Intervention de Gérard Collomb

Réunion du mardi 17 octobre 2017 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur :

Nous travaillons à la fois sur un projet de loi sur le droit d'asile et sur un « Paquet asile » au niveau européen. Le Président de la République s'engage beaucoup sur ce sujet afin que l'Europe puisse avancer. Nous avons d'ores et déjà progressé sur la protection européenne mais il est vrai que les analyses peuvent être assez différentes selon les États membres. Il faut donc dépenser beaucoup d'énergie pour faire avancer cette question ; il importe surtout qu'un certain nombre de pays fondateurs la fasse leur pour qu'elle soit adoptée par le Conseil de l'UE et le Parlement européen. Dès que j'aurai achevé l'examen des budgets devant le Parlement français, j'irai rencontrer les parlementaires européens pour faire progresser la réflexion. Lorsque le Conseil de l'UE a adopté des mesures, il est parfois difficile de les faire adopter par le Parlement européen. Il convient donc de faire un travail pédagogique, comme nous l'avons fait avec la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, ce qui n'était pas gagné d'avance. Mais on s'est aperçu qu'on y arrive en expliquant les choses telles qu'elles sont, en partant de la réalité et en tenant un discours transparent pour éviter tout fantasme.

Vous avez parlé de ceux qui ne sont ni expulsables ni régularisables. Bien évidemment, il y a une zone d'incertitude entre ce qui existe et ce que l'on va faire. Avant de les régulariser, il faut commencer par modifier la législation. En effet, régulariser tout le monde n'est certainement pas la bonne méthode pour éviter d'en faire venir d'autres.

Vous avez raison, il existe aujourd'hui des phénomènes d'extrême droite et d'extrême gauche, avec des individus totalement radicalisés. Le Groupe union défense (GUD) renaît de ses cendres et un certain nombre de groupes identitaires sont aujourd'hui actifs en France. Du côté de l'extrême gauche, vous avez pu voir que des gens revendiquaient les attentats contre la gendarmerie de Grenoble ou celle de Limoges. En fait, ils revendiquent une espèce d'insurrection, plus seulement verbale, mais active contre les institutions. Je pense qu'il peut y avoir demain ce que ma génération a connu, à savoir des dérives, comme celles d'Action directe, des Brigades rouges, etc. Il faut maîtriser le discours, de manière qu'un discours violent n'encourage pas des gens un peu immatures, des jeunes en particulier, à passer à l'acte.

Madame Chapelier, vous avez raison nous sommes dans une période charnière. Il faut faire entendre un contre-discours au discours de Daech. La bataille ne se résume pas à des mesures de sécurité, elle se fait aussi au niveau des mots. Il convient d'expliquer à des jeunes musulmans nés en France que le meilleur modèle de l'islam n'est pas le plus moyenâgeux. L'Islam a été une grande civilisation et il vaut mieux se référer au meilleur de cette civilisation qu'à sa régression. On ne peut pas dire que ceux qui détruisent les témoignages de civilisations antérieures donnent une vision très évoluée de l'humanité. Il faut mettre en avant un islam moderne. Nous sommes en train d'élaborer avec des intellectuels, des chercheurs, mais aussi des gens qui travaillent à la base, les contre-discours que l'on pourrait promouvoir.

En matière de laïcité, je me réfère au discours d'Aristide Briand lorsqu'il défendait la loi de 1905. Il avait expliqué qu'il s'agissait d'une loi de liberté de croire ou de ne pas croire, de pratiquer le culte que l'on souhaitait pourvu qu'il respecte l'ordre public. À mon avis, c'est la meilleure définition qui soit. Le discours laïc n'est pas celui qui consiste à dire que tout ce qui est spirituel n'existe pas : c'est considérer que chacun peut trouver sa propre spiritualité, sa propre philosophie qui doivent être respectées pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public. C'est ce message que je porterai en tant que ministre de l'intérieur au niveau national, comme nous l'avions fait à Lyon, avec le groupe Concorde et solidarité.

Monsieur Herbillon, nous travaillons bien évidemment dans le cadre européen. Nous essayons d'avoir des droits qui soient les plus similaires possible. Si vous avez au contraire en termes d'enregistrement, de reconnaissance du droit d'asile, de durée d'instruction, d'expulsion, des procédures totalement différentes, vous aboutirez à des failles qui empêcheront une gestion satisfaisante.

Madame Lenne, s'intégrer dans la société française, être français ce n'est pas rentrer dans l'uniformité. Chacun a sa culture, son origine – espagnole, italienne, arménienne, algérienne, etc. qu'il ne s'agit pas de nier sa culture, ce qui compte c'est le projet commun. Un grand historien disait que la nation est un plébiscite de tous les jours. Je partage ce point de vue. Il faut que les gens puissent se projeter et avoir une vision commune, quel que soit leur passé.

Monsieur Son-Forget, comme vous connaissez bien la réalité albanaise, vous savez que les discours peuvent être un peu tronqués. Des amis juges m'ont expliqué que, dans un premier temps, au vu de ce qu'on leur racontait sur les problèmes de vendetta, ils ont souvent accordé le droit d'asile. Mais après qu'on leur eut raconté la même histoire quarante-cinq fois, en changeant seulement les noms des villages et des personnes, ils ont compris qu'ils s'étaient fait avoir, et que c'était un discours tout prêt qui était récité ainsi. Je me rends, le 1er décembre, à Tirana, pour dresser le bilan de ce que nous avons fait ensemble. Si cela vous intéresse toujours, vous pourrez y porter la parole de votre commission, si celle-ci vous mandate.

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