précautions soient prises pour qu'il n'y ait aucune suspicion de fraude. Il me semble que l'entrée en vigueur de cette mesure était du domaine du possible. Aussi convient-il de se mettre en ordre de bataille pour ne pas refaire le même constat ici, dans quelques années, et devoir à nouveau reporter cette mesure au-delà de 2027.
Je soulèverai trois points qui relèvent du contexte. Premièrement, comme je l'ai dit en commission des lois, l'intitulé de ce texte a appelé l'attention de nombre de nos concitoyens, qui ont suspecté une manoeuvre politicienne visant à modifier les conditions de l'élection du président de la République. Il est important de tordre le cou à cette idée ici et de bien préciser de quoi il s'agit, car notre démocratie est en souffrance, …
… traversée par beaucoup de défiance à l'encontre tant des élus que des institutions. Je ne crois pas qu'on doive donner à penser qu'il puisse y avoir, où que ce soit, de telles intentions.
Ce premier point me conduit à faire une deuxième remarque qui a trait, de manière plus rapprochée, à la vie démocratique locale, avec la tenue des scrutins départementaux et régionaux, annoncés pour le mois de mars, qui vont faire l'objet d'un débat au Parlement pour être reportés en juin. Certains s'amusent à laisser penser que, sous couvert des problèmes sanitaires que nous traversons, ces élections pourraient être reportées d'un an et demi. Je ne crois pas que les Français puissent l'accepter car, même si ces scrutins ne font pas partie aujourd'hui de leurs préoccupations premières, la vie démocratique de notre pays doit être garantie à un moment donné, quoi qu'il arrive, pour reprendre une expression presque voisine de celle, favorite, du Président de la République. Il y va non seulement de la vie de nos institutions, mais également du niveau de confiance qu'on peut attendre de nos concitoyens sur la façon dont nous les faisons fonctionner.
Troisième remarque : il est normal, alors que nous sommes à seize ou dix-sept mois de l'élection présidentielle, que nous légiférions de façon à assurer le cadre de celle-ci, comme le prévoit la Constitution. En revanche, d'autres éléments de l'agenda parlementaire de cette semaine sont plus discutables, comme l'examen du projet de loi prévoyant la prolongation de l'état d'urgence sanitaire de six mois. Cela n'est pas possible. Dans le même ordre d'idée, je préconise qu'à l'occasion de l'examen de ces textes nous ayons une réflexion plus globale sur la façon dont nous devons respecter, au travers de tous les actes qui sont pris au Parlement, la confiance que les Français nous font en nous désignant pour les représenter et décider en leur nom.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner le projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République en vue des prochaines échéances électorales que connaîtra notre pays. Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le rapporteur, pour la clarté de votre présentation, alors que le texte est d'une technicité plutôt absconse.
Il s'agit d'adapter la loi organique à notre code électoral pour prendre en compte toutes les évolutions législatives récentes. Ainsi, en ce qui concerne l'article 1er, le groupe démocrate salue la volonté du Gouvernement de sécuriser les opérations qui découlent de la publication du décret de convocation des électeurs pour l'élection présidentielle, avec l'introduction d'un délai minimal de dix semaines entre la date de sa publication et celle de la tenue du premier tour. Plus que jamais, il est en effet important de permettre le bon déroulement des opérations électorales dans un climat d'effectivité et de sérénité.
Permettez-moi de revenir sur quelques points qui nous semblent cruciaux, malgré le caractère très technique de ce texte.
La dématérialisation de la transmission des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est une bonne disposition qui s'inscrit dans le sens des mesures défendues par notre groupe en matière électorale, et que nous aurons l'occasion d'aborder lors de l'examen prochain d'un autre texte.
En ce qui concerne le vote par correspondance des personnes détenues, le Président de la République avait clairement affiché sa volonté, que nous partageons amplement, que tous les détenus puissent exercer leur droit de vote. Les résultats positifs de l'expérimentation menée dans plusieurs centres pénitentiaires confirment ce que notre groupe défend depuis longtemps : nous devons permettre le vote par correspondance aujourd'hui pour les détenus et envisager son extension à l'ensemble de nos concitoyens peut-être demain.
Permettez-moi pour le point qui suit d'exprimer ici une forme de regret, comme l'ont fait un certain nombre d'orateurs précédents. Nous n'avons pas encore réussi à surmonter les difficultés techniques permettant l'application de la transmission dématérialisée des parrainages. L'effectivité de cette disposition de la loi organique du 25 avril 2016 est reportée au 1er janvier 2027, et nous le comprenons. Cependant, nous souhaitons qu'à cette date, c'est-à-dire dans six ans, tout ait pu être fait pour que nous soyons prêts à assurer cette transmission dématérialisée des parrainages.
Outre ces différents aspects de réglage, ce projet de loi organique nous invite à réfléchir. L'année que nous venons de vivre est pour le moins particulière et je pèse naturellement mes mots. La crise sanitaire a ainsi profondément bouleversé l'élection des conseils municipaux, intercommunaux et métropolitains. Nous espérons qu'elle ne bouleversera pas autant les élections à venir, particulièrement l'élection présidentielle, mais nous savons déjà que la période électorale sera affectée et ne pourra se dérouler dans les conditions habituellement connues.
L'examen de ce projet de loi organique nous interroge donc quant aux conditions dans lesquelles se déroulera ce scrutin qui revêt une grande importance pour nos concitoyens. Vous avez parlé, madame la ministre déléguée, d'un scrutin structurant pour notre démocratie. Il m'interroge également sur les évolutions que nous pourrions envisager pour les prochaines élections, afin d'inciter les Français, toujours trop nombreux à s'abstenir, à faire entendre leur voix, et que chacun d'entre eux puisse être assuré d'avoir pu faire entendre sa voix. Je salue ainsi particulièrement la déterritorialisation des procurations qui permettra à chacun de trouver un concitoyen pour exprimer son vote, peu importe où il réside sur le territoire national.
La participation de nos concitoyens aux élections est une composante essentielle et même vitale de notre démocratie. C'est là qu'est l'enjeu pour continuer à la faire vivre, et c'est ce qui doit sous-tendre et guider notamment ce texte.
Le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés votera naturellement ce projet de loi organique, dans l'attente d'un autre texte qui permettra d'étudier en profondeur les différentes pistes que notre groupe est prêt à proposer pour faire vivre notre démocratie si précieuse pour nous tous.
La loi du 6 novembre 1962 encadre l'élection du président de la République et donne un cadre électoral à ce scrutin.
