Intervention de Jean-Pierre Pont

Séance en hémicycle du mercredi 20 janvier 2021 à 15h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Mes chers collègues, la dernière fois que nous nous sommes retrouvés dans cet hémicycle, il y a trois mois, la France affrontait le début d'une deuxième vague particulièrement forte qui a, une nouvelle fois, mis notre pays et nos personnels soignants à l'épreuve. Alors que certains pays de l'Union européenne sont encore confrontés à une pression épidémique très virulente, il nous faut garder à l'esprit que, sortie du deuxième confinement, la France se trouve dans une situation sanitaire qui demeure extrêmement fragile et doit inciter à la plus grande prudence. Le ministre vient de nous rappeler la réalité de cette situation sanitaire que le Conseil scientifique a lui-même qualifiée de fragile et incertaine. Deux éléments doivent en effet être pris en compte ce jour : d'une part, le maintien à un niveau élevé du nombre de nouvelles contaminations quotidiennes, qui peut faire basculer la situation sanitaire à tout moment, d'autre part l'apparition particulièrement inquiétante de variants du virus.

Le second état d'urgence sanitaire que nous connaissons est en vigueur depuis le 17 octobre dernier. Depuis cette date, nous avons adopté un projet de loi de prorogation, devenu la loi du 14 novembre. Face à la deuxième vague, il y a eu une première phase de couvre-feu, un second confinement puis, depuis le 15 décembre dernier, une nouvelle phase de couvre-feu dont les conditions ont été durcies samedi dernier. Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État sont très clairs : seul le régime de l'état d'urgence sanitaire permet de fonder en droit ces mesures particulièrement contraignantes. Le couvre-feu à dix-huit heures est une mesure difficile et éprouvante en ce début d'année.

On pourrait, comme le proposent certains, rejeter ce texte, le vider de sa substance ou empêcher le Gouvernement d'agir. Mais alors que la circulation du virus conduit à 20 000 nouvelles contaminations chaque jour, veut-on, dans les semaines qui suivraient cette décision, avoir à déplorer une augmentation brutale des décès ? Faut-il rappeler que l'Allemagne a connu hier 1 700 décès et la Grande-Bretagne 1 600 ? L'état d'urgence sanitaire, ce ne sont certainement pas des mesures coercitives qui seraient prises par plaisir ou convenance pour contraindre les Français. Ce régime vise à les protéger, par exemple lorsqu'il permet le renforcement du contrôle sanitaire aux frontières décidé jeudi dernier par le Gouvernement.

Alors que l'état d'urgence sanitaire arrive à échéance le 16 février prochain, il apparaît donc nécessaire de le proroger une nouvelle fois compte tenu de la persistance de l'épidémie, non seulement sur notre territoire mais aussi partout en Europe et dans le monde. C'est l'objet du projet de loi sur lequel s'est prononcée la commission des lois et qui est aujourd'hui soumis au vote de notre assemblée. Il s'agit du sixième texte relatif à l'état d'urgence sanitaire dont nous discutons depuis le mois de mars 2020.

Faute de régime pérenne, l'article 1er proroge du 1er avril au 31 décembre 2021 le cadre du régime en vigueur, qui a fait ses preuves depuis le mois de mars dernier. Cet article n'a pas pour effet de proroger automatiquement l'état d'urgence sanitaire actuellement en vigueur jusqu'à cette date, comme cela a pu être dit de façon erronée dans la presse ou en commission. Conformément à l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, ce cadre permet au Gouvernement de déclencher l'état d'urgence sanitaire pour quatre semaines et au Parlement d'en prolonger l'application au besoin. Il n'y a donc pas d'automaticité de prorogation de l'état d'urgence jusqu'à la fin de l'année, mais simplement la reconduction d'un cadre juridique permettant à l'exécutif et au Parlement de déclarer cet état d'urgence sanitaire si s'avère nécessaire. Dans la mesure où cet article ne fixe qu'un cadre, la prolongation proposée à l'article 1er a paru à la commission des lois adaptée pour poursuivre la lutte contre l'épidémie de covid-19, mais aussi pour nous laisser le temps de déterminer le régime pérenne qui lui succédera.

