La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Je le remercie par avance de m'autoriser à l'interroger sur la crise sanitaire : je mesure que c'est un privilège rare, depuis que vous et votre majorité avez décidé, par un coup de force institutionnel inédit,
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
de supprimer la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gestion et les conséquences de la crise sanitaire.
Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.
Vous l'avez fait contre l'opposition unanime, exception faite des deux composantes de la majorité, des groupes qui constituent cette assemblée.
Nous continuerons néanmoins de vous poser des questions, même si vous refusez d'y apporter des réponses. Ces questions sont celles que se posent les Français. Ces derniers ne sont pas des « procureurs » : ils s'inquiètent des discours contradictoires, des hésitations et du « en même temps » sanitaire que vous-mêmes et le Président de la République entretenez.
Mes questions portent sur la vaccination. Chacun sait que, face à la tragédie qui a déjà emporté 76 000 de nos concitoyens, la seule solution réside dans une campagne de vaccination massive. Or nous manquons cruellement de doses : les chiffres que vous avez annoncés ne se vérifient malheureusement pas sur le terrain.
Ces questions sont simples : combien de Français seront vaccinés à la fin du mois de février, combien le seront à la fin du mois de juin, et combien à la fin de l'été ? Le chiffre de 4 millions de vaccinations d'ici la fin du mois de février annoncé par le ministre des solidarités et de la santé est-il exact ? Qu'en est-il de l'objectif de 70 millions de Français vaccinés d'ici fin août, avancé par ce même ministre ?
Enfin, vous résoudrez-vous à diversifier les sources d'approvisionnement et à passer une commande nationale, sans vous contenter d'attendre les commandes européennes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit aussi.
Un mot d'abord pour rappeler que je suis ici pour vous répondre au nom du Gouvernement, et certainement pas au nom du Parlement, lequel est souverain dans l'organisation de son fonctionnement interne et de ses commissions.
Exclamations sur plusieurs bancs des groupes LR, SOC, FI et GDR.
J'ai répondu présent à chaque convocation de la mission d'information de l'Assemblée nationale, comme à celles de la mission de contrôle du Sénat. Je me réjouis d'ailleurs, chaque fois que je suis convoqué par l'une ou l'autre des commissions des deux chambres, de rendre compte de la gestion de la crise.
J'ai fait le compte : depuis onze mois que je suis ministre, sans compter ma présence pendant l'examen des textes de loi ou aux séances de questions au Gouvernement, ni les autres dispositifs parlementaires, j'ai répondu à vingt-trois convocations du Sénat et de l'Assemblée nationale pour répondre spécifiquement à leurs questions sur la gestion de la crise actuelle.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Je le ferai chaque fois que cela sera jugé nécessaire par les parlementaires, car c'est précisément mon rôle que de leur rendre compte de l'action du Gouvernement. Il me semble que les chiffres sont parlants.
Vous soulevez des points éminemment importants lorsque vous posez les questions de la transparence, ou encore des doses et des livraisons de vaccins. Sachez que le site data. gouv. fr, fournit déjà, en open data – cela a d'ailleurs été reconnu par les experts, qui ont raison de s'intéresser au libre accès aux informations – , des données relatives aux livraisons régionales et départementales, ainsi qu'au nombre de doses consommées. D'ici ce soir – ou demain matin, au plus tard – , vous y trouverez également le nombre de doses livrées et de rendez-vous pris dans chacun des 1 000 centres de vaccination, pas seulement pour cette semaine, mais aussi pour les quatre semaines à venir. Bref : vous disposerez d'autant d'informations que moi-même et que tous les Français sur l'organisation logistique et les livraisons vaccinales.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.
Lors de la dernière conférence de presse que nous avons organisée, nous avons annoncé que 2,4 millions à 4 millions de Français pourraient bénéficier d'une première dose de vaccination d'ici fin février. Je vous confirme que ces objectifs seront tenus.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
J'associe à cette question, qui nous concerne tous, mes collègues députés des Français établis hors de France et, plus largement, tous les membres de notre assemblée.
Ce week-end, le Gouvernement a instauré des mesures de contrôles aux frontières supplémentaires, destinées à freiner la propagation de nouveaux variants du covid-19. Cette décision intervient à un moment crucial où, pour assurer le contrôle de l'épidémie, nous devons tous faire bloc et tenir ensemble, où que nous soyons. Les Français établis à l'étranger ont été, eux aussi, durement éprouvés par l'épidémie et ses conséquences. Je veux d'ailleurs saluer le soutien d'urgence sans précédent que le Gouvernement leur apporte depuis mars dernier.
