L'animal est un être vivant. Il pense, apprend et transmet. Il n'est pas simplement le compagnon de vie et l'ami fidèle pour bon nombre d'entre nous : il est aussi l'auxiliaire des forces de l'ordre et de sécurité et celui des sauveteurs sur terre et en mer, ainsi qu'un guide pour les personnes malvoyantes et à mobilité réduite. Il est aussi, à l'état sauvage, l'un des maillons essentiels de la grande chaîne du vivant. Tout comme nous, l'animal est un être sensible. Il souffre quand on lui fait mal, physiquement et psychologiquement. Maltraiter un animal est donc un comportement socialement inacceptable, et l'on ne sait que trop aujourd'hui combien le lien entre les violences faites aux animaux et celles faites aux personnes est étroit. Combattre les violences faites aux hommes et celles faites aux animaux, même combat !
Lutter contre la maltraitance animale, c'est aussi contribuer à un monde plus fraternel. Ce devrait être la principale feuille de route de tous ceux qui souhaitent construire le monde de l'après covid-19, un monde plus juste et plus bienveillant à l'égard du vivant. Nous devons impérativement agir dans le sens d'une éthique qui ne soit pas réduite aux relations entre les hommes, mais qui concerne l'ensemble des êtres vivants. Et point besoin de grandes connaissances scientifiques pour cela : le seul fait d'éprouver que la vie est belle et merveilleuse suffit. Sans doute plus intensément en ces heures douloureuses de crise sanitaire, nous prenons conscience que la vie doit être respectée et protégée sous toutes ses formes.
La lecture, à l'aune de la pandémie, de l'enseignement du grand naturaliste Théodore Monod nous aide à mieux comprendre les temps que nous vivons : il nous appelle à ériger le respect de la vie comme base d'une nouvelle société. Dans L'hippopotame et le philosophe, il écrivait que « La rigueur des lois ne sera plus nécessaire le jour où la conscience d'un homme, enfin humanisé, lui interdira toute destruction inutile, [… ] le jour où, se découvrant solidaire du reste des créatures et des autres animaux, il aura appris le respect de la vie. » Nous en sommes hélas encore très loin, mais ce n'est pas pour autant une utopie : c'est une promesse que nous pouvons tenir si nous le voulons.
Nous ne connaissons pas encore les causes de l'apparition et du développement du coronavirus, mais il est fort probable que le braconnage, les trafics illégaux, la consommation illégale de pangolins, ne soient pas étrangers à l'actuelle pandémie. Sur notre planète, le destin de l'homme est éminemment lié à celui de l'animal : respecter l'animal, c'est respecter l'homme, et vice versa. Ce sera sans doute l'une des leçons de la terrible et douloureuse épreuve que nous traversons, une leçon qui implique de faire des choix – les bons, si possible – et d'agir. Nous devons urgemment retrouver l'unité du monde vivant, la solidarité des choses et des êtres d'un bout à l'autre de la chaîne du vivant, à travers une nouvelle morale du respect de la vie.
Le jour de l'homme humanisé n'est pas encore advenu. Les actes de cruauté et de violence envers un animal revêtent des formes infinies du mal. Quand nous le négligeons, il souffre. Quand nous le privons de liberté, il souffre. Quand nous le battons, il souffre. Quand nous l'abandonnons au bord d'une route de vacances, il souffre. Quand nous le mutilons, il souffre. Quand nous le broyons vivant, le gazons et le jetons encore agonisant dans un sac-poubelle, il souffre. Quand nous le castrons à vif, il souffre. Quand nous le produisons à l'état sauvage dans des spectacles, il souffre. Quand nous en abusons sexuellement, il souffre. La maltraitance est un ensemble d'actes qui, intentionnellement ou non, infligent de la douleur, des blessures, de la souffrance physique ou psychologique pouvant conduire à la mort. Nous devons la combattre et la sanctionner sévèrement, et éduquer dès le plus jeune âge à la bientraitance de l'autre, homme ou animal.
La proposition de loi qui nous est aujourd'hui présentée est l'un des fondements d'un plus large édifice que nous sommes appelés à bâtir et à renforcer. J'oserai dire, mes chers collègues, que c'est le minimum urgent. Mettre fin à la corrida, aux combats de coqs, à la chasse à courre et à la glu ou encore au déterrage des blaireaux et des renards, sont autant de combats qui demeurent d'actualité. Les résistances sont encore nombreuses et tenaces, mais je suis convaincu que la dynamique de notre hominisation est irrésistible. La nuit d'épreuves que nous traversons nous invite au rêve, à rêver ensemble, à rêver grand.
Le groupe Agir ensemble votera pour cette proposition de loi, en saluant le travail des trois rapporteurs Laëtitia Romeiro Dias, Loïc Dombreval et Dimitri Houbron, et en continuant de lutter contre la maltraitance animale, toute la maltraitance.