L'article 2 soumet quant à lui au Parlement la prorogation de l'état d'urgence sanitaire en vigueur, en application de ce même article L. 3131-13 du code de la santé publique. La durée de cette prolongation – trois mois et demi, jusqu'au 1er juin 2021 – apparaît pleinement adaptée et proportionnée à l'état de la situation sanitaire.

Si la commission des lois a soutenu la prorogation prévue à l'article 2, elle a néanmoins supprimé celle prévue à l'article 3 pour le régime transitoire. Cet article rendait applicable jusqu'au 31 septembre 2021 le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire. Ce régime a été très utile après le 18 juillet pour permettre une sortie progressive et ordonnée du premier état d'urgence sanitaire, dans un contexte sanitaire incertain ; il a également permis au Parlement de poursuivre son contrôle renforcé de l'action du Gouvernement. La commission des lois a néanmoins estimé que le futur régime de sortie de ce second état d'urgence sanitaire devra, comme en juillet dernier, être déterminé le moment venu par le Parlement, en fonction de l'évolution de la situation sanitaire et des adaptations qu'elle exigera. En raison de la suppression de l'article 3, le Gouvernement sollicitera le Parlement avant le 1er juin, et non avant le 30 septembre comme l'aurait permis cet article, afin de déterminer la réponse juridique qu'il conviendra d'apporter à la situation sanitaire après cette date.

À chaque texte de prorogation – je vous rappelle que nous en sommes au sixième – , tous les rapporteurs, y compris moi, espèrent légitimement qu'il s'agira du dernier. Étant médecin, et non devin, je ne peux présager de l'évolution de la situation sanitaire d'ici au printemps ; je sais néanmoins que nous aurons besoin, quoi qu'il arrive, de mesures transitoires pour accompagner la sortie progressive de la crise sanitaire. La clause de revoyure étant fixée au 1er juin, nous nous retrouverons donc une septième fois au mois de mai. Je garde néanmoins l'espoir que le texte dont nous débattrons ne sera pas un projet de loi de prorogation de l'état d'urgence sanitaire mais bien un projet de loi organisant sa sortie.

L'article 4 permet quant à lui de mettre en oeuvre la stratégie « tester, tracer, isoler » et de poursuivre la recherche sur le virus. Sans cette capacité de suivre les personnes contaminées et leurs cas contacts, nous ne pouvons rompre les chaînes de transmission et lutter efficacement contre l'épidémie. C'est la raison pour laquelle il est proposé de proroger les systèmes d'information SIDEP et Contact Covid jusqu'au 31 décembre 2021. La durée de conservation des données collectées n'est pas modifiée, elle demeure limitée à trois mois pour les données identifiantes.

Enfin, l'article 5 proroge l'application du cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire aux collectivités d'outre-mer, où l'état d'urgence sanitaire s'applique dans le respect de leurs spécificités.

Il me semble que le texte qui nous est ainsi soumis est équilibré et nécessaire. Il est équilibré parce que les durées de prorogation proposées permettent d'assurer que le Parlement sera de nouveau saisi dès le printemps sur les suites juridiques à donner à l'évolution de la situation sanitaire, et qu'il est ainsi pleinement reconnu comme un acteur incontournable de l'état d'urgence sanitaire. Ce texte est également indispensable, car nous ne pouvons pas nous priver d'un cadre juridique que nous avons, sur l'ensemble de ces bancs, contribué à consolider pour assurer l'efficacité de la lutte contre le covid-19 et apporter de nombreuses garanties à nos concitoyens.

Je serai par conséquent vigilant sur la préservation du cadre général de l'état d'urgence sanitaire qui a fait ses preuves depuis mars dernier. L'heure n'est malheureusement pas encore venue de baisser la garde.

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