La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, c'est au mois de mars 2021 que devaient avoir lieu les élections régionales et départementales. Comme chacun le sait, les conditions sanitaires ont conduit le Gouvernement et le Parlement à décaler la date de ces élections.
Pour avoir été élu local, vous savez le rôle majeur que les régions et les départements jouent dans l'action locale, et celui qu'elles incarneront dans le rebond que nous attendons tous. Il est donc important que vous confirmiez à la représentation nationale que les élections auront bien lieu au mois de juin.
Si je peux comprendre que, pour des raisons sanitaires, vous soyez éventuellement conduit à les reporter une fois de plus, vous devez apporter toutes les garanties – je dis bien toutes les garanties – à toutes les forces politiques de notre pays, à tous les groupes parlementaires : si un report devait être organisé, cela ne pourrait se faire qu'avec l'assentiment de tous…
… car on ne saurait imaginer que la date de ces élections puisse être modifiée pour des raisons politiciennes : il ne saurait y avoir l'ombre d'un doute là-dessus.
Je souhaiterais ensuite vous parler des élections législatives et de l'introduction d'une dose de proportionnelle.
Nous vivons une crise démocratique profonde ; or je vous rappelle que c'était une promesse faite aux gilets jaunes, mais également un engagement du Président de la République. Je vous rappelle enfin qu'il est parfaitement anormal qu'une partie des Français ne se retrouve pas représentée à l'Assemblée nationale.
Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à engager une réforme pour apporter, quelle que soit la méthode, celle de la voie référendaire ou celle de la voie législative, une réponse démocratique et forte à cette demande au moment où la France est en proie au doute ?
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et UDI-I.
Monsieur le député, vous avez en fait posé deux questions, qui touchent au droit électoral et aux échéances que notre pays s'apprête à connaître.
Tout d'abord, je vous confirme que la volonté du Gouvernement est bien que les élections régionales et départementales se tiennent au mois de juin : c'est la loi de la République. Le projet de loi présenté en ce moment même au Sénat par la ministre déléguée chargée de la citoyenneté ne prévoit d'ailleurs pas de nouveau report.
Comme vous l'avez vous-même souligné, la crise sanitaire, particulièrement grave, préoccupe évidemment tous nos concitoyens. Mais ce n'est pas tant le jour du vote que l'organisation de la campagne électorale qui pose question : or, à l'heure où nous parlons, il n'y a aucune raison de proposer une autre date pour la tenue des élections régionales et départementales. Vous en avez d'autant plus l'assurance que le législateur lui-même avait choisi d'inscrire cette date dans la loi. Et si une clause de revoyure a été prévue au mois d'avril, notamment par le Comité scientifique, elle n'est que morale, et non législative : il n'y a donc aucune raison de vous inquiéter d'un éventuel report.
Vous avez ensuite posé la question de l'élection des parlementaires, et singulièrement des députés, au scrutin proportionnel. Lors de sa campagne, le Président de la République s'était engagé à introduire une dose de proportionnelle – ce qui, vous en conviendrez, n'est pas tout à fait la même chose que la proportionnelle intégrale. Le Président est évidemment soucieux des promesses qu'il a faites…
Encore aurait-il fallu pouvoir s'entendre avec le Sénat sur ce sujet, vous l'aurez vous-même constaté. Qui plus est, nous vivons un moment dédié à la gestion de la crise sanitaire et économique, et cette question n'est pas la préoccupation première du Gouvernement et du Président de la République.
Maintenant, si le Parlement et les partis politiques, dans un mouvement unanime ou presque, souhaitaient inscrire à l'ordre du jour cette question de l'élection des députés, et notamment un an avant le scrutin, comme le veulent la coutume et la loi, le Gouvernement serait prêt à les entendre.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, et sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, après les retards, les ratés, les faux départs et les couacs, et, pour tout dire, le fiasco du début de la campagne, …
Exclamations sur les bancs du groupe LaREM
… un million de Français ont pu être vaccinés en un mois. Cela ne représente donc que 1 % de la population, ce qui nous laisse toujours derrière l'Espagne, l'Italie, l'Allemagne, et même très loin derrière le Royaume-Uni qui compte déjà près de sept millions de vaccinées. À peine partis, déjà au ralenti !
Pourtant, les élus et les collectivités sont prêts ; les soignants et les Français sont prêts. Mais le Gouvernement l'est-il ? Nos centres de vaccinations souffrent clairement d'un manque de doses. Vous avez fait naître beaucoup d'espoirs ; on sent désormais beaucoup de frustrations.
Ma première question est d'ordre national : cette pandémie marque malheureusement le déclin industriel, et la dépendance de l'Europe et de la France en masques, en tests, en vaccins.
Alors que l'institut Pasteur a jeté l'éponge, que Sanofi est au ralenti, y a-t-il encore la place et le temps pour un vaccin français ? N'arrivera-t-il pas après la bataille ? Pourrait-on au moins aider à produire, sous licence, des vaccins déjà autorisés et prêts ?
Ma seconde question est d'ordre territorial : il y a une semaine, vous étiez à Nancy, monsieur le ministre. Les frigos y étaient pleins mais, un peu plus au sud, dans les Vosges, ils sont désespérément vides. Nous avons sept centres de vaccination, dont trois sont situés dans ma circonscription…
Or ni Neufchateau, ni Mirecourt, ni Vittel, qui étaient pourtant prêts avant Nancy, ne peuvent être réapprovisionnés à l'heure où je vous parle. Merci pour les ruraux !
Je vois la vie en Vosges, mais surtout les Vosges sans vaccin. Quand les ruraux seront-ils enfin traités comme les urbains ? Quand serons-nous réapprovisionnés ? Pourrons-nous, comme les autres, bénéficier du vaccin de Moderna ? Quand serons-nous véritablement acteurs et non plus spectateurs de cette crise ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ne le prenez pas mal, monsieur le député, mais en entendant votre question, je n'ai pu m'empêcher de penser à cette vieille publicité télévisée de Renault, me semble-t-il, où l'on répétait à chaque fois : « Ça ne marchera jamais ! » Et pourtant, ça marche !
Plus d'un million de Français ont reçu une première injection de vaccin, ils seront plus d'un million et demi d'ici à la fin de la semaine, c'est-à-dire 50 % de plus que l'objectif que nous nous étions fixé.
En dehors de l'Angleterre, la France est désormais le pays d'Europe où le rythme de vaccination est le plus soutenu. Mais je ne désespère pas, monsieur le député, de vous convaincre que la France est pleine de ressources, de talents, de richesses, d'envie d'aller de l'avant…
Elle n'attend pas nécessairement, en écoutant ses représentants nationaux, qu'on dise d'elle qu'elle n'y arrivera jamais. Et de fait, la France y arrive. Les soignants, les élus, les agences régionales de santé, les préfectures sont mobilisés…
… et les Français sont chaque jour plus nombreux à être vaccinés. C'est une bonne nouvelle.
Vous vous inquiétez de la capacité des entreprises françaises à identifier un vaccin. Je tiens d'abord à rappeler que cette campagne vaccinale est avant tout une aventure scientifique…
Ce n'est pas une aventure, c'est une pandémie ! Mais c'est vrai que votre mandat, vous le vivez comme une aventure !
… qui a permis d'identifier un vaccin en moins de onze mois après la découverte du virus. C'est ensuite une aventure industrielle, puisque l'ensemble des laboratoires du monde sont mobilisés pour produire du vaccin en quantités astronomiques – plus d'un milliard de doses sont produites chaque mois dans le monde. C'est enfin une aventure humaine et sanitaire : lorsque vous parlez de la campagne vaccinale, monsieur le député, vous parlez en réalité des dizaines de milliers de personnes mobilisées pour protéger les Français.
Soyez rassuré : nous avons des vaccins. Hier encore, avec ma collègue Agnès Pannier-Runacher, nous avons discuté avec les grands laboratoires afin qu'ils puissent produire, en France comme en Europe, les vaccins qui fonctionnent pour le compte d'autres entreprises qui ont réussi à les mettre au point. La recherche française continue à travailler, y compris chez Sanofi et à l'institut Pasteur. Ensemble, nous y arriverons.
Je le répète : sur un tel sujet d'intérêt général et de santé publique, il n'y a pas lieu d'avoir des controverses et des disputes.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la crise sanitaire que nous traversons se prolonge, entraînant des dégâts humains, économiques et sociaux. Face à ces difficultés, et après avoir déjà raté l'étape des masques – vous savez, ceux-là mêmes qui n'étaient prétendument pas utiles – …
… et celle des tests, vous voilà en train de rater celle des vaccins – au dix-neuvième rang européen !
La semaine dernière, pour convaincre le Sénat de prolonger l'état d'urgence sanitaire, vous annonciez qu'il ne serait pas possible de vacciner plus de 15 millions de personnes fragiles d'ici à l'été. Le soir même, au journal télévisé, vous affirmiez au contraire que 57 millions de vaccins auraient été administrés d'ici à l'été, 70 millions fin août, …
… ce qui vous a valu d'être aussitôt contredit par le professeur Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique.
Ces approximations virent au cafouillage permanent. Ajoutez à cela les annonces décevantes de l'institut Pasteur, le vaccin de Sanofi qui se fait attendre et le rythme de vaccination, qui ne décolle toujours pas, et vous comprendrez le scepticisme des Français sur l'action du Gouvernement. Le pays de Pasteur est tristement à la traîne dans cette course planétaire contre la maladie.
Ce constat est d'autant plus amer que le laboratoire Sanofi, qui avait pourtant reçu des aides de l'État, a récemment annoncé la suppression de 400 emplois dans sa branche recherche et développement : pas étonnant que les Français se fassent les procureurs sévères du Président de la République, dont les coups de menton et l'attitude méprisante peuvent légitimement lasser. Sommes-nous bien gouvernés dans cette guerre contre le virus ?
Les chiffres de progression de la maladie, inquiétants, vont-ils enfin vous conduire à prendre les bonnes décisions ?
Je vous remercie pour la bienveillance de cette question supplémentaire, qui me semble aller pleinement dans le sens de ce qu'attendent les Français de la représentation nationale et de ses débats…
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Une incapacité chronique à montrer les choses qui fonctionnent et cette tendance à pointer du doigt avec une forme de malice, voire un plaisir gourmand, ce qui pourrait poser problème et mettre le Gouvernement en difficulté !
Mêmes mouvements.
C'est mon avis personnel, vous avez le droit de ne pas le partager : ce n'est pas nécessairement ce que les Français attendent de nous.
Vous avez raison, les Français veulent des vaccins. Ils veulent des masques : ils en ont plein. Ils veulent des tests aussi. Vous parlez de fiasco des tests ; la France est le pays européen qui en fait le plus… Vous pouvez vérifier !
C'est également un des seuls pays européens où les tests sont gratuits et où vous pouvez vous faire tester sans ordonnance, librement, à tous coins de rue, dans une pharmacie ou un laboratoire : vous pouvez vérifier, c'est factuel !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Additionnez le nombre de tests réalisés en France depuis le début de la pandémie et comparez le résultat aux chiffres de nos voisins : je vous mets au défi, monsieur le député, de trouver un modèle qui vous satisfasse davantage que l'actuel modèle français.
Merci à Ambroise Croizat ! Merci aux ministres communistes qui ont inventé la sécurité sociale !
En un an de pandémie, il y a effectivement eu quinze jours durant lesquels il a été très compliqué de se faire tester : c'était à la rentrée de septembre et les délais s'étant allongés, il fallait attendre jusqu'à cinq jours pour être testé. Cela n'a duré que quinze jours, monsieur le député ! Est-ce cela ce que vous appelez un fiasco ?
Chaque fois que vous vous laissez aller à de tels propos, je reçois des messages, et je suis sûr que vous en recevez aussi, de Français qui se sont fait tester, mais aussi de biologistes, d'infirmiers, de pharmaciens, qui demandent pourquoi vous dites cela, alors qu'ils se mobilisent jour et nuit. Il faut arrêter de tenir ces discours péjoratifs qui nuisent à une confiance pourtant indispensable.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Alors que nous parlons, des soignants sauvent des vies, des pharmaciens font des tests PCR, des laboratoires les analysent : tout le pays s'est mis en branle et vous le critiquez à longueur de questions !
Peut-on avoir confiance dans la façon dont notre pays est gouverné en cette période ? Je vous réponds que oui. Vous avez le droit de penser que non, mais faites au moins confiance aux Françaises et aux Français, qui vous demandent autre chose que ce genre de débats.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.
J'associe à ma question mon collègue Jean-Michel Fauvergue.
Monsieur le ministre de l'intérieur, le vendredi 15 janvier, aux alentours de dix-huit heures trente, le jeune Yuriy, quatorze ans, a été victime d'une agression d'une rare violence sur la dalle de Beaugrenelle, au coeur du 15e arrondissement de Paris. Ainsi qu'en attestent les caméras de surveillance, un groupe d'une dizaine d'individus a roué de coups le jeune adolescent alors qu'il était à terre. Cette agression insoutenable a choqué et ému la France entière, et elle s'est produite dans ma propre circonscription, habituellement considérée comme calme et familiale.
Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement mène une politique volontariste pour assurer la sécurité de nos concitoyens…
En attestent la création d'une police de sécurité du quotidien et du label « quartier de reconquête républicaine ».
Pourtant, nos forces de l'ordre et nos concitoyens ont besoin d'être encore plus soutenus dans leur lutte contre l'insécurité, contre la criminalité.
Monsieur le ministre, comment les chantiers du Beauvau de la sécurité permettront-ils aux forces de l'ordre de combattre efficacement cette délinquance qui sévit désormais jusque dans les quartiers auparavant épargnés par la violence ?
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Permettez-moi tout d'abord de revenir, comme vous l'avez fait, sur le drame de ce jeune tabassé, pratiquement à mort, par une bande. Les images de la vidéoprotection de la préfecture de police de Paris ont révélé toute la violence de cette agression, désormais connue de tous les Français. C'est une vision insoutenable pour la famille, mais aussi pour toute personne sensible à ce qui touche les autres. Au-delà ces propos de circonstance, qui n'en sont pas moins sincères, je peux seulement vous dire que les policiers, sous l'autorité du parquet de Paris, mènent un travail qui, j'en suis certain, permettra de confondre les responsables de ces actes de cruauté et de les déférer devant des magistrats qui, nous l'espérons, prononceront des condamnations fortes et indiscutables.
Le Gouvernement – je voudrais saluer à cet égard mes prédécesseurs Christophe Castaner et Gérard Collomb – prend très au sérieux ce phénomène de bandes, d'autant plus compliqué à traiter que 70 % de leurs membres sont des mineurs. Bien sûr, c'est un sujet de police, un sujet de justice ; n'est-ce pas aussi un sujet éducatif ? Lorsque des parents laissent des enfants de treize, quatorze ou quinze ans se taper à coups de barres de fer et de tournevis, on peut toujours accuser les institutions de la République, mais la République ne peut pas toujours faire le travail qui leur revient.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Ma question s'adresse à M. le ministre des outre-mer, et j'y associe tous les députés de Martinique.
En pleine pandémie de covid-19, la Commission européenne s'apprêterait à exclure du bénéfice des différentiels d'octroi de mer les productions locales assurant moins de 5 % ou plus de 90 % du marché local, au mépris des dispositions de l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – TFUE – , qui reconnaît les spécificités des régions ultrapériphériques et fonde un droit dérogatoire, consubstantiel à ce statut particulier.
Ce scandale s'ajoute à celui du chlordécone. Une telle décision, dont la méthode est d'ailleurs sujette à caution, démantèlerait notre production et ferait de nos territoires de simples comptoirs exclusifs de vente de produits importés. Colbert en serait fier ! Les parts de marché fluctuent par définition ; s'y reporter pour établir la liste des produits concernés par les différentiels d'octroi de mer est un non-sens économique, d'autant que le calcul se fait territoire par territoire et non en prenant le marché antillais dans son ensemble, échelon pourtant plus pertinent en matière d'investissement.
Mécaniquement, les conséquences de cette mesure seraient les suivantes : premièrement, un effet inflationniste sur les produits de première nécessité, alors que sévissent déjà la vie chère, la pauvreté et un chômage record, encore aggravés par la pandémie. Deuxièmement, une crise de l'approvisionnement local, notamment dans les secteurs stratégiques de l'agro-alimentaire et de la construction, d'autant plus essentiels à la satisfaction des besoins primaires dans un contexte de risques majeurs permanents. Troisièmement, un obstacle à la souveraineté alimentaire et à la priorisation des circuits courts, cependant préconisés par le président Macron dans le cadre du plan de relance. Enfin, quid de l'empreinte carbone d'un tel soutien aux importations ?
Monsieur le ministre, la France peut-elle laisser condamner les capacités de production de ses propres territoires ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.
Avant tout, permettez-moi d'excuser Sébastien Lecornu, qui aurait souhaité pouvoir répondre lui-même à votre question.
Reprenons les faits. Début 2020, l'État français et les régions ultraphériphériques françaises ont engagé avec la Commission européenne des discussions concernant le renouvellement, pour une durée de sept ans, du cadre communautaire de l'octroi de mer. La décision du Conseil de l'Union européenne doit intervenir d'ici à la fin de l'année. S'agissant de notre position, je tiens tout d'abord à vous rassurer : la France demeure attentive à soutenir la production de ses territoires d'outre-mer. Nous avons défini des priorités, dont la première est la stabilité globale du dispositif actuel de protection de la production ultramarine. Les différentiels d'octroi de mer entre importations et production locale concernent 1 064 produits ; nous veillons à ce que ce niveau de protection soit maintenu durant la prochaine période de sept ans. Je le dis clairement : le Gouvernement, en lien avec les acteurs socioprofessionnels, est déterminé à défendre ces productions locales, quelle que soit la part de marché qu'elles représentent dans ces territoires.
Notre deuxième priorité consiste évidemment à soutenir l'innovation et la production locale émergente, notamment par l'actualisation des listes de produits concernés, afin de prendre en compte les besoins des territoires. Nous avons donc proposé que de nouveaux produits bénéficient du différentiel de l'octroi de mer.
Troisième priorité, la réduction des charges financières et administratives des petites entreprises : nous avons ainsi demandé à la Commission européenne de porter de 300 000 à 550 000 euros de chiffre d'affaires le seuil d'assujettissement à l'octroi de mer.
Quant aux suites, le ministère des outre-mer a engagé hier une consultation à laquelle vous avez vous-même participé. Des échanges avec les acteurs socio-économiques, portant sur l'avancée des travaux en matière de renouvellement de l'octroi de mer, doivent avoir lieu début février : vous y serez évidemment associé.
M. Pierre-Alain Raphan applaudit.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, nous pouvons nous féliciter que près d'un million de Français soient désormais vaccinés ; la pression est forte, tout comme la demande, ce dont il faut se réjouir. Toutefois, les nouvelles concernant la vaccination soufflent le chaud et le froid. Cette semaine, la bonne nouvelle, c'est qu'AstraZeneca recevra vendredi son autorisation de mise sur le marché ; la mauvaise nouvelle, c'est l'annonce de difficultés de production dans ce même laboratoire.
Ma première question a donc trait à la fabrication des vaccins : quels moyens le Gouvernement consacre-t-il à l'accompagnement des laboratoires français, et plus largement européens, afin qu'ils développent leurs chaînes de production, ce qui est indispensable ?
Ma seconde question concerne l'accès au vaccin d'AstraZeneca. Les circuits de ville ont prouvé leur efficacité. Vous-même, monsieur le ministre, avez tout à l'heure évoqué les tests : faciles d'accès et intégralement remboursés, ils sont presque devenus un geste barrière, ce dont nous pouvons nous réjouir. Pour vacciner tous nos concitoyens, nous aurons besoin de bras ; les circuits de ville, c'est-à-dire les 60 000 points de proximité que représentent les cabinets médicaux, les cabinets d'infirmières, les pharmacies, sont prêts. Monsieur le ministre, allez-vous faire appel à eux ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Madame Firmin Le Bodo, je vous remercie de votre question et de votre engagement sur le terrain…
… en tant que soignante.
La Commission européenne a fait le choix, payant, de diversifier ses sources d'approvisionnement et de ne pas mettre, si j'ose dire, tous ses oeufs dans le même panier, en achetant par avance plusieurs vaccins, selon des modalités différentes, à plusieurs grands laboratoires susceptibles de voir aboutir leurs recherches. Nous utilisons donc les vaccins de Pfizer et de Moderna, déjà autorisés ; celui d'AstraZeneca, développé avec l'université d'Oxford, enrichira prochainement notre panoplie vaccinale à la disposition des Français, des Européens et de la population mondiale.
S'agissant de l'avis de l'Agence européenne des médicaments, que nous attendons pour vendredi, je n'en sais pas davantage : sera-t-il définitif, subordonné à des recherches complémentaires ? Le vaccin d'AstraZeneca concernera-t-il des personnes âgées ou plus jeunes ? Quel sera son taux d'efficacité ? Comme pour tout vaccin, nous attendrons de disposer d'une évaluation rigoureuse de cette agence autonome, de pouvoir accéder aux données scientifiques, pour nous former une conviction et organiser la campagne de vaccination. Il n'en est pas moins vrai que le produit d'AstraZeneca suscite beaucoup d'espoirs, puisque, contrairement aux deux vaccins dont nous disposons déjà, il se conserve entre 2o C et 8o C, c'est-à-dire dans un simple réfrigérateur ; en outre, il est bien moins sensible au transport, ce qui nous permet d'envisager son déploiement selon d'autres modalités, d'une manière complémentaire des centres actuels.
Je ne peux davantage répondre aujourd'hui avec précision à votre seconde question, au sujet de l'implication de chacun. Depuis le début de la pandémie, nous constatons que notre système pharmaceutique fonctionne ; nos médecins libéraux sont extrêmement engagés et souhaitent participer à la campagne de vaccination. Pour organiser de telles campagnes, nous recourrons chaque fois que ce sera possible au professionnalisme des soignants, cette richesse fondamentale de notre pays. Par conséquent, j'espère que nous pourrons diffuser le vaccin d'AstraZeneca dans les officines, dans les cabinets. J'attends pour cela l'avis des autorités compétentes : c'est un préalable indispensable.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Merci, monsieur le ministre, de cette réponse qui n'en est pas vraiment une, …
… car faire ou non pratiquer une vaccination par le circuit de ville, cela s'anticipe. Vos services, qui travaillent sur le sujet, devraient livrer vendredi de premières orientations ; c'est pourquoi, dans le doute, je vous répète que ce circuit est prêt pour la vaccination, comme il l'était pour les tests et avant cela pour la distribution de masques, à l'unité près.
Vaccination contre la covid-19
Monsieur le Premier ministre, la campagne de vaccination entre dans sa deuxième semaine. Nombreux sont ceux qui ont déjà répondu présent : c'est une très bonne chose.
Vous avez donc raison de passer la surmultipliée et de changer de braquet. Assez de cette campagne à la vitesse d'une deux-chevaux, des ordres et des contre-ordres qui se multiplient, de ce festival d'incertitudes sur le terrain, qu'il s'agisse de la plateforme Doctolib, qui avait du mal à répondre, de la question des cinq ou six doses contenues dans un flacon de vaccin, du report de la seconde injection à six semaines après la première, des stocks de vaccin à venir et des centres qui, déjà, ferment leurs portes, faute de doses.
Monsieur le Premier ministre, assez de cette bureaucratie, de ces comités Théodule, de ces agences et officines paralysantes, prises en flagrant délit de lenteur et d'errements !
Les centres de vaccination sont ouverts, les élus locaux et les professionnels de santé sur le pied de guerre. Tout le monde est prêt. Localement, nous sommes tous mobilisés. Dans ma ville, plus de 1 000 personnes ont été vaccinées en quatre jours. Seulement, les moyens financiers font défaut, et les doses ne suivent pas. Monsieur le Premier ministre, pour gagner une guerre, il ne faut pas être à court de munitions. Comment croire à vos projections floues, à votre calendrier hypothétique, aux 15 millions de personnes vaccinées à l'été prochain ? Comment conjuguer, par ailleurs, la poursuite de la campagne vaccinale et un éventuel reconfinement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur Door, vous posez plusieurs questions factuelles auxquelles j'ai déjà apporté des réponses factuelles, mais en dehors de l'hémicycle, ce qui me donne l'occasion de les répéter ici.
Vous parlez d'une incertitude touchant le nombre de doses par flacon. Il n'y a pas d'incertitude, mais une invitation à extraire six doses ; l'autorisation de mise sur le marché a été modifiée en ce sens. Sur le premier million d'injections réalisées, les remontées attestent que, d'un flacon, on tire en moyenne 5,9 doses – autrement dit, pratiquement une sixième dose…
Voilà votre réponse, factuelle et chiffrée.
Pour ce qui est de l'idée d'un report du rappel vaccinal, j'ai donné ce matin, en compagnie du professeur Alain Fischer, une conférence de presse afin d'expliquer les tenants et aboutissants de ma décision : l'injection de rappel ne sera pas reportée. Pour le vaccin Pfizer, elle aura lieu entre trois et quatre semaines après la première injection.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous avons pris une demi-heure du temps à l'expliquer aux Français qui le souhaitaient. Là non plus, il n'y a pas d'incertitude.
Vous parlez de l'approvisionnement en doses, des vaccinations réalisées. Rendez-vous sur le site data. gouv. fr : depuis samedi, toutes les livraisons, tous les stocks, à l'échelle départementale et régionale, y figurent en open data !
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
C'est une première, pour une campagne de cette nature, dans notre pays. Dans un délai de quarante-huit à soixante-douze heures, vous y trouverez les nombres de doses, de livraisons, de vaccinations réalisées et l'état des stocks, avec une mise à jour hebdomadaire, pour chacun des mille centres ouverts sur le territoire national – en open access, afin que chacun puisse être informé. Il n'y a donc pas, selon moi, d'incertitude.
L'accès direct au système d'information dans lequel sont déclarées toutes les vaccinations réalisées sera prochainement ouvert également, pour permettre aux Français d'établir leurs propres statistiques et de mesurer la part de personnes vaccinées parmi les plus de 80 ans ou parmi les résidents des EHPAD, par exemple. Hier, nous avions déjà proposé ou réalisé la primo-vaccination de plus de plus de 40 % de ces résidents. Ce chiffre augmentera encore beaucoup cette semaine, peut-être jusqu'à 80 %, nous permettant presque d'atteindre la cible de 100 % de vaccinés dans les EHPAD. Ce serait une bonne nouvelle ; là aussi, il n'y a pas d'incertitude. Pour ce qui est des arrivages de vaccins, j'en ai donné la semaine dernière les chiffres, comme je le fais mois par mois, mais je peux aussi vous les communiquer par semaine. Toutes les informations sont transparentes et disponibles sur le site du ministère.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, cher Olivier Véran,
« Ah ! » sur les bancs du groupe LR
je voudrais vous parler des déserts médicaux. Vous êtes souvent interpellé au sujet de la crise sanitaire et de la pandémie que vivent les 67 millions de Français. Mais la crise sanitaire met aussi en lumière la difficulté, pour bon nombre de Français, de trouver un médecin traitant référent, un médecin de famille : six millions d'entre eux n'en ont pas. J'aperçois à vos côtés Roselyne Bachelot, qui était ministre dans la santé et des sports il y a dix ans – c'était hier. Nous avons finalement peu progressé depuis, alors que dans la crise sanitaire que nous traversons, c'est le médecin référent qui fait le lien entre les Français et les mesures sanitaires ; il est important de le rappeler.
