Même si nous entrevoyons des jours meilleurs, nous savons tous que la crise sanitaire, sociale et économique que nous traversons est loin d'être derrière nous. En près d'un an, les dirigeants européens ont cependant su resserrer les rangs et apporter une réponse politique sans égale aux défis auxquels nous sommes confrontés. Notre présence cet après-midi, pour examiner le plan de relance européen et la décision sur les ressources propres, en est l'illustration concrète.
Du plan de relance européen de 750 milliards d'euros à la stratégie d'acquisition des vaccins, l'Europe a montré sa capacité à résister, à protéger et même à dépasser certains dogmes.
Qui aurait pu penser qu'en l'espace de quelques mois, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, l'Union parviendrait à adopter un plan de relance de 750 milliards d'euros, fondé sur la solidarité, pour faire face à la crise et relever les défis sociaux, économiques et écologiques ?
Qui aurait pu croire qu'après des premières semaines de crise marquées par un manque de coordination à l'échelle européenne, les membres de l'Union parviendraient à sécuriser 2 milliards de doses de vaccins, assurant ainsi l'accès à la vaccination de tous leurs citoyens ? Comme pour le plan de relance, l'efficacité et la solidarité l'ont emporté sur les égoïsmes nationaux.
En agissant ainsi, les dirigeants européens se sont dotés d'un outil permettant à l'économie européenne de résister et de préparer l'avenir, mais ils ont aussi – et surtout – envoyé un message politique très fort au reste du monde : par cet emprunt commun, nous mettons la solidarité au coeur de la construction européenne et nous lions nos destins pour les décennies à venir.
« Il est temps d'affirmer que sur les grands défis de notre époque, la vraie souveraineté européenne passe par une action européenne. » Cette déclaration, nous la devons à Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle de 2017.
À l'époque, beaucoup hurlaient à la trahison nationale, sans comprendre de quoi il retournait. Quant à certains commentateurs, ils y voyaient un concept abstrait, une lubie d'un pays incapable de fédérer le reste de l'Union.
Depuis, l'idée de souveraineté européenne s'est imposée sur le continent. En quelques mois, elle est devenue la pierre angulaire de la réponse à la crise.
Dans les moments terriblement difficiles que nous traversons, l'Europe est en effet notre meilleure chance : pour combattre cette épidémie qui va encore durer, nous avons besoin de coopérer. Dans un espace intégré de 450 millions de citoyens européens, si la relance n'est pas coordonnée et pensée à vingt-sept, elle ne produira que peu d'effets, quand bien même certains pays résisteraient mieux à la crise.
Quelque 750 milliards d'euros, soit l'équivalent de cinq budgets annuels européens, tel est donc le montant inédit de la relance européenne ! S'il est inédit, il est aussi indispensable pour accorder des aides substantielles aux pays de l'Union, afin que notre continent puisse tenir et recouvrer ses forces.
Pour que ce plan de relance devienne réalité, nous devons ratifier la décision relative au système de ressources propres de l'Union européenne – le mécanisme technique qui permettra sa mise en oeuvre. En autorisant la Commission européenne à emprunter jusqu'à 750 milliards d'euros, cette décision constitue en effet l'acte fondateur du plan de relance européen.
Qui dit emprunt dit remboursement. Dans ce domaine, un accord très clair protège les citoyens européens, si bien que, contrairement à ce qui se dit ça ou là, le poids de cette dette ne pèsera en aucune manière sur les citoyens français ou européens. En effet, par un accord et un calendrier contraignants, les institutions européennes se sont engagées à instituer, entre 2021 et 2026, de nouvelles ressources propres dont le produit permettra de rembourser l'emprunt. M. le secrétaire d'État vient d'en énumérer certaines : des taxes sur le plastique, les services du numérique ou le carbone aux frontières ; le fameux système communautaire d'échange de quotas d'émission – Emission Trading Scheme ou ETS – ; l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés ; la taxe sur les transactions financières.