Mais cette décision de fermeture des frontières les inquiète vivement. Je me fais donc leur porte-voix. S'agissant des déplacements intra-européens, le principe de libre circulation est préservé et aucune attestation n'est nécessaire : seul un test PCR négatif est exigé, comme c'est d'ailleurs également le cas chez certains de nos voisins européens. Pouvez-vous confirmer que sont exemptés de test PCR les travailleurs transfrontaliers circulant par voie terrestre entre leur résidence et leur lieu de travail, quelle que soit la distance, ainsi que les résidents des bassins de vie situés à moins de 30 kilomètres d'une frontière ?
Les déplacements extra-européens, quant à eux, ne sont désormais autorisés que pour un « motif impérieux ». Pouvez-vous préciser en quoi consiste un motif impérieux et comment il est apprécié ? Durement affectés par les mesures de restriction de circulation prises depuis le début de la crise, les Français de l'étranger craignent pour leur droit à rentrer en France afin de rejoindre leurs parents ou un proche en difficulté.
Ces mesures sont temporaires – M. le Premier ministre l'a rappelé vendredi dernier – , mais nos concitoyens ont besoin d'être rassurés. Pouvez-vous clarifier ces mesures et leur apporter des perspectives ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie.
Dans la lutte contre la covid-19, tous les Français sont contraints dans leurs déplacements, qu'il s'agisse des Français établis en métropole, des Français établis dans les territoires ultramarins, ou des Français établis hors de France. Il est vrai que, depuis plusieurs mois déjà, les frontières entre l'espace européen et les États tiers sont fermées. Si des dérogations existaient, il a effectivement été décidé, depuis dimanche, de durcir ce dispositif pour les restreindre aux motifs impérieux, car il est nécessaire d'éviter toute propagation des variants, d'où qu'ils viennent.
Dans ce contexte, je confirme que les catégories que vous avez mentionnées – les travailleurs transfrontaliers et les transporteurs – bénéficient des aménagements que vous avez évoqués et que les Français établis hors de France pourront rentrer s'ils justifient d'un des motifs impérieux dont la liste indicative a été mise en ligne. Cette liste inclut des motifs d'ordre personnel ou familial – dont font par exemple partie la garde d'enfants, l'assistance aux personnes âgées ou, hélas, le décès d'un membre de la famille – , mais également d'ordre professionnel ou médical.
Tout est ainsi fait pour permettre le retour lorsque la nécessité est réelle.
En outre, Jean-Yves Le Drian et moi-même avons veillé, depuis le début de la crise, à ce que les Français établis hors de France bénéficient de l'accompagnement des services consulaires. Cela se traduit très concrètement par des bourses supplémentaires ou par des crédits additionnels versés aux associations d'aide aux Français établis hors de France.
C'est très simple : les Français établis hors de France sont une partie de la patrie, et la patrie continuera d'être à leurs côtés.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Qui a dit : « Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché » et « Nous devons relocaliser et recréer des forces de production sur nos territoires. La souveraineté sanitaire et industrielle sera l'un des piliers du plan de relance » ?
M. Adrien Quatennens applaudit.
Si le sigle reste le même – QAG – , dois-je comprendre que la séance des questions au Gouvernement a été remplacée par une séance de quiz au Gouvernement ?
Je ne connais pas la réponse à la question que vous avez soulevée. Comme il vous reste une chance de me poser une question – et à moi, une chance de vous apporter une réponse – , vous avez la parole.
Il est regrettable que vous ne le sachiez pas : il s'agit du président Emmanuel Macron, le même qui était au chevet de Sanofi pour faire la promotion de sa recherche sur le vaccin – je ne m'attarderai pas sur la polémique créée par le fait que Sanofi, malgré les aides reçues de l'État, ait réservé ses premières doses aux États-Unis. Bilan : Sanofi a engrangé 4 milliards d'euros de dividendes au printemps, 400 postes sont supprimés dans la recherche, le nombre de centres de recherche en France passe de onze à trois, et Sanofi devra finalement aider Pfizer à mettre ses vaccins en flacon. Où est la souveraineté ?
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.
Nous vous exhortons depuis le début à associer une stratégie thérapeutique à la stratégie vaccinale. Pourquoi la puissance publique n'a-t-elle pas mis des moyens sur la table pour développer un traitement ? Pourquoi la France ne dispose-t-elle pas d'un pôle public du médicament ? Elle est obligée s'en remettre au groupe LVMH, qui a financé la recherche de l'Institut Pasteur de Lille ! Nous dépendons à 80 % des importations de médicaments, alors que nous en fabriquions l'essentiel il y a vingt ans. Où est la souveraineté ?
Mêmes mouvements.
