Les mesures subites, autoritaires, immédiates, nous les avons comprises ; la société les a acceptées, tolérées. Mais la première vague est passée et l'été, l'automne, l'hiver, une année s'est écoulée. Où est l'urgence désormais ? Et surtout, combien de temps va-t-elle durer ? Six mois, un an, davantage encore ? Faut-il éliminer la démocratie et vous confier les pleins pouvoirs pour une CDI, une crise à durée indéterminée ?
Je veux dire mon inquiétude, pas seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour demain, pour l'avenir. Des crises, nous allons en traverser beaucoup. Météo France annonçait hier encore, dans un rapport, des températures extrêmes pour la fin du siècle ; les inondations succèdent déjà aux sécheresses ; la grippe aviaire est là, en même temps que la pandémie ; nous sommes entrés dans une crise climatique de longue durée. Quelle réponse apporterons-nous ? Choisirons-nous l'urgence, l'éternelle urgence, ou au contraire l'organisation, la prévoyance ? La dictature – puisque oui, il s'agit d'une forme de dictature – , la concentration des pleins pouvoirs entre les mains d'un homme, d'une poignée d'hommes, d'un conseil de défense anonyme, ou, au contraire, la démocratie, encore la démocratie, toujours la démocratie ?
Avec le covid-19, nous ne subissons selon moi qu'une première secousse. D'autres chocs viendront, bien plus terribles, et cette pandémie n'est, je le crains, qu'un échauffement, un entraînement. Or, comme par réflexe, le chef de l'État s'accapare les pleins pouvoirs et nous maintient dans un coup d'état d'urgence permanent. C'est une alerte, un mauvais signe pour la suite : vous avez choisi.
« Le problème clef, pour moi, c'est l'écrasement des hiérarchies » : le président Emmanuel Macron ose se plaindre en ces termes, alors qu'il tient nos vies entre ses mains, décide de la distance qui doit nous séparer, de nos heures de sorties et de retour. Il ose en outre dénoncer une « société qui s'horizontalise, [un] nivellement complet, [… ] une crise de l'autorité. » Mais que voudrait-il encore ? Que voudrait-il de plus ?
Oui, avec cette pandémie, l'occasion fait le larron ; elle constitue une opportunité pour vous, pour votre classe, pour le monarque républicain de se débarrasser du démos, du peuple – ce qui tourne souvent mal, dans notre histoire. Contre le pouvoir solitaire, autoritaire, toujours les Français protestent, jusqu'à parfois le renverser.