Le projet de loi organique que nous examinons vise à décliner et aligner le droit de l'élection présidentielle sur ce que sont devenues, au fil des lois ordinaires, les autres élections et à traiter des points considérés comme sensibles par le Gouvernement. Il met en évidence a contrario des manques. Je reprendrai quelques réflexions qui ont déjà été évoquées en commission des lois.
S'agissant de l'alignement recherché sur le droit appliqué aux autres élections, il a été jugé utile, avant la prochaine élection présidentielle, de prendre en considération les évolutions législatives intervenues en matière électorale depuis le précédent scrutin. Ainsi, le texte fixe une date limite de publication du décret de convocation des électeurs qui interviendra au moins dix semaines avant le scrutin. En effet, à la différence des autres élections, la date de publication du décret de convocation à l'élection présidentielle n'est aujourd'hui encadrée par aucun texte, alors qu'elle déclenche la période du recueil des parrainages. L'inscription dans la loi de cette disposition est donc de nature à sécuriser cette opération.
Le texte reporte par ailleurs à une date fixée par décret, et au plus tard au 1er janvier 2027, la possibilité de transmettre par voie dématérialisée les parrainages au Conseil constitutionnel. L'absence d'identité numérique de niveau élevé, dispositif de nature à sécuriser au mieux la transmission des parrainages, impose en effet de décaler l'entrée en vigueur de ce dispositif instauré en 2016 par voie d'amendement.
Ce texte consacre également le système de vote par correspondance pour les personnes détenues. Ce dispositif, déjà appliqué pour les élections européennes de 2019, nous semble très important. Il adapte, de plus, certains aspects financiers de la campagne électorale en dématérialisant la transposition des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, ainsi que l'édition par voie électronique des reçus-dons.
De façon plus significative, le projet a pour objet de prévenir certaines difficultés techniques ayant une réelle dimension politique. Ainsi, il modifie la date du début des comptes de campagne de la présidentielle de 2022. Les comptes pour l'élection présidentielle sont théoriquement ouverts un an avant le scrutin, c'est-à-dire qu'ils devraient l'être normalement au mois d'avril prochain. Le problème, c'est que les élections régionales et départementales vont être reportées de mars à juin 2021, en raison de l'épidémie de covid-19 : or les comptes de campagne de ces scrutins locaux sont ouverts depuis le 1er septembre.
Le Gouvernement craignant un chevauchement des comptes de campagne, il conviendrait à ses yeux de reculer la date du début des comptes de campagne de l'élection présidentielle après les élections régionales de juin. Pourtant, le Conseil d'État estime, dans son avis, que « la superposition des périodes de contrôle afférentes à des campagnes électorales distinctes est habituelle, du fait notamment de la proximité entre l'élection présidentielle et les élections législatives », et ce avec des montants maximaux de plafonds de dépenses très différents. De façon incidente, un report du début des comptes de campagne pour l'élection présidentielle permettra aussi au président sortant de faire des dépenses sans qu'elles soient incorporées aux charges de campagne. Dans ces conditions, l'évolution proposée ne paraît pas s'imposer.
J'aborderai maintenant les questions posées par le vote à l'élection présidentielle qui auraient pu faire l'objet d'un travail de fond débouchant sur des évolutions importantes. À cet égard, je ferai deux observations.
Premièrement, nous sommes l'un des rares pays où l'élection du président de la République au suffrage universel se pratique avec un système de parrainage d'élus pour pouvoir être candidat. Un parrainage par des citoyens a été proposé par une commission officielle. Une telle méthode nécessiterait une réflexion de fond sur ses effets sur un système de primaires auquel s'adressent déjà des partis, sur un seuil acceptable pour une majorité, sur le contrôle des parrainages par le Conseil constitutionnel et sur l'effectivité du choix des citoyens.
Ma seconde observation concerne le vote par correspondance. La pandémie et l'abstention croissante qui ont eu des effets sur des scrutins pourtant appréciés des Françaises et des Français constituent autant de raisons d'évoquer un sujet qui ne doit pas être tabou. Certes, le recours à celui-ci a un coût et il présente des risques, mais surtout de tels inconvénients doivent être mis en balance avec les bénéfices majeurs qu'il apporterait, à savoir la participation des citoyens et la légitimité des élus et des choix faits.
Ce sont donc des sujets importants, madame la ministre déléguée, dont vous comprendrez qu'ils ne peuvent être traités seulement par voie d'amendements. Le groupe Socialistes et apparentés espère donc, dans le cadre de cette législature, pouvoir les aborder sur le fond et de manière sérieuse, et engager ce travail nécessaire avec l'ensemble des collègues ici présents ainsi qu'avec le Gouvernement.
Vous nous avez expliqué en commission, monsieur le rapporteur, que nous étions tenus à un devoir de responsabilité et de lisibilité des dispositifs qui sont les nôtres, dans une période compliquée où la démocratie est souvent malmenée. La tenue d'un scrutin présidentiel irréprochable est une exigence impérieuse pour ce qui concerne le groupe Agir ensemble, parce que cette élection est le moment charnière de la vie politique sous la Ve République.
On a déjà évoqué le fait que ce projet de loi organique tend à modifier la loi organique de 1962, ainsi que celle de 1976 qui concerne l'élection du président de la République s'agissant des Français établis hors de France. On a déjà souligné à plusieurs reprises qu'il s'agit d'un dispositif technique de réglage, qui poursuit deux objectifs : premièrement, actualiser sur le plan technique le code électoral afin de prendre en considération des évolutions législatives récentes ; en second lieu, améliorer certaines règles qui encadrent l'élection. De ce point de vue, même s'il s'agit d'un texte technique, son apport est relativement substantiel, notamment parce qu'il établit un délai incompressible de dix semaines entre l'adoption du décret de convocation du peuple au suffrage et l'élection, ce qui aura pour effet de sécuriser la réception des parrainages.
Ce texte prévoit, en troisième lieu, la dématérialisation du dépôt des comptes de campagne et un système d'édition électronique des reçus au moyen d'un téléservice, ce que nous saluons. En quatrième lieu, il prévoit, ce dont notre groupe se réjouit également, la déterritorialisation des procurations. Enfin, il met en place un dispositif de vote par correspondance pour les détenus, tel que celui qui a été mis en oeuvre lors des élections européennes de 2019.
