Intervention de Dimitri Houbron

Séance en hémicycle du mardi 26 janvier 2021 à 15h00
Lutte contre la maltraitance animale — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDimitri Houbron, rapporteur de la commission des affaires économiques pour le chapitre II :

Je veux d'abord adresser mes remerciements sincères à mes collègues, à Diane Boucher et Inès Fauconnier, administratrices de la commission des affaires économiques, pour leur aide précieuse durant tout l'examen de la proposition de loi, mais aussi à mon collaborateur Pierre Pavy pour son soutien depuis des années sur le sujet très particulier de la lutte contre la maltraitance animale.

Au cours de la soirée du 24 avril 2020, dans le Finistère, un quadragénaire a tué brutalement trois chatons appartenant à son gendre. La justice l'a condamné à trois mois de prison avec sursis et à cinq ans d'interdiction de détenir un animal.

Voilà un exemple récent des comportements que la proposition de loi vise à sanctionner. Pour se convaincre de l'ampleur du phénomène, il suffit de lire la presse quotidienne, qui regorge d'histoires épouvantables. L'imagination des hommes dans la cruauté semble sans limite. Des milliers d'animaux sont maltraités chaque jour en France, avec, pour beaucoup d'entre eux, au bout de la barbarie, la mort. Rappelons ici les mots de Ghandi : « J'estime que moins une créature peut se défendre, plus elle a le droit à la protection de l'homme contre la cruauté humaine. »

La proposition de loi et plus précisément son chapitre II dont je suis rapporteur se concentrent sur les maltraitances infligées quotidiennement à ces animaux que l'on appelle « de compagnie », maltraitances d'autant plus indignes que ces animaux, par définition, n'ont qu'une vocation : partager nos vies.

Selon un rapport récent de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, de plus en plus de personnes sont mises en cause en France pour des faits de maltraitance ou d'abandon d'un animal domestique. Entre 2016 et 2018, 4 401 personnes ont ainsi été incriminées. Leur nombre a connu une augmentation de 29 % pendant la période. Paradoxalement, le nombre de personnes finalement condamnées pour des actes de cruauté sur un animal domestique reste faible. En 2017, seules 110 condamnations ont été rendues. Pendant cette même période, 32 % des condamnés ont écopé d'amendes, 23 % d'une mesure alternative et 16 % d'une peine de prison ferme.

La reconnaissance officielle aux animaux de la qualité d'êtres vivants doués de sensibilité a permis, en 2015, d'augmenter quelque peu les condamnations, sans pour autant révolutionner notre système judiciaire. Actuellement, les sévices graves sont punis de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Les sanctions encourues, trop faibles, sont peu dissuasives et ne sont pas à la hauteur des horreurs que les tribunaux ont à juger. Par comparaison, un acte de vandalisme sans danger pour les personnes sur un bien appartenant à autrui est également puni de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Certes, comparaison n'est pas raison, mais le fait que des peines identiques soient prévues pour la dégradation d'un bien et les actes de barbarie infligés à un être vivant interroge sur les valeurs que notre société entend promouvoir.

L'un des principes essentiels du droit pénal est celui de l'individualisation de la peine, qui permet au juge d'adapter la sanction en fonction de la personnalité du délinquant et des circonstances de l'affaire. À l'heure actuelle, le plafond des peines encourues pour les actes de cruauté et les sévices graves sur les animaux est si bas que les juges disposent d'une faible marge de manoeuvre face à la diversité des cas de maltraitance, chacun ayant sa spécificité.

C'est pourquoi l'article 8 renforce les sanctions et les peines applicables aux personnes coupables d'actes de cruauté et de sévices graves, faisant de la mort de l'animal une circonstance aggravante au moment de l'appréciation des faits par le juge. L'aggravation des peines prévue par la proposition de loi rendra mieux compte du caractère odieux de l'infraction et donnera au juge pénal une plus large marge de manoeuvre en matière de peines, qui lui permettra notamment de sanctionner plus lourdement les actes les plus barbares.

L'article 9, quant à lui, crée un stage de sensibilisation à la prévention et à la lutte contre la maltraitance animale à destination des personnes condamnées.

Autre avancée importante du texte, l'article 10 étend la peine complémentaire d'interdiction de détention d'un animal à toutes les peines liées à la maltraitance, à l'atteinte volontaire à la vie et aux mauvais traitements infligés sans nécessité. Pour s'assurer du respect de l'interdiction et sanctionner le condamné qui s'y soustrait, il est indispensable que cette peine s'accompagne d'un réel suivi. À défaut d'un véritable contrôle, la peine d'interdiction de détenir un animal n'est finalement qu'une chimère. Pour donner du sens à la sanction pénale, la commission a donc adopté un amendement des rapporteurs prévoyant la création d'un fichier national recensant les personnes condamnées à une interdiction de détenir un animal. Ainsi, nous faciliterons le contrôle du respect de cette mesure.

Enfin, au-delà de sanctionner plus lourdement les sévices sexuels, l'article 11 réprime la production, la mise à disposition, la diffusion et la consultation d'images zoopornographiques. Un amendement de ma collègue Sophie Beaudouin-Hubiere adopté en commission, que je vous proposerai de renforcer en séance publique, vise à lutter contre le phénomène des petites annonces sur internet proposant des rapports sexuels avec des animaux.

Voilà, mes chers collègues, ce que vise le chapitre II de la proposition de loi. Le moment est important pour nombre de nos concitoyens. Face à un tel enjeu sociétal, il nous fallait agir, alors agissons ensemble ! Notre avenir peut échapper à notre vision, mais il n'est pas totalement indépendant de notre volonté. Cet avenir, c'est l'impulsion façonnée de notre société. Ce n'est ni le destin, ni la nature, ni les marées irrésistibles de l'histoire, ni le travail de nos propres mains.

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