Les déserts médicaux concernent aussi bien les campagnes que les villes. Pourtant, depuis dix ans, beaucoup a été fait : suppression par M. Véran du numerus clausus que Mme Bachelot avait commencé à relever, maisons pluridisciplinaires, contrats locaux de santé, télémédecine, prime à l'installation pouvant atteindre 50 000 euros, défiscalisation. Mais cela ne suffit plus. Quand on est député depuis plus de dix ans, on se doit d'interpeller le Gouvernement au sujet des déserts médicaux. Ma question est la suivante : quand allons-nous réguler, conventionner, installer les médecins là où il y en a besoin, à l'instar de ce que l'on fait pour les pharmacies ?
Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LR. – M. Florian Bachelier et M. Jean-Baptiste Moreau applaudissent également.
Je vous remercie, monsieur le député Thierry Benoit, pour votre question. Je connais votre engagement sur le sujet fondamental qu'est l'accès aux soins pour tous sur tout le territoire national, que je n'oublie évidemment pas dans la période que nous traversons. Je parlais tout à l'heure de la transparence au sujet des vaccins ; Amélie de Montchalin, et avec elle l'ensemble du Gouvernement, a été incitée à faire preuve de transparence sur d'autres éléments. En vous rendant sur le site internet gouvernement. fr, vous aurez accès, dans l'onglet « baromètre des résultats », à toutes les informations relatives à l'accès aux soins. J'ai consulté la page consacrée à votre beau département d'Ille-et-Vilaine : je ne sais pas si vous le savez, mais on y trouve désormais trente-neuf maisons de santé pluridisciplinaires, alors qu'il n'y en avait quasiment aucune auparavant.
Cela montre que les choses bougent, qu'elles ne sont pas figées.
Vous avez également raison de souligner la suppression du fameux numerus clausus – et de dire que je n'étais pour rien dans son instauration ! – , qui revenait à empêcher un jeune Français de suivre des études de médecine en France pour ensuite exercer en France, alors que l'on recrutait des médecins roumains en Roumanie, voire que l'on formait des médecins français en Roumanie.
Nous l'avons supprimé il y a deux ans, mais il faut du temps pour que les médecins soient formés et qu'ils soient pleinement opérationnels.
Il existe d'autres dispositifs incitatifs qui fonctionnent bien et qui permettent à la situation de s'améliorer, comme en témoigne l'amélioration des indicateurs. Vous parlez à raison de la télésanté et de la télémédecine ; jamais la crise n'aura autant accéléré sa transformation. En exactement un an, le nombre de téléconsultations est ainsi passé de 10 000 par semaine à 1 million.
M. Florian Bachelier applaudit.
Grâce au numérique, nous avons ainsi brisé les distances. Nous avons équipé non pas seulement les médecins mais aussi des infirmiers et des kinésithérapeutes, qui peuvent aussi réaliser des téléconsultations. Mais le numérique ne remplacera pas la relation directe entre le patient et son soignant ou son médecin ; c'est la raison pour laquelle nous continuerons de déployer les maisons de santé ainsi que les communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS, qui couvrent 40 % du territoire. Nous déploierons aussi les SAS, les services d'accès aux soins, pour l'accès aux soins urgents non programmés. Nous continuons résolument, et nous réussirons !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mon médecin traitant – le docteur Le Du, près de Fougères – m'a remis mon dossier médical le 30 décembre dernier : il part en retraite sans être remplacé. Je vous l'assure, monsieur le ministre : si vous ne prenez pas de mesures coercitives, nous n'y parviendrons pas. La France forme plus de médecins, mais ils sont mal répartis. On ne peut plus l'accepter !
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I et sur quelques bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à madame le ministre de la transition écologique. Vendredi 8 janvier dernier, nous avons été incités par RTE, le réseau de transport d'électricité, à réduire notre consommation électrique afin d'éviter que notre réseau, soumis à un pic de consommation, ne s'effondre. L'aveu est de taille ! Il y a encore quelques années, avant l'arrivée au pouvoir des socialistes, la France disposait d'une capacité excédentaire de production électrique ; il nous faut désormais nous serrer la ceinture ! Ce dernier pic n'avait pourtant rien d'exceptionnel : en 2012, nous avions dû faire face à une consommation de 102 gigawatts, alors qu'elle était à peine de 87 gigawatts cette fois-ci.
Comment l'expliquer ? Vous dites qu'une partie de notre parc électronucléaire est indisponible à cause du report d'opérations de maintenance. Vous oubliez de préciser, au passage, que si vous aviez laissé EDF mener ses opérations de maintenance pendant le premier confinement, nous n'en serions pas là !
Une autre explication, plus globale, relève de la politique énergétique que vous menez en faisant le choix de privilégier le développement des énergies électriques intermittentes au détriment des énergies pilotables. Depuis 2012, celles-ci ont été réduites de 10 %, en raison notamment de l'arrêt de la centrale de Fessenheim, alors que l'EPR de Flamanville n'est pas encore en service.
Notre système électrique n'a désormais plus de marge. Que se passera-t-il, madame le ministre, si un confinement intervient en février et que l'hiver est rude ? Votre Gouvernement entend-il changer de politique énergétique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député Julien Aubert, ce n'est pas en répétant cent cinquante fois quelque chose de faux que vous en ferez une vérité.
Je vous le répète une nouvelle fois : premièrement, les Français seront normalement approvisionnés en électricité cet hiver.
Il n'y aura pas de black-out, contrairement à l'idée que vous essayez de répandre. Deuxièmement, s'il y a des problèmes de pics de consommation, qui rendent parfois nécessaire un lissage de la consommation, …
… c'est parce que les opérations de maintenance n'ont pas pu être réalisées pendant le confinement, quelle que soit la raison que vous invoquez.
La fermeture de la centrale Fessenheim n'y est évidemment pour rien.
Vous le dites vous-même : 20 % environ de notre capacité nucléaire ne sont actuellement pas exploités, pour des raisons notamment de maintenance.
Soyons clairs : la poursuite de la production à Fessenheim n'y aurait pas changé grand-chose, sinon rien du tout.
Vous n'avez pas parlé des centrales à charbon et je vous en remercie : si nous les utilisons, elles ne représentent plus que 1 à 3 % environ de notre consommation, un pourcentage de plus en plus bas.
Nous les arrêterons d'ailleurs d'ici à 2022. Vous devriez cesser d'avoir une vision idéologisée des choses, monsieur Aubert.
Vives exclamations et rires sur les bancs du groupe LR.
Un rapport sortira demain, qui remettra les choses à plat, d'un point de vue technique et non pas idéologique ! Enfin, plus de 70 % de notre électricité est encore d'origine nucléaire. Pensons surtout à ne plus gaspiller notre électricité : ce serait déjà une bonne chose !
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Madame le ministre, vous mentez lorsque vous dites qu'il n'y a pas de risque de black-out : le même jour, le 8 janvier, un accident est survenu en Roumanie et l'on a dû isoler une partie du réseau électrique européen pour éviter un black-out ! Vous mentez ! Ensuite, c'est un simple calcul arithmétique : avec 1,6 gigawatt supplémentaire produit par Fessenheim, il aurait été plus facile de passer le pic de consommation ! Enfin, j'aimerais savoir comment vous ferez en 2021 et 2022 sans les importations d'électricité allemande, dans la mesure où nous allons perdre ces capacités. Bientôt, ce ne sera pas le black-out, mais le « green out » du Gouvernement !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la campagne de vaccination contre la covid-19 a officiellement débuté le 27 décembre 2020 et se poursuivra tout au long de l'année 2021. Ce week-end, la France a dépassé la barre du million de personnes vaccinées, avec une semaine d'avance sur les prévisions de vaccination que vous aviez annoncées au début du mois.
M. Christophe Castaner applaudit.
L'engouement de nos compatriotes à être vaccinés démontre leur confiance dans la stratégie de vaccination que le Gouvernement a mise en place. Cette démarche progressive se révèle être la meilleure option. De plus, la France a fait le choix d'un service de proximité, qui se traduit – vous l'avez évoqué – par l'implantation de près de 900 centres de vaccination sur l'ensemble du territoire français. Au-delà des polémiques stériles entretenues ici ou là au sujet de la stratégie de vaccination, force est de constater que, sur le terrain, la réussite de la mobilisation est le fruit d'un travail commun et d'une coordination efficace entre l'État et les collectivités locales, sous l'impulsion des préfets et des agences régionales de santé. Les Françaises et les Français répondent présents au rendez-vous que vous leur avez fixé, faisant ainsi preuve de responsabilité et de civisme.
Par ailleurs, la France est le seul pays européen ayant actuellement recours aux enquêtes flash relatives aux variants du coronavirus. Je tiens à souligner l'effort colossal mené par laboratoires publics et privés pour les réaliser : ces enquêtes sont essentielles car elles permettent de suivre de très près les mutations du virus et ainsi de prendre les décisions les plus adéquates. En ayant recours à ces enquêtes flash, la France démontre qu'elle est prête à répondre à tous les scénarii possibles de mutation du virus sur son territoire. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous en dire plus sur ces enquêtes et sur la manière dont votre stratégie vaccinale pourrait s'y adapter, afin de vaincre la pandémie dans sa globalité ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je vous remercie pour votre question, madame la députée.
Vous en posez en fait deux, auxquelles je vais tâcher de répondre. D'abord, vous avez raison de souligner que la France a fait le choix de la proximité. Cela renvoie à une question précédente à laquelle je n'avais pas répondu complètement, à propos de la ruralité : alors que nous développons 1 000 centres de vaccination, contre 50 dans certains pays voisins, il serait paradoxal de nous accuser de manquer de proximité !
C'est, au contraire, le choix de la proximité que nous avons fait justement. Je ne pouvais pas imaginer que l'on impose à des personnes âgées de 85 ans de faire trois heures de queue devant un gymnase en plein hiver. Or ce n'est pas ce qui se passe chez nous et c'est tant mieux : c'est une qualité et un atout de notre pays.
Vous m'interrogez sur la stratégie de dépistage et d'identification – de traque, en fait – des variants du virus : le variant VOC 2020, originaire d'Angleterre, et le variant 501-YV2, qui provient d'Afrique du Sud. Je l'ai déjà dit : ces variants nous inquiètent, comme ils inquiètent l'ensemble des pays dans lesquels ils circulent. En effet, on sait qu'ils sont plus contagieux et l'on s'interroge désormais sur les formes cliniques qu'ils pourraient produire, alors que l'on manque encore de données scientifiques suffisantes pour statuer. En revanche, nous avons des signes plutôt encourageants quant à la capacité de vaccins à empêcher les infections par ces variants, mais celle-ci reste à démontrer.
Quoi qu'il en soit, nous devons absolument prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher les variants d'entrer sur le territoire. C'est la raison pour laquelle la France et l'Europe ont pris des mesures extrêmement sévères en matière de contrôles aux frontières et d'admission sur le territoire national. Nous devons aussi empêcher la circulation de ces variants ; c'est pourquoi les agences régionales de santé réalisent un travail de contact tracing pour casser les chaînes de contamination partout où elles apparaissent et empêcher les variants de se diffuser. C'est aussi pour cette raison qu'avec l'ensemble des plateformes de biologie du pays, publiques ou privées, et avec tous les scientifiques, nous conduisons au quotidien des enquêtes incluant un séquençage génétique du virus, afin d'identifier le nombre de variants en circulation et de dépister d'éventuels nouveaux arrivants. Il semble que la propagation progressive du variant anglais sur notre territoire se confirme, même si les taux restent bien inférieurs à ceux de certains pays voisins. Nous devons rester en permanence en alerte face à cette situation et je vous remercie de votre question qui m'a permis de vous apporter, je l'espère, une réponse factuelle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Je reviens à peine d'une mobilisation où s'exprimaient la colère et le désarroi des membres de la communauté éducative, de la maternelle à l'université.
Les reproches sont multiples : un protocole sanitaire inapplicable et donc inappliqué, des conditions de travail dégradées pour un salaire qui stagne, des enseignants non remplacés, des heures de cours perdues, la désorganisation de la médecine scolaire et de l'assistance sociale en pleine pandémie – bref, un véritable chaos lié à votre impréparation. Qu'il n'y ait pas d'ambiguïté : nous souscrivons parfaitement à la recommandation de la Haute Autorité de santé, les écoles doivent être fermées en dernier. Mais pour fermer en dernier, il faut protéger en premier. Malgré nos multiples interpellations, force est de constater que vous ne donnez ni les moyens humains ni les moyens financiers pour assurer la continuité pédagogique en toute sécurité.
Et pendant ce temps, véritable paradoxe, les étudiants désespèrent de ne pouvoir retourner en cours. Ils étaient présents en nombre aujourd'hui pour dénoncer ce « deux poids, deux mesures » qui alimente l'incompréhension généralisée.
Et pourtant ! Roulement des élèves présents face aux professeurs, réquisition ou construction de locaux, recrutement de professeurs sur la liste complémentaire ou parmi les étudiants et les doctorants, renforcement de la médecine scolaire, autant de propositions vous ont été faites depuis des mois pour maintenir l'enseignement en présentiel malgré la pandémie et rouvrir les universités. Qu'attendez-vous pour les reprendre ?
Par ailleurs, monsieur le ministre de l'éducation nationale, pourrions-nous enfin connaître le nombre d'heures de cours perdues à cause de vos atermoiements ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la députée, il y a au moins un élément positif dans votre intervention, à savoir le fait que votre groupe soit maintenant favorable à l'ouverture des écoles. Ce n'était pas le cas il y a quelques mois, et je me réjouis de cette conversion.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
M. Mélenchon proteste, mais c'est un fait : il était contre l'ouverture des écoles au moment du déconfinement !
Vous nous faites part de plusieurs attentes vis-à-vis du système scolaire. En la matière, nous nous réjouissons également de voir, dans le cadre du Grenelle de l'éducation, certains syndicats formuler des propositions que nous allons pouvoir retenir. Nous sommes actuellement dans une période de dialogue social intense qui va déboucher, comme vous le savez, sur l'augmentation de la rémunération des professeurs. C'est déjà une réalité en 2021 : dès le mois prochain, ils bénéficieront d'une prime d'équipement informatique de 150 euros et à partir du mois de mai, les professeurs les plus jeunes percevront une augmentation de 100 euros par mois. Cela continuera en 2022…
… grâce au dialogue social dans lequel nous sommes engagés et qui nous permettra d'aller plus loin.
L'amélioration du système éducatif reste évidemment notre boussole, et la traversée de la crise épidémique se passe en France mieux que dans la plupart des pays européens, ce qui explique que le taux de grévistes soit faible. Je sais que vous auriez souhaité qu'il soit fort, mais il n'est que de 11 % selon les derniers chiffres, ce qui montre que l'immense majorité des professeurs est mobilisée.
Saluons-les, car c'est grâce à eux que la France traverse la crise épidémique de la façon la plus correcte possible sur le plan scolaire. Bien entendu, cela ne doit pas nous empêcher de construire l'avenir et, s'agissant d'un enjeu d'intérêt général, j'aimerais que cela se fasse dans une ambiance de consensus.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Respectueux de la séparation des pouvoirs, je n'ai pas pour habitude de commenter les décisions de justice, mais je ne peux rester indifférent à l'éventualité du classement sans suite de la plainte déposée il y a quatorze ans par des associations environnementales à la suite de la pollution au chlordécone de la Martinique et de la Guadeloupe. Une telle décision risquerait d'être interprétée non seulement comme un déni de justice, mais aussi comme une provocation humiliante et un dédain des principes républicains qui imposent à tous le respect de la dignité humaine.
Ce pesticide a fait des ravages considérables sur la santé des populations. Des secteurs économiques sont sinistrés, particulièrement celui de l'agriculture endogène. Mais une autre activité est en train de s'effondrer à un rythme très alarmant : la pêche.
Les chiffres sont sans appel : un tiers des côtes martiniquaises sont interdites à la pêche car polluées ; en dix ans, le nombre de pêcheurs et le volume de la production locale ont été divisés par deux ; la pollution des eaux côtières contraint de pêcher plus au large, ce qui, en entraînant des surcoûts destructeurs auxquelles s'ajoutent des interdictions kilométriques imposées par l'État de façon aléatoire, prive les pêcheurs de toute perspective de survie. Plus grave encore, le niveau d'endettement social des marins-pêcheurs, estimé à 3,5 millions d'euros, rend impossible l'accès des professionnels aux aides publiques nationales et européennes, ce qui pénalise durablement la filière. Ce cycle infernal conduira à terme à la disparition des pêcheurs côtiers…
… et à la mise à mort d'une activité économique traditionnelle qui contribue à l'autonomie alimentaire de la Martinique.
Monsieur le Premier ministre, avec l'ensemble des parlementaires martiniquais, je vous fais part de trois demandes des pêcheurs locaux : l'exonération des charges URSSAF des marins-pêcheurs, l'instauration d'un dispositif d'apurement et d'effacement de dettes, et la mise en place d'un plan de soutien à la modernisation de la flotte. Répondre à ces attentes, c'est sauver une filière locale et avancer vers ce que le Président de la République lui-même considère comme incontournable : la réparation. Comment comptez-vous respecter cet engagement ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, en l'absence du ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, je répondrai à votre question en trois points.
Premièrement, Emmanuel Macron a été le premier Président de la République à prendre sa part de responsabilité dans la pollution des terres et des mers au chlordécone en Martinique et en Guadeloupe. En tant que ministre des outre-mer, j'ai moi-même reconnu devant la commission d'enquête que vous présidiez que la responsabilité de l'État était reconnue, certaine et engagée.
Deuxièmement, ce gouvernement a conduit en 2017 la plus ambitieuse réforme des aides économiques des dix dernières années en outre-mer, puisque l'ensemble des dispositifs d'aide votés sur ces bancs représente un montant de près de 2,8 milliards d'euros par an. Les pêcheurs sont classés en secteur prioritaire, il le fallait : du coup, depuis 2019, la plupart d'entre eux ne payent plus ou presque plus de charges.
Troisièmement, et c'est le coeur de votre question, que fait-on des dettes constituées antérieurement à la réforme ? Saisi par le comité régional des pêches le 8 janvier dernier, le ministre des outre-mer a répondu qu'il avait demandé au préfet et à la direction régionale des finances publiques de vous faire des propositions dans les deux mois pour briser ce cycle infernal et pour que les pêcheurs de la Martinique et de la Guadeloupe puissent enfin profiter des crédits du FEAMP, le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche.
Il est évident que les Antilles ont besoin d'un plan d'accompagnement pour que la filière de la pêche se développe au niveau adéquat, avec une transparence et une visibilité suffisantes pour que les jeunes pêcheurs de la Martinique et de la Guadeloupe s'engagent avec nous dans une stratégie globale de développement. J'ai demandé à mes services en Martinique et à Paris de vous accompagner sur ce sujet ; je serai aux côtés des élus et des professionnels, car c'est sur le territoire que l'on décide du développement d'une politique publique.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le Premier ministre, je vous remercie d'être venu samedi à Colmar pour saluer très chaleureusement la naissance de la collectivité européenne d'Alsace. La CEA est le résultat d'un travail considérable de Mme la ministre Jacqueline Gourault et de ses équipes, avec les élus des territoires et les députés de tous bords. C'était un véritable défi de dégager un consensus et de trouver le juste équilibre qui a permis d'aboutir à cette création.
Je voudrais revenir sur les propos que vous avez tenus dans votre discours à l'égard des grandes régions. Vous avez indiqué que vous n'aviez jamais été vraiment convaincu par les grandes régions ; depuis, certains ne cessent d'interpréter vos propos pour y lire l'annonce d'un redécoupage ou d'un énième exercice de réorganisation des compétences.
Sourires.
Au-delà des interprétations et des polémiques probablement surjouées, de nombreux élus de la région de tous bords font preuve depuis 2016 d'un engagement sincère et d'une grande énergie pour installer, faire fonctionner, rendre utile et faire réussir ces collectivités : c'est notamment le cas dans le Grand Est.
Monsieur le Premier ministre, vous avez été élu local et je sais votre profond respect pour tous les élus des territoires. Je crois qu'il serait important que vous précisiez que vos propos ne visaient en aucun cas l'engagement et le travail de tous ces élus et de leurs équipes, qui se dévouent à leur mandat. Il faudrait aussi dire clairement que tout ce qu'ils construisent n'a pas vocation à être balayé, d'ici à la fin de la présente législature, par un nouveau redécoupage ou un démembrement du Grand Est, ni par un chamboulement des compétences qui romprait l'équilibre trouvé dans la loi.
Je sais que nous partageons la conviction que toute notre énergie doit être concentrée sur les immenses défis posés par le virus, qui exigent la mobilisation de toutes et tous. Pour cela, la CEA ne se construira pas contre la région Grand Est, mais avec elle, et l'organisation des compétences doit désormais se poursuivre entre les élus du territoire et non à Paris.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser votre propos pour éviter qu'il ne soit instrumentalisé et surinterprété…
… ou qu'il ne fasse l'objet des polémiques inutiles que certains ne cessent d'alimenter ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Monsieur le député, votre question me donne l'occasion de nous féliciter collectivement de la création de la collectivité européenne d'Alsace le 1er janvier dernier, première concrétisation de la différenciation territoriale à laquelle je vous sais tout aussi attaché que le Gouvernement.
Cette création a donné lieu à de nombreuses concertations, et nous sommes parvenus ensemble, je dis bien ensemble, à trouver une solution équilibrée permettant de donner une traduction institutionnelle à l'Alsace dans un cadre très précis que tout le monde connaît : pas de démembrement de la région Grand Est, pas de collectivité à statut particulier.
Ce travail s'est inscrit dans un contexte de questionnement autour des périmètres régionaux issus de la loi de janvier 2015, et qui ne concernait pas que le Grand Est : se posaient également des questions nationales et d'évidente proximité – en fait, le Premier ministre a rappelé tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas.
Pour autant, comprendre ces problématiques ne remet pas en question le travail des élus et des agents qui s'engagent au quotidien à la mise en place des politiques publiques au niveau régional…
… qu'il s'agisse de la formation, du développement économique ou de la transition écologique, à l'échelle des nouveaux périmètres.
Pour répondre très concrètement à votre question, il n'y aura pas de remise en cause des périmètres actuels des régions.
Comme le Premier ministre l'a dit lui-même samedi matin en Alsace…
… il n'y aura pas de big bang territorial. Vous avez une réponse précise.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, après des années de mobilisation, les ONG, les associations, les syndicats, les partis politiques ont permis que, le 22 janvier dernier, entre en vigueur le TIAN, le traité d'interdiction des armes nucléaires. Après le vote de 122 États en juillet 2017 et la ratification du cinquantième État il y a quatre-vingt-dix jours, nous y sommes : les États détenant des armes nucléaires entrent dans l'illégalité.
Ce traité crée une dynamique à la fois pour les États non dotés, qui n'en peuvent plus de cette inégalité – le diable se cache dans les délais, disait récemment un de nos collègues – , et pour les peuples qui, partout sur la planète, se battent pour un monde plus pacifique et libéré de cette épée de Damoclès nucléaire.
Et ce n'est qu'un début ! La démonstration a été faite de la dangerosité de cette arme lorsqu'on a appris que la présidente de la chambre des représentants des États-Unis a appelé les militaires américains à la désobéissance en cas d'ordre d'attaque nucléaire donné par le président Trump. Que dire, par ailleurs, de la cyberattaque subie récemment par les États-Unis, qui aurait abouti au vol de données ultrasensibles relatives à ces armes ? Toutes les conditions sont réunies pour prendre conscience des risques et pour évoluer vers un désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace, comme l'exige l'article 6 du traité de non-prolifération, dont le TIAN permet la mise en oeuvre concrète.
Les députés communistes considèrent que les initiatives bilatérales à l'image du traité New Start entre la Russie et les États-Unis – que ces derniers ont proposé la semaine dernière de proroger – sont importantes, mais encore insuffisantes. Monsieur le ministre, la France va-t-elle finir par reconnaître cette norme de droit international et rejoindre la dynamique partagée par certains membres de l'Union européenne ? Comment respecter le principe de bonne foi du traité de non-prolifération sans vous appuyer sur le TIAN ? S'inscrire dans cette dynamique n'est-il pas le meilleur moyen pour la France de devenir un leader pour la paix en poussant les autres États dotés à participer à ce traité ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Monsieur le député, la France n'a pas participé aux négociations du traité TIAN. La France n'est pas partie à ce traité, et la France n'adhérera pas à ce traité.
Dès lors, ce traité n'emporte pour nous aucune obligation juridique. Cette position, constante pour notre pays, est partagée par nos principaux partenaires internationaux. Nous estimons que le TIAN n'apporte aucune plus-value de sécurité dans un contexte stratégique marqué par la dislocation de l'architecture internationale de sécurité et par les risques liés à la prolifération des armes nucléaires.
Comme il ne comporte ni instrument de vérification ni instrument rigoureux de clarification, ce traité n'apportera aucune contribution concrète aux efforts que nous réalisons en vue d'un désarmement nucléaire réaliste, lequel ne peut se faire qu'étape par étape. C'est cette voie que nous avons suivie avec le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires auquel nous sommes partie prenante et que nous voulons voir renforcé. Entré en vigueur en 1970, il a permis des avancées et c'est ce cadre d'action-là qu'il importe de préserver. Depuis vingt-cinq ans, des mesures concrètes et substantielles font que notre bilan en matière de désarmement nucléaire est particulièrement exemplaire parmi tous les États dotés de telles armes. Ces mesures ne sont pas récentes et remontent à des présidences antérieures : pensons à la fin de la composante terrestre, au démantèlement des sites de production de matières fissiles ou à la fin des essais nucléaires.
C'est cette logique qui a guidé le Président de République dans le discours qu'il a prononcé à l'École de guerre en février dernier. Il a proposé un agenda concret pour progresser dans la voie du désarmement nucléaire parce que, monsieur le député, le désarmement nucléaire ne se décrète mais se construit pas à pas. Nous aurons l'occasion d'oeuvrer encore dans ce sens lors de la Conférence d'examen des parties au traité sur la non-prolifération qui se tiendra en 2021.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Dès le 9 janvier, nous savions que le variant britannique représentait 1 % des contaminations, que la dynamique de sa courbe épidémique était amorcée et que sa progression était inéluctable. Depuis hier, nous savons qu'à Paris, la part du variant est passée à 10 % – avec une semaine d'avance sur les projections des modélisations effectuées début janvier – et que celle du variant sud-africain s'établit à 1 %. Cela démontre donc de manière factuelle que les mesures de couvre-feu ne sont pas suffisantes pour contenir l'expansion du variant. Mi-février, nous serons au coeur de la vague dont on constate déjà les dégâts en Grande-Bretagne ; mi-mars, le variant sera devenu majoritaire.
Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, en laissant passer encore une semaine avant de prendre des mesures fortes, ne risquez-vous pas de laisser s'aggraver la situation ? Il s'agit de tenir compte non pas de la pression qu'exerceraient les scientifiques, comme certains l'avancent, mais de faits objectifs, établis par les scientifiques dans leur ensemble.
En outre, j'ai été informée que nous allons vraisemblablement devoir affronter une pénurie mondiale des consommables utilisés par les laboratoires. En France, les remontées d'informations sont alarmantes : il existe une tension sur les embouts de pipettes, les tubes pour le sérum, les tubes Eppendorf et, de manière plus générale, sur le petit matériel de laboratoire, essentiel pour réaliser les tests PCR, déterminer la sérologie ou procéder au séquençage. Certains laboratoires et hôpitaux n'ont plus de stocks, d'autres en ont seulement pour dix jours ou alors deux mois et les fournisseurs ne sont pas rassurants. Dès que les stocks seront épuisés, tout le diagnostic biologique sera affecté. En réalité, toute la filière du polypropylène est en surchauffe.
Monsieur le ministre, peut-on imaginer une seule seconde de mettre à l'arrêt une partie des recherches, de ne plus diagnostiquer les malades et de ne plus rechercher les variants ? Avez-vous anticipé une réorientation des filières françaises des plastiques vers la production de ce type de matériel ? Cela ne s'improvise pas car une telle réorganisation prend du temps.
Madame la députée, je peux compléter la réponse que j'ai faite à votre collègue Monique Limon au sujet des variants. Nous déployons de nouveaux kits de dépistage PCR des différents variants, reposant sur des méthodes plus efficaces que celles que nous utilisions jusqu'à présent.
Il a déjà été possible à partir de la technique de PCR Thermo Fisher, qui met en évidence des variations dans le profil du virus, de procéder à un séquençage génétique des prélèvements suspects et de déterminer avec exactitude la présence du variant. L'étude que le professeur Bruno Lina a menée en temps réel a ainsi permis d'établir que le taux du variant anglais était de 1,5 % à 2 % pour la France entière. Je n'ai pas les chiffres de sa nouvelle enquête pour la France entière. En Île-de-France, les laboratoires, sur la base des anomalies qu'ils observent sur les plateformes PCR, évoquent 8 % à 9 % de variant anglais et 1 % de variant sud-africain, lesquels seraient davantage présents que dans le reste du territoire. Les chiffres sont à préciser mais il est évident que nous tiendrons compte de cette donnée fondamentale lors du conseil de défense de demain.
Les nouveaux kits de dépistage, plus sensibles que cette technique Thermo Fisher, permettront d'identifier la présence non seulement du variant anglais mais aussi du variant sud-africain, du variant brésilien et d'autres variants à venir. Nous avons commencé à les déployer ce week-end dans les zones où il existe de fortes tensions sanitaires et épidémiques. Nous avons envoyé à l'ensemble des virologues une note les invitant à utiliser ces nouveaux moyens qui constituent une chance. Cela veut dire en effet que la recherche se poursuit et que nous sommes capables d'apporter des réponses évolutives à mesure que le virus nous joue des tours.
S'agissant de la filière plastique, je ne puis vous apporter une réponse précise. Sachez que, depuis un an, des prospections sont menées en temps réel avec l'ensemble des laboratoires privés et publics pour s'assurer qu'il n'y a pas de pénuries de consommables ou de réactifs.
Pour finir, je rappellerai que la France effectue encore 2 millions de tests par semaine, soit plus de deux fois plus que les Allemands et la plupart de nos voisins. Cela mobilise de l'énergie et des ressources, mais jusqu'à présent, nous avons toujours tenu et il n'y a pas de raisons que cela change.
Monsieur le ministre, vous confirmez donc que vous n'avez absolument pas anticipé.
Et vous, vous n'avez pas voté l'état d'urgence !
Monsieur le ministre de l'agriculture, la France détient un triste record en Europe, celui du nombre d'abandons d'animaux de compagnie, première des cruautés, comme vous l'aviez rappelé lors du lancement du plan d'action dédié à cet enjeu en décembre. Un sondage commandé par la Fondation 30 millions d'amis à l'IFOP et publié hier révélait que 57 % des Français étaient favorables à la stérilisation obligatoire des animaux de compagnie afin de limiter les abandons, que 70 % étaient pour l'interdiction des animaux sauvages dans les cirques et 66 % pour l'interdiction des delphinariums – le Parc Astérix a d'ailleurs décidé de fermer le sien. Ainsi l'empathie des Français pour la souffrance et la maltraitance animale va croissant. La société évolue.
Des associations pour la protection animale sont en ce moment même mobilisées devant le palais Bourbon. Ces bénévoles attendaient ce jour depuis des décennies. À la fin de cet après-midi débutera en effet la discussion en séance publique de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale déposée par les députés du groupe LaREM, MoDem et Agir ensemble. C'est pour moi l'occasion de saluer le travail mené par les rapporteurs Loïc Dombreval, Laëtitia Romeiro Dias et Dimitri Houbron ainsi que tous les députés, dont Aurore Bergé, qui ont construit et enrichi ce texte. Celui-ci est le fruit d'un travail de concertation avec l'ensemble des parties prenantes et d'une démarche constructive des trois composantes de la majorité.
Monsieur le ministre, je connais votre sensibilité à la souffrance animale. Aussi souhaiterais-je connaître la position du Gouvernement sur ce texte important. Pourriez-vous nous présenter votre ambition en matière de lutte contre la maltraitance animale ?
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Au fil des siècles, des philosophes, des esprits du monde des lettres et des sciences, de Léonard de Vinci à Kant, de Diderot à Hugo, …
… ont alerté la société sur notre rapport aux animaux, notamment aux animaux domestiques. Force est de constater que la France, pourtant pays des Lumières, a pris beaucoup de retard en ce domaine. Qui peut accepter que plus de 100 000 animaux de compagnie, des chiens, des chats, soient abandonnés chaque année ? Songez, madame la députée, que cela représente un animal sur huit vendu ou adopté chaque année : c'est absolument considérable. Il y a un combat à mener : il faut affirmer clairement qu'un animal de compagnie n'est ni un objet, ni un consommable, ni un jouet et que le fait de devenir propriétaire d'un tel animal induit des responsabilités.
Je veux remercier très sincèrement les députés de la majorité présidentielle à l'origine de cette proposition de loi, ses rapporteurs, Loïc Dombreval, Laëtitia Romeiro Dias et Dimitri Houbron. Ils ont mené un travail formidable, en lien avec les autres groupes, en particulier les groupes de l'opposition dont on connaît aussi l'implication forte.
Ce combat doit être mené, de manière transpartisane, avec fermeté et détermination, selon trois axes. Il s'agit d'abord de sensibiliser : il importe que toute personne devenant propriétaire d'un animal de compagnie sache ce que cela implique comme responsabilités. Il s'agit ensuite de mettre l'accent sur l'accompagnement : je pense en particulier aux refuges et à leur travail formidable – 20 millions d'euros leur seront consacrés, à la demande du Premier ministre, dans le cadre du plan de relance. Enfin, il faut sanctionner lorsqu'il n'y aura eu ni sensibilisation ni accompagnement. C'est tout l'objet de la proposition de loi dont nous débattrons tout à l'heure.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Monsieur le Premier ministre, au nom de mon collègue Mansour Kamardine, j'appelle votre attention sur la situation très grave qui prévaut à Mayotte. En l'espace de trois jours, trois personnes y ont été assassinées à l'arme blanche, dont deux adolescents de quinze et quatorze ans. C'est un nouveau choc pour la population de l'île, durement éprouvée par une augmentation sans précédent de l'insécurité et des violences. Mayotte est le département français où le taux d'homicides par habitant est le plus élevé de la République. L'archipel est plongé dans une spirale infernale d'assassinats et de destructions et il n'y a pas de réactions à la hauteur : ont été annoncés l'envoi de deux pelotons de gendarmerie, soit quarante militaires, et un renfort de quelques fonctionnaires de la police judiciaire.
En outre, depuis plusieurs mois, ont été reportées d'importantes visites ministérielles qui auraient permis de mettre en oeuvre des mesures nécessaires contre l'insécurité et l'immigration clandestine. Tout cela est douloureusement ressenti par nos compatriotes mahorais qui éprouvent un sentiment d'abandon.
Il convient d'agir sans délai contre les bandes violentes armées, dont l'origine se trouve parmi les 15 000 mineurs non accompagnés et les majeurs désocialisés issus de l'immigration illégale, qui accablent la population de notre cent unième département – et pas seulement dans celui-ci d'ailleurs, comme nous l'avons vu à Paris avec le tragique lynchage du jeune Yuriy.
Monsieur le Premier ministre, allez-vous prendre en considération les propositions des élus mahorais, en particulier de notre collègue Mansour Kamardine, et envoyer rapidement à Mayotte le ministre de l'intérieur, le garde des sceaux ou le ministre des outre-mer ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Justine Benin applaudit également.
Comme vous, monsieur Quentin, je trouve préoccupante la situation à Mayotte.
Elle est préoccupante d'abord du point de vue sanitaire, vous le savez. C'est ce qui a mobilisé le Gouvernement, dans des conditions très particulières du fait de la part de la jeunesse dans la population de ce département, plus importante qu'ailleurs sur le territoire national, mais aussi d'une promiscuité avec d'autres territoires où l'épidémie sévit. Malgré ces difficultés, le Gouvernement a répondu présent et je voudrais saluer le corps préfectoral, l'agence régionale de santé et tous les fonctionnaires.
La situation est préoccupante ensuite à cause des difficultés sociales et économiques, qui sont pour partie à l'origine de la délinquance, liée aussi à l'immigration venue des Comores et d'ailleurs. Cela fait de cette île, qui est évidemment pleinement française, …
… un endroit où la criminalité et la délinquance sont depuis longtemps élevées. Sur ce point, il ne faut pas sous-estimer ce que nous avons fait depuis quarante-huit heures avec Sébastien Lecornu : à la demande du Premier ministre, nous avons envoyé deux pelotons de gendarmerie. Vous semblez considérer que ce sont des mesures mineures mais il faut bien voir qu'il s'agit d'une mobilisation sans précédent des moyens de l'État. Les gendarmes, ne l'oublions pas, sont agressés et eux-mêmes victimes de ces bandes rivales, composées de très jeunes gens, ce qui pose un autre problème, vous l'avez dit, celui des mineurs isolés.
Vous avez raison, monsieur le député, de souligner que Mayotte est le cent unième département français. À cet égard, on peut se demander si la départementalisation n'aurait pas dû être accompagnée d'un travail plus important s'agissant de la sécurité et de l'application des dispositions qui prévalent sur le territoire hexagonal ou sur le territoire réunionnais.
Il ne vous aura pas échappé que la crise sanitaire nous a empêchés de nous rendre à Mayotte jusqu'à présent mais j'ai promis au député Mansour Kamardine que dès que les conditions sanitaires le permettraient, j'irais sur place avec le ministre des outre-mer.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question, à laquelle j'associe notre collègue Christophe Blanchet, grand défenseur des restaurateurs, s'adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l'industrie. La crise sanitaire génère un malaise de plus en plus profond et fait naître de grandes inquiétudes au sein des entreprises françaises, non seulement chez les femmes et les hommes chefs d'entreprise, mais également chez les salariés, notamment ceux du bâtiment et des travaux publics.
C'est dans ce contexte que la Fédération française du bâtiment a signé avec les organisations de restaurateurs des conventions qui permettent aux salariés en déplacement, sur présentation d'une carte professionnelle, de manger dans des restaurants. Ils peuvent ainsi prendre un repas chaud dans des conditions sanitaires optimales. Sur le plan du risque de propagation de la covid-19, une telle solution, intelligente et flexible, est en effet évidemment préférable à l'achat, grâce au click and collect, d'un déjeuner que l'on consommera dans un camion avec d'autres collègues.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe UDI-I. – M. Alain David et M. Jean-Paul Lecoq applaudissent également.
Le président de la chambre de commerce et d'industrie du Loiret, M. Alain Jumeau, me charge cependant de vous demander si ce dispositif pourra perdurer, sachant que la direction générale des entreprises a écrit aux restaurateurs concernés pour leur signifier qu'ils ne toucheraient plus d'aides.
Madame la ministre déléguée, il faut absolument préserver cette dérogation. Quelles instructions entendez-vous donner pour qu'enfin le politique prenne le pas sur l'administratif ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe UDI-I.
Le ministre délégué Alain Griset, avec qui vous vous êtes entretenu, s'est montré très clair sur ce sujet : les restaurateurs ne seront jamais pénalisés pour le travail qu'ils effectuent en temps de crise.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et UDI-I.
Permettez-moi tout d'abord de rappeler dans quel cadre les restaurants ont pu ouvrir pour les salariés du bâtiment et des travaux publics. Un peu moins d'un millier d'établissements de restauration ont ouvert de manière dérogatoire, sur les 200 000 que compte la France, c'est-à-dire moins de 1 % d'entre eux. Ils sont situés dans une dizaine de départements, souvent en zones rurales : la Vendée, la Creuse, la Haute-Vienne, le Loiret, les Ardennes…
C'est à la suite d'alertes provenant des fédérations professionnelles du BTP et de l'Association des maires ruraux de France que le Gouvernement a cherché à résoudre la difficulté rencontrée par près de 500 000 salariés du bâtiment pour se restaurer. Plusieurs pistes ont été suivies : l'installation de bases vie sur les plus gros chantiers, la mise à disposition de salles polyvalentes par les communes ou les établissements publics intercommunaux – une solution qu'Alain Griset et Jacqueline Gourault ont proposée mi-décembre – ou la signature de conventions de restauration collective.
L'ouverture dérogatoire de certains restaurants pour les salariés du BTP intervient ainsi dans un cadre juridique et sanitaire extrêmement strict. Elle doit permettre d'offrir un repas digne, dans des conditions optimales, en particulier en ce moment où il fait très froid. La convention est signée en partenariat avec la préfecture et les chambres consulaires et comporte un contrat de prestation de restauration collective.
L'État continuera bien sûr d'accompagner les restaurants ouverts sous ce régime particulier, car même en accueillant des ouvriers du BTP, ces derniers ne réalisent qu'un nombre réduit de couverts par jour, bien en deçà de leur activité normale. Le Gouvernement veillera donc à ce qu'ils bénéficient des mêmes aides que les autres restaurants encore fermés, à savoir la prise en charge à 100 % de l'activité partielle, les exonérations de charges sociales et l'accès au fonds de solidarité.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et plusieurs bancs du groupe Dem.
Dans la continuité de ce qu'avait fait Jacqueline Gourault en ouvrant les salles communales, je vous remercie d'étendre ce dispositif à l'ensemble des restaurateurs. Ceux-ci sont satisfaits, le secteur du bâtiment l'est également. C'est cela, l'intelligence collective.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'agriculture et de l'alimentation, au nom du groupe Libertés et territoires et en associant l'ensemble des collègues des départements concernés, je me dois de vous interpeller de nouveau au sujet du fléau de la grippe aviaire.
Je salue tout d'abord votre implication personnelle : vous êtes venu sur place, et vous faites tout ce que vous pouvez. Mais au cours des dernières semaines, la situation a empiré, provoquant la sidération. L'ensemble du territoire français est désormais susceptible d'être touché, puisque je lisais encore ce matin que, sur la baie du Mont-Saint-Michel, on ne chasse plus les canards de peur de les effaroucher et qu'ils n'aillent répandre la maladie plus loin encore. Tous les jours, nous sommes interpellés sur ce sujet qui provoque incompréhension et inquiétude. Tout le monde souhaite la mise en place d'une cellule de crise. Une communication et un échange d'informations permanent, en amont, doivent permettre de trouver et de partager des solutions.
Pouvez-vous nous informer sur les dédommagements prévus ? Des couveries en extérieur peuvent-elles être envisagées ailleurs ? Et ne peut-on pas s'efforcer de maintenir l'ancrage d'espèces locales à forte résilience ? Il faut entretenir un climat de confiance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Monsieur le député, je vous remercie pour vos propos. Tous, ici – car je connais votre implication et celle de nombre de députés dans ce travail collectif – , nous sommes aux côtés des éleveurs, qui traversent à nouveau une épreuve terrible. Songez que, depuis le début de la crise de l'influenza aviaire, plus de 2 millions de canards et de volailles ont dû être abattus pour limiter la propagation de l'épizootie. Il y a aujourd'hui à peu près 400 foyers, dont trente-huit dans votre beau département dont, je le sais, vous suivez de près la situation.
Je peux vous assurer qu'en lien avec les collectivités locales, les services vétérinaires, l'interprofession – qui fait un travail remarquable – , la Mutualité sociale agricole et les services de l'État, nous mettons tout en oeuvre pour accompagner les éleveurs et lutter contre l'expansion de ce virus.
Notre engagement sera total et le plus rapide possible. Vous m'interrogez sur les indemnisations : lors de la dernière crise, il fallait attendre jusqu'à six à sept mois après l'abattage pour les obtenir. Ce n'est pas normal. J'ai donc décidé que des acomptes seraient versés rapidement aux éleveurs à qui nous avons dû demander des dépeuplements. Nous aborderons ensuite la question des indemnisations pour pertes d'exploitation.
Enfin, la question de l'après est fondamentale. Je crois aux différents modèles, je crois à l'élevage en plein air, auquel je vous sais attaché. En revanche, il nous faut réagir plus rapidement lors de l'apparition dans notre pays du virus d'influenza aviaire.
Je terminerai en rappelant que ce virus n'étant pas transmissible à l'homme, il n'y a aucun risque à manger canards, poulets, foie gras et oeufs.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et DEM.
Monsieur le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, « nous ne sommes plus vos pions » : c'est avec cette formule malicieuse que les assistants d'éducation – les AED – , vous interpellent aujourd'hui, puisqu'une nouvelle fois le monde de l'éducation, dont les insatisfactions et les déceptions sont nombreuses, manifeste dans toute la France.
C'est donc sur la situation des AED, sur leur statut précaire, sur l'évolution et la définition de leurs missions que je souhaite à nouveau vous interroger. En effet, au fil des années, des modifications sont intervenues quant à leur mode de recrutement, aboutissant en 2003 à les doter d'un nouveau statut. Pourtant, la reconnaissance de leur implication dans la vie des établissements scolaires n'est pas au rendez-vous.
Parmi les 62 812 AED que comptent nos établissements scolaires, les étudiants qui exercent ce métier pour financer leurs études n'occupent plus désormais qu'une place marginale. Les chiffres le montrent, puisque si 77 % des assistants ont moins de 35 ans, leur âge moyen est de 30 ans. C'est bien la preuve de l'évolution d'une profession dont la plupart des agents souhaitent s'investir et sécuriser leur parcours. Ils – ou plutôt elles car 60 % sont des femmes – sont souvent chargés de famille, mais sont exposés à une précarité qui n'est propice ni à leur vie professionnelle et personnelle, ni au bon fonctionnement des établissements.
Si la souplesse du recrutement est un atout, nous ne pouvons toutefois nous satisfaire de la situation actuelle : un salaire de 1 450 euros bruts par mois pour 40 heures de présence, ce qui est au-dessous du SMIC ; seulement 45 % de contrats à temps plein et des CDD renouvelés chaque année – voire plusieurs fois pendant l'année scolaire – pour une durée maximale de six ans. Ces personnels n'ont ainsi aucune perspective de maintien dans l'emploi, quand bien même les chefs d'établissements, satisfaits, souhaiteraient les conserver au sein des équipes éducatives.
Compte tenu de la nécessité d'augmenter le nombre d'AED, il conviendrait de formuler des propositions dans le sens d'une « CDisation », ou d'une titularisation, ce qui serait une juste reconnaissance de leur métier et favoriserait la stabilisation des équipes. Il faut, en outre, leur permettre d'accéder plus facilement à la valorisation des acquis de l'expérience – VAE – et mieux reconnaître leurs compétences.
Quelle concertation envisagez-vous pour apporter des réponses en phase avec la réalité ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous remercie de mettre en lumière les assistants d'éducation, catégorie de personnels particulièrement importante dans l'éducation nationale. Comme vous l'avez rappelé, ils sont plus de 60 000 et ils exercent un rôle crucial dans la vie quotidienne des établissements scolaires. Il est important de le reconnaître. J'observe d'ailleurs que, très souvent, lorsque les établissements demandent une amélioration de leur fonctionnement, ils sollicitent la création de postes d'assistants d'éducation, plébiscitant ainsi le rôle joué par ces personnes.
Les assistants d'éducation sont pleinement concernés par le Grenelle de l'éducation dont je parlais précédemment. Ce processus, qui ne concerne pas seulement les professeurs, mais bien l'ensemble des personnels de l'éducation nationale, est ainsi l'occasion d'examiner certains enjeux comme la précarité et, plus généralement, le bien-être au travail. Il doit aboutir à ce que les assistants d'éducation se sentent pleinement pris en considération par mon ministère.
Le Grenelle de l'éducation sera l'occasion de plusieurs progrès ; je m'exprimerai sur ce point au mois de février. Il est encore temps de formuler des idées comme celles que vous avancez. Je salue d'ailleurs le travail accompli par plusieurs députés qui ont créé des « Grenelle locaux » afin de favoriser la concertation.
Un exemple des avancées récentes qu'a connues ce débat est celui des pré-recrutés. Nous avons voulu, dans la droite ligne de ce que vous venez de proposer, recourir au statut d'assistant d'éducation pour former des jeunes et en faire de futurs professeurs, renouant ainsi avec une bonne tradition républicaine consistant à soutenir les étudiants qui se destinent à cette profession. Ces pré-recrutés pourront bénéficier d'un supplément de rémunération et seront accompagnés vers un emploi pérenne.
Différentes pistes existent donc pour mieux définir la fonction d'assistant d'éducation. Je vous remercie de vos propositions et j'espère que le Grenelle de l'éducation permettra de leur donner satisfaction.
Ma question s'adresse à Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publique.
Même s'il est bien moins renseigné que M. le ministre de l'intérieur, mon petit doigt me dit que la semaine dernière, le projet d'ordonnance relatif à la protection sociale complémentaire des agents avait fait l'objet d'un vote favorable majoritaire au sein du conseil commun de la fonction publique, où un tel résultat n'est pas si fréquent.
L'application d'une telle ordonnance, qui tend à généraliser la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, constituerait une avancée sociale majeure. Pouvez-vous nous dire quels changements concrets elle apporterait pour les agents et pour les employeurs publics ? Les trois versants de la fonction publique d'État, territoriale et hospitalière seraient-ils concernés et, ce, quel que soit le statut de l'agent, fonctionnaire ou contractuel ? J'avais eu l'occasion de travailler sur ce sujet, mais uniquement pour ce qui concerne la fonction publique territoriale. Selon quel calendrier s'appliquera la réforme ? Envisagez-vous de faire bénéficier d'autres réformes du mode de concertation auquel vous avez eu ici recours ?
J'associe à ma question nos collègues Émilie Chalas et Guillaume Gouffier-Cha, qui ont oeuvré à la réforme de la transformation de la fonction publique adoptée en 2019, dont est tiré le projet d'ordonnance.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre de la transformation et de la fonction publiques.
C'était un engagement très fort du Gouvernement, et c'est un engagement que j'ai également affirmé lors de ma prise de fonctions. Comme vous l'avez signalé, c'est désormais chose faite : nous avons obtenu un accord majoritaire concernant la protection sociale complémentaire, qui impose à tous les employeurs publics de prendre en charge la complémentaire santé de leurs agents, à hauteur de 50 % au moins. Ce sera le cas à compter de 2024 pour les agents de la fonction publique d'État, et au plus tard en 2026 pour les autres fonctionnaires – agents hospitaliers et territoriaux. J'ai proposé que dès 2022, l'État assume une prise en charge forfaitaire des mutuelles : elle serait de 15 euros par mois pour une cotisation de 60 euros. C'est une avancée sociale majeure.
Cet accord est le fruit du travail considérable mené par les syndicats, les partenaires sociaux et les employeurs publics – hospitaliers, territoriaux et de l'État. Il constitue une avancée sociale majeure, car depuis des années, les salariés du privé bénéficiaient d'une prise en charge similaire de la part de leur employeur. Il y avait là une forte inégalité entre les secteurs privé et public, qui nuisait à l'attractivité des métiers de la fonction publique.
Certains ont affirmé qu'un nouveau privilège était accordé aux fonctionnaires, après la sécurité de l'emploi. J'en suis scandalisée : la santé n'est pas un privilège !
Rumeurs sur les bancs des groupes LR et GDR.
Prendre soin de sa santé et de celle de ses enfants n'est pas un privilège. En pleine crise sanitaire, nous ne pouvons pas laisser entendre que ceux qui recourent aux soins sont des privilégiés ! Nous nous battons, dans un esprit constructif et de conciliation, avec toutes les organisations syndicales, …
… et je les remercie pour le travail que nous avons mené ensemble. S'occuper de la santé et veiller à la prise en charge de la protection sociale : tels sont les engagements que nous prenons et que nous tiendrons.
Permettez-moi de vous remercier, madame la ministre, pour ce travail remarquable,
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR
après celui qu'a accompli Olivier Dussopt, en faveur d'une fonction publique à la fois plus ouverte, plus valorisante et mieux protégée.
Le rapport que vous avez confié à Jean-Louis Debré concernant la tenue des élections départementales et régionales durant la crise sanitaire, monsieur le Premier ministre, préconise le report de ces scrutins en juin 2021. Or, lors d'une audition au Sénat, M. Debré vous a accusé de vouloir repousser ces élections locales après l'élection présidentielle de 2022.
Une telle manoeuvre politicienne, destinée à vous éviter un nouveau fiasco électoral, serait intolérable. Alors que le Portugal a voté dimanche, après la Roumanie en décembre et la Lituanie en octobre, alors que les Pays-Bas voteront en mars et la Bulgarie en avril, la France est-elle le seul pays européen à ne pas savoir respecter son calendrier électoral ?
Alors que nos entreprises, nos écoles et nos commerçants ont su s'adapter, l'expression citoyenne est-elle la seule à ne pas pouvoir s'accommoder de la situation ? Voter est-il plus dangereux pour les Français que de s'entasser dans les transports et les supermarchés ? Avez-vous l'intention d'organiser un cynique braquage démocratique, en détournant l'état d'urgence sanitaire à des fins politiciennes, et en reportant les élections locales après l'élection présidentielle ?
J'ai déjà indiqué, en réponse à M. Vigier, que le Gouvernement maintenait sa proposition dans le projet de loi qu'il soumettait au Parlement – c'est en effet au Parlement qu'il revient de décider des dates des élections. Je le répète, le Gouvernement ne modifie pas sa proposition d'organiser les élections départementales et régionales en juin 2021. Après le vote du Parlement, M. le Premier ministre et moi-même prendrons un décret de convocation des électeurs. Si quelqu'un peut changer la date de ces élections, c'est donc le Parlement – mais manifestement, ce n'est la volonté ni de l'Assemblée nationale, ni du Sénat. J'appelle toutefois votre attention : affirmer qu'on s'expose moins au virus en allant voter qu'en prenant le métro est une facilité de langage, car il faut aussi tenir compte de la campagne électorale.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem. – Vives exclamations sur les bancs du groupe LR.