Il est heureux que l'amendement tendant à autoriser le vote par correspondance pour la présidentielle n'ait pas passé l'écueil de la recevabilité, car nous aurions dû nous y opposer eu égard à l'importance de l'acte de votation, tout particulièrement pour ce qui concerne l'élection à la présidence de la République, qui doit passer selon nous par une procédure formelle à laquelle nous sommes attachés.
Le groupe Agir ensemble se réjouit que l'usage selon lequel on présente un texte au moins un an avant l'élection sur lequel il porte ait été respecté, tout en regrettant, après les orateurs qui se sont succédé, que le parrainage par voie électronique ait été reporté en 2027. Nous nous préoccupons bien évidemment de la mise en oeuvre d'ici là d'un outil sécurisé, fiable, de nature à autoriser enfin ce passage à la voie électronique. Pour le reste, le groupe Agir ensemble votera en faveur de ce texte.
Le texte que nous examinons est essentiellement technique, cela a été rappelé à plusieurs reprises. Ce projet de loi organique a, certes, pour objectif de modifier la loi organique de 1962 qui organise l'élection du président de la République au suffrage universel mais, conformément à l'invitation du Conseil constitutionnel, il a pour objet principal de faire droit aux évolutions de notre droit électoral dans la perspective de l'élection présidentielle de 2022.
Comme, là encore, les collègues qui m'ont précédé ici, je me réjouis de la présence d'un certain nombre de dispositions, visant notamment à concilier nos impératifs démocratiques avec la situation sanitaire du pays, c'est-à-dire à organiser le processus électoral malgré la présence du coronavirus.
Je partage tout à fait les propos de mon collègue Arnaud Viala : personne, dans la représentation nationale pas plus que dans le peuple français, ne pourrait concevoir que des élections, certes locales, soient de mois en mois repoussées au point d'enjamber l'élection présidentielle au seul motif sanitaire. Ce serait d'autant plus hallucinant que les grandes démocraties qui nous entourent se sont montrées capables d'organiser leur élection majeure – par exemple l'élection présidentielle au Portugal – , alors qu'elles connaissent la même situation sanitaire que la nôtre. Cela ne signifie pas qu'il faut faire fi de celle-ci mais bien qu'il faut concilier l'enjeu sanitaire avec l'impérieuse nécessité de faire vivre la démocratie dans notre pays.
Le groupe UDI et indépendants note avec satisfaction la déterritorialisation des procurations. Nous sommes en désaccord avec M. le rapporteur sur le risque que la possibilité de détenir deux procurations favorise la fraude, le recours au vote par procuration devant satisfaire certaines conditions : on ne fait pas une procuration par complaisance. L'acte de votation est donc respecté dans ce processus : il s'agit simplement de faire en sorte que certaines nécessités impérieuses, d'ordre médical ou un voyage, par exemple, n'interdisent pas la participation au processus électoral.
La position de notre groupe n'est pas la même vis-à-vis du vote par correspondance, bien que nous comprenions tout à fait qu'il puisse être utilement organisé dans de bonnes conditions en milieu carcéral. En revanche, la généralisation de ce processus nous semble nous éloigner des objectifs de la votation physique Surtout, ce processus me semble plus propice à la fraude que l'autorisation de détenir deux procurations.
Nous regrettons après un certain nombre de nos collègues que la dématérialisation de la transmission des parrainages, inscrite dans la loi depuis 2016, ne puisse pas être mise en oeuvre pour l'élection de 2022. Nous espérons fortement que les obstacles techniques empêchant cette dématérialisation seront levés d'ici le scrutin de 2027.
Nous proposons du reste la dématérialisation totale des procurations qui, aujourd'hui, doivent in fine se faire dans un tribunal, un commissariat ou une gendarmerie, ce qui ferait économiser 47 millions d'euros au budget de l'État. Nous proposons également la possibilité de dématérialiser la propagande électorale. Il faut en effet, alors que nous entrons dans l'ère du numérique, que la propagande électorale s'adapte à notre temps. Nous soutenons enfin la création d'une banque publique de financement de la vie politique pour éviter que des candidats rencontrent des difficultés à ouvrir un compte bancaire ou à bénéficier d'un prêt pour financer leur campagne, comme ça a été le cas lors des dernières municipales.
Telles sont, mesdames et messieurs, les propositions défendues par le groupe UDI et indépendants dans le cadre de ce débat. Bien évidemment nous voterons en faveur du présent projet de loi.
De jour en jour la Ve République s'enfonce dans l'autoritarisme. Les Français ont coupé la tête d'un roi pour, 200 ans plus tard, hériter d'un monarque présidentiel : le président concentre dans ses mains tous les pouvoirs. Il y aurait des contre-pouvoirs ? On ne les voit pas : pour obtenir la bienveillance du monarque et de l'oligarchie, ils se soumettent tous les jours un peu plus.
Aujourd'hui, la majorité En marche réduit encore les pouvoirs du Parlement. C'est un véritable exploit au vu de l'état d'abaissement où le Parlement se trouvait déjà. Eh bien ! En marche va encore plus loin en réduisant à néant le pouvoir d'amendement des députés, droit pourtant consacré par la Constitution – mais qui se soucie de la Constitution ?
Les amendements ne sont mêmes plus discutés mais simplement décrétés irrecevables par les présidents de commission En marche. Voilà les petites combines visant à échapper aux débats gênants érigées au rang de principes constitutionnels. Les députés n'ont plus qu'à jeter à la corbeille leurs amendements et voter en cadence les textes du Gouvernement. Nous ne discuterons donc pas aujourd'hui des propositions de la France insoumise puisque, selon En marche, il est interdit d'évoquer l'organisation de l'élection présidentielle dans une loi qui organise l'élection présidentielle : bienvenue dans le monde magique des macronistes !
La France insoumise a déposé un amendement pour permettre aux citoyens de parrainer les candidats à l'élection présidentielle. Cette proposition de parrainage par 150 000 citoyens est une proposition raisonnable, issue des travaux de la commission Jospin pour la rénovation de la vie publique de 2012. Rien de révolutionnaire donc. Mais ils ont peur du parrainage citoyen des candidats, puisqu'ils veulent nous empêcher d'en débattre.
Il est trop commode de filtrer les candidatures par le système actuel des parrainages d'élus.
La peur de perdre des subventions tétanise des maires obligés de satisfaire les potentats locaux sous peine de représailles. Ainsi des courants significatifs de la vie politique ont été ou risquent d'être exclus de la seule élection qui compte encore de nos jours. En cela le système du parrainage par 500 élus nuit à la sincérité du scrutin, puisqu'il aggrave les inégalités entre les candidats. Mais En marche refuse toute autre solution pour mieux profiter du système actuel. C'est un pur et simple déni de démocratie. Comme il serait plus simple pour vous de pouvoir choisir les candidats à l'élection présidentielle, comme vous le faites déjà pour les amendements !
