Les chapitres III et IV du texte, dont j'ai la charge, posent la question de la compatibilité entre les impératifs biologiques des animaux sauvages et les conditions de vie qui sont les leurs en captivité. Le code rural et de la pêche maritime dispose que tout animal étant un être sensible, il doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. Or nous faisons le constat que certaines situations sont absolument incompatibles avec cet objectif.
La proposition de loi vise les cas les plus frappants et les plus insupportables. Les quelques images que nous avons tous en tête suffisent à les illustrer : un ours en laisse exhibé de ville en ville ; un dauphin qui se laisse mourir de faim dans un bassin ; un orque qui appelle au secours en tentant de tuer son dresseur ; une éléphante se balançant à longueur de journée, tête basse, témoignant d'une véritable détresse ; des visons élevés pour leur fourrure dans des cages trop petites, sans accès à l'eau, alors que celle-ci constitue leur élément naturel.
Non, la place d'un éléphant, d'un lion, d'un hippopotame, d'un singe ou d'un tigre n'est pas dans un cirque itinérant, enfermé dans une cage exiguë, transporté perpétuellement d'un bout à l'autre de la France pour être sans cesse exposé au public, au prix d'un stress insoutenable ! Le dire et l'affirmer n'enlèvent rien à l'amour des circassiens pour leurs bêtes, que je ne conteste absolument pas et que je salue au contraire. Le dire et l'affirmer ne signifient évidemment pas la mort du cirque. Il existe aujourd'hui de très nombreux cirques sans animaux qui proposent des spectacles magnifiques. La proposition de loi accompagne une évolution sociétale qui conduisait déjà un nombre croissant de cirques à renoncer aux animaux non domestiques.
Nous affirmons seulement que les conditions de détention en itinérance ne sont pas compatibles avec les besoins fondamentaux de ces animaux et qu'il faut y mettre fin, en accompagnant les cirques tant sur la question du placement des animaux que sur celle de la reconversion des capacitaires d'animaux de cirque et de spectacle.
C'est la raison pour laquelle nous proposons, à l'article 12, d'interdire la détention, la reproduction et l'acquisition d'animaux sauvages en vue de les présenter au public dans des établissements itinérants. Ces dispositions, je le rappelle, ne concernent pas les établissements fixes, notamment les parcs zoologiques.
La place de ces animaux n'est pas non plus dans les discothèques ou sur les plateaux de télévision. Tel est l'objet de l'article 13 de la proposition de loi. Nous avons tous en tête ce petit lionceau amené dans la discothèque de Deauville, passant des heures sous la lumière des néons, les cris des danseurs, la musique assourdissante et à la merci de quiconque voulait le toucher.
Il en va de même pour les montreurs d'ours et de loups qui se produisent dans certaines fêtes médiévales ou dans certains marchés de Noël. Les animaux subissent de très longs trajets dans des remorques ou des camionnettes pour être exposés directement et brutalement devant le public. Nous proposons d'interdire cette pratique à l'article 14.
Il en va de même, enfin, pour les cétacés actuellement présents dans les delphinariums. Nous comptons en France quatre orques et vingt-neuf dauphins. Je reviendrai longuement, lors de la discussion des amendements, sur les raisons qui rendent cette interdiction urgente et indispensable. Je me contenterai de rappeler qu'il existe un consensus scientifique sur l'incompatibilité totale des impératifs biologiques de ces espèces avec la vie en bassin. Les orques parcourent 200 kilomètres par jour et plongent à des centaines de mètres de profondeur. Ils vivent en groupe et ont des interactions sociales complexes avec leurs congénères. Quant aux dauphins en captivité, certains d'entre eux vont jusqu'à renoncer à leur principal sens, le sonar, système très complexe qui leur permet de se déplacer et de trouver leur nourriture et qui, de toute évidence, n'a plus d'utilité dans un bassin.
En somme, dans le cas des cirques, des delphinariums, des montreurs d'ours, des émissions de télévision et des discothèques, ce sont des animaux diminués, adoptant des comportements qui expriment la soumission ou la souffrance, que nous proposons au public, constitué bien souvent d'enfants. Nous donnons donc aux jeunes générations une vision biaisée non seulement de ces espèces, mais aussi de ce que devrait être le rapport entre l'homme et la nature, un rapport fondé sur le respect et l'altérité.
Enfin, le chapitre IV et l'article 15 prévoient la fin de l'élevage de visons d'Amérique destiné à la production de fourrure. La loi accompagne une transition déjà à l'oeuvre. S'il existait trois cents élevages de ce type dans les années 1960, il n'en reste que quatre en 2020, dont l'un a dû abattre ses visons du fait d'une contamination à la covid-19. Cette disposition correspond elle aussi à une demande citoyenne. Je rappelle que 91 % de nos concitoyens estiment nécessaire d'interdire ce type d'élevage. La peau d'un animal n'a pas sa place comme accessoire de mode en sac à main ou en manteau.
Mes chers collègues, les amendements déposés par l'ensemble des députés, quel que soit leur groupe politique, soulignent combien cet enjeu dépasse les clivages politiques habituels. Nos débats engagent non seulement l'avenir des animaux concernés, celui des personnes qui en ont la charge et que nous devons accompagner, mais aussi la conception de notre société du rapport entre l'homme et la nature, incarnée ici par les animaux sauvages.