Ne criez pas lorsque j'affirme des évidences ; vous aurez sans doute d'autres occasions de le faire !
Il y a le moment du vote, mais il y a aussi celui de la campagne. Néanmoins, les dispositions prévues par l'état d'urgence sanitaire et le texte de loi présenté par le Gouvernement nous permettront d'avoir un débat démocratique et d'organiser des élections départementales et régionales en juin.
Nous aimerions vous croire, mais la réalité, sur le terrain, prouve au contraire que vous instrumentalisez la situation sanitaire : vous profitez de l'état d'urgence pour mettre sous cloche la démocratie.
Pire, vous créez deux types d'élections : d'une part, celles où vous cherchez un plébiscite référendaire avant la présidentielle – et vous n'aurez aucune difficulté à organiser des scrutins, que ce soit au sujet de la proportionnelle ou de l'environnement – ; d'autre part, celles où vous risquez la déroute – et que vous voulez repousser après la présidentielle. C'est le cas des prochaines élections départementales et régionales, mais c'est aussi celui des élections législatives dans la sixième circonscription du Pas-de-Calais : pour éviter la défaite – et donc, la démission d'une ministre candidate – , vous avez annulé le scrutin, sans même le reprogrammer.
À vingt kilomètres pourtant, à Grand-Fort-Philippe, ville de plus de 5 000 habitants, une élection municipale s'est tenue sans encombre dimanche dernier…
« C'est un scandale ! » sur les bancs du groupe LR.
Quand vous décidez seuls du calendrier électoral, selon vos propres intérêts, c'est, au-delà de la mesquinerie, la marque d'une dérive autocratique du pouvoir. Votre nouveau monde politique est pire que l'ancien !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Voilà ce qui arrive quand on écrit sa réponse au ministre avant d'avoir entendu ses explications : on tient des propos totalement décalés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Sourires de M. Sébastien Jumel.
Je viens de vous expliquer que nous maintenions les élections ! Espérons que les questions au Gouvernement servent à quelque chose, et que nos réponses vous convainquent de ne pas lire vos fiches !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Clameurs sur les bancs du groupe LR.
L'opposant politique russe Alexeï Navalny a été interpellé à Moscou à son retour d'Allemagne, le 17 janvier. Cinq mois plus tôt, il tombait dans le coma après avoir été empoisonné au novitchok. Depuis le 17 janvier, Alexeï Navalny est en prison. Le 18 janvier, la justice russe a donné un caractère légal à son emprisonnement en le condamnant à rester en détention pendant trente jours. Et ce n'est qu'un début, car une deuxième audience doit déterminer s'il enfreint son contrôle judiciaire, et quelles sanctions il encourt. Cette procédure est contestable ; elle traduit l'embarras suscité, au Kremlin, par la réapparition de cet opposant sur la scène intérieure russe. En dénonçant la corruption qui règne parmi les hautes sphères du pouvoir en Russie, Alexeï Navalny dérange. En l'arrêtant, les autorités russes cherchent à le réduire au silence, le privant de facto de son droit à la liberté d'expression. Cette arrestation arbitraire fait de lui un prisonnier d'opinion.
Samedi dernier, des rassemblements ont eu lieu dans 114 villes du pays, notamment à Moscou où la mobilisation fut, dit-on, l'une des plus importantes de ces vingt dernières années. Ces manifestations ont été durement réprimées, et plus de 3 000 personnes ont été arrêtées. L'ONU, par la voix de son haut-commissaire aux droits de l'homme, a demandé la libération immédiate d'Alexeï Navalny. L'Union européenne et la nouvelle administration américaine en ont fait de même, et l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, sous la houlette du député Jacques Maire, conduit un rapport spécial sur cette affaire.
Monsieur le ministre des affaires étrangères, comment faire respecter les droits humains, la liberté d'expression et le droit de manifester ? Quelle voix ferme la France peut-elle faire entendre face à cette démonstration de force de la Russie, qui est pourtant un partenaire dans de nombreux domaines ?
Je me suis exprimé à ce sujet dès dimanche, en indiquant que les arrestations arbitraires, massives et collectives de samedi dernier étaient inacceptables. J'ai parlé d'une dérive autoritaire inquiétante du pouvoir russe, et j'assume cette déclaration devant vous.
Il importe que nous réclamions le respect de l'État de droit et des libertés publiques en Russie – nous l'avons déjà affirmé à plusieurs reprises concernant la situation de M. Navalny, dont l'arrestation arbitraire, le 17 janvier, a suscité la mobilisation à laquelle vous faites référence. Nous demandons sa libération immédiate, mais nous demandons aussi à la Russie de faire la lumière sur les circonstances de son empoisonnement, et de s'expliquer sur l'emploi, sur le territoire russe, d'une arme chimique russe interdite par le droit international, à l'encontre d'un opposant russe. La France n'est pas seule à exprimer cette demande ; l'ensemble des ministres des affaires étrangères de l'Union européenne en ont fait de même – nous l'avons répété haut et fort hier, lors d'une réunion à Bruxelles.
Nous attendons des réponses de la part de la Russie. Cependant, nous sommes déterminés à construire avec elle les conditions d'une relation qui permette d'assurer la sécurité et la stabilité de l'Europe. Force est toutefois de reconnaître que les décisions prises à l'encontre de M. Navalny et des manifestants ne contribuent ni à la confiance, ni à la sécurité dans la relation avec ce pays.
Après leur avoir fait miroiter une réouverture en février, votre décision de maintenir les remontées mécaniques fermées, monsieur le Premier ministre, est un drame pour les stations de ski. Depuis le début de la saison hivernale, les pertes économiques s'élèvent déjà à plus de 2 milliards d'euros, ne serait-ce que pour les deux Savoie. Votre décision alourdira encore le bilan.
Pas moins de 120 000 emplois directs sont concernés : saisonniers, moniteurs de ski, commerçants, secouristes… Le ski, c'est aussi une économie de ruissellement, et les conséquences de votre décision se feront sentir bien au-delà de l'hiver.
Avec la filière textile, la filière industrielle, le BTP ou encore l'économie du tourisme, tout un écosystème sera lourdement affecté pendant des années.
Il y a urgence, monsieur le Premier ministre. Avec mes collègues Émilie Bonnivard, Martial Saddier et Vincent Rolland, ainsi qu'avec le président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, nous ne cessons de dénoncer les carences que comporte votre plan de soutien à l'économie de la montagne.
Des boulangers, des pharmaciens, des responsables d'agences de réservation ou encore des bailleurs nous alertent, car ils ne touchent pas d'aides pour survivre. Des moniteurs de ski, qui ont généralement une autre activité professionnelle l'été, se voient refuser l'accès au fonds de solidarité.
Quant aux médecins de montagne, ils ne perçoivent aucune compensation financière alors que leur activité est à l'arrêt.
En réalité, vous sacrifiez notre montagne par des décisions souvent incompréhensibles. Alors que chaque station avait élaboré, dès novembre, un protocole sanitaire responsable, vous interdisez un sport de plein air pratiqué par des personnes constamment masquées et gantées !
Les métros parisiens ont le droit d'être bondés, mais les télésièges et les téléskis restent à l'arrêt pour éviter des attroupements ! Notre demande est simple, monsieur le Premier ministre : votre gouvernement peut-il enfin s'engager à tout faire pour sauver les stations, quoi qu'il en coûte ?
Faites enfin primer le bon sens local sur les décisions technocratiques !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Vous avez parfaitement raison, madame la députée : la décision que nous avons dû prendre est extrêmement douloureuse et grave dans les conséquences qu'elle emporte. Je tiens à l'affirmer devant la représentation nationale : cette décision était nécessaire.
Nous avons déjà débattu des stations de sport d'hiver avant les vacances de Noël, quand nous avons dû prendre une mesure comparable. Nous avons dû prolonger cette mesure pour des raisons strictement sanitaires. Je vous invite à considérer les décisions qu'ont prises les autres pays en la matière durant les congés de fin d'année.
Certes, toutes n'ont pas été exactement identiques, notamment en Suisse…
… mais je tiens à le réaffirmer devant la représentation nationale : quand des préoccupations sanitaires sont en balance avec des préoccupations économiques – certes tout à fait légitimes – , je privilégierai toujours la santé de nos concitoyens. L'enjeu – vous le savez, au-delà des polémiques, et en dépit des comparaisons injustifiées que vous faites – est, là où c'est possible, d'éviter au maximum les rassemblements de population.
Vous avez fort légitimement soulevé la question des indemnisations et des mesures d'accompagnement.
La position du Gouvernement a toujours été constante : s'il donne, je le répète, la priorité aux considérations sanitaires, il prend également en compte toutes les conséquences économiques, sociales et psychologiques des décisions qu'il envisage.
Chère madame la députée, permettez-moi de vous rappeler que j'étais moi-même un élu de la montagne. Dans mon canton des Pyrénées, il y a Les Angles et Font-Romeu.
Je connais donc parfaitement la situation des stations et les conséquences de la fermeture des remontées mécaniques.
Ce canton est également frontalier de l'Espagne. Mesdames, messieurs les députés, faites un petit tour dans les pays qui nous entourent pour connaître les mesures d'accompagnement prises en faveur des secteurs concernés : …
… vous constaterez avec moi que nous n'avons aucune raison de nous flageller.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Protestations sur les bancs du groupe LR.
Au contraire, et je m'en réjouis, les collectivités territoriales s'associent avec l'État pour les soutenir, ce dernier mettant – et c'est bien naturel – le maximum d'argent.
Comme je l'ai indiqué au président Patrick Mignola, je recevrai la semaine prochaine les élus et les professionnels…
… pour amplifier, au besoin, les mesures d'accompagnement, comme nous l'avons déjà fait, car nous sommes toujours à leur écoute, et – je vous rejoins parfaitement sur ce point – pour préparer l'avenir.
En effet, au-delà du drame que représente actuellement la fermeture des stations de ski, il conviendra d'élaborer un plan plus durable pour préparer l'avenir de la montagne, car la montagne a un avenir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Confinements puis déconfinements ; fermetures puis réouvertures ; couvre-feu à vingt heures puis à dix-huit heures ; bientôt, peut-être, reconfinement : la France, monsieur le Premier ministre, est suspendue à vos hésitations et vos incohérences. Que risque-t-on de plus, pourtant, dans un amphithéâtre, un cinéma, une salle de spectacle dans lesquels des protocoles sanitaires stricts sont appliqués, que dans les transports en commun où il est désormais recommandé de ne plus parler pour éviter les émissions de particules, ou à la caisse d'un magasin bondé en période de soldes ? Désormais, face aux variants de la covid-19, le Haut Conseil de santé publique recommande de ne plus utiliser les masques en tissu dont vous avez un temps fait la promotion, leur préférant les onéreux masques chirurgicaux ou FFP2 que vous refusez toujours de rendre gratuits malgré la pauvreté qui s'étend dans le pays.
Quant au vaccin, loin d'être considéré comme il aurait dû l'être comme un bien commun de l'humanité, il est soumis aux lois du marché et fait l'objet de contrats opaques entre les laboratoires et la Commission européenne. Qu'attendez-vous pour passer par les licences d'office afin de contourner les brevets, et pour procéder, si nécessaire, aux réquisitions permettant de le produire ? Les scientifiques nous alertent sur le fait que l'épidémie pourrait durer plus longtemps que nous ne l'avions anticipé. On parle maintenant d'un nouveau confinement et il se raconte que le chef de l'État, qui voit autant de procureurs dans les 66 millions de Français qui interrogent sa gestion de la crise, est agacé par ceux qui n'auraient pas d'autre solution à lui proposer. C'est la preuve que, muré dans un conseil de défense tenu au secret, il ne tient aucun compte du travail des oppositions parlementaires.
Au mois de novembre, en effet, nous vous avons proposé un plan complet destiné à éviter le confinement. Puisque l'épidémie va durer, il faut organiser et planifier, dans tous les secteurs de la société, les roulements et les protocoles qui permettront que la vie reprenne son cours. Car le métro-boulot-dodo auquel vous condamnez les Français n'est pas la vie et n'est pas tenable dans la durée. Qu'attendez-vous pour appliquer ces solutions alternatives ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Ce que vous dites à propos de l'heure du couvre-feu, du confinement ou de la sortie du confinement est vrai : vous ne faites qu'énoncer des faits. Face à une épidémie d'une ampleur inédite, face à un virus jusqu'ici inconnu, nous prenons des décisions en fonction des connaissances scientifiques et sanitaires acquises en France et à l'étranger, puis nous les ajustons au plus près de manière à ne pas paralyser inutilement la vie sociale, économique, éducative de notre pays, tout en protégeant et en sauvant des vies.
À l'inverse, le groupe La France insoumise fait preuve d'une indiscutable constance : il a voté contre le confinement généralisé au printemps dernier, contre le confinement généralisé de cet automne, contre le couvre-feu, contre l'état d'urgence sanitaire, contre la sortie de l'état d'urgence sanitaire et enfin contre la prolongation des mesures dérogatoires accompagnant cette sortie !
Si je devais donc résumer vos propositions, …
… ce serait « non, non, non et non ! »
Or, avec des « non », on ne sauve pas des vies, on ne freine pas la diffusion d'un virus, on ne permet pas aux enfants du pays de retourner à l'école – sachant que chez certains de nos voisins, ils n'ont pas vu leur classe depuis le mois de mars ! De même, ce n'est pas avec des « non », ni en nous couvrant d'opprobres, que vous contribuerez à restaurer la confiance dans notre pays, à soutenir nos blouses blanches dans les hôpitaux ou à faire en sorte que les entreprises françaises et européennes produisent activement des vaccins…
Ce n'est pas non plus une telle attitude qui a permis de développer les tests gratuits pour tous, ni d'envoyer, comme nous le faisons encore cette semaine, 45 millions de masques gratuits à 7 millions de Français en situation précaire. Vous le voyez, il y a ceux qui agissent et ceux qui commentent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante, est reprise à dix-sept heures, sous la présidence de Mme Laetitia Saint-Paul.
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant l'approbation de la décision (UE, Euratom) 20202053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne et abrogeant la décision 2014335UE, Euratom (nos 3734, 3781).
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des affaires européennes.
Permettez-moi tout d'abord d'avoir à nouveau une pensée pour Marielle de Sarnez, qui a oeuvré tout au long de sa vie pour le combat européen qui lui tenait tant à coeur et qu'elle a si bien incarné.
Au terme d'une négociation de plusieurs années – s'agissant du budget de l'Union européenne pour la période 2021-2027 – et de près de huit mois de discussions – pour ce qui concerne le plan de relance européen – , je suis très heureux de vous présenter ce projet de loi visant à autoriser la ratification de la décision relative au système des ressources propres de l'Union européenne.
Son article unique, si vous l'adoptez, autorisera en effet le Gouvernement à ratifier la décision sur les ressources propres adoptée le 14 décembre par le Conseil de l'Union européenne.
Comme vous le savez, les traités européens prévoient qu'une telle décision ne peut entrer en vigueur qu'après ratification par l'ensemble des États membres selon leur procédure nationale respective. En France, aux termes de l'article 53 de la Constitution, cette ratification passe par la loi et doit donc être votée par le Parlement. S'agissant des ressources propres de l'Union européenne, c'est un exercice usuel, renouvelé tous les sept ans. Dans la période que nous vivons, l'adoption du budget européen et du plan de relance constitue un moment démocratique essentiel ; je voudrais donc en détailler un instant le contenu.
La décision relative aux ressources propres est le résultat historique auquel sont parvenues, notamment grâce à la France, les récentes négociations européennes.
En premier lieu, le texte permet l'application du volet relatif aux recettes de ce qui est depuis le 1er janvier 2021 notre cadre budgétaire et politique commun pour les sept prochaines années. Je le rappelle, ce budget permet le déploiement du cadre financier pluriannuel – CFP – , doté sur la période 2021-2027 de 1 074 milliards d'euros, soit une augmentation de 12 % par rapport au budget précédent, celui de la période 2014-2020, et ce alors qu'un État membre, le Royaume-Uni, nous a quittés le 31 décembre.
La période budgétaire qui s'ouvre cette année est ainsi marquée, en particulier grâce à l'accord conclu le 10 novembre entre le Conseil et le Parlement européens, par le renforcement très important des moyens consacrés à des politiques fondamentales et prioritaires pour notre pays.
Je les évoquerai brièvement et de manière non exhaustive : plus de 26 milliards d'euros au total iront au programme Erasmus+ et donc à la mobilité étudiante, dont le budget est ainsi quasiment doublé ; 95 milliards d'euros seront dédiés au programme de recherche « Horizon Europe », ce qui représente une hausse de 50 % des moyens consacrés à la recherche, au développement et à l'innovation ; les moyens du programme spatial – dont le Président de la République a rappelé l'importance il y a deux semaines – augmenteront d'un tiers ; enfin, plus de 5 milliards d'euros seront consacrés de manière inédite et innovante à un nouveau programme dédié à l'Europe de la santé, ce qui nous permettra notamment de poursuivre le programme d'acquisition de vaccins ou d'équipements stratégiques pour faire face aux pandémies.
Dans le même temps – et il s'agissait d'une priorité française essentielle – , nous avons pu préserver le budget de la politique agricole commune, notamment les paiements directs sur sept ans à nos agriculteurs, et renforcer les moyens de la politique de cohésion, qui bénéficient aux régions, en particulier outre-mer.
Il est par ailleurs prévu, à la suite d'une demande française, que 30 % des dépenses du budget européen pluriannuel soient pour la première fois consacrés à des dépenses de transition climatique et qu'aucun euro ne puisse être utilisé pour des investissements néfastes au climat ; une méthodologie commune permettra de le vérifier.
Par ailleurs, pour tenir compte des circonstances exceptionnelles que constituent la crise sanitaire et ses conséquences, la Commission européenne est pour la première fois autorisée à lever, au nom des vingt-sept États membres, une dette commune de 750 milliards d'euros afin de financer un plan de relance solidaire.
Vous le savez, c'est l'initiative prise le 18 mai 2020 par le Président de la République et la chancelière allemande Angela Merkel qui est à l'origine de ce véritable changement de paradigme. Il y a encore un an, le principe d'un emprunt commun restait un tabou pour de nombreux États en Europe. On nous disait que c'était impossible, que ni l'Allemagne, ni d'autres pays de l'Union européenne n'y étaient prêts. Nous avons surmonté cette réticence et démontré que, dans des circonstances exceptionnelles, nous étions capables, au niveau européen, d'innover et de faire preuve de solidarité ; c'était indispensable.
En effet, la crise a changé la donne. Nous avons compris qu'il nous fallait une réponse européenne commune et massive, que les outils budgétaires dont nous disposions depuis de longues années étaient insuffisants pour faire face à des besoins exceptionnels, notamment dans certains États membres particulièrement touchés, et que les taux d'intérêt étaient suffisamment faibles pour permettre de recourir à l'emprunt dans de bonnes conditions.
La méthode poursuivie depuis près de quatre ans a ainsi rencontré le succès : la France et l'Allemagne ont su surmonter leurs désaccords, parvenir à un compromis et formuler des propositions ambitieuses communes ; elles ont ainsi entraîné d'autres partenaires et surtout la Commission européenne, qui a eu l'audace de reprendre cette idée d'une dette commune et d'un plan de relance massif. Les deux pays ont expliqué, convaincu, rassemblé autour d'eux, jusqu'à ce qu'un accord, obtenu à l'issue du long Conseil européen qui s'est tenu entre le 17 et le 21 juillet dernier, permette de donner vie à ce projet historique.
Le plan de relance européen financera plus de 40 % des mesures que la France a d'ores et déjà prises dans le cadre de son propre plan de relance : initiatives en faveur des jeunes, de la formation, du soutien aux entreprises, rénovation énergétique des bâtiments et renforcement de nos investissements dans de nombreux autres domaines prioritaires.
Au niveau européen, ce plan permet de coordonner l'accélération des transitions écologique et numérique grâce à l'adoption d'objectifs communs, que l'ensemble des États membres dont le plan de relance est en partie financé par ce budget européen exceptionnel devront obligatoirement atteindre. C'est ainsi que 37 % – au minimum – des dépenses du plan de relance devront être alloués aux objectifs climatiques et 20 % à la transition numérique.
En outre – et c'est un troisième point clé – , l'accord obtenu le 21 juillet acte une rénovation profonde du système des ressources propres de l'Union européenne. Celle-ci se traduit d'abord par la création symbolique, en 2021, d'une contribution – qui s'apparente d'ailleurs davantage à une forme de bonus-malus – fondée sur la quantité de plastique non recyclé émise par chaque État membre, mais surtout – de manière là aussi inédite, puisque c'est la première fois depuis les années 1970 – , par l'adoption d'un calendrier précis pour l'introduction de nouvelles ressources propres.
Ces nouvelles ressources permettront progressivement d'affirmer la solidarité européenne et de mettre fin à la logique du juste retour, dont les calculs délétères de solde budgétaire net tendent à assimiler à un simple tiroir-caisse l'Union européenne et ses bienfaits. Elles constitueront pour l'Union de nouveaux outils susceptibles d'être mis au service de ses politiques prioritaires. Elles permettront également de financer la relance, dont nous avons plus que jamais besoin – nous le voyons chaque jour – , sans que l'effort de remboursement des dépenses liées au plan européen ne pèse sur les citoyens ou sur les entreprises de l'Union.
Au-delà de ses aspects techniques, le plan de relance et la dette commune sont le signe d'une grande confiance dans la pérennité du projet européen. Si tous les pays membres acceptent de s'endetter ensemble pour quarante années – il est vrai dans d'exceptionnelles conditions financières – , c'est parce que chacun d'entre eux pense que l'Union sera en définitive capable de rembourser et donc croit, au fond, à sa prospérité future, à son développement et à la préservation de son unité. Dans le contexte que nous connaissons, celui du Brexit, un tel signe de confiance n'est pas négligeable.
Dès le premier semestre 2021, la Commission européenne fera ainsi des propositions concrètes et précises pour l'institution de nouvelles ressources propres : d'abord la taxation des services numériques, puis un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Europe. Leur application est prévue au plus tard d'ici 2023 ; c'est l'engagement qui a été pris par le Conseil et le Parlement européens en fin d'année dernière. La France défend fortement ce projet, qui sera un enjeu politique et législatif essentiel lorsqu'elle présidera l'Union européenne dans un peu moins d'un an, au premier semestre 2022.
Enfin, toutes ces avancées sur le plan financier s'accompagnent, et ce n'est pas anecdotique, d'un renforcement de nos valeurs. En effet, grâce à un règlement spécifique, le versement des aides sera pour la première fois conditionné au respect de l'État de droit. Vous le savez, ce nouvel instrument a été un temps refusé par deux États membres de l'Union européenne, la Hongrie et la Pologne…
L'accord n'en a pas moins été confirmé par le Conseil européen des 10 et 11 décembre, monsieur le député, et il s'applique à la gestion des fonds de l'Union européenne depuis le 1er janvier 2021. Parce que l'Europe n'est pas qu'un vaste marché, parce qu'elle n'est pas qu'un projet économique, parce qu'elle est un projet de puissance, formé autour de valeurs qui nous unissent, nous avons oeuvré pour surmonter le blocage et nous avons défendu l'idée simple mais indiscutable que la solidarité légitime au sein de l'Europe doit aller de pair avec une exigence politique commune, sans faiblesses, sur le plan des valeurs.
À ce stade, seuls trois pays de l'Union européenne ont procédé à la ratification de la décision qui vous est présentée aujourd'hui. Le processus complet de ratification du précédent cadre financier pluriannuel avait pris au total plus de deux ans – un délai qui n'avait rien d'inhabituel. Néanmoins, nous observons une mobilisation forte de l'ensemble des États européens dans ce domaine, laquelle traduit une volonté collective, face à la crise, de mettre en oeuvre le plus vite possible ces nouveaux instruments de solidarité. D'après les calendriers transmis par nos partenaires, nous pouvons donc espérer, si les vingt-sept parlements y consentent, que le processus de ratification sera achevé d'ici le début du mois de mai ; cela signifierait que nous aurions réussi à procéder à l'ensemble des ratifications en seulement quatre mois.
Mesdames et messieurs les députés, ce texte apparaît technique ; il est en fait éminemment politique et absolument primordial. Par un vote que j'espère favorable, vous pouvez apporter votre soutien à une Union qui se montre enfin prête à répondre, sans délais ni faiblesse, aux besoins exprimés par les Européens en temps de crise. J'espère que cet enjeu rassemblera le plus de monde possible.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade, rapporteur de la commission des affaires étrangères.
Même si nous entrevoyons des jours meilleurs, nous savons tous que la crise sanitaire, sociale et économique que nous traversons est loin d'être derrière nous. En près d'un an, les dirigeants européens ont cependant su resserrer les rangs et apporter une réponse politique sans égale aux défis auxquels nous sommes confrontés. Notre présence cet après-midi, pour examiner le plan de relance européen et la décision sur les ressources propres, en est l'illustration concrète.
Du plan de relance européen de 750 milliards d'euros à la stratégie d'acquisition des vaccins, l'Europe a montré sa capacité à résister, à protéger et même à dépasser certains dogmes.
Qui aurait pu penser qu'en l'espace de quelques mois, à l'initiative de la France et de l'Allemagne, l'Union parviendrait à adopter un plan de relance de 750 milliards d'euros, fondé sur la solidarité, pour faire face à la crise et relever les défis sociaux, économiques et écologiques ?
Qui aurait pu croire qu'après des premières semaines de crise marquées par un manque de coordination à l'échelle européenne, les membres de l'Union parviendraient à sécuriser 2 milliards de doses de vaccins, assurant ainsi l'accès à la vaccination de tous leurs citoyens ? Comme pour le plan de relance, l'efficacité et la solidarité l'ont emporté sur les égoïsmes nationaux.
En agissant ainsi, les dirigeants européens se sont dotés d'un outil permettant à l'économie européenne de résister et de préparer l'avenir, mais ils ont aussi – et surtout – envoyé un message politique très fort au reste du monde : par cet emprunt commun, nous mettons la solidarité au coeur de la construction européenne et nous lions nos destins pour les décennies à venir.
« Il est temps d'affirmer que sur les grands défis de notre époque, la vraie souveraineté européenne passe par une action européenne. » Cette déclaration, nous la devons à Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle de 2017.
À l'époque, beaucoup hurlaient à la trahison nationale, sans comprendre de quoi il retournait. Quant à certains commentateurs, ils y voyaient un concept abstrait, une lubie d'un pays incapable de fédérer le reste de l'Union.
Depuis, l'idée de souveraineté européenne s'est imposée sur le continent. En quelques mois, elle est devenue la pierre angulaire de la réponse à la crise.