On voit bien que ce texte qu'on nous présente comme purement technique est en réalité politique. Censé intégrer dans la loi organique relative à l'élection présidentielle les modifications du code électoral survenues depuis 2017, il ne le fait même pas ! Il est désormais possible pour les citoyens de financer eux-mêmes les campagnes de toutes les élections par des prêts, sauf la présidentielle ! Ce projet de loi organique ne corrige même pas cette aberration. Et quand nous voulons en discuter, on nous répond que c'est hors sujet !
Évidemment, il est bien plus commode pour Emmanuel Macron de financer sa prochaine campagne présidentielle comme la précédente, en comptant sur de très riches donateurs, qui n'hésitent pas à se montrer généreux avec le candidat de l'oligarchie. D'ailleurs il leur a bien renvoyé l'ascenseur en supprimant l'ISF – impôt de solidarité sur la fortune – et en vendant la France à la découpe !
La vérité, la voici : vous défendez un système qui prive le peuple de sa liberté de choisir les candidats et vous placez le financement de l'élection entièrement dans les mains de l'oligarchie bancaire et financière, laquelle évidemment favorisera les candidats qui lui sont favorables. C'est la souveraineté populaire que vous bafouez, que vous mutilez !
Il serait pourtant simple d'organiser l'élection de façon à permettre au peuple de choisir librement, en mettant en place le parrainage citoyen, le plafonnement des dépenses et des dons, des prêts aux candidats garantis par l'État, l'encadrement des sondages, une véritable égalité des temps de parole. Mais vous vous y refusez ! Que voulez-vous ? Rétablir le suffrage censitaire ? Les plébiscites du Second Empire ? Assumez que la démocratie, que le peuple vous font peur.
M. Pacôme Rupin s'esclaffe.
Les modalités de l'élection présidentielle n'auront donc même pas droit à un débat démocratique digne de ce nom. Nous jouons ici une sinistre comédie : il faudrait faire semblant de croire que nous vivons encore dans une démocratie, où le peuple est souverain, quand tout est fait pour écarter le peuple de l'exercice de sa souveraineté.
Ne comptez pas sur nous pour jouer à ce jeu. Vous détestez la démocratie ; vous ne l'aimez que quand elle sert les intérêts de l'argent. Mais le pouvoir appartient au peuple et il saura vous le rappeler. À bas le monarque présidentiel qui décide seul de tout ! Que vivent la VIe République et la Constituante !
Les seules démocraties que vous aimez, ce sont les démocraties populaires !
Moins de dix-huit mois : c'est le temps qu'il nous reste avant la prochaine élection présidentielle. Six mois : c'est le temps qu'il reste officiellement, sans préjuger du projet de loi à venir, avant les élections départementales et régionales. Pourtant, vous avez choisi d'inscrire à l'ordre du jour le texte relatif à l'élection présidentielle avant celui relatif aux élections régionales et départementales.
Il s'agit d'un passage obligé, d'un examen technique, selon vos dires. Gardez-vous cependant de donner l'impression aux Français que l'élection présidentielle devrait primer sur toute autre élection, comme s'il y avait une élection de prestige et des élections de seconde zone pour une France périphérique et ceux qui ne sont rien. On ne sait toujours pas en effet quand se tiendront les élections régionales et départementales.
Un projet de loi sera examiné au Sénat le 26 janvier : pour l'instant, le mois de juin est retenu mais on parle déjà de report. Juin, septembre, voire après l'élection présidentielle : toutes les rumeurs courent. Au reste, le report des élections régionales et départementales n'est pas sans poser problème : que se passera-t-il pour les comptes de campagne d'un candidat à l'élection régionale qui déciderait ensuite de se présenter à l'élection présidentielle ?
Comment les dépenses engagées au titre de l'élection régionale seront-elles alors prises en compte dans le cadre de la campagne présidentielle ?
Ce sont autant d'interrogations qui ne trouvent pas de réponse dans ce texte.
Venons-en au projet de loi lui-même. L'article 1er prévoit que le décret de convocation des électeurs sera publié au moins dix semaines avant la date du premier tour de scrutin.
L'article 2, quant à lui, prévoit la dématérialisation de la transmission des comptes de campagne à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques – c'est une très bonne disposition. Il prévoit également de différer l'entrée en vigueur de la possibilité de transmettre au Conseil constitutionnel, par voie électronique, les parrainages nécessaires pour se présenter à l'élection : c'est évidemment regrettable. Cette disposition est issue d'une loi organique datant du 25 avril 2016 – oui, 2016 ! À ce jour, la France ne dispose pas d'outils numériques suffisamment sécurisés pour servir lors de la prochaine élection présidentielle, nous dit-on. Peut-être devrions-nous nous interroger sur notre volonté de nous doter concrètement des moyens permettant d'appliquer les lois que nous adoptons.
L'article 3 permet l'établissement de procurations dématérialisées et l'article 4 modifie certaines dispositions relatives aux listes électorales consulaires.
Ce texte technique ou « de réglage », selon l'expression utilisée par le rapporteur en commission, ne fait, toujours selon le rapporteur, qu'ajuster quelques détails pour l'élection présidentielle. Mais c'est justement parce que nous nous sommes cantonnés à cette dimension technique, que nous sommes passés à côté de sujets importants qui, eux, auraient mérité d'être soulevés.
Je suis opposée à la multiplication des procurations, car il est illusoire de croire qu'elle résoudra le problème de l'abstention, qui s'explique bien davantage par un manque de confiance envers les institutions ; la reconnaissance du vote blanc, en revanche, pourrait apporter une solution.
Le Président de la République déclarait en mars 2019 que cette question travaille depuis longtemps notre démocratie : créons au moins les conditions d'un débat à l'Assemblée !
De même, nous aurions pu aborder la façon dont le CSA – Conseil supérieur de l'audiovisuel – règle les débats sur les chaînes publiques pendant les campagnes présidentielles. Quand on connaît la prétendue impartialité de cette institution, il y a de quoi se poser des questions… Songeons, par exemple, aux critères d'attribution des temps de parole : le CSA les attribue non seulement selon la représentativité des candidats, notamment en fonction des résultats qu'ils ont obtenus lors de précédentes élections, …
… mais aussi en fonction de la contribution du candidat lui-même à l'animation du débat électoral. Autrement dit, le CSA organise l'élection présidentielle en octroyant d'emblée un avantage au sortant et aux gros partis : bref, le système tourne en boucle.