Le monde médico-social alerte à nouveau sur le manque de masques. Le Haut Conseil de la santé publique recommande de ne plus utiliser les masques en tissu, au profit des masques chirurgicaux et surtout des masques FFP2, qui sont les plus protecteurs. Dans les Hauts-de-France, l'entreprise Macopharma produit des masques FFP2, mais la France n'a pas renouvelé le contrat expiré le 28 décembre dernier : les États-Unis, le Canada, l'Australie et l'Espagne lui en achètent, mais pas nous ! Où est la souveraineté ?
Mêmes mouvements.
L'entreprise de biotech Yposkesi, fleuron français traitant des maladies rares et propriété de l'AFM-Téléthon et de Bpifrance, va passer sous pavillon sud-coréen : vous laissez faire ! Où est la souveraineté ?
Mêmes mouvements.
La souveraineté sanitaire, c'est la capacité de l'État à assurer la santé de sa population en toute indépendance. Où sont les réquisitions ? Quand allons-nous recourir au mécanisme de licence d'office pour contourner les brevets et faire du vaccin un bien commun de l'humanité, produit sur notre sol ? Combien de temps la France sera-t-elle ainsi humiliée ?
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
J'aime quand vous consacrez votre temps et votre énergie à soutenir l'industrie française plutôt qu'à lui taper dessus : cela me semble beaucoup plus utile et productif.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Je ne doute pas une seconde du fait que, lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous voterez avec nous en faveur des mesures d'aide à la relocalisation de la production de médicaments en France et des crédits d'impôts nécessaires pour soutenir l'innovation et la recherche pharmaceutique en France et en Europe. J'imagine que vous voterez avec nous pour toutes les mesures d'aides à l'emploi, à l'embauche et à la contractualisation, qui visent précisément à ce que les grands groupes qui ont déserté notre pays – non pas depuis cinq ou dix ans, mais depuis vingt ou trente ans – aient envie de revenir.
En revanche, je doute fort qu'un discours menaçant ces groupes de leur prendre leurs licences et leurs brevets avant même de leur demander s'ils sont d'accord pour nous aider les attire. Soyez rassuré : les laboratoires ayant développé des vaccins validés par les autorités sont très heureux de nous permettre de les produire sur le sol français. Quatre entreprises, qui seront bientôt plus nombreuses, assurent déjà l'étape dite du fill and finish – conditionnement – et se verront demain confier l'intégralité des processus de production. Tel est l'objet du travail que le Président de la République, le Premier ministre et les services de Bercy mènent au quotidien avec les entreprises. Ce travail paie : il nous permet de produire sur notre sol des vaccins utiles aux Français, tout comme il nous avait permis de fabriquer en quelques semaines suffisamment de masques grand public pour protéger toute la population, et tout comme il nous permettra bientôt d'être totalement autosuffisants en matériel de protection – masques, blouses ou surblouses.
C'est ce travail qui a démarré. Soutenez-le de temps à autre par votre vote, monsieur le député. Vous verrez : cela vous changera, et ce sera beaucoup plus utile.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Berta applaudit également.
Monsieur le Premier ministre, notre assemblée examine depuis plusieurs semaines, en commission et maintenant en séance publique, le projet de loi confortant le respect des principes de la République, un texte qui était attendu et qui apporte des réponses fortes pour lutter contre l'islamisme et le séparatisme. Moi qui mets en garde depuis de nombreuses années contre l'influence grandissante des réseaux de l'islam radical, je ne peux que me réjouir que nous prenions enfin collectivement les mesures nécessaires pour le combattre.
Malheureusement ces réponses, à elles seules, risquent de se révéler insuffisantes. En effet, pour gagner la bataille, le République devra certes faire respecter le droit mais elle devra aussi et surtout faire respecter sa promesse, celle à laquelle le Président de la République faisait référence dans son discours des Mureaux : donner à chaque jeune les mêmes chances, quels que soient son lieu de naissance, son nom ou son milieu social, ne faire aucune différence entre tous ses enfants et être au rendez-vous dans tous les quartiers mais aussi au fin fond des campagnes.
Le grand principe républicain consiste à offrir une perspective et un cadre qui permettent à chacun de s'émanciper. Cette émancipation passe d'abord bien sûr par l'école mais également par la formation, le travail, les associations ou encore la vie sociale. Que cette promesse soit de nouveau formulée et qu'elle soit tenue, tel était déjà le sens de l'appel de Grigny il y a trois ans.
Oui, la laïcité doit protéger notre République et l'ordre républicain. Mais notre société ne se débarrassera des entreprises séparatistes que si elle est capable d'offrir un horizon à tous ses citoyens. Dans ce domaine, beaucoup a été fait depuis tant d'années. Des mesures fortes ont été annoncées vendredi lors du comité interministériel à la ville. Mais face au nouveau défi qui est le nôtre, il faut redoubler d'efforts.