Dans les moments terriblement difficiles que nous traversons, l'Europe est en effet notre meilleure chance : pour combattre cette épidémie qui va encore durer, nous avons besoin de coopérer. Dans un espace intégré de 450 millions de citoyens européens, si la relance n'est pas coordonnée et pensée à vingt-sept, elle ne produira que peu d'effets, quand bien même certains pays résisteraient mieux à la crise.
Quelque 750 milliards d'euros, soit l'équivalent de cinq budgets annuels européens, tel est donc le montant inédit de la relance européenne ! S'il est inédit, il est aussi indispensable pour accorder des aides substantielles aux pays de l'Union, afin que notre continent puisse tenir et recouvrer ses forces.
Pour que ce plan de relance devienne réalité, nous devons ratifier la décision relative au système de ressources propres de l'Union européenne – le mécanisme technique qui permettra sa mise en oeuvre. En autorisant la Commission européenne à emprunter jusqu'à 750 milliards d'euros, cette décision constitue en effet l'acte fondateur du plan de relance européen.
Qui dit emprunt dit remboursement. Dans ce domaine, un accord très clair protège les citoyens européens, si bien que, contrairement à ce qui se dit ça ou là, le poids de cette dette ne pèsera en aucune manière sur les citoyens français ou européens. En effet, par un accord et un calendrier contraignants, les institutions européennes se sont engagées à instituer, entre 2021 et 2026, de nouvelles ressources propres dont le produit permettra de rembourser l'emprunt. M. le secrétaire d'État vient d'en énumérer certaines : des taxes sur le plastique, les services du numérique ou le carbone aux frontières ; le fameux système communautaire d'échange de quotas d'émission – Emission Trading Scheme ou ETS – ; l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés ; la taxe sur les transactions financières.
Les aides seront donc en définitive financées par ceux qui, actuellement, ne paient pas toujours leur juste part d'impôts : certains grands groupes du numérique ; les entreprises non européennes et souvent asiatiques qui ne respectent pas les mêmes standards environnementaux et qui, pourtant, profitent très largement du marché intérieur européen ; les institutions financières qui spéculent parfois à tout va.
Nous sommes donc bien loin d'un nouvel impôt pesant sur les ménages auquel les détracteurs de ce plan – qui sont bien souvent ceux de l'Europe – veulent nous faire croire. Ce sont les contributions de ces géants qui permettront de financer la relance.
Pour sa part, la France bénéficiera d'une enveloppe d'environ 40 milliards d'euros, ce qui en fera le troisième bénéficiaire, derrière l'Italie et l'Espagne.
Ce soir, au moment où nous allons voter sur cette décision fondatrice, il convient de prendre la mesure de son importance. Cette initiative est historique par son ampleur, car susceptible d'éloigner le risque d'implosion que la crise fait courir à l'Union européenne. Le volume de l'emprunt est, en effet, sans commune mesure avec les activités de prêts conduites jusqu'à présent par la Commission européenne. Répétons-le, il s'élève à 750 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent les 540 milliards d'euros que les Européens ont déjà convenu d'emprunter. À ces sommes s'additionnent les 1 074 milliards d'euros dédiés au budget européen pour la période 2021-2027, comme le rappelait M. le secrétaire d'État.
Au total, la relance européenne s'appuie donc sur près de 2 000 milliards d'euros de crédits, un montant sans précédent mais indispensable pour nous aider à traverser une crise sanitaire, économique et sociale majeure.
Prenons-en conscience, cet argent européen, ces 40 milliards d'euros vont servir à la France. Ils vont l'aider à financer l'emploi de ses jeunes, à soutenir les petites et moyennes entreprises, les artisans et les commerçants, à sauver les secteurs en grande difficulté, comme ceux du tourisme ou de la culture.
Ils vont nous permettre aussi et surtout de préparer l'avenir en créant de l'emploi dans des secteurs industriels et écologiques : les batteries électriques, la filière hydrogène, la rénovation thermique des bâtiments, la numérisation de notre économie – autant de domaines où les besoins d'investissement sont massifs. Dans un contexte de très forte dégradation des finances publiques de l'ensemble des pays européens, l'échelle européenne prend ainsi toute sa pertinence et permet aux États membres de tirer bénéfice des taux très bas consentis à l'Union.
Le plan permettra aussi de former les plus jeunes, si durement frappés par la crise, et de les faire ainsi accéder à l'emploi. De même, il permettra de former celles et ceux qui, touchés par le chômage, seront contraints de se reconvertir.
Soyez rassurés : outre que, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, le financement du plan de relance ne pèsera pas sur les ménages, ce plan n'est pas non plus un simple tiroir-caisse dans lequel les États membres pourront puiser. Son bénéfice est en effet soumis au respect d'engagements forts et prioritaires : 37 % des sommes engagées devront être consacrées à l'écologie et 20 % au numérique. Comme M. le secrétaire d'État, je précise aussi que, conformément à la volonté des Européens, en particulier du Président de la République française, le respect de l'État de droit a été imposé comme une condition à l'allocation des fonds européens. C'est un pas immense, une avancée historique.
Les décisions prises lors du Conseil européen de juillet dernier sont également importantes sur le plan politique. En apportant à tous les États touchés une aide proportionnelle à l'ampleur des dégâts provoqués par la crise, l'Europe affirme que l'efficacité et la solidarité priment sur les égoïsmes nationaux.
Cette affirmation vient à point nommé. Combien de fois avons-nous entendu des anti-européens vilipender une Europe égoïste qui appauvrirait les peuples et plus fragiles, où les pays les plus riches écraseraient les plus modestes ? Combien de fois avons-nous entendu dénoncer à tort cette Europe dont la seule logique serait celle des profits ?
Enfin, je souhaite saluer le retour du couple franco-allemand sur le devant de la scène, mais aussi – et surtout – le travail remarquable effectué par le Parlement européen et sa rapporteure Valérie Hayer pour défendre des principes essentiels. C'est en effet grâce au rôle moteur joué par la France, l'Allemagne et le Parlement européen que ce plan décisif a pu être élaboré sans que ne soit remis en cause le budget européen.
J'entends déjà des voix s'élever pour nous expliquer qu'il s'agit d'une mauvaise décision, …
… que la France a tout cédé, que ce sont les Français qui auront à rembourser ce plan, qu'il y a une facture ou un impôt caché. N'en croyez rien ! Non, les Français ne paieront rien pour rembourser le plan de relance européen.
Non, ce plan de relance ne permet pas à Bruxelles ou je ne sais qui d'imposer à la France une liste de réformes en contrepartie du versement de son aide.
En amorçant une transformation des ressources de l'Union, nous bâtissons une Europe souveraine et solidaire, à la hauteur des défis à venir.
Les ressources propres dont l'Europe se dotera grâce à ce système renforceront son autonomie financière tout en limitant la part des contributions nationales au budget de l'Union.
Pour conclure, je dirais que la crise engendrée par la covid-19 n'a rien à voir avec les crises que les Européens ont connues au cours des dernières années.
Il y a quelques mois, nombreux étaient ceux qui se demandaient si l'Europe y résisterait. Près d'un an plus tard, nous pouvons constater avec soulagement que le sursaut européen a bien eu lieu. L'Europe sortira plus forte de la crise car elle aura su l'utiliser pour faire progresser sa souveraineté. C'est par elle que les pays européens sortiront vainqueurs de ce drame.
La covid-19 continue à nous secouer. En 2021, les dangers resteront nombreux, mais le courage, l'unité et la solidarité manifestés en 2020 sont les meilleures garanties apportées par les dirigeants européens pour défaire le virus et ses variants, et surtout pour sortir plus forts et déterminés de la crise.
L'Europe qui protège n'est plus un slogan ou une promesse de campagne, c'est une réalité. Mes chers collègues, nous avons notre avenir et celui de l'Europe entre nos mains. Soyons-en dignes, soyons à la hauteur de notre histoire en cette heure cruciale. Votons dans l'unité en faveur de la décision du Conseil.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Isabelle Rauch, vice-présidente de la commission des affaires étrangères.
Permettez-moi tout d'abord de rendre hommage à Marielle de Sarnez pour son engagement sans faille en faveur de l'Europe. Elle aurait été particulièrement heureuse de participer à nos débats sur un texte qui traduit dans le droit l'étape historique franchie par l'Union lors du Conseil européen de juillet dernier.
Il convient en effet de bien prendre la mesure des avancées que ce Conseil a permises. La première, obtenue à l'initiative de la France et de l'Allemagne, est un plan de relance fondé sur un emprunt européen, dont l'ampleur et les contenus sont sans précédent, et qui place la solidarité au coeur du projet politique européen. La seconde est l'introduction de nouvelles ressources propres qui augure une refondation ambitieuse du budget européen.
Au niveau de l'Union, les bénéfices du plan de relance sont nombreux. Il permettra, bien plus qu'en 2008, de faire face à la crise de façon concertée. Il permettra également de financer et de coordonner la transition écologique et numérique des économies européennes.
Dans un contexte de dégradation des finances publiques nationales, les États membres bénéficieront par ailleurs des faibles taux d'intérêt consentis à l'Union et d'une durée de remboursement permettant d'étaler le coût de la crise sur une période allant jusqu'à 2058.
En France, l'emprunt européen financera 40 % du plan de relance national, au service des diverses priorités évoquées en septembre par le Premier ministre, notamment la rénovation énergétique, le soutien aux entreprises, l'accompagnement des jeunes ou la formation professionnelle.
La deuxième évolution majeure concerne les ressources propres de l'Union. Pour la première fois depuis la création de ce système dans les années 1970, les États membres ont convenu de la nécessité d'en introduire de nouvelles. L'accord inter-institutionnel de novembre prévoit ainsi un calendrier contraignant et précis pour l'institution d'une taxation du numérique et d'un mécanisme d'inclusion carbone à la frontière, l'élargissement du système d'échange de quotas d'émissions de carbone ou l'application de la taxe sur les transactions financières.
Ces ressources ne sont pas seulement un instrument fiscal au service du remboursement de l'emprunt. Elles sont susceptibles de changer la nature du projet politique européen, car elles répondent également à une exigence d'équité, d'alignement des instruments financiers sur les priorités politiques et d'autonomie fiscale de l'Union. En ce sens, elles contribuent à l'affirmation d'une Europe plus politique et à la souveraineté européenne que le Président de la République appelle de ses voeux. Elles permettront aussi de mettre fin à la logique nationale obsolète du juste retour sur investissement, dont les rabais sont l'incarnation regrettable.
Si de nombreux obstacles techniques et politiques restent à surmonter, avec son plan de relance historique, l'Europe a montré qu'elle sait faire preuve d'audace et de créativité, notamment dans les périodes de crise.
Enfin, la présente décision précise les modalités de financement du nouveau cadre financier pluriannuel dont l'ambition est à saluer. En hausse de 12 %, malgré le départ du Royaume-Uni, il parvient à un juste équilibre entre préservation des politiques dites traditionnelles – à commencer par la politique agricole commune et la politique de cohésion – , et les nouvelles priorités, notamment en matière environnementale et climatique.
Mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous invite donc à adopter ce projet de loi qui permet de parer à l'urgence grâce au plan de relance européen et préfigure une refonte en profondeur du système de financement de l'Union européenne.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à M. Christophe Jerretie, rapporteur pour observation de la commission des affaires européennes
, rapporteur pour observation de la commission des affaires européennes.
et . Je souhaite en effet faire état des observations de la commission des affaires européennes sur ce texte que je vous inviterai à approuver de manière unanime – je m'adresse en particulier à mon ami communiste Jean-Paul Lecoq.
Je suis là pour ça, mon cher Jean-Paul !
La commission n'a pas été surprise de la décision du Conseil européen sur les ressources propres, un sujet sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années. Au vu des enjeux majeurs qui en dépendent, la commission se réjouit que cette décision attendue ait été prise de manière aussi rapide.
Je note plusieurs évolutions par rapport à la décision sur les ressources propres de 2014. La première concerne le financement du cadre financier pluriannuel, c'est-à-dire les 1 074 milliards d'euros qui seront mis sur la table dans quelques semaines.
La contribution plastique – et non la taxe plastique – , qui vient s'ajouter aux trois ressources propres déjà existantes, représente une réelle avancée, malgré ses limites. Si elle ne porte que sur un faible montant, elle est importante en matière environnementale car elle symbolise un changement dans la politique européenne en matière de ressources propres.
En revanche, comme toute nouvelle ressource propre, cette contribution entraîne la création d'une nouvelle réduction forfaitaire. Nous sommes convenus, au sein de la commission, qu'il fallait travailler sur ce point pour éviter à l'avenir l'apparition de tels rabais.
Avant de m'avancer sur le terrain politique, je rends compte des travaux de la commission. Cela me semble nécessaire, mon cher Jean-Paul Lecoq, vu qu'elle m'a nommé rapporteur !
Les rabais, ou réductions annuelles forfaitaires, ont cependant été clarifiés. Les volumes financiers sont désormais clairement affichés. C'est un point important sur lequel il faudra continuer à travailler dans les années à venir.
En dehors de ces trois observations, les ressources propres ne changent pas, si l'on excepte l'augmentation de leur plafond, dont les raisons sont connues : le Brexit, la crise économique et les ajustements liés à l'intégration au budget européen du Fonds européen de développement. Ces arrangements serviront, monsieur Lecoq, chers collègues, à financer le cadre financier pluriannuel, c'est-à-dire les dépenses budgétaires. N'oublions pas que pour dépenser, il faut des recettes.
Nous sommes donc satisfaits de cette évolution.
Le deuxième volet marquant de la décision du Conseil, qui introduit une nouveauté dans le système des ressources propres et constitue la clé de voûte du plan de relance, est le recours à l'emprunt. Comme l'ont souligné les orateurs précédents, c'est une décision historique, fruit d'un choix politique. Ces 750 milliards d'euros, qui seront répartis sur les années à venir entre des prêts et des aides, sont en effet d'une importance cruciale. Il s'agit, comme le mentionnent plusieurs articles de la décision « ressources propres », de « moyens supplémentaires, extraordinaires et temporaires ». Le mot « extraordinaires », très rare dans un document juridique, est essentiel pour saisir la vision politique qui a inspiré la décision.
Enfin, le troisième élément est la feuille de route pour les ressources propres. Même si elle ne figure que dans les considérants, nous soutenons évidemment cette initiative à même de doter l'Union européenne de nouvelles ressources spécifiques.
Le recours à l'emprunt et l'augmentation de la contribution de la France sont des choix politiques destinés à rendre l'Union européenne intrinsèquement plus solide et économiquement viable. Il permettra de tourner la page du Brexit ; de créer un financement européen unique dédié à une compétence spécifique, la crise économique liée au covid ; de conforter la relance économique ; enfin, le plus important – car c'est sur notre territoire que nous allons nous développer – , de favoriser le développement intrinsèque de l'Union européenne.
Ces moyens et ces ressources propres sont adaptés à ces objectifs. Je vous invite à les voter et je dédie ce vote, que j'espère unanime, à Marielle de Sarnez. Aujourd'hui, nous débattons d'Europe ; demain, l'horizon européen sera encore plus consolidé.
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.
C'est avec beaucoup d'émotion que je parle aujourd'hui d'Europe devant la représentation nationale, en l'absence de la présidente de la commission des affaires étrangères. Marielle, je sais que tu aurais aimé partager avec nous cette étape de la construction européenne !
Le projet de loi qui nous est proposé vise à autoriser l'approbation de la décision 20202053 du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne pour la période 2021-2027. Voilà un texte au titre complexe dont on pourrait avoir du mal à mesurer la portée ! Et pourtant, nous nous apprêtons, par ce vote, à modifier en profondeur le fonctionnement du financement de l'Union européenne. Nous donnons notre accord pour que soit engagé un travail sur de nouveaux moyens, qui viendront compléter les ressources existantes.
Les échéances de ce travail seraient les suivantes. Dans un premier temps, la Commission européenne devrait présenter, au cours du premier semestre 2021, des propositions relatives à un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et à une redevance numérique, en vue de leur introduction au plus tard le 1er janvier 2023. Dans un second temps, l'Union européenne s'efforcerait de mettre en place d'autres ressources propres, qui pourraient inclure une taxe sur les transactions financières, une contribution financière des entreprises ou une nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés.
Malgré un contexte politique et économique instable, principalement lié au Brexit et à la crise sanitaire, ce système de ressources propres permet de conforter les politiques historiques de l'Union européenne, dont la politique agricole commune, le financement de nos régions et le programme Erasmus+, qui sera renforcé. Le projet de loi a donc pour ambition de pérenniser ce qui fonctionne dans l'Union européenne. Mais il vise également à donner aux pays européens les moyens de travailler collectivement sur les défis majeurs du XXIe siècle auxquels la France ne peut répondre seule.
Le premier d'entre eux est la transition écologique, sujet où l'Europe est à la pointe. Il nous reste cependant beaucoup à faire pour atteindre nos objectifs européens de neutralité carbone à l'horizon 2050. Le second défi est la transition numérique et la protection de notre souveraineté industrielle et technologique. Face aux hégémonies américaine et chinoise, il est primordial de créer un terreau favorable à des entreprises du numérique qui assurent la souveraineté européenne. Enfin, à ces deux défis majeurs vient se superposer une situation de crise inédite, et la réponse à cette crise questionne le système de financement de l'Union européenne. En effet, c'est dans ce contexte que, le 21 juillet dernier, sous l'impulsion du couple franco-allemand, les vingt-sept pays qui composent l'Union européenne ont décidé solidairement et à l'unanimité d'emprunter de l'argent pour aider en priorité les membres les plus touchés par la pandémie. Pour ne pas mettre à contribution les citoyens européens, il a été décidé que le financement de ce plan de relance de 750 milliards d'euros s'appuierait sur le système de ressources propres.
La mise en oeuvre de ce système a également l'ambition de réduire la proportion des transferts des budgets nationaux au budget européen, afin de dépasser la doctrine du retour sur investissement. Celle-ci, initiée par le célèbre « I want my money back » de Margaret Thatcher, exacerbe systématiquement les tensions entre les différents pays de l'Union européenne lors des négociations budgétaires.
Il est nécessaire de sortir de la pratique anachronique du rabais, qui représente un poison pour l'unité et un frein à la construction d'une Europe protectrice et solidaire.
Pour conclure, le vote de ce projet de loi est un moment historique, une étape dans la réalisation du projet européen présenté par le président Macron dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, consacré à sa stratégie pour une Europe souveraine, unie et démocratique. Les difficultés restent nombreuses et les défis environnementaux, économiques et sociaux, j'en suis persuadé, mettront à l'épreuve l'unité des vingt-sept. Mais je crois en cette Europe qui a su faire preuve de solidarité et d'entraide pendant la pandémie, et en notre capacité collective de construire un avenir en commun pour répondre aux défis qui s'annoncent pour les générations à venir.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Comme vous tous, j'ai en cet instant une pensée émue et affectueuse pour notre collègue Marielle de Sarnez qui aurait tant aimé assister à ce débat.
Le projet de loi qui nous est soumis vise à entériner le financement du cadre budgétaire européen pour les sept prochaines années, à permettre la mise en oeuvre du plan de relance de l'Europe et à doter le budget européen de ressources propres. L'Europe va ainsi emprunter et financer partiellement chacun des vingt-sept plans de relance nationaux à hauteur de 750 milliards d'euros, dont 40 milliards pour la France, qui financeront 40 % de notre plan de relance.
Oui, mes chers collègues, c'est un accord que l'on peut qualifier d'historique. Historique par son caractère inédit, puisqu'en autorisant l'Union européenne à emprunter directement sur les marchés financiers, nous créons pour la première fois une dette commune aux vingt-sept États européens. Historique aussi par le montant que l'Europe consacre à la relance et qui vient s'ajouter aux nombreux plans déployés dans les différents pays pour faire face aux crises sanitaires, économiques et sociales d'une ampleur considérable. Je veux ici souligner le rôle moteur du couple franco-allemand dans cette décision, et je me félicite de voir la solidarité européenne mise en pratique.
Le deuxième volet de ce projet de loi, c'est la création de ressources propres à travers la taxe sur les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – , la taxe carbone aux frontières, l'extension du mécanisme de compensation carbone, la taxe sur les transactions financières ou encore une nouvelle assiette commune pour l'impôt sur les sociétés. Nous sommes favorables à ces ressources propres, car nous considérons depuis longtemps qu'il faut sortir de la naïveté et assumer enfin de défendre nos intérêts et notre marché unique européen, face à la concurrence déloyale que subit l'Europe.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Cela passe par une taxe carbone aux frontières pour imposer à ceux qui exportent vers l'Europe les mêmes règles environnementales que celles qui s'appliquent à nos propres entreprises. Cela passe aussi par une juste contribution des géants du numérique et par une harmonisation de l'impôt sur les sociétés pour lutter contre le dumping fiscal. Les Républicains apporteront donc leur soutien à ce projet de loi, mais ce sera un soutien vigilant et exigeant car cet accord suscite de notre part des réserves et des interrogations.
Tout d'abord, nous regrettons que la création des ressources propres n'ait pas été l'occasion de supprimer enfin les rabais accordés à certains États.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ces rabais seront même augmentés pour les sept années à venir.
Ensuite, si nous pouvons nous féliciter de l'accord conclu en décembre dernier, nous n'entendons pas pour autant céder à une quelconque euphorie qui serait à nos yeux malvenue. En soi, s'endetter peut être un choix légitime pour préparer l'avenir et investir sur le long terme. Dans la situation exceptionnelle que nous connaissons, c'est bien un dispositif exceptionnel et extraordinaire qui est mis en place. Mais il faut prendre garde à ne pas tomber dans une spirale de l'endettement…
… car une fuite en avant pourrait être dangereuse pour l'Europe. En effet, personne ne peut se réjouir de faire porter aux générations futures le poids d'un emprunt et d'une dette sur trente ans, que nous rembourserons à partir de 2028, selon des modalités que nous ne connaissons pas…
… et sans savoir précisément quelles seront alors les marges de manoeuvre financières. J'ajoute qu'on ne peut pas négliger le contexte spécifique dans lequel s'inscrit la création de cette dette commune. Notre pays se distingue déjà par un endettement record, avec une dette qui représente aujourd'hui 120 % du PIB – elle était déjà à 100 % du PIB avant la crise. Nous souhaitons donc que le recours aux ressources propres pour le remboursement de cet emprunt se fasse de la façon la plus efficace, lisible et rapide possible.
La création de ressources propres implique celle de taxes ou d'impôts européens. Là aussi, il faut tenir compte de notre contexte national et de l'extrême sensibilité des Français à cette question, eux qui supportent déjà le niveau de prélèvements obligatoires le plus élevé des trente-sept pays de l'OCDE. Ce contexte ne peut évidemment pas être ignoré et il ne faudrait pas que nos mauvaises habitudes françaises qui consistent à dépenser toujours plus et à emprunter toujours davantage, pour finalement augmenter sans cesse les impôts, deviennent aussi une pratique de l'Union européenne.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Enfin, il est nécessaire que les fonds accordés à la France dans le cadre de notre plan de relance soient rapidement engagés et déployés sur le terrain pour faire face à la crise et qu'ainsi l'action de l'Europe s'illustre concrètement pour nos concitoyens plutôt que de se perdre dans une tuyauterie bureaucratique illisible.
Les Républicains voteront en faveur de ce projet de loi mais, vous l'aurez compris, nos interrogations nous conduisent à une grande vigilance. Au-delà de la satisfaction de voir les Européens harmoniser leur réponse à la crise, c'est bien la mise en oeuvre concrète, rapide et transparente de ces nouveaux dispositifs qui est la condition de leur succès, mais aussi de l'adhésion et de la confiance de nos concitoyens au projet européen.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Je ne vous cacherai pas que c'est avec une très grande tristesse que je prononcerai ces mots sur le paquet dit « ressources propres » hors du regard de Marielle de Sarnez et du contrôle bienveillant, amical et toujours vigilant qu'elle exerçait sur mes propos. Je sais que chacun ici s'associe à cette douleur, que je ressens particulièrement.
Applaudissements sur tous les bancs.
Étrange exercice que celui auquel nous sommes conviés. On nous demande de marcher dans les pas de l'illustre Cuvier et de reconstituer l'énorme diplodocus européen à partir d'un seul et tout petit os, le misérable article unique d'un texte de loi croupion portant ratification de ce qu'on appelle obscurément dans le jargon communautaire la décision « ressources propres ».
L'Union européenne a de toute éternité l'art des mots camouflés, qui sont comme les fruits déguisés de l'idéal communautaire. La décision relative aux ressources propres présente deux caractéristiques singulières. D'une part, cette décision n'en est pas une : c'est en réalité un quasi-traité international, signé par tous les États et ratifié par chacun des parlements. Quant aux ressources, elles ne sont pas propres à l'Union, puisqu'elles sont pour l'essentiel les contributions particulières des États destinées à financer celle-ci.
M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.
L'Union européenne, nous le savons, n'a pas attendu la pandémie actuelle pour s'avancer masquée.
Cher collègue, je vais arriver à vous convaincre de voter en faveur de ce projet de loi !
Ainsi les nouveaux Cuvier que nous sommes observent-ils que ce simple article de loi dissimule un ensemble complexe de prélèvements associant des décisions et des perspectives, des engagements et des réalisations, un peu d'« un tiens aujourd'hui » avec beaucoup de « demain tu l'auras ». Bien plus, ils constatent que cet ensemble complexe abrite un engagement budgétaire autrement plus vaste, à savoir un cadre financier pluriannuel de sept ans, qui couvre tout ce qui sera dépensé pendant cette période, pour toutes les politiques à la fois.
Et ce n'est pas tout : derrière ce cadre financier, en amont mais aussi au-dessus de celui-ci, se profile le plan d'urgence, c'est-à-dire une véritable révolution politique et morale – en jargon communautaire, cela s'appelle un « saut qualificatif » – , je veux parler de la découverte et de la reconnaissance véritable d'un bien commun européen, qui va bien au-delà d'un superpacte de non-agression et de libre circulation comme lors des débuts de la construction européenne.
À l'heure où se consomme l'absurde Brexit, se trouvent réaffirmées avec une force inégalée quatre données essentielles : la capacité d'initiative du couple franco-allemand, la solidarité de l'Europe rhénane et de l'Europe du Sud, la préférence de l'Europe du Nord pour les solidarités continentales et la confirmation par les États de l'Europe centrale et orientale de leur adhésion à l'Union.
Confrontée à la grande crise économique et sanitaire, l'Union ne s'est pas disloquée, elle a résisté et s'est même renforcée. Voilà ce que découvre Cuvier derrière l'os qu'on lui donne à ronger : ce n'est pas rien ! Le Mouvement démocrate en donne volontiers acte au Gouvernement.
Ce jeu de poupées gigognes à l'envers, les grandes se cachant derrière les petites, n'est pas seulement juridique mais aussi diplomatique. Les États européens excellent dans le maniement du fusil à tirer dans les coins. Le plan d'urgence s'est imposé, mais les États ont fait main basse sur des dépenses budgétaires communes dont chacun s'accordait pourtant à reconnaître le caractère prioritaire. Les États ont affiché leur solidarité autour du plan d'urgence, mais n'en ont pas moins défendu bec et ongles les injustifiables rabais.