La sincérité du scrutin, quelle que soit l'élection, est primordiale. Elle ne doit laisser la place à aucun doute et ne prêter le flanc à aucune contestation. On a vu les ravages de la suspicion, fût-elle sans fondement, sur les résultats électoraux aux États-Unis. Avec la crise sanitaire et économique que nous traversons, il serait criminel – je pèse mes mots – de laisser la moindre place au soupçon ou à la défiance quant aux résultats électoraux en France.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique relatif à l'élection du président de la République.
J'ai encore à l'esprit les deux brillantes interventions du président Ferrand et du ministre Le Drian à propos de Claude Goasguen.
Dieu que la langue française est belle lorsqu'elle est utilisée de cette manière ! Je me disais avec le brin de candeur qui me reste qu'il est dommage de devoir mourir pour entendre de telles paroles. Même Cicéron a été convoqué !
S'agissant des élections départementales et régionales, puisque ce sont les prochains scrutins à venir, j'ai trouvé la réponse du Premier ministre pleine de bon sens.
En effet, cela ne m'était sans doute jamais arrivé.
Quoi qu'il en soit, il n'y a pas d'urgence absolue à voter à toute vitesse : la France s'en remettra, même si ces élections étaient reportées d'un an. J'ai été assez souvent élu lors de ces deux scrutins pour savoir que je ne veux plus jamais revoir un premier tour des élections municipales tel que celui de l'an passé. À l'époque, je m'étais déjà opposé à sa tenue auprès de ceux qui avaient bien voulu m'écouter, c'est-à-dire pas grand monde. Nous avons tous constaté ce qui a suivi. Le covid-19 s'est répandu à une vitesse spectaculaire. Les plus hautes personnalités de l'État ont invité les personnes âgées de plus de 70 ans à rester chez elles en raison du danger lié au scrutin ! Ce n'est pas à refaire. Je le répète : il n'y a aucune urgence sur cette question.
Le texte qui nous est présenté actualise le droit électoral en vue de la prochaine élection présidentielle et procède à des aménagements utiles. Il ne comporte aucune difficulté majeure. Néanmoins, il est l'occasion d'aborder un sujet important : les conditions d'éligibilité du président de la République.
J'ai proposé un amendement déclaré irrecevable au motif qu'il constituait un cavalier législatif.
Il visait à ce que nul ne puisse se présenter sans avoir déjà exercé un mandat électif, national ou local.
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR.
En effet, être chef de l'État ne s'improvise pas. Les responsabilités en jeu sont considérables…
… et les décisions prises ont de profondes incidences sur l'avenir du pays et des citoyens. Il faut que tous les prétendants et prétendantes à la fonction suprême soient les mieux armés à l'exercice de la fonction présidentielle, fonction à laquelle aucune école ne prépare réellement, …
… sinon celle de l'expérience, du terrain, du vécu. La relation entre le chef de l'État et les citoyens est un enjeu primordial du mandat présidentiel ; seule la fonction d'élu permet de la comprendre et de l'appréhender au mieux. Aussi serait-il sans doute bienvenu que tout aspirant à la fonction présidentielle ait déjà exercé un mandat électif, au sein de la représentation nationale ou d'une collectivité territoriale.
On ne dirige pas un pays comme on dirige une entreprise. La relation avec les citoyens est un exercice délicat qui s'improvise rarement avec succès. Cette expérience préalable pourrait être précieuse et éviter certains écueils, par exemple de se couper d'une grande partie des Français qui défilent en jaune dans les rues.
Je sais que cette proposition ne fera pas l'unanimité : si elle avait été dans les textes, notre présent aurait été tout autre !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
L'article 1er est adopté.
Permettez-moi tout d'abord de remercier le Gouvernement de ne pas nous avoir imposé ce que nous imposèrent les précédents, le dernier en particulier : un changement radical des conditions de l'élection présidentielle. Quinze mois avant la dernière élection, il fut en effet décidé qu'il n'appartiendrait désormais plus aux candidats d'apporter leurs parrainages au Conseil constitutionnel, comme auparavant, mais que les parrainages seraient officiellement acheminés par la voie postale ou je ne sais comment. Les règles du jeu s'en sont trouvées totalement changées, car les maires n'étaient pas habitués à cette procédure.
D'autre part, il fut décidé que le tout-puissant CSA et les non moins puissants sondeurs d'opinion seraient chargés de mesurer le niveau d'animation et l'impact des candidats pour décider de leur exposition devant la presse. Quelle grandeur démocratique ! Je vouais déjà une immense estime au CSA et plus encore aux sondeurs d'opinion… D'ailleurs, ceux-ci me placèrent dès le premier jour à 0,5 % d'intentions de vote pour me faire bondir à 1,5 % huit jours avant l'élection. J'ai fini à 1,23 % : courbe parfaite, résultat indiscutable !
Sourires sur quelques bancs.
C'est le seul amendement de notre groupe qui n'aura pas été jugé irrecevable en vertu de la nouvelle application draconienne de l'article 45 de la Constitution, dont on constate les méfaits pour notre démocratie.
Cet amendement vise à aller plus loin que la disposition que prévoit le texte concernant le vote des détenus, à savoir l'instauration du vote par correspondance sous pli fermé. Nous estimons qu'il faut faire davantage pour assurer le vote de cette catégorie de la population : les personnes concernées ont certes été condamnées mais n'ont pas été privées de leurs droits civiques et doivent donc pouvoir participer pleinement aux rendez-vous démocratiques. Nous demandons donc la création d'une liste électorale et d'un bureau de vote dans chaque centre pénitentiaire, afin que le vote puisse être exprimé en personne dans toutes les prisons de France.
Il faut étudier cet amendement avec beaucoup de sérieux. Je suis très sensible au fait qu'on s'intéresse à la situation des détenus. S'il y a bien une mesure qui amoindrit la dignité humaine, c'est celle qui consiste à priver une personne du droit de vote, alors même qu'il n'a pas été retiré par la voie judiciaire.
Vous proposez l'installation d'un bureau de vote dans chaque établissement pénitentiaire pour permettre au plus grand nombre de détenus de voter. Ma profession m'a conduit à visiter de très nombreuses prisons : la situation est très différente selon que l'on se trouve dans un petit établissement n'accueillant parfois que cinq ou six personnes, comme je l'ai par exemple constaté à Coutances, ou dans de grands établissements comme celui de Bois-d'Arcy.
