Je sais, madame la ministre déléguée, que vous avez aussi des origines corses. Vous pouvez être Corse, je suis bien Breton : peuple breton, partie intégrante du peuple français.
Dès lors, en voulant atteindre une infime minorité de la population française – les personnes radicalisées ou en voie de radicalisation – , le Gouvernement prend en réalité le risque de cibler d'autres catégories de population. Par exemple, nous avons souvent évoqué ici la question de l'instruction en famille, qui concerne 50 000 élèves : ils étudient souvent dans de très bonnes conditions. Or, je note que ce qui est actuellement un droit va devenir une autorisation : à mes yeux, ce n'est pas la même chose. Et tout cela pour, nous dit-on, quelque 1 000 élèves qui échapperaient à la République et étudieraient dans des écoles situées on ne sait trop où, et que le droit actuel permet déjà de fermer.
Je suis également très soucieux de savoir quel traitement sera réservé aux mouvements nationalistes qui, comme en Corse, inscrivent pourtant leur action dans le cadre du débat démocratique et du suffrage universel, en tournant résolument le dos à la violence armée. Cela, nous le devons à la nouvelle majorité nationaliste au pouvoir aujourd'hui, qui a fortement contribué, avec d'autres, à éradiquer la violence.
Pourra-t-on encore, au sein d'une association visant à l'émancipation des peuples, se réclamer d'une mouvance autonomiste ou indépendantiste, sans risquer de perdre des subventions ou de subir une condamnation, voire une dissolution ? Les associations de promotion des langues régionales pourront-elles continuer d'obtenir des subventions publiques, alors que la seule langue officielle de la République est le français ? C'est important, en particulier pour tous ceux issus de l'immigration : ces associations leur permettent, par exemple, de parler leur langue, qu'il s'agisse du malgache, du wolof, ou de bien d'autres encore.
Le français étant la langue de la République, l'article 6 ne risque-t-il pas de faire des dégâts collatéraux de cette espèce ? Je le crains, car il se trouvera toujours un juge plus républicain que les républicains, plus français que tous les Français, pour estimer qu'en France, on ne peut parler qu'une langue, et qui cherchera à imposer sa vision des choses.
Avec ce projet de loi, nous agissons selon la politique du fait divers et légiférons à chaud, plutôt que de prendre le temps de préparer un texte équilibré, qui pourrait mêler insertion sociale, exercice du culte, vivre ensemble et laïcité.
Alors que nous combattons une pandémie sans précédent, que les Français attendent de nous une approche proportionnée, à la fois humaine et réactive, alors que des réformes d'ampleur ne verront sans doute jamais le jour faute de place au sein du calendrier parlementaire, nous nous apprêtons à consacrer deux semaines à un texte difficilement applicable, sans doute générateur de contentieux, qui désolidarisera encore davantage les Français les uns des autres. J'ai bien peur qu'il n'ait des répercussions négatives majeures sur de nombreux pans de notre société qui ne posent pas le moindre problème, et ne soit d'aucune utilité face au terrorisme. En somme, nous faisons fausse route ; pour avoir reçu un certain nombre de représentants d'associations religieuses, je peux vous certifier qu'ils sont très inquiets de ce projet de loi, par lequel ils se sentent particulièrement visés.
Le 10/02/2021 à 09:47, Laïc1 a dit :
La République, c'est "sans distinction d'origine", on en conclut que M. Molac tient un discours privé à l'Assemblée nationale...
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