Effectivement, nous pourrions parler de l'héritage que nous avons trouvé en 2012, même si nous n'avons pas exactement utilisé, à l'époque, l'audit comme il est utilisé aujourd'hui. Certains nous le reprochent, mais je pense que nous n'avions pas à le faire.
Pourquoi cette dramatisation ? Pour deux raisons. La première, c'est qu'il y a des décisions difficiles à mettre en oeuvre pour 2017. Nous avions nous-mêmes préparé – et annoncé devant cette commission – un décret d'annulation de 1,4 milliard d'euros de crédits, et je sais qu'il n'est jamais facile de dire à un membre du Gouvernement, que ce soit le ministre de la défense ou un autre, qu'il va falloir faire des économies. J'invite l'actuelle majorité à affronter la réalité et à prendre ses responsabilités plutôt que de laisser penser que s'il y a aujourd'hui des décisions difficiles à prendre, c'est parce que le précédent gouvernement aurait été incapable de gérer la France.
Par ailleurs, l'année 2018 est celle où, légitimement, la nouvelle majorité veut mettre en oeuvre les engagements qu'elle et le nouveau Président de la République ont pris devant les Français. Je m'étais préparé de manière extrêmement précise et sincère à cette phase de transition, en ne laissant aucune place à des dépenses nouvelles, notamment en ne prévoyant aucune diminution d'impôt supplémentaire – par rapport aux 6 milliards d'euros de baisses d'impôts s'inscrivant déjà dans la trajectoire. Je comprends que le Gouvernement souhaite – c'est sa liberté, et peut-être son devoir – vous proposer 6 ou 7 milliards d'euros de baisses d'impôts venant s'ajouter à celles qui étaient déjà prévues, et auxquelles il faudra bien trouver une contrepartie, ce qui est toujours difficile : il faut soit trouver de nouvelles sources d'économies, soit modifier le niveau de déficit – ce qui, je crois, fait partie de vos propositions.
Pour en revenir au mot « insincérité », employé avec insistance par la Cour des comptes dans une intention que d'aucuns ont, à tort, jugée cruelle, il a choqué et blessé beaucoup de monde, à commencer par Christian Eckert et moi-même, mais aussi les administrations qui oeuvrent au service de la majorité actuelle comme de l'ancienne, ainsi que les juristes, car le Conseil constitutionnel, qui est le seul juge de la sincérité des documents budgétaires, a déclaré que ceux de 2017 étaient sincères.
J'ai énormément de respect pour la Cour des comptes, qui est l'une des grandes institutions de la République et se montre invariablement sévère, parce que c'est son rôle – elle l'a été hier, elle l'est aujourd'hui avec nous, et le sera demain avec ceux qui nous ont succédé. Cependant, je crois que Pierre Joxe ou Philippe Séguin n'auraient pas agi comme l'a fait l'actuel Premier président de la Cour des comptes.
Je salue la volonté de l'actuelle majorité de continuer à réduire les déficits, une volonté dont elle ne doit à aucun prix se départir, en dépit des hésitations que l'on peut percevoir de la part de certains. Aujourd'hui, rien ne permet de considérer que le volcan que représente la dette de la France ne représente plus un danger, et qu'il serait possible de financer par la dette de nouvelles mesures fiscales, quelle que soit leur légitimité. Vous avez décidé, à juste titre, de continuer à diminuer les impôts ; cependant, c'est un choix politique qui en implique d'autres, consistant à déterminer lesquels. Il peut s'agir de la taxe d'habitation (TH) – pourquoi pas ? –, ou de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), révisé pour devenir un impôt sur la fortune immobilière (IFI), parallèlement à la mise en place d'une flat tax sur les revenus du capital.
Les chiffres sont connus, puisqu'ils ont été annoncés par le Premier ministre. Le coût de la réforme de la taxe d'habitation s'élève à 3 milliards d'euros, comme celui de la transformation de l'ISF en IFI, tandis que la mise en place de la flat tax à 30 % va coûter 1,5 milliard – ce qui fait 4,5 milliards d'euros au total pour ces deux dernières mesures. Si je suis en désaccord sur le nouvel équilibre qui est ainsi proposé, je reconnais que cette question est de nature à donner lieu à un débat politique. En tout état de cause, vous avez raison de vouloir maîtriser les dépenses, car c'est une condition nécessaire à une diminution des déficits et des impôts – nous sommes nous-mêmes, en dépit des controverses, parvenus à imposer chaque année entre 7 et 10 milliards d'euros d'économies. Je le répète, toute la question est de savoir sur qui doivent peser les économies réalisées – et quand je vois ce qui est aujourd'hui prévu pour la défense ou pour l'aide au développement, par exemple, je considère qu'il y a matière à un vrai débat politique : il y va de la justice fiscale et de l'intérêt national.