M. Jean Lassalle applaudit.
Mon avis est donc défavorable car il me semble que la seule réforme pouvant être appliquée avant la prochaine élection présidentielle est celle que nous avons déjà appliquée – soyons-en bien conscients – lors des élections européennes de 2019, et qui a donné satisfaction. Nous pouvons tous nous féliciter de cette véritable avancée démocratique qui a déjà eu lieu.
Le vote par correspondance sous pli fermé permet en effet aux personnes détenues de participer aux scrutins dans de bonnes conditions, tandis que l'installation d'un bureau de vote dans chaque établissement risque de poser des problèmes de logistique et de sécurité, que ni votre amendement ni une étude préalable de sa faisabilité ne permettent de résoudre. C'est pour ces raisons et parce que l'élection présidentielle n'est pas le scrutin adéquat pour expérimenter une nouvelle modalité de vote que j'y suis défavorable.
S'agissant du vote par correspondance, il faut être très attentif, notamment à la date de l'envoi du pli. J'ai été très surpris de constater qu'aux États-Unis, puisque l'élection présidentielle vient d'y avoir lieu, les électeurs pouvaient voter pendant une période de plusieurs mois ! Or qu'y a-t-il de plus particulier dans la vie politique d'un pays que le jour où l'on se prononce ? Je suis donc très réservé sur la notion même de vote par correspondance. Je pense même que, dans bien des cas, il risquerait d'entacher la sincérité du scrutin.
En tout état de cause, cette proposition mériterait un examen de fond sérieux et une étude d'impact, afin de véritablement évaluer ce qu'elle apporterait à la démocratie. Or, selon moi, il convient d'assurer les conditions non pas d'une démocratie populaire, mais d'une démocratie républicaine.
Je n'ajouterai pas un mot, car la démonstration du rapporteur a été brillante. Même avis.
Au contraire, je trouve que la proposition de M. Lachaud est positive. Tout d'abord, elle permettrait au prisonnier de conserver son droit de vote, qu'on ne lui a pas retiré, et, en accomplissant cet acte citoyen, de garder un lien avec la société. En outre, à l'inverse du vote par procuration, elle permet le maintien d'une certaine discrétion sur sa situation même de prisonnier, qui n'a pas à être connue. Je pense donc qu'il s'agit d'une très bonne proposition.
Je souhaite rebondir sur les propos du rapporteur, qui se félicite de la réforme du vote par correspondance instaurée lors de la législature actuelle. Comme cela a été rappelé à juste titre, c'est en effet lors des élections européennes que cette modalité a été appliquée pour la première fois. Elle a alors très bien fonctionné.
Je suis membre d'une famille politique qui défend le vote par correspondance et qui pense qu'il faut avancer plus encore sur le sujet. Malgré les bons arguments que vous avez développés, je pense néanmoins…
… qu'il faut que nous menions une réflexion plus large sur le vote et, au moins, sur la possibilité d'expérimenter le vote par correspondance lors d'une élection à venir.
En effet, l'exemple américain a montré le véritable succès de cette modalité : cette année, bien plus de gens ont voté aux États-Unis que les années précédentes. Cela doit nous interroger : même si je suis personnellement amoureux du geste de vote au sein d'un bureau, …
… qui implique un déplacement, et du cérémonial du dépouillement, lesquels me semblent servir la République et être particulièrement pédagogiques pour les enfants, je crois qu'au XXIe siècle, avec toutes les avancées techniques et technologiques, on ne peut plus s'en contenter. Nous devons donc mener une réflexion sur un nouveau type de vote pour les gens qui, pour différentes raisons, ont plus de mal à se déplacer ou ne souhaitent pas le faire.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre réponse précise et détaillée, mais qui me semble présenter une légère contradiction avec vos propos tenus en commission. En effet, vous y disiez craindre que, de par sa nature même, le vote par correspondance, comme la multiplication du nombre de procurations par mandataire, ne risque d'engendrer des fraudes. C'est un souci que je partage – je l'avais dit alors – , et c'est même pour cela que je pensais que vous émettriez un avis favorable sur cet amendement : comme il vise à permettre à l'ensemble des détenus de France d'aller physiquement voter, modalité que vous préconisiez pour lutter contre la fraude, j'aurais pensé qu'il recueillerait votre satisfecit. Plus que tout autre, l'élection présidentielle doit en effet être au-dessus de tout soupçon de fraude.
Je ne suis pas de ceux qui ont ri en découvrant les problèmes rencontrés par les Américains, qui ont découvert leur pays divisé par une fracture abyssale. Je suis en revanche de ceux qui n'ont pas apprécié la prise de parole de notre Président de la République, nuitamment, sur fond de drapeau américain. On peut tout faire, mais en démocratie, en république, les symboles sont essentiels : qu'aurions-nous dit si le Président des États-Unis était intervenu, sur fond de bannière tricolore, alors que des gilets jaunes étaient aux portes de l'Élysée ?
Cette parenthèse refermée, je voulais simplement indiquer que j'étais favorable au droit de vote des prisonniers – pour autant qu'ils n'aient pas été déchus de leurs droits civiques. Comme notre rapporteur, j'ai visité plusieurs prisons et ai pu me rendre compte combien ces hommes et ces femmes, qui ont tant besoin de se reconstruire…
… réfléchissent, et combien leurs réflexions sont parfois aiguës et pleines de bon sens.
À travers les différentes interventions sur cet amendement d'appel et de réflexion, et ainsi que j'ai déjà pu l'exprimer tout à l'heure à la tribune au nom de mon groupe, on constate une volonté partagée sur tous les bancs d'aborder ce sujet. L'amendement n'était peut-être pas le bon véhicule pour cela, nous pouvons le comprendre, mais il s'agissait d'un appel à entamer un travail.
Nous connaissons l'engagement de Mme la ministre déléguée en matière de citoyenneté. Peut-être pourrait-elle nous indiquer s'il est prévu qu'un prochain texte aborde la question des évolutions nécessaires pour rendre notre démocratie et notre république plus modernes et plus accessibles aux citoyens, incitant ainsi à une plus grande participation électorale ?
L'amendement no 15 n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
Avant de revenir au cas de l'élection présidentielle, il serait intéressant que nous puissions réfléchir un peu sur l'élection de manière générale, et sur notre relation au peuple – ou plutôt, sa relation à nous. Les taux d'abstention sont effroyables et je pense que, si nous ne trouvons pas de nouveaux moyens de mobilisation, l'élection présidentielle qui se tiendra dans dix-huit mois sera certainement l'une des dernières pacifiques – même si j'espère me tromper.