En outre, il a été consenti, aux Néerlandais principalement, un taux de prélèvement abusivement majoré sur les recettes douanières. Nous aurions mauvaise grâce à vous le reprocher, monsieur le secrétaire d'État, car une négociation ne va pas sans concessions. Reconnaissez toutefois que si M. Mark Rutte passe pour le grand vaincu de la négociation, il s'agit d'un vaincu convenablement indemnisé. Vaincu peut-être, mais pas vraiment perdant.
Les verres que nous tend l'Union ne sont jamais pleins. L'essentiel est qu'ils se succèdent à bonne cadence. Dans les prochaines années, nous en attendons deux : d'abord, de vraies ressources propres, et non pas simplement une décision relative aux ressources propres. Vous nous les promettez pour plus tard. Nous vous accordons le bénéfice de cet engagement, …
… mais nous savons qu'en matière de construction européenne, le diable se cache dans les délais plus encore que dans les détails. En second lieu, nous attendons une vraie et bonne réforme institutionnelle qui sorte la procédure budgétaire et fiscale de son enfer paléontologique actuel.
Chers États membres, cher secrétaire d'État, donnez au pouvoir parlementaire autre chose qu'un os à ronger, fût-il de Cuvier !
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
L'Union européenne dispose d'un budget dont les dépenses sont votées par le Parlement européen, mais dont les recettes sont votées par les États membres. Ce budget est abondé par trois types de ressources principales : la ressource dite RNB, contribution étatique assise sur un taux forfaitaire et uniforme du revenu national brut de chaque État, fixé au cours de la procédure budgétaire ; les ressources propres traditionnelles, prélèvement opéré par l'État pour le compte de l'Union européenne sur les droits de douane sur les importations ainsi que sur les cotisations sur le sucre ; le prélèvement de TVA, enfin, qui procède de la collecte d'un pourcentage de TVA perçue par les États membres. Par ailleurs, il existe, de manière subsidiaire, d'autres ressources marginales, qui représentent environ 10 % des recettes.
La décision récente relative au système des ressources propres de l'Union européenne permettra techniquement à la Commission européenne d'emprunter sur les marchés pour financer le plan de relance européen, doté de 390 milliards d'euros de subventions et de 360 milliards d'euros de prêts. C'est une forme de dette commune s'apparentant à des eurobonds, qui est ainsi créée et qui sera remboursée selon une clé de répartition déterminée notamment en fonction du PIB des États membres. Elle instaure une forme de péréquation financière entre pays européens.
C'est le début de ce que l'on appelle une union de transfert. Les dépenses devront être engagées d'ici à 2023 et cesser au plus tard à la fin de 2026. Le plan de relance européen qu'autorise cette décision sur le système des ressources propres permettra à la France de recevoir 40 milliards d'euros de subventions, soit près de 40 % des dépenses de son plan de relance national. S'il ne s'agit pas de critiquer cette décision, il convient néanmoins de mentionner plusieurs points de vigilance.
Cette décision relative aux ressources propres – DRP – entérine, pour la période 2021-2027, des rabais aux quatre « frugaux » – Pays-Bas, Autriche, Danemark et Suède – et à l'Allemagne, d'une valeur de 53 milliards d'euros, alors que la Commission européenne et plusieurs pays, dont la France, souhaitaient les supprimer purement et simplement.
La DRP procède également au relèvement des frais de perception administrative des ressources propres traditionnelles, c'est-à-dire les droits de douane. C'est un avantage comparé pour les pays qui sont un point d'entrée important des exportations à destination de l'Union européenne. Cela crée une mesure compensatoire supplémentaire, qui bénéficie principalement aux Pays-Bas, dont les ports constituent une source essentielle de la perception des droits de douane.
Notons deux points supplémentaires qui ne sont pas contenus directement dans la DRP, mais qui auront un impact sur son application et sur les États membres. Tout d'abord, s'agissant de la gouvernance du plan de relance européen, les plans pour la reprise et la résilience devront être présentés par les États membres bénéficiaires et seront évalués par la Commission européenne. Ces plans nationaux devront être compatibles avec les recommandations spécifiques formulées à chaque pays par la Commission européenne. Or celles-ci ne sont pas assez précises, ce qui laisse à la Commission un large pouvoir d'appréciation.
Deuxièmement, le texte sur la facilité pour la reprise et la résilience prévoit l'instauration d'une conditionnalité macroéconomique lorsque la clause générale d'exemption suspendant l'application du pacte de stabilité et de croissance sera levée. Ainsi les États membres devront-ils respecter certains critères macroéconomiques lorsque le pacte de stabilité aura été réactivé pour continuer à bénéficier des fonds du plan de relance.
Malgré ces réserves, et comme ma collègue Claudia Rouaux et moi-même l'avons dit la semaine dernière en commission des affaires étrangères et en commission des finances, c'est avec responsabilité mais sans réel enthousiasme que notre groupe approuvera ce texte.
L'année 2021 doit marquer le début d'un nouveau cycle pour l'Union européenne. Cette dernière n'a d'autre choix que de se réinventer après deux crises majeures, celle du Brexit et celle du Covid-19. Depuis un an, le coronavirus a touché l'ensemble des pays européens, quoique de façon différenciée. De nombreux facteurs expliquent le caractère variable de l'impact sanitaire, économique et social de la pandémie.
Face à la crise, la réponse du Conseil européen de juillet 2020 a représenté un tournant politique et budgétaire pour l'Union. Elle s'articule autour de trois piliers : le plan de relance, le cadre financier pluriannuel et les ressources propres.
Aussi la décision d'un emprunt souscrit en commun est-elle, au-delà du soulagement à court terme des finances publiques nationales, la réaffirmation d'un projet partagé et d'une volonté des États de s'engager solidairement et durablement. Nous le savons, les ressources propres sont essentielles, car elles libèrent les priorités européennes des contraintes budgétaires nationales et des grandes transactions entre Conseil, Commission et Parlement européens. Ces outils fondamentaux de l'ambition européenne représentent un petit pas vers davantage d'intégration.
Ainsi notre groupe salue-t-il le relèvement du plafond de ces ressources de 1,2 % à 1,4 %, décision rendue nécessaire par le Brexit, la crise économique et le changement de périmètre du budget européen. Par ailleurs, ce plafond est relevé de 0,6 point supplémentaire, de façon exceptionnelle et temporaire, afin de financer l'instrument de relance européen. L'Europe se dote donc de moyens accrus pour agir efficacement, ce dont nous nous réjouissons.
De même, nous saluons la création d'une nouvelle ressource propre fondée sur les déchets plastiques non recyclés, qui s'inscrit dans les objectifs de l'accord de Paris.
Mais si notre groupe Libertés et territoires salue l'objectif, nous nous interrogeons sur sa mise en oeuvre, la France n'étant pas le pays le plus avancé en la matière : elle pourrait ainsi avoir à verser jusqu'à 1,4 milliard d'euros supplémentaires au titre de cette nouvelle taxe. Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous nous assurer que cette taxe ne sera pas directement répercutée sur les collectivités territoriales, qui exercent la compétence de la gestion des déchets ? Même si cette contribution ne sera pas véritablement une ressource propre, mais un transfert du budget national vers le budget européen, il n'en reste pas moins qu'une étape décisive a été franchie : pour la première fois, le Conseil a convenu de la nécessité de créer de nouvelles ressources et a donné mandat à la Commission pour faire des propositions en ce sens. Notons tout de même que la taxe sur les déchets plastiques n'a pas vocation à perdurer puisqu'elle sanctionne un mauvais comportement.
Aussi, même si nous avançons dans le bon sens, certains écueils subsistent. Ainsi regrettons-nous les freins pesant sur la création d'autres ressources propres, qui ne pourrait intervenir que dans un second temps : je veux évidemment parler de la taxe carbone aux frontières, la décision évoquant une application étendue « éventuellement », selon le propre mot de l'accord, et seulement en 2023 ! C'est dire que la partie est loin d'être gagnée… On connaît la réticence sur ce sujet de plusieurs pays, notamment d'Europe de l'Est. Comment le Gouvernement compte-t-il convaincre tous nos partenaires d'avancer dans cette direction ?
Quant à l'autre potentielle nouvelle ressource propre, à savoir la taxe GAFA – dont nous débattons ici même régulièrement – , elle est remise à bien plus tard, pas avant 2024. Le dernier projet enterré concerne l'instauration d'une taxe sur les transactions financières. Maintes fois reportée, elle constituerait, en permettant de dégager pas moins de 50 milliards d'euros par an, un puissant outil d'action. Il est indiqué que l'Union européenne « s'efforcerait » d'y réfléchir pour le prochain cadre pluriannuel : c'est dire le peu d'entrain à instaurer une telle taxe !
Autre point sur lequel l'ambition européenne reste encore limitée, celui de la suppression de la politique des rabais. Ces négociations du cadre financier européen constituaient pourtant une occasion historique d'en finir avec cette politique, qui concerne de trop nombreux pays – les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark, la Suède, mais également l'Allemagne qui bénéficie de 3,6 milliards d'euros. Profitant de l'opportunité du plan de relance lié à la crise du covid-19, ces pays sont parvenus à maintenir leur rabais pour au moins sept ans. Au total, ce sont 10 milliards qui vont s'envoler des caisses communautaires ! Nous ne pouvons que le regretter.
Malgré ces remarques, le groupe Libertés et territoires, convaincu par l'ambition européenne et par la nécessité d'affronter ensemble les difficultés du temps, votera en faveur de ce projet de loi.
M. Christophe Jerretie applaudit.
Ce projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne intervient dans un contexte inédit dans lequel l'économie française fait face à de très grandes incertitudes dues à une explosion de la dette, à un taux de croissance inférieur, en moyenne, à celui de nos voisins européens et à la pandémie, qui persiste et qui aggrave chaque jour la conjoncture économique.
La présente décision, dite « ressources propres », définit les modalités de financement du budget de l'Union européenne pour la période 2021-2027. Pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, elle habilite la Commission européenne à lever un emprunt de 750 milliards d'euros, destiné à financer le plan de relance européen. Il s'agit d'un accord sans précédent dans l'histoire de l'Union européenne.
Ce plan de relance représente certes une avancée majeure, mais la lenteur et la complexité des débats à l'échelle européenne ont montré les limites de la bureaucratie de l'Union. Par ailleurs, je regrette que notre parlement n'ait pas eu davantage de marges de manoeuvre sur la procédure décisionnelle : il importe de rappeler, au regard de la situation préoccupante de nos finances publiques, que nous sommes le deuxième contributeur au budget de l'Union européenne. En effet, la contribution totale de la France devrait s'élever à 207,5 milliards d'euros pour l'ensemble de la période 2021-2027. Notre pays supporterait donc une augmentation de 55,8 milliards d'euros par rapport à la programmation pluriannuelle 2014-2020, au contraire de l'Autriche, du Danemark, de l'Allemagne, des Pays-Bas et de la Suède qui bénéficieront, eux, de réductions brutes de leur contribution annuelle, financées par l'ensemble des États membres. Cela ne semble ni juste, ni raisonnable.
De plus, la question de la diversification des sources de financement de l'Union se pose depuis de nombreuses années. En ce sens, les députés du groupe UDI et indépendants se félicitent de la mise en place, dès cette année, d'une nouvelle ressource fondée sur la part des déchets d'emballages plastiques non recyclés. L'effet de l'introduction de cette nouvelle ressource est toutefois limité puisqu'elle devrait représenter, en moyenne, 1,1 milliard d'euros par an pour la France, soit 4 % de sa contribution totale. De plus, l'augmentation du recyclage entraînera une diminution des recettes de cette taxe que compenseront les contributions liées au RNB des États membres. Je tiens à souligner que tout au long de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, notre groupe a défendu des amendements qui visaient à créer une taxe incitative sur le prix de vente des produits lorsque leur emballage plastique contenait moins de 25 % de matière recyclée.
Outre cette nouvelle contribution nationale calculée sur la base des déchets d'emballages en plastique non recyclés, d'autres ressources propres devront être mobilisées, comme il en a été convenu en juillet 2020 : taxe carbone aux frontières, redevance sur le numérique, évolution du système d'échange des quotas d'émission de l'Union européenne avec les pays tiers vers son éventuelle extension à l'aviation et au transport maritime, ou taxe sur les transactions financières – autre proposition qui avait fait l'objet d'un amendement, dont j'étais l'initiateur au nom de mon groupe, lors de l'examen du projet de loi de finances.
Notons que les revenus provenant de telles ressources supplémentaires seraient consacrés au remboursement anticipé de l'emprunt européen contracté dans le cadre du plan de relance. Le remboursement du principal de l'emprunt devra commencer dès 2028 et ne devra pas s'échelonner sur plus de trente ans : dans la période 2021-2027, seuls les intérêts des emprunts correspondant aux subventions du plan de relance seront remboursés. Certes, ce plan de relance est vital, mais, soyons pragmatiques, reconnaissons que l'argent magique n'existe pas !
Il faudra rembourser et payer l'addition le moment venu.
En conclusion, nous reconnaissons que ce plan de relance européen est prioritaire au regard de notre conjoncture économique. La France recevra la troisième plus grande part de l'aide européenne, soit près de 40 milliards d'euros, accompagnés de la création de nouvelles ressources propres. Dans l'attente de l'explication de vote de notre collègue magicien Jean-Luc Mélenchon,
Sourires
le groupe UDI et indépendants votera en faveur ce texte, tout en s'interrogeant sur l'ampleur de la contribution financière française, notre pays restant très fragile.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
J'aurais beaucoup aimé avoir avec vous, mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, un débat sur la dette et sur la manière de l'effacer.
Je vous aurais montré que l'argent magique existe parce que tout argent est magique, en particulier celui d'une banque centrale qui n'a pas à justifier ses émissions de liquidités, ce dont elle a elle-même convenu en répondant à la députée européenne Manon Aubry : elle ne peut en effet jamais être à court de liquidités.
On ne tuera jamais si bien et si efficacement l'idée européenne qu'en la traitant comme on est en train de le faire ! Voilà qu'une fois de plus, à la faveur d'une décision dont on a d'abord claironné qu'elle était historique, magique, extraordinaire, fantastique et tout ce que l'on voudra, nous devons voter oui ou non sur un seul article, sans pouvoir rien y changer, parce que c'est à la fois un peu un traité – voyez ses ailes ! – et un peu une loi française – voyez ses pattes !
Dans ce moment historique, est-il question de taxer les profiteurs de crise au niveau européen quand se sont accumulées de telles fortunes ? Non, pas du tout. Est-il question de taxer le dumping social et environnemental aux frontières ? Non, pas du tout. Et quid d'une taxe sur les transactions financières incluant les produits dérivés, j'y insiste car ce sont les plus importants, ainsi que le trading à haute fréquence, cette absurdité totale, y compris du point de vue des gens attachés au régime capitaliste ? Il n'en est pas non plus question ! Dès lors, il ne restera, une fois de plus, que la routine des « oui, mais », qui ne garde que les « oui » en oubliant les « mais » et toutes les réserves justes qu'ils recèlent, qu'elles viennent des bancs de droite ou des bancs de gauche, voire des bancs des partisans de ce texte, à l'image de M. Bourlanges, qui s'est exprimé avec talent comme d'habitude, mais dont la posture était extrêmement contradictoire : si nous vous avons bien compris, mon cher collègue, tout cela ne vaut rien, mais il faut tout de même voter pour.
En effet, tout cela ne vaut pas grand-chose. Les Français, à la faveur de cette victoire extraordinaire de l'amour et de la concorde européennes, devront payer à eux seuls le quart de tous les rabais, lesquels sont encore une fois consentis, contre toute raison, à une armada de petits pauvres dont je veux rappeler ici quel type de profiteurs ils sont : l'Autriche verra son rabais augmenter de 49 %, les Pays-Bas de 176 %, le Danemark de 190 % et la Suède de 177 % ! Tout le monde sait ici que ces pays sont dans un dénuement à la limite de la tiers-mondisation ! Mais les Français, eux, sont assez riches pour leur verser 2,6 milliards d'euros tous les ans.
À côté de cette augmentation des rabais, dernier avatar d'une histoire invraisemblable marquée par ceux qu'avait obtenus Mme Thatcher tandis que les Allemands les refusaient, nous allons introduire dans notre législation une autorisation de créer de nouvelles ressources propres. Le secrétaire d'État nous a garanti, et nous n'avons aucune raison de douter de sa bonne foi, que les Français ne paieraient pas le remboursement de cette dette – d'ailleurs dérisoire – grâce à ces nouvelles ressources propres. Néanmoins, ces dernières présentent un inconvénient : seule la taxe plastique a été validée ! Or le produit de celle-ci ne s'élèvera qu'à 3 milliards d'euros par an. Ce résultat est contraire à ce qu'avaient réclamé presque tous les groupes du Parlement européen. Il n'y aura que 3 pauvres milliards d'euros de taxe plastique. Pour le reste, on discutera une autre fois de la taxe sur les transactions financières, de la taxe carbone aux frontières et de la taxe sur les GAFA, mais, promis, juré, tous les États membres les voteront ! On ne voit pas pourquoi ils le feraient puisque, chaque fois que l'un d'eux tient tête aux autres, il a le dernier mot. Voyez, par exemple, comment la Hongrie et la Pologne ont réussi, à la faveur d'une entourloupe, à se soustraire à la conditionnalité des valeurs en obtenant de pouvoir déposer un recours suspensif devant la Cour de justice de l'Union européenne : ces pays pourront d'abord encaisser l'argent, et quant aux valeurs, on verra après ! Voilà ce qu'a été cet accord !
Quant à l'autorisation d'emprunt, elle porte sur 750 malheureux milliards d'euros, ce qui ne représente rien du tout par rapport aux 2 800 milliards d'euros que la Banque centrale européenne a injectés dans tous les établissements bancaires de la zone euro et aux 2 000 milliards qu'elle s'apprête à y ajouter. Cette somme n'est rien et nous, Français, devrons la rembourser pour les 40 milliards que nous toucherons. Monsieur le secrétaire d'État, peut-être ne serez-vous plus au banc du Gouvernement pour répondre de vos affirmations dans quelques années, ce que je vous souhaite parce que ce serait un moment bien embarrassant pour vous. Tout le monde l'a dit, nous devrons rembourser, parce que les ressources propres ne seront pas suffisantes et que le Gouvernement refuse de débattre de l'annulation de la dette.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La crise sanitaire liée à la covid-19 a mis au défi la cohésion de l'Union européenne. Tel Janus dans l'Antiquité romaine, l'Union aborde cette nouvelle année avec deux visages : celui, inquiétant, de la confrontation à une situation critique, tant sur le plan économique que sanitaire, et celui, plus encourageant, de la résistance à plusieurs difficultés majeures, comme le Brexit. L'Union ne s'est pas divisée lors de cette négociation, elle est restée solidaire jusqu'au bout avec le négociateur Michel Barnier. Cette solidarité est un acquis pour la suite. Nous devrons donc veiller dans les prochains mois à ce que les mesures d'application de l'accord soient les plus robustes possible et être prêts à réagir rapidement si des différends devaient survenir. L'Union européenne s'est ainsi révélée résiliente, faisant preuve d'une diligence notable par rapport à ses standards habituels. Le présent projet de loi, dont l'objet est d'autoriser l'approbation de la décision du Conseil du 14 décembre 2020 relative au système des ressources propres de l'Union européenne, en est la parfaite illustration.
Cette décision, dite décision « ressources propres », définit les modalités de financement du budget de l'Union européenne pour la période 2021-2027.
De manière inédite, afin de faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, la DRP habilite la Commission européenne à lever un emprunt de 750 milliards d'euros, destiné à financer le plan de relance européen et à mobiliser des ressources propres pour financer cet emprunt.
L'engagement de la France pour aboutir à ce budget historique a été total. Notre groupe salue, entre autres, l'investissement du Président de la République et du secrétaire d'État chargé des affaires européennes, Clément Beaune, qui ont accompli un travail extraordinaire en un temps assez restreint.
Disons-le clairement : ce budget européen est historique. Il constitue une avancée majeure dans la construction européenne et nous rappelle que l'Europe solidaire protège. Au-delà de tous les maux dont on l'accable, l'Union européenne a ainsi prouvé toute sa raison d'être dans un moment de crise particulièrement difficile pour les États membres.
Des défis majeurs sont désormais devant nous, notamment la mise en place de ressources propres nouvelles. Au-delà de la nouvelle ressource propre – fondée sur une contribution nationale calculée sur la base des déchets d'emballages en plastique non recyclé – instaurée par cette décision, d'autres ressources propres devront être mobilisées.
Par ailleurs, à travers les dispositifs relatifs à la taxe carbone aux frontières, à la redevance sur le numérique, au système d'échange de quotas d'émissions ou à la taxe sur les transactions financières, les opportunités de développer une solidarité européenne protectrice de l'environnement et de l'économie face aux concurrents mondiaux sont nombreuses : à nous de les saisir !
Dans l'année qui s'ouvre, l'enjeu principal pour l'Union européenne sera de parvenir à maintenir la dynamique politique qu'elle a su enclencher pour répondre à la double crise sanitaire et économique qui frappe le continent. Alors que l'économie chinoise semble redécoller en faisant fi de la parenthèse épidémique, qu'une nouvelle administration s'installe aux États-Unis et que les menaces sécuritaires restent vives aux portes du continent, sa capacité de résilience devra être totale. En attendant la présidence française de l'Union européenne au premier semestre 2022, qui devra être ambitieuse, d'autres dossiers majeurs seront évoqués au cours de l'année 2021. Parmi eux figurent la digitalisation de l'économie européenne – l'une des grandes priorités de la Commission – ou l'ouverture de l'accès à des services numériques transfrontaliers. Autant de défis que le groupe Agir ensemble souhaite contribuer à relever, en votant en faveur du projet de loi, afin de s'inscrire dans la maxime que livrait déjà Germaine de Staël : « Il faut, dans nos temps modernes, avoir l'esprit européen ».
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Les débats qui ont porté sur le plan de relance européen, et plus récemment sur la mise en place de ressources propres à l'Union européenne, nous ont permis de nous rendre compte du fonctionnement dogmatique de l'Union.
Dogmatique, elle l'est d'abord sur le plan de relance, car un État a deux manières de se procurer des fonds : soit il emprunte, soit il crée de la monnaie. Les libéraux qui ont bâti l'Europe se sont coupés de la possibilité de créer de la monnaie en agitant le spectre de l'inflation. Ils ont condamné les peuples à rembourser des emprunts, tout en permettant aux marchés financiers d'engranger de gigantesques profits.
Dogmatique, elle l'est ensuite au regard du blocage sur les sujets qui pourraient faire de cette union un véritable instrument au service des peuples. En effet, rien n'a jamais été fait pour obtenir une harmonisation fiscale pour les citoyens européens et pour les entreprises, alors que les paradis fiscaux subsistent sans encombre au sein de l'Union européenne, notamment au Luxembourg, en Irlande ou aux Pays-Bas. Rien n'est fait pour supprimer cet insupportable dumping fiscal.
Rien n'a non plus été réellement fait pour avancer sur la taxation des activités spéculatives. La fameuse taxe sur les transactions financières sera, nous dit-on, mise en place en Europe d'ici à 2027 pour rembourser l'emprunt du plan de relance. Par quel miracle cette taxe sera-t-elle instaurée dans l'Union européenne, alors que chaque tentative échoue depuis dix ans ? Il en va de même pour la taxe sur les grandes entreprises du numérique : les pays de l'Union n'ont jamais été capables de s'accorder, mais vous prétendez que tout va subitement s'arranger : les députés communistes ne peuvent y croire.
Rien n'a été fait pour promouvoir de véritables politiques utiles à l'échelle de notre continent, notamment dans les domaines sanitaires et industriels ou en matière de recherche et d'innovation. Rien n'a jamais été fait pour dépasser les critères de Maastricht, qui bloquent toutes les politiques publiques nationales depuis des années et empêchent d'investir dans des travaux et des services publics utiles au peuple. Des années de fermeture de lits et d'hôpitaux dans nos territoires pour s'y conformer ont entraîné l'encombrement des établissements de santé depuis le mois de mars. Cet effroyable exemple témoigne de l'affaiblissement de nos services publics.
Des efforts considérables sont consentis pour détruire toutes les entreprises publiques, notamment en France où l'Union européenne, avec l'aide des gouvernements successifs, s'est acharnée contre EDF – avec le récent projet Hercule – , la SNCF, La Poste, GDF et j'en passe.
La question des ressources propres doit être comprise dans ce contexte. Les multiples blocages de l'Union européenne ne sont pas des problèmes diplomatiques, mais l'expression d'une volonté politique claire sur le projet européen.
Sur la question des ressources propres, les responsables européens ont proposé des taxes sur les entreprises européennes, alors que l'Union sabre sa seule ressource propre légitime que sont les droits de douane. Des accords de libre-échange sont en effet signés à tour de bras par l'Union européenne, puis systématiquement approuvés par votre majorité. L'objectif de ces traités est de supprimer les droits de douane pour renforcer la mondialisation et favoriser le commerce avec des pays situés à l'autre bout de la planète, comme le Vietnam, l'Australie, le Canada, les Philippines et, demain, la Chine ou les États-Unis.
Pourquoi supprimer les ressources assises sur les droits de douane ? Parce que ces derniers ne rentrent pas dans le logiciel libre-échangiste de l'Union européenne. Créant les conditions de l'accélération des échanges commerciaux, l'Union ne peut décemment pas parler de respect de l'environnement. La taxe plastique ou la taxe carbone ne compenseront jamais les dégâts écologiques que l'Union crée en votant des accords de libre-échange.
De plus, le plan de 750 milliards d'euros a été proposé à l'issue d'un drame diplomatique qui a permis aux pays dits frugaux d'obtenir une diminution de leur contribution au budget de l'Union : c'est indigne de l'exigence de solidarité qui devrait prévaloir. Pire, ces pays ont imposé leurs conditions, notamment la baisse des subventions de 500 milliards à 390 milliards d'euros, et ont fait en sorte que les prêts soient conditionnés à des réformes néolibérales. En France, on a ainsi fait promettre au Gouvernement de maintenir la réforme des retraites ou celle de l'assurance chômage, réformes contre lesquelles une très large partie des Français s'est battue et se battra encore.
Pour cette Union européenne, il n'y a de place que pour l'argent et le profit ; les peuples sont et seront oubliés tant que le dogme néolibéral sera sa seule boussole. Pour toutes ces raisons, les députés communistes voteront contre ce texte. Avant de quitter la tribune, je tenais à exprimer une pensée pour Marielle de Sarnez.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Monsieur le secrétaire d'État, vous vous réjouissez de cet accord, mais la réalité n'a absolument rien à voir avec l'affichage.
Vous qualifiez cet accord d'historique, sans doute l'est-il au vu de son coût pour la France. Historique en effet, car il résulte d'un marchandage qui a très mal tourné pour notre pays, le Président de la République ayant préféré tout lâcher au profit d'un effet de communication.
Il a tout cédé sur les rabais, dont la France paiera le quart du total. Les rabais de certains pays vont augmenter : celui de l'Autriche – c'est vrai qu'elle est très malheureuse – progressera de 49 %, celui des Pays-Bas de plus de 100 %, quand ceux du Danemark et de la Suède seront également majorés. Il fallait acheter les petits pays pour qu'ils acceptent l'emprunt, alors nous avons tout lâché.
Au fond de vous-même, vous savez bien qu'il s'agit d'un marché de dupes. Pourquoi ? Parce qu'il fallait négocier les nouvelles ressources en même temps que le plan de relance. Le Président de la République disposait du levier pour le faire, mais il a accepté le plan de relance sans s'en servir pour obtenir un accord sur les ressources propres. Comment imaginer que les pays qui s'opposaient aux ressources propres quand il fallait négocier le plan de relance les accepteront demain, alors que nous n'aurons plus rien à échanger ? C'est d'une absurdité totale.
Reste la recette liée à une taxe sur le plastique, qui est certes bienvenue, mais qui ne suffira pas. Il n'y a rien sur les GAFA, ni sur les transactions financières : vous avez été lâchés en rase campagne. Il n'y a rien non plus sur les droits de douane, seule ressource propre de l'Union européenne, qui a été sabordée au fil de tous les accords que la Commission de Bruxelles a négociés dans votre dos ou avec votre consentement, que ce soit avec le Vietnam, le Mexique ou le Canada. Je ne parlerai pas de l'accord avec le Mercosur, auquel vous faites semblant de vous opposer, ni de celui avec la Chine, qui est extrêmement dangereux car vous n'aurez aucun moyen de vérifier ce sur quoi vous avez, là aussi, cédé.
Il n'y a rien, bien sûr, sur les travailleurs détachés ni sur le dumping fiscal. Tout ce que vous promettez à longueur de journée pour rendre l'Europe soi-disant plus européenne et plus sociale n'est que de l'enfumage, je suis désolé de vous le dire ainsi.
Comme les ressources propres n'arriveront pas, il faudra payer même si ce seront d'autres que vous qui devront faire face à cette obligation. On s'aperçoit alors que le plan de relance est une très mauvaise affaire pour la France : vous parlez toujours des 40 milliards – cela semble beaucoup – mais, en l'absence de ressources propres, il faudra contribuer à due proportion de notre participation au budget européen : le coût sera bien supérieur à ce que nous percevrons. Le plan de relance n'aura donc aucun intérêt pour notre pays.
D'ailleurs, le déploiement du fameux plan de relance n'a toujours pas commencé et nous ignorons quand la bureaucratie européenne réussira à débloquer les 10 premiers milliards d'euros.
En attendant, ce sont les contribuables français qui paieront votre faiblesse : la contribution de la France augmentera en 2021 de 5,4 milliards d'euros, soit presque autant que votre Ségur de la santé. Le coût de l'Union européenne va presque atteindre le niveau du budget de la recherche et de l'enseignement supérieur.
Vous me direz sans doute qu'une part de notre contribution nous sera retournée.
Mais tel n'est pas le cas, car nous sommes l'un des plus gros contributeurs au budget de l'Union, avec près de 10 milliards d'euros de contribution nette. Cette somme serait tellement plus utile pour nos hôpitaux, nos infirmières et nos médecins ou pour l'investissement dans la recherche. D'ailleurs, il y en a un qui l'a compris, c'est Boris Johnson, qui a réussi à négocier, pour le Brexit, un accord lui garantissant un accès au marché unique en ayant la chance de ne plus contribuer au budget européen ; c'est extraordinaire, vous l'avez tous aidé : il économise 10 milliards d'euros, c'est un bon précédent.
Il aurait été plus facile d'inscrire la relance dans le cadre du budget national, nous serions restés maîtres de notre destin. Vous auriez pu effectuer vos dépenses sans dépendre de la bureaucratie bruxelloise, qui va mettre son grain de sel partout. C'est cette bureaucratie qui finance la délocalisation en Pologne de nos usines, comme celle de Bridgestone, qui se montre incapable de maîtriser nos frontières et qui favorise les travailleurs détachés.
La vraie question ne tient évidemment pas au plan de relance, qui aurait pu être déployé dans le cadre de notre propre budget ; la vraie question réside dans la « dette covid ». Comment allons-nous gérer cette dette ? Allez-vous céder à l'Allemagne et nous imposer une cure d'austérité monstrueuse ? Ou allons-nous isoler cette dette pour en faire une dette perpétuelle, qui nous permettrait de respecter nos obligations – parce qu'il faut toujours payer sa dette – …
… , tout en étalant le remboursement le plus longtemps possible, afin de donner une bulle d'air aux entreprises ? C'est la seule question qui vaille.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
J'apporterai quelques éléments de réponse aux différentes interventions ou interpellations. D'abord, même si j'ai noté qu'il existait certaines oppositions, je salue le large soutien que différents groupes ont apporté à cet accord, à la dette commune qui permet de financer le plan de relance, au plan de relance lui-même et à plusieurs avancées budgétaires, soulignées par plusieurs d'entre vous.
Monsieur Herbillon, je vous remercie pour votre responsabilité : vous avez surmonté quelques réticences et témoigné, avec vigilance et exigence pour reprendre vos mots, du soutien de votre groupe. Le Gouvernement et la majorité reprennent à leur compte cette vigilance et cette exigence.
Ce n'est pas la fin de cette histoire. Et puisqu'il a été beaucoup question d'argent magique ou de baguette magique, ce n'est pas ici une question de baguette magique mais de combat politique.
Nous le poursuivrons sur les ressources propres et je me réjouis que certains d'entre vous partagent notre volonté de les obtenir. D'ailleurs, monsieur le président Mélenchon, vos proches, au Parlement européen – rappel qui vaut aussi pour Les Républicains – , soutiennent l'idée de ressources propres et ont voté le calendrier de leur introduction établi par le Parlement européen. Aussi, si nous partageons cette ambition, défendons-la ensemble. Si nous avions attendu un coup de baguette magique, nous ne disposerions pas de ce plan de relance. Je préfère que nous soyons exigeants et vigilants et que nous continuions à nous battre plutôt que de nous résigner et de ne rien obtenir. Sinon, encore une fois, nous ne serions pas parvenus à cette avancée majeure.
Je crois que c'est Jean-Louis Bourlanges qui a le mieux résumé, d'un point de vue archéologique et politique, la situation dans laquelle nous nous trouvons. Pour ma part, je l'assume, n'avançons pas masqués : c'est là une avancée européenne historique même si je suis le premier à regretter avec vous le caractère technocratique de l'intitulé du texte – il n'est pas de mon fait et les termes « décision sur les ressources propres » sont mal choisis. Vous avez dévoilé la réalité de cet accord historique et je vous ferai une confidence puisque nous n'avons rien à cacher : cette question des ressources propres est la suite inévitable de l'accord sur la relance.
Beaucoup d'entre vous ont plaint, avec ironie, nos partenaires autrichiens, néerlandais et autres. Je ne les plains pas, je vous rassure, monsieur Dupont-Aignan. Je rappellerai les faits puisque vous êtes attachés à comparer les budgets entre eux, ce qui est du reste normal : nous le devons aux contribuables, aux citoyens français. La France contribue au budget européen, ce n'est pas nouveau et de toute façon je l'assume, et c'est pourquoi elle exige en particulier le respect minimum d'un certain nombre de valeurs politiques qui nous tiennent à coeur. Et non, monsieur le président Mélenchon, la Pologne et la Hongrie ne se sont pas soustraites à cette condition qui s'applique depuis le 1er janvier. Ces pays n'ont pas obtenu un droit au recours, car chaque État membre peut l'exercer aux termes du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : ce n'est donc pas une nouveauté. Ces pays feront un recours devant la Cour de justice de l'Union européenne ? Tant mieux, parce que je suis certain que cette dernière nous donnera raison. En attendant, les éventuelles atteintes à l'État de droit seront prises en compte dès le 1er janvier 2021. Aussi, pour chaque euro reçu depuis le début de l'année, Budapest devra rendre des comptes quant à l'État de droit.
Puisque nous en sommes aux comparaisons budgétaires, la France est le huitième contributeur net, derrière l'Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark… Je ne m'en réjouis pas spécialement, mais je ne peux pas laisser dire que nous aurions négligé les intérêts du contribuable français et que nous serions le pays le plus mal loti en la matière au sein de l'UE, ce n'est factuellement pas vrai. Je regrette comme vous l'existence des rabais. Nous ne les avons pas créés et je regrette que nous n'ayons pu les supprimer. Je note que, par l'effet du Brexit, et cela vous réjouira sans doute, notre contribution globale au rabais diminue malgré tout. Ces rabais devront, à mon sens, être supprimés et je me félicite que vous partagiez sans réserve cette ambition.
Les ressources propres seront bel et bien instaurées quand, après 2027, nous serons collectivement engagés dans le remboursement du plan de relance. Vous évoquiez nos partenaires néerlandais, danois et autres, dits, parfois, « frugaux » : ils voudront moins que nous encore faire payer leurs contribuables plutôt que de faire payer les contribuables américains ou chinois par le biais de la taxe sur le carbone aux frontières ou de la taxe sur les services numériques. Il n'est pas vrai d'affirmer que l'instauration de ces taxations ou de ces ressources qui font payer les contribuables non européens n'avance pas : ainsi, déjà huit pays européens ont mis en place une taxe sur les services numériques. J'espère que nous continuerons d'avancer et, même si cela ne dépend pas que de moi, je vous en rendrai compte d'ici au début de la présidence française de l'Union européenne. Sur ces deux taxes, nous disposerons dès cette année d'une proposition de la Commission européenne. C'est un combat politique à mener, j'y insiste, et j'espère que nous aboutirons d'ici à 2022, afin que le budget européen dispose, avant même le début du remboursement du plan de relance, de ressources supplémentaires.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Sur l'article unique, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Nous devons nous prononcer sur les ressources propres de l'Union européenne pour la période 2021-2027.
Malgré un contexte économique et sanitaire difficile, le présent texte est historique à de nombreux points de vue. Le groupe La République en marche votera pour la pérennisation de la politique agricole commune. Le groupe La République en marche votera pour l'accompagnement des régions dans leurs politiques économiques et écologiques. Le groupe La République en marche votera pour l'augmentation de 9 milliards d'euros du programme Erasmus +. Le groupe La République en marche votera bien entendu pour le plan de relance de 750 milliards d'euros pour accompagner les pays les plus durement touchés par la pandémie. Le groupe La République en marche votera également pour la mise en place de ressources propres, comme le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières ou la taxe sur les géants du numérique.
Vous l'avez tous compris, le groupe La République en marche votera pour ce texte qui marque une étape historique de la construction européenne.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La crise sanitaire, économique, sociale et psychologique que nous vivons est exceptionnelle. Aussi, à situation exceptionnelle, dispositif exceptionnel : ici un plan de relance de 750 milliards d'euros, dont 40 milliards pour la France, et la création de ressources propres – je pense à la taxe carbone aux frontières, à la taxe sur les GAFA et à d'autres taxes que nous appelions de nos voeux, cela afin de rétablir des conditions de concurrence normales et d'éviter que certaines entreprises pratiquent le dumping et exportent vers l'Europe des biens produits dans des conditions tout à fait différentes de celles qui s'imposent à nos propres entreprises.
Il s'agit d'un accord historique, beaucoup l'ont dit, par son caractère inédit puisque l'Union européenne est autorisée à emprunter directement sur les marchés financiers et à créer une dette commune entre les vingt-sept États européens. J'ai déjà souligné l'importance du rôle moteur du couple franco-allemand et le fait que la solidarité européenne s'exprime concrètement et s'applique dans le contexte d'une crise exceptionnelle.
Comme je vous l'ai indiqué, le groupe Les Républicains apportera un soutien au texte,
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM
mais un soutien vigilant et exigeant. Pourquoi ? Je ne reviens pas sur tout ce que j'ai dit tout à l'heure, mais les rabais accordés à certains États n'ont pas été supprimés. En outre, nous ne pouvons pas être euphoriques, en tout cas en ce qui concerne les députés de notre groupe, quand, compte tenu du contexte français, on parle d'emprunt et de dette commune sur trente ans…
… et quand on crée des taxes. On ne saurait en effet négliger la sensibilité des Français à l'endettement, qui représente 120 % du PIB alors qu'il atteignait 100 % avant la crise ; on ne saurait négliger la sensibilité des Français aux prélèvements obligatoires, qui sont, dans notre pays, les plus lourds de tous les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE. Le poids de la dette pèsera sur les générations futures.
J'ai précédemment fait part de nos réserves et j'ai bien entendu votre réponse, monsieur le secrétaire d'État : nous soutenons le texte mais, je le répète, de façon responsable, vigilante et exigeante.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Il est vrai que nous sommes confrontés à une situation exceptionnelle et que nous devons trouver des solutions à la crise sanitaire qui affecte l'Union européenne et le monde entier. Nous ne pouvons nier avoir fait un saut qualitatif, ainsi que l'a souligné notre collègue Jean-Louis Bourlanges : pour la première fois nous allons supporter des charges ensemble, ce qui n'est pas négligeable. Bien sûr, il y a beaucoup à redire sur la contribution sur les emballages plastiques, sur les ressources propres, sur les rabais, autant de sujets précédemment traités. Il est également vrai que le Parlement européen a obtenu un calendrier qui prévoit une obligation d'engagement et non de résultats. Mais, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, nous allons pouvoir nous atteler à la recherche de solutions et à la formulation de propositions.
Bien sûr qu'existent des divergences avec les États du Nord, la Hongrie ou la Pologne, qui ne sont pas sur la même ligne que la France et l'Italie. Mais c'est à nous de faire avancer les choses ! Aussi le groupe Mouvement démocrate (Modem) et démocrates apparentés soutient-il le texte. Pour le dire avec les mots de Sénèque, ce n'est pas parce que les choses nous paraissent difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles nous paraissent difficiles.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe Dem.
Je ne vais pas répéter les arguments que j'ai déjà présentés tout à l'heure. Je me contenterai donc de vous confirmer que, sans enthousiasme, le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte.
Je ne reprendrai pas moi non plus les arguments que j'ai développés il y a quelques minutes. J'indiquerai simplement que le groupe Agir ensemble votera évidemment en faveur de cet accord historique, …
… qui démontre, à travers ces 750 milliards d'euros d'emprunt destinés à soutenir la relance, que l'Europe a toute son utilité. Nous sommes face à un destin commun : si nous y faisons face ensemble, nous parviendrons à surmonter, très rapidement j'espère, la crise économique et sociale encore devant nous.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.
Il est normal que vous votiez ce texte. Que feriez-vous d'autre puisque aucun d'entre vous n'imagine que l'on puisse, d'une quelconque manière, sortir des traités actuels qui nous ont conduits jusqu'à cette situation ? Mais il est normal que je vote contre…
… puisque, pour ma part, et avec les membres du groupe La France insoumise, nous croyons à une autre voie pour le destin commun des peuples européens, laquelle nécessite une rupture avec les logiques auxquelles nous sommes soumis. Ne croyez pas, chers collègues, que vous allez faciliter les choses.
Lorsqu'un événement aussi extraordinaire que cette pandémie se produit, creusant dans les budgets de tous les États des gouffres nouveaux de dette et de manque à gagner, lorsque, partout, les peuples perçoivent la conséquence du démantèlement de leur État au profit d'un marché qui devait, paraît-il, en prendre la relève mais qui ne le fit nulle part, une décision qui n'est pas à la hauteur n'est pas une bonne décision.
En effet, 790 milliards d'euros, ce n'est rien par rapport aux sommes déjà injectées. Et qu'on ne vienne pas sans cesse affirmer que c'est mieux que rien parce que c'est déjà un petit peu. C'est avec cette logique qu'à petits pas on s'approche du néant que ces petits riens nous dessinent. J'essaie de le faire entendre et j'admets que je ne vous convaincrai pas – je ne m'y attends en tout cas pas pour aujourd'hui. Cependant, je voudrais qu'on entende le raisonnement alternatif à ce qui nous est proposé.
Je trouve en particulier extraordinaire qu'on n'ait pas, à cette occasion, posé la question du paiement de la « dette covid », comme l'a fait tout à l'heure, si ma mémoire est bonne, notre collègue du groupe Les Républicains. La Banque centrale européenne ne fournit pas de contreparties à la monnaie qu'elle émet. Elle calcule cette émission d'après le total des biens produits par l'Union européenne. Et si l'émission d'euros excédait la production, on devrait constater de l'inflation.
La Banque centrale européenne a décidé, contre l'avis des États européens les plus importants, un programme d'intervention dont il faut la féliciter, quelles que soient les réserves que l'on peut par ailleurs nourrir contre cette banque et son statut. Et pour ces 2 800 milliards d'euros, c'est-à-dire le total de la production intérieure française, injectés dans le système, même pas un point d'inflation n'est apparu. Cela signifie que tout cet argent est parti dans la sphère financière ; pour autant, il existe, il est là, il circule, comme les millions de dollars qui ne correspondent à aucune contrepartie matérielle.
Dès lors, l'annulation de la « dette covid » par la Banque centrale ne volerait pas un euro à qui que ce soit.
Je parle bien de la dette détenue par la BCE : 20 % de la dette française se trouve dans les coffres de la Banque centrale. Si cette somme était gelée, ce que la Banque centrale peut faire avec le même instrument qui lui permet d'injecter de l'argent sans demander de contreparties à quelque banque que ce soit, nous serions soulagés de 20 % de notre dette et il n'en coûterait pas un euro à la BCE ou à qui que ce soit. Et vous n'auriez même pas un point d'inflation parce que la somme qui serait engagée de cette manière ne produirait pas non plus d'inflation. Par conséquent, la grande discussion sur la dette devra avoir lieu un jour ou l'autre.
Ne me dites pas que la seule réponse est qu'il faut payer. Si nous faisions cela, nous en prendrions pour un siècle. On ne peut pas dire au pays et aux États que nous ne reconstruirons plus les services publics parce que nous payons la dette. C'est absurde. Lorsque cette situation s'est présentée, par exemple en Allemagne au sortir de la guerre, on a préféré annuler la dette plutôt que de continuer à exiger des remboursements. Je le redis, il est nécessaire que les Français, qui en ont le poids et la force, mettent sur la table cette discussion. Admettez au moins qu'elle puisse avoir lieu et que nous puissions échanger des arguments et, le cas échéant, nous convaincre les uns les autres.
Je mets au défi quiconque de me dire comment et dans combien de temps nous arriverons à rembourser des sommes aussi colossales alors que nous n'en avons pas les moyens et que nous le savons. Le gouvernement italien s'est le premier avancé pour dire que cette part de la dette ne devait pas être remboursée.
Nous verrons bien, c'est l'histoire qui le dira, …
… mais prenez les peuples à la gorge et vous connaissez le résultat d'avance. Vous voyez ce qu'il se passe déjà contre les confinements, alors imaginez ce que ce sera contre la dette.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Murmures ennuyés sur les bancs du groupe LR.
Vous avez été très patients en écoutant Jean-Luc Mélenchon démontrer qu'il était possible de faire autrement que d'emprunter ces sommes. Avant de parler de ressources propres, nous pensons qu'il faut se pencher sur l'utilité de l'Union européenne, telle qu'elle est, pour les peuples, ainsi que sur l'austérité à perpétuité mise en place par les critères de Maastricht, qui d'ailleurs explosent avec la crise. Vous faites « oui » de la tête, monsieur le secrétaire d'État, mais, sans cette crise, vous continueriez à nous expliquer qu'il n'était pas possible de faire autrement que l'austérité à perpétuité.
Le déverrouillage de ces critères est une bonne chose : au moins les gens vont-ils pouvoir s'intéresser à ce sujet et ne plus obéir à votre diktat de l'austérité.
Après l'affaiblissement des services publics sous l'injonction des critères de Maastricht, la fermeture de lits d'hôpitaux, de classes et d'autres services publics indispensables, nous espérons que le peuple français exigera, au sortir de la crise, la réouverture de services publics, d'hôpitaux là où il en manque et de lits dans les hôpitaux pour affronter de nouvelles crises sanitaires potentielles. On verra si vous nous objecterez que les critères européens nous empêchent d'agir.
Les accords de libre-échange détruisent les emplois, l'agriculture et la planète, aucune lutte n'est menée contre les paradis fiscaux au sein de l'Union européenne, le gouvernement d'Édouard Philippe a oublié les ports français dans les corridors européens, ce qu'il a fallu rattraper, et, dans le domaine de l'énergie, le sacrifice des installations françaises, au premier rang desquelles se trouve la centrale thermique du Havre que l'on pouvait verdir, au profit du marché énergétique européen – ce qui nous conduit, comble de l'absurde, à acheter de l'électricité carbonée à l'Allemagne : voilà cette Europe !
Plus largement, nous oublions les enjeux nationaux au profit des enjeux européens : il faut se pencher sur tous ces sujets comme sur la négation du résultat du référendum de 2005 en France sur le traité constitutionnel, qui a été rejeté.
Parce que les députés communistes restent fidèles au choix du peuple en 2005, peuple qui n'a plus jamais été consulté sur les questions européennes depuis quinze ans, nous voterons contre ce projet.
Nous voterons également contre ce texte, car il n'est pas amendable et ne peut pas être co-construit : il est à prendre ou à laisser. Beaucoup parmi vous ont dit du bout des lèvres qu'ils voteraient en faveur de ce texte, mais ils pensaient à son côté négatif qu'ils ne pouvaient pas corriger. Nous voterons contre ce texte, pour toutes ces raisons et pour bien d'autres.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 222
Nombre de suffrages exprimés 204
Majorité absolue 103
Pour l'adoption 188
Contre 16
L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de Mme Laëtitia Romeiro Dias, M. Loïc Dombreval, M. Dimitri Houbron et plusieurs de leurs collègues visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale (nos 3661 rectifié, 3791).
La parole est à M. Loïc Dombreval, rapporteur général au nom de la commission des affaires économiques et rapporteur pour le chapitre Ier.
Je souhaite adresser avant tout un message de gratitude sincère et de remerciements chaleureux à toutes celles et ceux qui font avancer la condition animale dans notre pays : ministres ici présents, collègues parlementaires et élus locaux, associations de protection animale et leurs fantastiques bénévoles, journalistes, juristes, intellectuels, artistes, sportifs et j'en oublie.
J'adresse également ce message à mes deux corapporteurs et aux administratrices de l'Assemblée nationale qui ont fait un travail exceptionnel en un temps record.
L'animal de compagnie partage nos vies, nous fait rire et jouer, et il est parfois la seule présence accompagnant nos aînés en fin de vie. L'animal de production nous nourrit et nous habille. L'animal d'expérimentation permet de développer des médicaments efficaces pour nous soigner. L'animal sauvage et sa liberté nous font rêver et participent étroitement aux équilibres indispensables de nos écosystèmes. Pour tous les services qu'ils nous rendent, nous leur devons à tous respect et humanité. Pourtant, on a souvent le sentiment que l'attention aux conditions de vie des animaux est une cause qui n'est pas digne d'un débat au Parlement, alors que ce sujet éminemment transpartisan n'est ni une lubie d'urbains en mal de nature ni une mode passagère, mais un sujet dorénavant irréversiblement politique.
Il faut souligner que nous partons de loin, avec Descartes et sa conception de l'animal-machine dénué de toute sensibilité. Cette idée a durablement marqué la conception occidentale de l'animal et a occulté une tradition philosophique très vivace, issue de l'Antiquité, qui souligne la responsabilité morale des humains vis-à-vis des animaux, être vivants sensibles, plus faibles et sans voix, qui peuvent souffrir.
La crise sanitaire que nous traversons nous a rappelé à quel point nous étions biologiquement liés aux différentes espèces animales qui nous entourent. Elle nous invite à repenser notre rapport avec le vivant et conduit notre démocratie à s'interroger collectivement sur les liens que nous souhaitons établir avec lui. Les animaux ne sont certainement pas des citoyens ; en revanche, la manière dont nous les considérons engage directement notre dignité et notre humanité.
Montaigne, Diderot, Voltaire, Rousseau, Lamartine, Hugo, Schoelcher, Zola sont autant de défenseurs de la cause animale. Ils lient progrès humain et considération pour ceux que l'historien Michelet désignait comme des « frères inférieurs ». Alors pourquoi a-t-on le sentiment que l'attention aux conditions de vie des animaux, y compris celles des animaux de compagnie qui partagent pourtant le quotidien de plus d'un foyer sur deux, ne serait pas digne d'un débat sérieux au Parlement ? J'espère, chers collègues, que nous renverrons avec responsabilité une tout autre image.
Nombre de nos voisins européens sont allés beaucoup plus loin que nous ces dernières années. Au Royaume-Uni, en Suisse, en Italie, en Wallonie ou en Allemagne, les législations relatives au bien-être animal sont bien plus développées. Or c'est toujours la loi qui a permis des avancées en la matière, avec l'idée historique sous-jacente que l'encadrement de l'action de l'homme envers l'animal était un moyen d'améliorer l'homme lui-même.
Il aura fallu 165 ans, depuis la loi Grammont de 1850 qui punissait les actes de maltraitance exercés en public sur un cheval, pour que l'animal soit enfin reconnu, en 2015, comme un « être vivant doué de sensibilité » par le code civil, qui précise, comme pour s'excuser, qu'il reste soumis au régime des biens. L'animal se trouve donc en lévitation juridique : il est un être vivant sensible qui reste malgré tout une chose. Et encore, songez que donner volontairement la mort à un animal n'est puni que d'une contravention de cinquième classe, quand porter atteinte aux biens d'autrui l'est de trois ans de prison et de 45 000 euros d'amende. Un chien ne vaut pas un bien.
La mission gouvernementale centrée sur le bien-être des animaux de compagnie et des équidés qui m'a été confiée en 2020 a été l'occasion, alors que son périmètre était resserré, de mesurer l'ampleur du travail à accomplir pour améliorer les conditions de vie des chiens, des chats et des chevaux.
Le texte dont nous allons débattre contient d'immenses avancées, saluées par de nombreuses associations de protection animale : certificat de sensibilisation, stérilisation des chats errants, encadrement de la vente sur internet, renforcement des sanctions pénales, stage de sensibilisation pour les maltraitants, fichier des interdits de détenir un animal, levée du secret professionnel pour les vétérinaires, mandat de protection future pour s'assurer de la garde et des soins pour son animal en cas d'empêchement, fin de la détention de la faune sauvage dans les cirques et delphinariums, fin de l'élevage de visons. Chers collègues, voilà une loi précise, centrée et réaliste, qui va concrètement améliorer les conditions de vie de certains animaux et qui, pour cette raison, ira au bout du parcours législatif pour être votée définitivement et appliquée dans notre pays.
J'évoquais, au début de ma prise de parole, différents textes qui avaient pour projet d'améliorer la prise en compte de la sensibilité animale. Aucun n'a traité tous les sujets concernant les animaux, aucun n'a été considéré comme allant assez loin, tous ont été critiqués pour cela. Pourtant, chacun sur ces bancs est fier de ces textes, car ils représentent des étapes marquantes. On connaît la destinée des lois qui veulent aller loin, très loin, tellement loin qu'elles ne sont jamais votées et ne débouchent sur aucune avancée. Celui qui veut trop embrasser l'animal, souvent mal l'étreint.
