Le texte soumis à notre examen, dont la commission spéciale a débattu durant plus de 55 heures, avec une centaine d'auditions, part du constat simple qu'une partie de la communauté nationale, la seule que reconnaisse la République, a choisi de se placer ou s'est laissée entraîner en marge des grands principes qui la fondent et qui l'organisent, à commencer par ceux de la devise républicaine.
Ces principes, des groupes, des idéologies, des individus se sont donné pour objectif de les contester et de les retourner contre notre société, dans le but de faire communauté à part, jusqu'à prétendre les abattre dans le crime, dans l'horreur terroriste. Ces individus, ces groupes, ces idéologies, la France les combat et c'est tout l'enjeu de la lutte contre les radicalisations religieuses et politiques, pour laquelle notre pays s'est doté d'un plan général et qui ne cesse de s'adapter aux réalités de terrain et aux évolutions des comportements. C'est aussi tout l'enjeu de l'arsenal de lutte contre le terrorisme, dont la montée en puissance, y compris logistique, n'a cessé de se renforcer depuis 2015.
Mais ces individus, ces groupes, ces idéologies, il faut aussi les combattre quand ils prennent des formes plus insidieuses, plus sournoises : le repli communautaire, la coagulation identitaire, ce que le Président de la République, dans ses discours de Mulhouse et des Mureaux, a qualifié de séparatisme
Cette réalité se manifeste principalement à notre époque, mais pas uniquement, par l'islamisme politique, par l'islamisme extrémiste et radical. La cible, le mal, nous les nommons et nous le faisons sans aucune pudeur, parce que l'Islam politique est une idéologie avant d'être une religion, parce que c'est un contre-projet de société avant d'être un dessin théologique, et parce que cette cible, il faut l'isoler. Il faut d'abord l'isoler des musulmans de France eux-mêmes, qui rejettent l'islamisme radical dans leur écrasante majorité et qui n'aspirent qu'à vivre leur foi dans la paix et dans la liberté, c'est-à-dire dans la République. Il faut l'isoler aussi dans notre société en affirmant, et c'est le thème même du texte que nous examinons, un véritable esprit de reconquête républicaine.
À celles et ceux qui croient bon de discourir sur l'absence de tel ou tel mot dans le texte, je veux dire que ces faux procès ne trompent personne. La loi du 15 mars 2004 encadrant, selon son intitulé, le port de signes ou toute manifestation d'appartenance religieuse dans les écoles, les collèges et lycées publics mentionnait-elle une religion en particulier, à tout le moins les dérives idéologiques dont elle est faussement le prétexte ? Non. La loi du 11 octobre 2010, interdisant, toujours selon son intitulé, la dissimulation du visage dans l'espace public, mentionnait-elle l'islamisme, qu'elle visait pourtant ? Pas davantage, et ce pour une raison très simple : aucune loi républicaine n'a jamais nommé une idéologie en particulier, encore moins une religion ou ses dérives, même quand il s'est agi de les combattre, et c'est tout le sens de la République que d'édicter des règles générales valant pour chaque citoyen.
Mesdames et messieurs les députés, notre but est simple, et il explique d'ailleurs la très grande variété des dispositions du projet de loi que nous allons examiner dans les jours qui viennent : nous voulons traquer les tentations et les stratégies séparatistes partout où elles s'introduisent – dans les services publics, y compris locaux, dans le maillage de nos associations, à l'école ou sur internet, où se déverse un flot de haine et de mensonges.
Ces dérives, ces stratégies qui parfois s'appuient sur la liberté de culte, liberté fondamentale, pour organiser des enclaves d'embrigadement séparées de la société civile, leviers de contestation des principes – à commencer par la laïcité – qui régissent la seule communauté qui vaille, et qui est la communauté républicaine, voilà le champ des débats qui s'ouvrent à nous : traquer toutes les dérives séparatistes et le faire avec la force froide de la République et de l'État de droit.