Ainsi, pourquoi refuser obstinément de reconnaître officiellement le vote blanc ? Mitterrand y avait pensé, Chirac avait essayé de l'instituer, tout comme Sarkozy et Hollande. Bien entendu, je ne parle pas au nom de ceux qui pourraient être candidats, car cela ne les aiderait pas, mais je suis à peu près certain qu'avec cette mesure, le taux de participation remonterait à 70 % ou 80 %. En effet, dans notre pays comme dans la plupart des pays du monde, ce sont en réalité une immense colère et un sentiment d'impuissance qui sont à l'oeuvre ; le sentiment aussi, pour les gens, de ne plus pouvoir peser sur ceux qu'ils élisent pour les représenter.
Bien sûr, reconnaître le vote blanc aurait un inconvénient majeur : M. Blanc arriverait largement en tête. Et après, qui choisir ? M. Blanc arriverait en tête à l'occasion d'une élection, peut-être même de deux ou trois : mais cela nous obligerait à remettre de nouveau l'ouvrage de la démocratie sur le métier, afin de renforcer notre république.
Je voudrais rebondir sur l'excellente intervention du collègue Lassalle. Il a parfaitement raison : voilà le type de débat que nous devrions avoir s'agissant d'un texte de loi traitant de l'organisation de l'élection présidentielle ! Nous devrions effectivement discuter de la reconnaissance du vote blanc, qui est fondamentale. Si, au second tour de l'élection présidentielle, les votes blancs avaient été comptabilisés, Emmanuel Macron, qui n'avait pas réuni 50 % des suffrages exprimés, n'aurait pas été élu Président de la République.
La reconnaissance du vote blanc pose la question du corollaire : nous pourrions discuter de rendre le vote obligatoire et, partant, de l'organisation générale de nos institutions. C'est pourquoi nous devrions penser réellement à l'intérêt de former une assemblée constituante, qui permettrait de répondre à l'interrogation de Jean Lassalle et de remettre à plat les règles du jeu. Vote blanc, vote obligatoire, annulation d'une élection si un candidat n'obtient pas 50 % des suffrages exprimés et organisation d'une nouvelle élection : voilà qui contribuerait réellement à intéresser à nouveau les Français à la démocratie et permettrait de replacer le peuple au coeur de l'organisation bien plus efficacement que l'augmentation du nombre de procurations qu'un mandataire pourra recevoir.
Malheureusement, les institutions de la Ve République ne permettent pas que ce débat ait lieu. C'est bien pour cette raison que la colère froide du peuple entraîne, élection après élection, l'augmentation du taux d'abstention. Aujourd'hui, une seule solution : permettre au peuple de refonder directement la République, par le biais d'une assemblée constituante. Hélas, ce sont des débats que nous ne pouvons tenir dans cette enceinte.
Cet article vise à rendre applicables à l'élection présidentielle, les dispositions du code électoral dans leur rédaction en vigueur à la date de la publication de la loi organique. Ainsi, il prévoit notamment une déterritorialisation des procurations.
Sur le fond, on peut effectivement considérer que donner procuration à une personne plus éloignée de leur bureau de vote traditionnel, mais qu'ils connaissent mieux, permettra à certains de nos concitoyens de pouvoir participer à l'élection. Simplement, il est évident qu'il s'agit d'une modalité de vote qui peut être plus compliquée à contrôler.
Comme vous le savez, à chaque élection, les collectivités locales bénéficient d'un financement pour mettre leurs moyens au service du bon déroulement de l'élection. J'appelle donc votre attention sur le fait que, si le texte était voté, il faudrait donner plus de moyens aux collectivités territoriales pour qu'elles puissent contrôler davantage cette nouvelle modalité.
La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l'amendement no 2 , tendant à supprimer l'article.
Cet amendement, que j'avais évoqué dans mon intervention liminaire, tend à supprimer un article qui nous paraît dangereux. Il prévoit en effet que, dans le cas de l'élection présidentielle, le mandant et le mandataire d'une procuration peuvent ne plus résider dans la même commune, comme cela doit être le cas aujourd'hui.
Pour nous, cela est dangereux à au moins trois titres.
Tout d'abord, la modalité ne s'appliquerait qu'à l'élection présidentielle. Or, vous savez très bien que depuis l'inversion du calendrier électoral, élection présidentielle et élections législatives sont particulièrement liées et forment une séquence politique : disposer de modalités différentes pour les procurations dans le cadre de ces deux élections entraînerait une confusion préjudiciable.
Ensuite, nous considérons que le niveau communal représente le référentiel fondamental de notre vie démocratique. Il en est le socle, car c'est à cette échelle que s'est organisée et continue de s'organiser la vie démocratique de notre pays. Ainsi, tout ce qui tend à abolir le périmètre de la commune ou à l'altérer, en tant que lieu et berceau de la démocratie, nous semble dangereux.
Enfin, j'appelle votre attention sur le fait que ces procurations seront sans doute plus difficiles à contrôler et, partant, nous exposeront au risque de fraude. Celle-ci sera en effet d'autant plus facile à organiser que, les mandants pouvant donner procuration à des mandataires se trouvant à l'autre bout de la France, on ne sera plus lié par le périmètre connu de la commune.
Je pourrais en développer d'autres, mais voilà au moins trois arguments nous ayant amenés à déposer cet amendement de suppression de l'article 3.
Exclamations sur les bancs du groupe LR
Il n'y a pas de petits maires. Il y a des maires de petites communes. Ce n'est pas la même chose !
… grand par l'ambition, qui se trouve face au problème suivant : un nouvel arrivant dans sa commune ne connaît personne parmi la vingtaine d'habitants plus anciens. Par conséquent, si vous faites en sorte qu'il ne puisse donner procuration qu'à l'un d'eux, il lui sera impossible de voter. C'est là un frein à l'expression des suffrages.
La disposition que vous voulez supprimer permettra d'appliquer à l'élection présidentielle une mesure déjà en vigueur pour toutes les autres élections. Le législateur a déjà exprimé cette intention dans la loi du 27 décembre 2019 relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ; l'harmonisation que nous souhaitons a donc été approuvée, y compris, à une très large majorité, en commission mixte paritaire. Pourquoi remettre en cause ce consensus sans que rien de fort, de dirimant, de nouveau le justifie ?