Ce texte doit nous rassembler, car il répond concrètement à de vrais problèmes. Il est loin de céder à la sensiblerie, loin de déifier l'animal ou de fustiger les professionnels. Il nous pousse seulement à abandonner une conception anthropocentriste des espèces et de la nature. Je vous demande donc, ni plus ni moins, de considérer le texte qui vous est soumis comme une nouvelle étape marquante d'un progrès indéniable. Je vous invite, avec passion et avec raison, à voter en faveur de ce texte.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
La parole est à M. Dimitri Houbron, rapporteur de la commission des affaires économiques pour le chapitre II.
Je veux d'abord adresser mes remerciements sincères à mes collègues, à Diane Boucher et Inès Fauconnier, administratrices de la commission des affaires économiques, pour leur aide précieuse durant tout l'examen de la proposition de loi, mais aussi à mon collaborateur Pierre Pavy pour son soutien depuis des années sur le sujet très particulier de la lutte contre la maltraitance animale.
Au cours de la soirée du 24 avril 2020, dans le Finistère, un quadragénaire a tué brutalement trois chatons appartenant à son gendre. La justice l'a condamné à trois mois de prison avec sursis et à cinq ans d'interdiction de détenir un animal.
Voilà un exemple récent des comportements que la proposition de loi vise à sanctionner. Pour se convaincre de l'ampleur du phénomène, il suffit de lire la presse quotidienne, qui regorge d'histoires épouvantables. L'imagination des hommes dans la cruauté semble sans limite. Des milliers d'animaux sont maltraités chaque jour en France, avec, pour beaucoup d'entre eux, au bout de la barbarie, la mort. Rappelons ici les mots de Ghandi : « J'estime que moins une créature peut se défendre, plus elle a le droit à la protection de l'homme contre la cruauté humaine. »
La proposition de loi et plus précisément son chapitre II dont je suis rapporteur se concentrent sur les maltraitances infligées quotidiennement à ces animaux que l'on appelle « de compagnie », maltraitances d'autant plus indignes que ces animaux, par définition, n'ont qu'une vocation : partager nos vies.
Selon un rapport récent de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, de plus en plus de personnes sont mises en cause en France pour des faits de maltraitance ou d'abandon d'un animal domestique. Entre 2016 et 2018, 4 401 personnes ont ainsi été incriminées. Leur nombre a connu une augmentation de 29 % pendant la période. Paradoxalement, le nombre de personnes finalement condamnées pour des actes de cruauté sur un animal domestique reste faible. En 2017, seules 110 condamnations ont été rendues. Pendant cette même période, 32 % des condamnés ont écopé d'amendes, 23 % d'une mesure alternative et 16 % d'une peine de prison ferme.
La reconnaissance officielle aux animaux de la qualité d'êtres vivants doués de sensibilité a permis, en 2015, d'augmenter quelque peu les condamnations, sans pour autant révolutionner notre système judiciaire. Actuellement, les sévices graves sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Les sanctions encourues, trop faibles, sont peu dissuasives et ne sont pas à la hauteur des horreurs que les tribunaux ont à juger. Par comparaison, un acte de vandalisme sans danger pour les personnes sur un bien appartenant à autrui est également puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Certes, comparaison n'est pas raison, mais le fait que des peines identiques soient prévues pour la dégradation d'un bien et les actes de barbarie infligés à un être vivant interroge sur les valeurs que notre société entend promouvoir.
L'un des principes essentiels du droit pénal est celui de l'individualisation de la peine, qui permet au juge d'adapter la sanction en fonction de la personnalité du délinquant et des circonstances de l'affaire. À l'heure actuelle, le plafond des peines encourues pour les actes de cruauté et les sévices graves sur les animaux est si bas que les juges disposent d'une faible marge de manoeuvre face à la diversité des cas de maltraitance, chacun ayant sa spécificité.
C'est pourquoi l'article 8 renforce les sanctions et les peines applicables aux personnes coupables d'actes de cruauté et de sévices graves, faisant de la mort de l'animal une circonstance aggravante au moment de l'appréciation des faits par le juge. L'aggravation des peines prévue par la proposition de loi rendra mieux compte du caractère odieux de l'infraction et donnera au juge pénal une plus large marge de manoeuvre en matière de peines, qui lui permettra notamment de sanctionner plus lourdement les actes les plus barbares.
L'article 9, quant à lui, crée un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale à destination des personnes condamnées.
Autre avancée importante du texte, l'article 10 étend la peine complémentaire d'interdiction de détention d'un animal à toutes les peines liées à la maltraitance, à l'atteinte volontaire à la vie et aux mauvais traitements infligés sans nécessité. Pour s'assurer du respect de l'interdiction et sanctionner le condamné qui s'y soustrait, il est indispensable que cette peine s'accompagne d'un réel suivi. À défaut d'un véritable contrôle, la peine d'interdiction de détenir un animal n'est finalement qu'une chimère. Pour donner du sens à la sanction pénale, la commission a donc adopté un amendement des rapporteurs prévoyant la création d'un fichier national recensant les personnes condamnées à une interdiction de détenir un animal. Ainsi, nous faciliterons le contrôle du respect de cette mesure.
Enfin, au-delà de sanctionner plus lourdement les sévices sexuels, l'article 11 réprime la production, la mise à disposition, la diffusion et la consultation d'images zoopornographiques. Un amendement de ma collègue Sophie Beaudouin-Hubiere adopté en commission, que je vous proposerai de renforcer en séance publique, vise à lutter contre le phénomène des petites annonces sur internet proposant des rapports sexuels avec des animaux.
Voilà, mes chers collègues, ce que vise le chapitre II de la proposition de loi. Le moment est important pour nombre de nos concitoyens. Face à un tel enjeu sociétal, il nous fallait agir, alors agissons ensemble ! Notre avenir peut échapper à notre vision, mais il n'est pas totalement indépendant de notre volonté. Cet avenir, c'est l'impulsion façonnée de notre société. Ce n'est ni le destin, ni la nature, ni les marées irrésistibles de l'histoire, ni le travail de nos propres mains.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
La parole est à Mme Laëtitia Romeiro Dias, rapporteure de la commission des affaires économiques pour les chapitres III et IV.
Les chapitres III et IV du texte, dont j'ai la charge, posent la question de la compatibilité entre les impératifs biologiques des animaux sauvages et les conditions de vie qui sont les leurs en captivité. Le code rural et de la pêche maritime dispose que tout animal étant un être sensible, il doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. Or nous faisons le constat que certaines situations sont absolument incompatibles avec cet objectif.
La proposition de loi vise les cas les plus frappants et les plus insupportables. Les quelques images que nous avons tous en tête suffisent à les illustrer : un ours en laisse exhibé de ville en ville ; un dauphin qui se laisse mourir de faim dans un bassin ; un orque qui appelle au secours en tentant de tuer son dresseur ; une éléphante se balançant à longueur de journée, tête basse, témoignant d'une véritable détresse ; des visons élevés pour leur fourrure dans des cages trop petites, sans accès à l'eau, alors que celle-ci constitue leur élément naturel.
Non, la place d'un éléphant, d'un lion, d'un hippopotame, d'un singe ou d'un tigre n'est pas dans un cirque itinérant, enfermé dans une cage exiguë, transporté perpétuellement d'un bout à l'autre de la France pour être sans cesse exposé au public, au prix d'un stress insoutenable ! Le dire et l'affirmer n'enlèvent rien à l'amour des circassiens pour leurs bêtes, que je ne conteste absolument pas et que je salue au contraire. Le dire et l'affirmer ne signifient évidemment pas la mort du cirque. Il existe aujourd'hui de très nombreux cirques sans animaux qui proposent des spectacles magnifiques. La proposition de loi accompagne une évolution sociétale qui conduisait déjà un nombre croissant de cirques à renoncer aux animaux non domestiques.
Nous affirmons seulement que les conditions de détention en itinérance ne sont pas compatibles avec les besoins fondamentaux de ces animaux et qu'il faut y mettre fin, en accompagnant les cirques tant sur la question du placement des animaux que sur celle de la reconversion des capacitaires d'animaux de cirque et de spectacle.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, à l'article 12, d'interdire la détention, la reproduction et l'acquisition d'animaux sauvages en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. Ces dispositions, je le rappelle, ne concernent pas les établissements fixes, notamment les parcs zoologiques.
La place de ces animaux n'est pas non plus dans les discothèques ou sur les plateaux de télévision. Tel est l'objet de l'article 13 de la proposition de loi. Nous avons tous en tête ce petit lionceau amené dans la discothèque de Deauville, passant des heures sous la lumière des néons, les cris des danseurs, la musique assourdissante et à la merci de quiconque voulait le toucher.
Il en va de même pour les montreurs d'ours et de loups qui se produisent dans certaines fêtes médiévales ou dans certains marchés de Noël. Les animaux subissent de très longs trajets dans des remorques ou des camionnettes pour être exposés directement et brutalement devant le public. Nous proposons d'interdire cette pratique à l'article 14.
Il en va de même, enfin, pour les cétacés actuellement présents dans les delphinariums. Nous comptons en France quatre orques et vingt-neuf dauphins. Je reviendrai longuement, lors de la discussion des amendements, sur les raisons qui rendent cette interdiction urgente et indispensable. Je me contenterai de rappeler qu'il existe un consensus scientifique sur l'incompatibilité totale des impératifs biologiques de ces espèces avec la vie en bassin. Les orques parcourent 200 kilomètres par jour et plongent à des centaines de mètres de profondeur. Ils vivent en groupe et ont des interactions sociales complexes avec leurs congénères. Quant aux dauphins en captivité, certains d'entre eux vont jusqu'à renoncer à leur principal sens, le sonar, système très complexe qui leur permet de se déplacer et de trouver leur nourriture et qui, de toute évidence, n'a plus d'utilité dans un bassin.
En somme, dans le cas des cirques, des delphinariums, des montreurs d'ours, des émissions de télévision et des discothèques, ce sont des animaux diminués, adoptant des comportements qui expriment la soumission ou la souffrance, que nous proposons au public, constitué bien souvent d'enfants. Nous donnons donc aux jeunes générations une vision biaisée non seulement de ces espèces, mais aussi de ce que devrait être le rapport entre l'homme et la nature, un rapport fondé sur le respect et l'altérité.
Enfin, le chapitre IV et l'article 15 prévoient la fin de l'élevage de visons d'Amérique destiné à la production de fourrure. La loi accompagne une transition déjà à l'oeuvre. S'il existait trois cents élevages de ce type dans les années 1960, il n'en reste que quatre en 2020, dont l'un a dû abattre ses visons du fait d'une contamination à la covid-19. Cette disposition correspond elle aussi à une demande citoyenne. Je rappelle que 91 % de nos concitoyens estiment nécessaire d'interdire ce type d'élevage. La peau d'un animal n'a pas sa place comme accessoire de mode en sac à main ou en manteau.
Mes chers collègues, les amendements déposés par l'ensemble des députés, quel que soit leur groupe politique, soulignent combien cet enjeu dépasse les clivages politiques habituels. Nos débats engagent non seulement l'avenir des animaux concernés, celui des personnes qui en ont la charge et que nous devons accompagner, mais aussi la conception de notre société du rapport entre l'homme et la nature, incarnée ici par les animaux sauvages.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je relisais il y a quelques instants, avant de monter à la tribune, une citation très connue attribuée à Gandhi : « On peut juger de la grandeur d'une nation et de ses progrès moraux par la façon dont les animaux y sont traités. » Ce que nous devons décider aujourd'hui, ce sont les normes que nous nous donnons. Au fond, c'est bien à cette question que nous répondons. Car le droit et les lois sont toujours le miroir d'une société, une photographie à un « instant t » de son système de valeurs collectives. Or ces valeurs changent et évoluent.
L'animal sauvage n'est plus une menace ou une proie : il est un être sensible, à préserver et à respecter. Ce nouveau rapport à l'animal sauvage est le fruit d'années de mobilisation et d'une prise de conscience de notre responsabilité collective à l'égard de la nature et de notre place en son sein. Ce nouveau rapport à l'animal sauvage est la marque d'une société qui progresse et qui refuse de conserver ses habitudes au nom du poids des traditions.
Je n'oublie pas l'implication des parlementaires depuis le début du quinquennat pour traduire en actes cette prise de conscience collective. Il est de ma responsabilité, de notre responsabilité, de traduire ce progrès dans notre réglementation, de répondre au vent de changement qui souffle sur notre société et de nous hisser à un nouveau standard.
En septembre dernier, j'ai pris la décision d'ouvrir une nouvelle ère s'agissant de la place que nous accordons aux animaux sauvages dans la société. Cette décision, je ne l'ai pas prise à la légère. Je sais que les femmes et les hommes qui soignent et veillent sur ces animaux les voient parfois comme des membres de leur famille. J'ai eu l'occasion de discuter longtemps avec eux et je sais que la profession qu'ils exercent est bien plus qu'un métier. Pour celles et ceux, dans les cirques ou dans les delphinariums, qui ont construit leur vie autour des animaux, ce sont souvent des histoires de famille, commencées il y a plusieurs générations. Je veux ici leur redire mon respect et mon engagement à ne jamais les laisser de côté.
C'est donc en conscience et en responsabilité que j'ai annoncé, au mois de septembre, la fin progressive de la présence de faune sauvage dans les cirques itinérants, la fin de la présence d'orques et de dauphins dans les delphinariums et la fin des élevages de visons d'Amérique pour leur fourrure en France. Nous aurions pu mettre en oeuvre ces décisions par voie réglementaire, mais je suis très heureuse que les députés de la nation s'en saisissent et y ajoutent leurs propres apports, notamment dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques. Cela traduit le rôle moteur de la représentation nationale sur ce sujet. Je tenais donc à être avec vous aujourd'hui.
Votre proposition de loi est pour moi une preuve supplémentaire que notre époque change, que notre société évolue et que les Françaises et les Français veulent décider démocratiquement de ces sujets majeurs. C'est aussi la démonstration que nous sommes nombreux à sentir ce changement de société et à vouloir prendre nos responsabilités pour l'accompagner. Je m'en réjouis !
À présent, tout l'enjeu est de transformer l'essai en matérialisant ces décisions et en les faisant vivre sur le terrain ; il s'agit d'avancer concrètement avec les professionnels, car les changements entraîneront des conséquences sur leurs vies – d'avancer avec eux, et non contre eux. Voilà ce à quoi nous travaillons actuellement. Au printemps, nous lancerons une consultation sur les décrets d'application relatifs aux élevages de visons, aux delphinariums et aux mesures d'interdiction visant les cirques itinérants, ainsi que sur leur date d'application. Mon ambition est d'avoir finalisé les textes réglementaires à la sortie de l'été : certains diront que c'est trop long, comme toujours, mais je crois au contraire que c'est extrêmement rapide pour un changement de cette ampleur, d'autant que la crise touche durement nombre des acteurs avec lesquels nous allons travailler.
Nous prenons donc le temps de mener ce méticuleux travail de concertation, d'entrer dans le détail, d'aller au fond des choses, car c'est la seule manière de s'assurer que les interdictions donneront aux animaux un avenir meilleur. Je ne crois pas aux décisions qui tombent d'en haut, c'est pourquoi la transition que je défends est une affaire de dialogue, d'écoute, de respect et d'accompagnement.
On m'a beaucoup interrogée sur l'accompagnement financier de ces décisions. En septembre dernier, j'ai annoncé la mobilisation de 8 millions d'euros par l'État : évidemment, tout le monde est bien conscient qu'il ne saurait s'agir que d'un début. Mais là encore, déterminer les sommes que l'État devra mobiliser nécessite un travail entre les ministères, les professionnels et les autres acteurs qui pourront les accompagner. Former les professionnels à de nouveaux métiers, trouver des refuges pour les animaux et les créer si des lieux d'accueil n'existaient pas : autant d'actions à prévoir, pour lesquelles l'État sera au rendez-vous.
Vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, le cap est fixé. Nous allons désormais avancer progressivement vers la fin de la présence d'animaux issus d'espèces sauvages dans les cirques itinérants, car les conditions de l'itinérance ne sont pas compatibles avec le bien-être des espèces concernées. Les circassiens, les montreurs d'ours, les dresseurs de loups, pourront compter sur l'État pour les accompagner dans cette transformation : nous soutiendrons la reconversion des cirques vers d'autres types de spectacles et vers des structures fixes ; nous offrirons à tous ceux qui souhaitent se diriger vers d'autres métiers, la formation dont ils ont besoin. Je sais combien ces femmes et ces hommes sont riches de compétences et d'imagination.
Nous avançons également s'agissant des delphinariums. Je sais que les responsables de ces établissements font le maximum pour la qualité de vie de leurs animaux, mais nous ne pouvons plus ignorer la réalité : les études montrent que les orques et les dauphins ont conscience de leur captivité, car leur comportement naturel ne peut être reproduit hors de l'océan. Nous interdirons donc l'ouverture de tout nouveau delphinarium. Quant aux trois que compte actuellement notre pays, il leur sera interdit d'introduire tout nouvel animal. Enfin, nous devons étudier la possibilité de créer un sanctuaire pour les animaux actuellement en captivité : bien entendu, définir collectivement ce que nous souhaitons mettre derrière ce terme ne se fera pas en quelques jours. Cela demande des efforts de long terme, mais nous y travaillons, avec des femmes et des hommes qui aiment leurs animaux et leur métier. Je le répète : nous nous engageons à être à leurs côtés.
Enfin, je crois qu'à notre époque, nous ne pouvons plus tolérer que des visons soient élevés et abattus uniquement pour se retrouver sur des vêtements. Là encore, nous serons aux côtés des trois éleveurs français concernés. Je sais qu'un amendement du Gouvernement sur ce sujet a pu susciter des interrogations. J'avais annoncé la fin des élevages de visons d'Amérique en France, et je suis heureuse de voir que vous soutenez cette décision. Sur ce sujet, ma conviction n'a pas changé : ces élevages doivent fermer. Seulement, nous avions annoncé aux professionnels une fermeture sous cinq ans : ainsi, l'amendement vise simplement à mettre la loi en conformité avec cette annonce. Cependant, le débat parlementaire vivra, et nous appliquerons bien entendu la date que vous choisirez d'inscrire dans la loi.
Le pays prend un véritable tournant, progressivement – car je tiens à ce que nous ayons le temps d'accompagner chacune et chacun – , mais assurément ; un tournant qui reconnaît notre histoire et notre patrimoine, tout en acceptant de changer. Demain comme hier, les enfants de France iront au cirque ; ils y vivront la même magie et le même rêve, même sans animaux sauvages. Ils grandiront dans un pays où le bien-être de ces animaux et la dignité de la société seront renforcés.
Ces décisions n'achèvent pas l'histoire, elles ouvrent une nouvelle page, à écrire avec toutes les bonnes volontés. C'est mon engagement et celui du Gouvernement : ce sera le vôtre également, si vous adoptez cette proposition de loi, au contenu aussi ambitieux que le travail que les rapporteurs et les groupes de la majorité, que je salue, ont accompli.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.
Je suis heureux que la lutte contre la maltraitance animale trouve sa place et puisse être discutée dans l'hémicycle : nous sommes tous concernés, et une écrasante majorité de nos concitoyens considère d'ailleurs que nous devons aller plus loin en la matière. Traiter de cette question était donc très attendu.
Permettez-moi tout d'abord de remercier chaleureusement celles et ceux qui, sur ces bancs et au-delà, travaillent sur ce sujet avec conviction et sincérité, parfois depuis plusieurs années. À ce titre, je tiens à remercier tout particulièrement les trois rapporteurs et à avoir un mot pour les autres députés très engagés, comme Aurore Bergé et tant d'autres, qui siègent au sein de la majorité présidentielle comme dans les oppositions. En effet, je sais que de nombreux parlementaires des oppositions se sont beaucoup impliqués dans ce domaine. La qualité des débats en commission a d'ailleurs montré qu'il existait, au-delà des clivages partisans, de nombreuses convergences de vues en la matière.
Nous débattons d'une question de société majeure, qui n'est d'ailleurs pas nouvelle. Comme je le disais tout à l'heure en répondant à Claire O'Petit, de grands philosophes, …
… des esprits de lettres et de sciences, ont évoqué et questionné, depuis des siècles, la relation de la société humaine avec les animaux vivants, en particulier les animaux domestiques. Kant, Vinci, Diderot, Hugo : tous se sont interrogés sur la relation de notre société avec les animaux de compagnie.
Mais, à la différence des pays anglo-saxons, la France a pris beaucoup de retard sur ce sujet. Cela explique également qu'elle reste mauvaise élève, notamment en matière d'abandon des animaux de compagnie, alors que le rapport de la société aux animaux de compagnie a beaucoup évolué au fil des siècles, connaissant parfois des tournants, pour devenir un sujet fortement débattu au XXIe siècle. Bien sûr, les termes du débat sont parfois mal posés, ce qui entraîne des amalgames. Ainsi, confondre lutte contre la maltraitance et bien-être peut générer des incompréhensions qui, bien souvent, mènent dans des impasses. Or, si le bien-être des animaux s'accompagne, la maltraitance, elle, se condamne et se combat. C'est d'ailleurs bien de cela dont nous allons parler cette semaine, avec une forte volonté de sensibiliser, d'accompagner et, lorsque cela est nécessaire, de sanctionner.
Le combat contre l'abandon des animaux de compagnie et des équidés nous réunit aujourd'hui ; il s'agit d'un combat commun et transpartisan, fondé sur des valeurs partagées. Un animal n'est ni un jouet, ni un bien consommable : en devenir propriétaire entraîne des responsabilités. Qui, dans notre pays, peut accepter que plus de 100 000 animaux de compagnie soient abandonnés chaque année ? Les associations nous ont d'ailleurs indiqué qu'il y en avait bien plus de 100 000. Pour vous donner un ordre d'idée, près de 800 000 animaux de compagnie sont achetés ou adoptés chaque année. Cela veut donc dire qu'en France, il y aurait un animal abandonné pour huit adoptés ou recueillis !
Derrière ces chiffres se cachent des chiens abandonnés sur une aire d'autoroute, sur la route des vacances, des chats laissés dans un ancien domicile à la faveur d'un déménagement, la porte soigneusement fermée derrière soi, ou encore des équidés subissant d'odieux sévices, comme nous l'avons constaté ces derniers mois. Quelle que soit la raison justifiant ces actes, elle n'est pas acceptable. Ce n'est pas ma conception, ce n'est pas la conception que nous avons collégialement du progrès dans une société.
Comme je le disais, un animal de compagnie est une responsabilité : c'est bien vers cette prise de conscience individuelle que nous devons collectivement aller, car si la responsabilité est individuelle, la lutte contre la maltraitance est forcément l'affaire de tous ! À nous, désormais, d'aller au-delà des slogans et des invectives pour trouver des solutions réalistes, applicables et, surtout, efficaces. À nous de trouver ensemble, dans l'hémicycle, les bons curseurs.
Nous ne partons pas d'une page blanche : comme le rappelait Loïc Dombreval, la notion d'être vivant doué de sensibilité a déjà été introduite dans le code civil, mais cette insertion est récente par rapport aux pays anglo-saxons. N'oublions donc pas que l'animal de compagnie était récemment considéré, du point de vue de la classification juridique, comme un bien meuble ou immeuble. Il faut évidemment aller plus loin et agir concrètement avec pragmatisme.
Ainsi, lutter contre l'abandon des animaux de compagnie, c'est avant tout identifier le plus en amont possible les causes amenant les propriétaires à se séparer de leurs animaux. Malheureusement, l'abandon est souvent le reflet d'un achat – ou d'une adoption – impulsif et d'un manque de conscience des responsabilités que la détention d'un animal de compagnie implique : il faut en effet le nourrir et s'en occuper. Il est donc essentiel de sensibiliser davantage nos concitoyens. La lutte contre les achats impulsifs doit figurer en tête de nos priorités : c'est tout le sens du certificat de sensibilisation, dont vous proposez la création et que je soutiens pleinement. Je souhaite également que la vente d'animaux de compagnie soit mieux encadrée.
Au-delà de la sensibilisation, il convient d'accompagner ceux qui agissent : les animaux domestiques maltraités et abandonnés sont recueillis par des refuges et des associations qui effectuent un travail formidable : je tiens à saluer solennellement, devant la représentation nationale, l'engagement de tous ces professionnels et bénévoles dévoués, partout dans le pays.
Ces organismes sont essentiels pour appliquer les politiques publiques liées à la lutte contre la maltraitance animale. Comme vous, j'ai beaucoup échangé avec eux. Je le dis clairement : ils n'ont pas été suffisamment soutenus, en particulier par le ministère dont je suis chargé. C'est pour cela qu'avec le Premier ministre, nous avons décidé, dans le cadre du plan de relance, de flécher 20 millions d'euros vers les structures d'accueil. Ces fonds permettront également de mener des campagnes de stérilisation des animaux errants et de faciliter l'accès aux soins vétérinaires pour les plus démunis, ce qui est très important. D'ailleurs, les dizaines de dossiers reçus quelques semaines après l'ouverture des crédits prouvent combien ces derniers étaient nécessaires. Permettez-moi de remercier les vétérinaires, qui oeuvrent avec nous sur les différentes facettes de l'accompagnement des animaux de compagnie.
Enfin, quand la sensibilisation et l'accompagnement ne suffisent pas, il faut sanctionner. Je le disais, la maltraitance doit être condamnée – nous avons déjà eu l'occasion d'en parler à de multiples reprises. Des avancées ont eu lieu en commission et certains amendements déposés pour la séance publique vont également dans le bon sens.
Je pense sincèrement que, sur un tel sujet, nous devons avancer avec méthode. Dans notre pays, l'évaluation du nombre d'abandons d'animaux de compagnie relève trop souvent d'estimations : on parle de plus de 100 000 animaux abandonnés chaque année, mais ils sont probablement beaucoup plus nombreux. Afin de disposer d'outils de suivi performants, nous avons décidé de financer la création d'un observatoire de la protection animale des carnivores domestiques, qui devrait voir le jour d'ici à 2022. En effet, une politique ambitieuse exige connaissances et suivi : certaines associations ont déjà pris cette voie, sur laquelle nous devons les accompagner et aller plus loin.
En commission, toutes les mesures contenues dans la proposition de loi ont fait l'objet d'un dialogue riche avec le Gouvernement. Les échanges ont permis l'ajout de dispositions qui, pour certaines, manquaient peut-être : certificat de sensibilisation, identification de nouveaux acteurs chargés du contrôle et de l'identification des animaux de compagnies, ou renforcement des sanctions. Les échanges ont également permis de mieux expliquer certaines dispositions. Je ne doute pas que les débats en séance publique se dérouleront dans la même sérénité et avec la même sincérité et volonté d'avancer ensemble et de répondre aux attentes de notre société d'une meilleure prise en considération du bien-être des animaux domestiques.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra