Ce que vous décrivez au sujet de la maison d'arrêt des Baumettes est malheureusement représentatif de l'ensemble des prisons françaises. Bien que la loi pénitentiaire de 2009 dispose que l'accès aux soins doit être exactement le même pour les détenus et pour les personnes vivant à l'extérieur des établissements pénitentiaires, on en est extrêmement loin, même si des progrès ont eu lieu par rapport à la période précédant 1994, date à laquelle la médecine pénitentiaire a été supprimée : désormais, tout ce qui concerne la santé dans les prisons relève du ministère de la santé et non plus du ministère de la justice, ce qui est un progrès en soi. Malgré cela, on est loin d'un accès aux soins satisfaisant puisque la proportion de réponse aux demandes de soins que vous avez indiquée – 30 % puis 50 % parce qu'un effort a eu lieu – est hélas constatée régulièrement.
C'est que les médecins voulant travailler en prison sont très peu nombreux. La carence est avérée, et le manque de psychiatres est encore plus criant. Surtout, la surpopulation carcérale est telle, notamment aux Baumettes, qu'il faut attendre des mois et des mois pour obtenir un rendez-vous avec un généraliste, sauf urgence – et encore ! Pour ce qui est d'un rendez-vous avec un psychiatre, un autre spécialiste ou un dentiste, c'est encore pire. J'ai vu récemment un détenu, entré en prison avec un cancer, qui a dû attendre six mois un rendez-vous pour passer un examen nécessaire à sa survie. C'est une atteinte patente au droit fondamental qu'est le droit à la santé.
Le constat de la déresponsabilisation, de l'inertie, de l'attente est tout aussi récurrent, malheureusement. Il y a trop peu d'activités en prison et surtout trop peu de travail. Seuls 30 % des détenus travaillent ; ils sont répartis entre le service général – la blanchisserie, la cantine, etc. – et des ateliers de production, mais cela suppose que des entreprises fournissent du travail, et trop peu le font. Elles pensent souvent que cela nuirait à leur réputation auprès de leur clientèle, mais c'est aussi, et sur ce point l'administration pénitentiaire pourrait faire des progrès, parce qu'elles considèrent que la lourdeur administrative relative aux horaires d'entrée et à la logistique créeront des contraintes supplémentaires. Aussi, elles abandonnent l'idée, bien que la main d'oeuvre des détenus soit plus que bon marché : légalement, ils sont payés 45 % du SMIC horaire, mais, en pratique, leur rémunération est bien moindre.
J'approuve ce que vous dites au sujet de la culture. Même si l'ensemble est relativement préoccupant, tout n'est pas entièrement noir. Ici et là – mais cela dépend entièrement du dynamisme des directeurs d'établissement – des actions culturelles très intéressantes sont menées : des ateliers vidéo, des ateliers d'écriture, des ateliers de parole… et l'on voit avec quel enthousiasme les détenus se rendent à ces activités, combien elles les font sortir de leur inertie. Il faut savoir que si un détenu ne travaille pas et qu'il y a peu d'activités dans la maison d'arrêt, ce qui est fréquemment le cas, il passe vingt-deux heures sur vingt-quatre dans une cellule de 9 mètres carrés qu'il partage souvent avec deux autres personnes. Imaginez ce que cela induit comme souffrance, détresse, violences entre détenus et violence entre détenus et surveillants ! Tout ce qui permettra le développement des activités en prison sera évidemment bienvenu, non seulement pour la période d'incarcération, mais aussi, comme vous le disiez, pour préparer la sortie.