Intervention de Philippe Gosselin

Séance en hémicycle du mercredi 20 janvier 2021 à 21h00
Prorogation de l'état d'urgence sanitaire — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

Qu'il soit nécessaire de recourir, en tant que de besoin, à cet état de façon pondérée et modérée, pourquoi pas ? Mais là, je vous le dis franchement, vous tombez dans la facilité. Ce n'est plus un parapluie d'un mètre carré, mais un parasol de marché de dix mètres carrés que vous avez au-dessus de la tête pour présenter des mesures qui sont appliquées de façon uniforme sur l'ensemble du territoire. C'est une vision technocratique très jacobine, que nous dénonçons bien évidemment.

L'unité, oui, puisque la France est un pays unitaire, mais n'oubliez pas que c'est aussi un pays décentralisé. Appuyez-vous sur les territoires pour appliquer, par exemple, le couvre-feu. Pourquoi avoir fixé le couvre-feu à dix-huit heures partout en France, alors que les taux d'incidence et de réanimation sont différents, alors que les situations dans les territoires sont bien différentes ?

Vous nous parlez depuis des mois, voire des années, de la 3D – déconcentration, décentralisation, différenciation – , voire de la 4D – déconcentration, décentralisation, différenciation et décomplexification – , du respect des territoires. En réalité, vous le faites du bout des lèvres. Vous avez du mal à faire confiance et à considérer que la France est diverse. C'est vrai pour les outre-mer comme sur le territoire continental.

Enfin, vous niez clairement les contre-pouvoirs, ceux du Parlement comme ceux qui ont été établis et reconnus au fil du temps. Je pense à la Commission nationale de l'informatique et des libertés – CNIL – , qui n'a pas tout à fait les mêmes capacités aujourd'hui qu'hier et, peut-être, que demain – du moins je l'espère. Le rôle du défenseur des droits doit être renforcé dans une période comme celle-ci, de même que celui de la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté. Dans les prisons ou les hôpitaux psychiatriques, la situation est bien délicate.

N'enfermez pas notre démocratie, permettez-lui de respirer grâce à des clauses de revoyure régulières avec le Parlement, qui est le coeur battant de la démocratie. Oui à un conseil scientifique, pourquoi pas, dans certaines conditions. Oui à des conseils de défense, pourquoi pas, dans certaines conditions. Mais lorsque le Conseil scientifique, le Conseil de défense, le Haut Conseil à la vaccination et les jurés citoyens s'accumulent pour écarter le Parlement, nous disons non, car le coeur battant de l'État de droit est ici. En réalité, vous subissez les débats parce qu'il a fallu, faute de mieux, revenir devant le Parlement. Nous ne voulons pas de longs tunnels qui nous éloignent des clauses de revoyure.

Enfin, vous récusez systématiquement toutes les avancées que nous vous soumettons. Sacha Houlié et moi-même avons proposé, comme d'autres parlementaires, la possibilité d'avoir dès maintenant un temps de respiration, qui permettrait de nous écouter et de tendre la main, à un moment où nous avons besoin d'unir nos forces, de lutter collectivement pour une année 2021 décovidée, plutôt que de nous isoler et de nous enfermer. En fait, c'est une forme de lazaret que vous construisez aujourd'hui. Regardons plutôt ensemble dans la même direction, permettez aux parlementaires de s'exprimer, aux forces démocratiques d'avoir des points de vue et d'exercer des contrôles. Alors, nous parviendrons peut-être ensemble à faire autrement et à vaincre. En tout cas, actuellement, les conditions ne sont absolument pas réunies. Voilà pourquoi le groupe Les Républicains votera contre la prorogation, sous cette forme, de l'état d'urgence sanitaire.

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