Par ailleurs, le répertoire électoral unique permet à la fois de simplifier la procédure d'inscription sur les listes électorales et d'améliorer la fiabilité de celles-ci, réduisant de fait le risque de fraude, même si le consentement éclairé de certaines personnes demeure difficile à garantir – je l'ai fait observer au sujet tant du vote par procuration que du vote par correspondance. Il faut avant tout se battre pour que ce consentement soit réellement éclairé, puis pour que le vote exprimé soit bien celui de la personne, sans possibilité de fraude.
Alors, pourquoi ne pas installer des bureaux de vote dans les prisons ?
Même avis. Sans vouloir reprendre les arguments du rapporteur, je rappellerai simplement aux parlementaires que la disposition en cause a été adoptée dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019, c'est-à-dire il y a un an à peine. Elle ne figure donc dans ce projet de loi organique relatif à l'élection du Président de la République qu'au titre de la coordination, d'une mise en conformité de ce texte avec la volonté précédemment exprimée par le législateur.
J'ai entendu les arguments de la ministre déléguée et du rapporteur. Certes, nous n'allons pas faire de cet amendement un casus belli, mais Stéphane Peu a raison : lorsque la règle diffère d'un scrutin à l'autre, il est impossible d'écarter le risque de confusion, le risque accru de perdre des électeurs en route, ce qui n'est pas une bonne chose. En outre, je suis attaché à l'échelon communal. Une fois de plus, je citerai Tocqueville, le grand Tocqueville, dont vous n'ignorez pas qu'il était originaire de la Manche : « C'est pourtant dans la commune que réside la force des peuples libres. »
Les communes sont les cellules de base de la démocratie, les petites républiques qui font la République. Nous devons essayer de maintenir le vote à cet échelon de proximité, ce qui rejoint du reste les préoccupations de nos collègues. Il y a sans doute à refonder, à expliquer, à convaincre ; je ne partage pas nécessairement l'idée de réunir une assemblée constituante et de passer à la VIe République ; en revanche, nous avons en commun le souci, l'ambition, de la participation à un scrutin démocratique, et celle-ci s'incarne davantage encore lorsqu'elle peut s'exprimer localement, lorsqu'elle n'est pas déracinée.
Quant au contrôle, il constitue un aspect non négligeable de la question. Je n'intenterai aucun procès d'intention, mais il faudra veiller à ce que n'apparaissent pas, lorsque nous ferons le bilan de ces mesures, des difficultés auxquelles nous n'aurions pas pensé.
L'amendement no 2 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
S'agissant de l'élection de son président, la Ve République est tout de même au nombre de celles qui ont apporté le plus de stabilité à notre pays, en dépit des orages qu'elle aura traversés. Elle a permis à la plupart des grands partis – il faut reconnaître quelques exceptions – d'accéder au pouvoir, quelquefois même d'y cohabiter, ce qui n'est pas forcément la meilleure des choses.
La République est fondée sur l'honneur et sur la dignité, gravés profondément dans l'histoire de notre si vieux pays, qui a tant contribué à faire grandir la démocratie et l'idée que l'on peut s'en faire à travers le monde, puisque nombre d'autres États s'en sont inspirés. Il n'a pas été donné à tout le monde de déclarer que le peuple était souverain, d'inscrire dans le marbre la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Où est donc passé ce sentiment d'honneur et de dignité, lorsque nous sommes obligés de jurer en mai et de nous parjurer dès juin ? C'est cela que l'on ne nous pardonne pas. C'est cela qui ne fut pardonné ni aux trois derniers présidents, ni à leur majorité. On ne l'aurait pas davantage pardonné à Jacques Chirac, s'il s'était trouvé à leur place.
Nous devons revenir à ce qu'il y a de plus important : la capacité à informer, au fond, de la réalité de la France, de l'Europe et du monde, de la réalité dans laquelle nous vivons.
En mai dernier, les Français résidant hors du territoire national devaient élire les conseillers des Français de l'étranger ; la tenue de ces élections a été repoussée au mois de mai prochain. Les conseillers des Français de l'étranger sont des élus de terrain qui statuent sur des sujets tels que les bourses scolaires, l'aide sociale, les subventions accordées aux associations qui viennent en aide à nos concitoyens établis hors de France. Je profite d'ailleurs de cette occasion pour remercier le Gouvernement de son effort sans précédent en faveur de nos communautés, qui, elles aussi, vivent des temps très difficiles en raison de la crise sanitaire.
Les conseillers des Français de l'étranger élisent à leur tour, en leur sein, le vice-président du conseil consulaire, lequel préside la commission de contrôle des listes électorales consulaires. Le décalage de leur élection a retardé celle de ces vice-présidents. Cet amendement vise donc à opérer une resynchronisation, afin que cette commission soit bien présidée par un élu des Français de l'étranger.
L'amendement no 13 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'article 4, amendé, est adopté.
Il ne s'agit pas à proprement parler d'une explication de vote : je n'engagerai pas le vote du groupe Libertés et territoires, puisque je m'apprête à dire exactement le contraire de ce qu'a déclaré tout à l'heure son porte-parole. Je souhaite seulement achever le propos entamé lors de ma précédente intervention, c'est-à-dire vous faire prendre conscience que, depuis longtemps, nous avons cessé de dire ce qui est, en France ou ailleurs.
Une fois de plus, nous avons tous été soumis par une oligarchie financière qui est certainement la plus effroyable de tous les temps, car elle détient tous les pouvoirs. Par exemple, qu'est-ce qui distingue les grands candidats des petits, ceux pour lesquels il est si difficile d'obtenir 500 signatures ? Quel miracle permet à certains de réunir 15 millions, 17 millions, 19 millions d'euros de financement, ce qui reste en deçà des records connus, lorsque j'ai dû mener ma campagne électorale avec 235 000 euros, le Crédit agricole m'ayant refusé les 800 000 euros auxquels j'avais droit ? J'ai d'ailleurs battu Arlette Laguiller à plates coutures. Lorsqu'il s'agit d'élections, regardons d'où vient l'argent : nous y verrons beaucoup plus clair. Regardons ceux qui animent et qui dirigent nos organes d'opinion, nos médias, nos instituts de sondage : nous mesurerons la profondeur du gouffre qui s'est creusé entre le peuple et nous.
Le projet de loi organique est adopté.
C'est terrible, monsieur le président ! Comment allons-nous nous en remettre ?
Sourires.
Prochaine séance, demain, à quinze heures :
Projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures dix.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra