Intervention de Jean-Luc Mélenchon

Séance en hémicycle du mercredi 27 janvier 2021 à 15h00
Suivi des projets franco-allemands mis en place par le traité d'aix-la-chapelle — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Mélenchon :

… composée de cinquante parlementaires de chacun des deux pays, j'ai pensé qu'une association loi de 1901 ferait mieux que cet organisme qui enfile les voeux pieux comme les perles d'un collier et qui n'a aucune capacité à faire autre chose.

J'ai dit que le traité enfermait la France dans un tête-à-tête en Europe. Or, pour moi, c'est certainement ce qu'il y a de plus dangereux et de plus inutile ! La France n'a pas à s'enfermer dans un tête-à-tête avec l'Allemagne, tout au contraire. Compte tenu de l'évolution de la géographie de l'Europe qui, hier, faisait de l'Allemagne un pays frontière à l'Est, et qui en fait, aujourd'hui, une sorte de centre, l'intérêt des Français est évidemment de rééquilibrer ses relations avec les autres États membres, en particulier en densifiant celles avec les pays du Sud. Cela ne s'opposerait d'ailleurs pas à l'entente franco-allemande, mais la contrebalancerait. C'est une nécessité absolue. Quelle erreur de penser que tout passe par le couple franco-allemand et, à plus forte raison, d'inscrire dans un traité que l'on prétend avoir des positions communes en Europe, c'est-à-dire que nous formerions une sorte de fraction franco-allemande nous isolant de nos alliés naturels au sud de l'Europe !

De surcroît, ce traité fait l'apologie de l'OTAN, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord. Vous vous êtes naguère, vous autres de la majorité, réjouis du contexte particulier créé par l'élection de Trump, grâce auquel nous devions enfin passer à l'idée d'une défense européenne souveraine. Je n'y crois pas non plus puisque nous sommes couverts par la dissuasion nucléaire et qu'il ne saurait être question de la partager avec les autres pays. En attendant, ce que vous dites n'a rien à voir avec ce qui se passe. Rappelez-vous en effet que Mme Annegret Kramp-Karrenbauer, lorsqu'elle présidait la CDU, avait prononcé une déclaration pour le moins hostile aux Français en soutenant, d'une part, que le Parlement européen devait quitter Strasbourg et, d'autre part, que notre siège de la France au Conseil de sécurité des Nations unies devait revenir dans la besace européenne – c'est-à-dire allemande. Or cette dame, qui n'a jamais retiré un mot de ce qu'elle a dit, est désormais ministre de la défense du gouvernement de la République fédérale d'Allemagne, et elle a déclaré que l'idée d'une défense européenne souveraine, indépendante, était une illusion. Ce n'est pas là une passante qui parle dans la rue, mais la ministre de la défense de l'Allemagne. Aussi, que signifient toutes ces gesticulations sur une défense européenne souveraine commune dont les Allemands vous annoncent d'ores et déjà qu'ils ne veulent pas ? Du reste, Mme Merkel elle-même a estimé que c'était une idée riche que le renouveau de la coopération dans l'OTAN.

J'en viens à l'indivisibilité de la nation. Je ferai partie jusqu'au bout de ceux qui s'opposent à ce que, sous prétexte de la création de régions transfrontalières, l'unité et l'indivisibilité de la République soient minées. Aucune raison ethnique ni même linguistique ne peut le justifier. La communauté nationale, c'est la communauté légale, et la communauté légale suppose l'unité de la loi : quand il n'y a plus unité de la loi, il n'y a plus unité de la nation. C'est aussi simple que cela, suivant un raisonnement républicain traditionnel ; peut-être faut-il en changer, mais alors vous nous direz comment et pourquoi.

Comme un de nos collègues siégeant sur un autre banc qui vient de s'exprimer, je soutiens qu'il est temps de rééquilibrer nos relations avec nos partenaires en Europe et d'en finir avec la naïveté. Ne vaut que la stricte égalité avec l'Allemagne. Or ce n'est pas ce qui se passe : elle ne tient pas parole. Ainsi, dans le domaine spatial, elle ne réserve pas ses tirs à la fusée Ariane, commune, mais, au contraire, développe ses propres lanceurs. Elle ne tient pas parole concernant l'accord que nous avons conclu sur les chars avec la compagnie Nexter, où elle a fait entrer une deuxième entreprise allemande et où elle fait entrer une entreprise espagnole qui est en concurrence avec les Français. Elle ne tient pas parole concernant les satellites : nous nous étions en effet partagé les secteurs, aux uns, les Français, l'optique, aux autres, les Allemands, le radar ; eh bien, ces derniers ont commencé à développer l'optique et nous avons dû compenser la différence.

Non ! Pas de naïveté dans ce type de relations : nous ne voterons pas votre résolution.

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