Intervention de Justine Benin

Séance en hémicycle du jeudi 28 janvier 2021 à 9h00
Service public d'eau potable et d'assainissement en guadeloupe — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJustine Benin, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La présente proposition de loi vise à répondre au problème de l'eau et de l'assainissement en Guadeloupe. Je vous parle d'un territoire confronté à des coupures d'eau fréquentes, dues à des ruptures de canalisations, à des incidents survenus sur le réseau, dans les tours d'eau. Souvent méconnue en dehors de l'île, cette réalité affecte le quotidien des Guadeloupéens. Les conséquences de cette situation dépassent le simple désagrément quotidien. Les associations d'usagers que nous avons auditionnées se sont fait les porte-parole de la lassitude, de la colère des populations. Le problème de l'eau affecte également le secteur agricole, le tourisme et l'économie dans son ensemble. À cela, il faut ajouter des conséquences environnementales. En raison de l'état déplorable du réseau et des infrastructures, les pertes excessives en eau épuisent sans raison le milieu aquatique et de nombreuses stations d'assainissement émettent des rejets polluants.

Aux yeux de tous, la situation est d'autant plus difficile à accepter qu'elle ne résulte pas de causes naturelles, hydrographiques, hydrauliques ou physiques propres au territoire – en Guadeloupe, la ressource en eau est abondante. Un des problèmes provient du réseau de distribution qui, vétuste, aurait besoin d'être renouvelé. À l'heure actuelle, l'eau effectivement distribuée représente en moyenne à peine plus d'un tiers de l'eau pompée. Cette situation alimente un cercle vicieux : les carences du service suscitent l'exaspération des populations et encouragent ainsi les impayés, qui aggravent les difficultés financières des gestionnaires et les rendent incapables d'effectuer les investissements indispensables à l'entretien, au renouvellement et aux différents travaux. D'autres éléments, comme la défaillance de compteurs ou des erreurs de facturation, contribuent à la pénurie que subissent les usagers et à l'impasse financière dans laquelle se trouvent certaines autorités gestionnaires. Les besoins en financements pour réparer et moderniser la totalité des réseaux d'eau potable et d'assainissement dépassent de très loin leurs moyens, s'élevant à plus de 900 millions d'euros sur dix, voire quinze ans.

Un autre problème réside dans le caractère éclaté de la gestion des services d'eau et d'assainissement, qui fait obstacle à la gouvernance d'ensemble dont la Guadeloupe a impérieusement besoin. Depuis 2016, cinq structures intercommunales exercent les compétences en eau et en assainissement soit en régie, soit par délégation à un prestataire privé. Par ailleurs, les difficultés sont accrues par le fait que le périmètre administratif de ces structures ne coïncide pas avec le périmètre technique des infrastructures.

Lors des auditions, l'ensemble des acteurs locaux, publics ou privés, et même les institutionnels entendus, s'accordent sur l'urgence d'une solution de sortie de crise. La présente proposition de loi, déposée conjointement au Sénat par Dominique Théophile et à l'Assemblée avec le soutien du groupe du Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés, que je tiens ici à remercier, met donc en place la gouvernance unifiée et élargie dont la Guadeloupe a impérieusement besoin. Elle crée un syndicat mixte unique, dont je vais détailler les principales caractéristiques.

En ce qui concerne son périmètre, il regroupe les cinq établissements publics de coopération intercommunale – EPCI – de Guadeloupe continentale, ainsi que la région et le département, qui ont toujours su faire preuve de solidarité sur cette question essentielle. Il est compétent pour les missions relevant du service de l'eau potable, de l'assainissement des eaux usées, définies par le code général des collectivités territoriales. Il est administré par un comité syndical dans lequel les collectivités et EPCI sont représentés à égalité par quatre sièges chacun. Le principe selon lequel l'eau paye l'eau reste le fondement de son financement, comme en droit commun, mais les dépenses supplémentaires sont financées à 50 % par la région et le département et à 50 % par les autres membres.

Au cours de sa réunion, la semaine dernière, la commission des lois a adopté ce texte dans un esprit de consensus. J'en remercie tous les députés, de tous les bancs, car cela montre que les enjeux ont été compris et qu'à l'unité en Guadeloupe fait écho l'unité nationale – ce n'est pas rien. La commission a apporté quelques modifications au texte.

Consciente du problème, elle a d'abord imposé que soit garanti aux usagers, par tous moyens, un « accès normal et régulier à l'eau potable » lorsque la distribution par les infrastructures ordinaires est interrompue. La commission a également élargi les compétences du syndicat mixte à la réalisation de missions d'études générales. Enfin et surtout, elle a réécrit l'article 2. La rédaction initiale créait une commission consultative auprès du syndicat ; nous l'avons remplacée par une commission de surveillance aux prérogatives renforcées et à la composition la plus large – elle réunit en effet les représentants des chambres consulaires et ceux des usagers. Point fondamental : les représentants des usagers auront la majorité et, de droit, la présidence de la commission. En ce qui concerne ses compétences, elle pourra formuler des avis et solliciter l'inscription de certaines thématiques à l'ordre du jour du comité syndical.

Nous avons fait un gros travail en commission, mais il reste un sujet majeur à traiter en séance, monsieur le ministre des outre-mer : celui des financements à mobiliser pour apurer des comptes déséquilibrés et répartir efficacement l'actif et le passif. Nous attendons donc avec impatience la proposition du Gouvernement.

Je tiens à saluer l'engagement et la mobilisation des collectivités majeures, région et département, et de l'ensemble des EPCI. Je tiens aussi à rappeler que cette proposition de loi ne vise en rien à réduire les compétences légitimes des EPCI. Elle vise, à leurs côtés, à mettre en cohérence les initiatives de tous les acteurs et à créer le cadre d'un dialogue constructif avec l'État et avec les autres partenaires publics.

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