Les aides seront donc en définitive financées par ceux qui, actuellement, ne paient pas toujours leur juste part d'impôts : certains grands groupes du numérique ; les entreprises non européennes et souvent asiatiques qui ne respectent pas les mêmes standards environnementaux et qui, pourtant, profitent très largement du marché intérieur européen ; les institutions financières qui spéculent parfois à tout va.
Nous sommes donc bien loin d'un nouvel impôt pesant sur les ménages auquel les détracteurs de ce plan – qui sont bien souvent ceux de l'Europe – veulent nous faire croire. Ce sont les contributions de ces géants qui permettront de financer la relance.
Pour sa part, la France bénéficiera d'une enveloppe d'environ 40 milliards d'euros, ce qui en fera le troisième bénéficiaire, derrière l'Italie et l'Espagne.
Ce soir, au moment où nous allons voter sur cette décision fondatrice, il convient de prendre la mesure de son importance. Cette initiative est historique par son ampleur, car susceptible d'éloigner le risque d'implosion que la crise fait courir à l'Union européenne. Le volume de l'emprunt est, en effet, sans commune mesure avec les activités de prêts conduites jusqu'à présent par la Commission européenne. Répétons-le, il s'élève à 750 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les 540 milliards d'euros que les Européens ont déjà convenu d'emprunter. À ces sommes s'additionnent les 1 074 milliards d'euros dédiés au budget européen pour la période 2021-2027, comme le rappelait M. le secrétaire d'État.
Au total, la relance européenne s'appuie donc sur près de 2 000 milliards d'euros de crédits, un montant sans précédent mais indispensable pour nous aider à traverser une crise sanitaire, économique et sociale majeure.
Prenons-en conscience, cet argent européen, ces 40 milliards d'euros vont servir à la France. Ils vont l'aider à financer l'emploi de ses jeunes, à soutenir les petites et moyennes entreprises, les artisans et les commerçants, à sauver les secteurs en grande difficulté, comme ceux du tourisme ou de la culture.
Ils vont nous permettre aussi et surtout de préparer l'avenir en créant de l'emploi dans des secteurs industriels et écologiques : les batteries électriques, la filière hydrogène, la rénovation thermique des bâtiments, la numérisation de notre économie – autant de domaines où les besoins d'investissement sont massifs. Dans un contexte de très forte dégradation des finances publiques de l'ensemble des pays européens, l'échelle européenne prend ainsi toute sa pertinence et permet aux États membres de tirer bénéfice des taux très bas consentis à l'Union.
Le plan permettra aussi de former les plus jeunes, si durement frappés par la crise, et de les faire ainsi accéder à l'emploi. De même, il permettra de former celles et ceux qui, touchés par le chômage, seront contraints de se reconvertir.
Soyez rassurés : outre que, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, le financement du plan de relance ne pèsera pas sur les ménages, ce plan n'est pas non plus un simple tiroir-caisse dans lequel les États membres pourront puiser. Son bénéfice est en effet soumis au respect d'engagements forts et prioritaires : 37 % des sommes engagées devront être consacrées à l'écologie et 20 % au numérique. Comme M. le secrétaire d'État, je précise aussi que, conformément à la volonté des Européens, en particulier du Président de la République française, le respect de l'État de droit a été imposé comme une condition à l'allocation des fonds européens. C'est un pas immense, une avancée historique.
Les décisions prises lors du Conseil européen de juillet dernier sont également importantes sur le plan politique. En apportant à tous les États touchés une aide proportionnelle à l'ampleur des dégâts provoqués par la crise, l'Europe affirme que l'efficacité et la solidarité priment sur les égoïsmes nationaux.
Cette affirmation vient à point nommé. Combien de fois avons-nous entendu des anti-européens vilipender une Europe égoïste qui appauvrirait les peuples et plus fragiles, où les pays les plus riches écraseraient les plus modestes ? Combien de fois avons-nous entendu dénoncer à tort cette Europe dont la seule logique serait celle des profits ?