Intervention de Aurélien Pradié

Réunion du mardi 14 novembre 2017 à 16h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié :

Tout d'abord, je tiens à saluer le caractère rigoureux et minutieux de nos discussions.

Ma question s'adresse au pouvoir politique et je ne suis pas sûr que ce soit à vous d'y répondre, madame la Contrôleure générale. Il est important de rappeler que vous n'êtes pas le pouvoir politique.

Dans plusieurs de vos remarques, vous tendez à dire que l'incapacité à gérer toutes les peines d'incarcération devrait commander de facto l'adaptation de la politique pénale. La question que je me pose, sans y avoir seulement réfléchi et sans avoir de réponse, est la suivante : est-ce l'incapacité à gérer les incarcérations sur le plan matériel qui doit nous pousser à revoir la politique pénale ? N'est-ce pas plutôt la politique pénale qui doit imposer en l'occurrence le stock, passez-moi l'expression, de places de prison et les conditions d'emprisonnement ? La réponse n'est sûrement pas toute blanche ou toute noire, mais il ne faut tout de même pas perdre de vue que la contingence matérielle ne doit pas exclusivement commander l'adaptation de la politique pénale.

Or, dans votre réflexion, il y a trois points qui me poussent à dire que vous avez peut-être cette tendance-là, que nous avons peut-être collectivement cette tendance-là.

Prenons le cas des troubles mentaux. Vous dites en substance que, puisque nous sommes incapables de bien gérer les troubles mentaux en prison, il faut faire sortir ceux qui en sont atteints. Ne devrions-nous pas réfléchir aussi à la manière de mieux prendre en charge les troubles mentaux dans ces lieux de privation de liberté que sont les prisons et ne pas sortir le problème pour le mettre ailleurs ? L'hôpital psychiatrique n'est pas une prison.

Votre réflexion sur les téléphones portables relève de la même logique. Vous dites que nous sommes incapables d'empêcher que les téléphones portables ne pénètrent dans les prisons en empruntant trois voies : ils sont jetés par-dessus les murs ou passés par l'intermédiaire de surveillants ou de visiteurs au moment des parloirs. Sans être un expert, il me semble que la résolution de ces trois problèmes purement matériels n'est probablement pas hors de portée du législateur et des centres pénitenciers. Or, partant du constat que l'on n'arrive pas à empêcher la pénétration des téléphones portables, vous auriez tendance à étudier la manière de les autoriser. C'est une erreur. Il faut faire en sorte qu'il n'y ait pas de téléphones portables dans les prisons. Ce sont des lieux restreints. Peut-être n'avons-nous pas mobilisé toutes les énergies et tous les moyens pour y parvenir ?

Ces deux exemples sont assez caractéristiques de ma difficulté personnelle à entendre totalement votre discours. Il y en a un troisième. Vous parliez de courage politique. Sincèrement, je ne suis pas sûr que le courage politique consiste à aller systématiquement contre l'opinion publique, ce qui sous-entendrait que celle-ci a toujours tort. N'oublions pas que la peine d'enfermement, prononcée dans des circonstances très particulières et limitée en temps, est un impératif de société. Elle sert aussi à adresser un message à la société. Prenons un exemple qui ne peut pas faire véritablement polémique et que vous avez évoqué : les violences routières. Quand elle sanctionne une atteinte extrême au droit routier, la peine d'emprisonnement est aussi un message adressé à toute la société.

Voyez-vous encore des situations, madame, dans lesquelles la prison est salutaire ? Pensez-vous, au contraire, qu'il n'y a plus de situations dans lesquelles la prison ait encore un sens ?

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