Intervention de Adeline Hazan

Réunion du mardi 14 novembre 2017 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté :

En Europe, la France n'est pas le seul pays où les prisons sont surpeuplées, mais elle est le seul où le nombre de détenus continue à augmenter. À cet égard, nous sommes vraiment la lanterne rouge du Conseil de l'Europe.

Dans les maisons d'arrêt, le taux d'occupation moyen se situe à 140 %, ce qui veut dire qu'il peut atteindre 200 % ou 210 % comme c'est le cas dans les prisons d'Île-de-France ou d'outre-mer. Construire des places est une bonne idée dans la mesure où il en faut un certain nombre car on ne peut pas se résoudre à laisser les prisons dans l'état où elles sont. En revanche, la course à l'inflation carcérale à laquelle nous assistons depuis des années est une fausse bonne idée.

À chaque fois que l'on construit des places de prison, elles sont remplies. Les chiffres montrent que ce n'est pas une vue de l'esprit : le nombre de places a doublé en vingt-cinq ans, passant de 30 000 à 60 000, et le nombre de détenus a évolué en parallèle puisque nous comptons actuellement plus de 70 000 détenus, alors que la délinquance grave n'a pas augmenté. Plus il y a de places de prison, plus les magistrats incarcèrent. La tendance n'est hélas pas aussi nette dans l'autre sens, même si, en raison d'une sorte d'autocensure, les magistrats trouvent des alternatives à l'incarcération quand le seuil de surpopulation devient absolument intolérable.

Tout cela obéit à une sorte de réflexe. Malheureusement, le magistrat se dit que la personne n'est pas sanctionnée s'il ne la met pas en prison, un peu comme l'opinion publique pense qu'une libération vaut absolution alors qu'il peut y avoir un contrôle judiciaire, un sursis avec mise à l'épreuve, un travail d'intérêt général, une libération conditionnelle. Si nous voulons combattre le phénomène de surpopulation carcérale, nous devons intégrer l'esprit de la loi de 2009 : la prison doit être le dernier recours, celui que l'on utilise en l'absence d'autre solution. Pour adopter ce véritable changement de paradigme, il faut qu'une impulsion vienne du plus haut niveau, c'est-à-dire du Gouvernement et du Parlement. Il va de soi que le garde des Sceaux ne doit pas donner d'instruction aux parquets dans des affaires précises. En revanche, dans le cadre de l'application de la politique pénale, il peut indiquer clairement aux parquets que l'incarcération doit être le dernier recours. Au cours des dix dernières années, le législateur a créé diverses mesures alternatives à l'incarcération ; ce n'est pas la peine d'en inventer d'autres. Elles sont sur la table, elles existent, mais elles ne sont pas suffisamment utilisées. Il faut changer la façon d'appréhender le recours à la prison.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.