Ma question est donc simple : quand, comment et avec quels moyens souhaitez-vous renforcer la concrétisation de cette promesse ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur Pupponi, nous connaissons votre engagement, que nous partageons bien sûr, au Gouvernement, en faveur de l'égalité des chances. Vous le savez, le Président de la République s'est exprimé sur cette question aux Mureaux en donnant deux impulsions fortes, la première étant le projet de loi confortant le respect des principes de la République, que nous discutons en ce moment même à l'Assemblée nationale et qui a fait l'objet d'un travail important de la part des députés, notamment dans le cadre de la commission spéciale, que je salue au passage.
La deuxième, indissociable, est en effet la promesse républicaine d'assurer une plus grande égalité des chances. Mes collègues Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon, Nadia Hai et Brigitte Bourguignon auront l'occasion, entre autres, au cours de cette séance, de répondre précisément à vos questions concernant notamment les mesures prises par le Gouvernement de Jean Castex à cet effet.
Vous l'avez mentionné, un comité interministériel à la ville s'est tenu autour du Premier ministre et de la ministre déléguée chargée de la ville Nadia Hai. Un plan d'aides important, s'élevant à 3 milliards d'euros, destinés aux quartiers populaires, a été présenté à cette occasion.
Je peux aussi vous citer d'autres mesures : la création de sept nouveaux quartiers de reconquête républicaine parce que l'égalité des chances suppose aussi de vivre en sécurité, que l'on habite à Sarcelles ou dans le septième arrondissement de Paris ; la naturalisation des travailleurs étrangers qui, en exerçant une activité pendant la période d'état d'urgence liée au covid-19, ont été en première ligne et que nous avons décidé d'accueillir dans la communauté nationale comme des citoyens ; le recrutement de 300 éducateurs spécialisés et la formation de 300 médiateurs pour réinvestir le terrain ; le dédoublement des classes de CP et de CE1 annoncé par Jean-Michel Blanquer.
Je pourrais également vous parler de l'abondement de 2 milliards d'euros supplémentaires du nouveau programme de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU ; du Pass culture promu par Roselyne Bachelot ; de l'implantation de 400 espaces France services afin d'offrir à tous un accès aux services publics de proximité, une mesure promue par notre collègue Amélie de Montchalin ; de la création de 200 cités éducatives et d'internats d'excellence ; ou encore du doublement par l'État du montant accordé aux collectivités pour les soutenir dans la création de places en crèche.
Vous le voyez, c'est un engagement fort, profondément interministériel et dans la durée, de la part du Gouvernement, qui nous permettra de changer les choses pour la prochaine génération en matière d'égalité des chances.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse directement à M. le Premier ministre. Après le fiasco des masques puis celui des tests, nous voici face au fiasco de la vaccination. C'est un cri unanime des professionnels de santé : la campagne de vaccination en France est hélas un modèle de désorganisation.
Mais il y a plus grave encore. Considérés comme les fers de lance de la filière pharmaceutique française, symboles de l'excellence et du rayonnement de la France à l'étranger, l'Institut Pasteur et Sanofi annoncent publiquement ne plus être dans la course pour un projet de vaccin contre la covid-19 au moment même où plusieurs laboratoires concurrents lancent l'homologation de leurs produits.
Et comme si cela ne suffisait pas, nous venons d'apprendre que Valvena, entreprise française implantée à Nantes, et dont Bpifrance est actionnaire, va produire un vaccin pour nos voisins anglais plutôt que pour la France, tout ceci parce que votre Gouvernement n'a même pas eu l'idée de commander directement des vaccins à cette belle entreprise française.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
Mes propos mettent cruellement en lumière la faiblesse de la politique de recherche de votre Gouvernement. Or, s'il est bien un domaine où nous devons défendre notre souveraineté, c'est celui de la recherche. La crise sanitaire accentue encore cette absence abyssale de politique de recherche. C'est désormais rien moins que la crédibilité de l'État Français, auprès de nos concitoyens mais aussi à l'international, qui est en jeu.
Dans cette période cruciale, comment pouvez-vous accepter que le directeur général de la recherche et de l'innovation, qui a démissionné pour cause de désaccord majeur avec votre Gouvernement, n'ait pas été remplacé, et ce depuis le 25 novembre dernier ?
Ma question est simple : quelle mesure comptez-vous enfin prendre pour que la France retrouve une politique de recherche digne de ce nom ? Ne vous dérobez pas, monsieur le Premier ministre.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La France est un très grand pays de recherche fondamentale, appliquée et clinique.
Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vous le savez, monsieur Hetzel, puisque vous vous êtes investi dans les questions de recherche et de gouvernance depuis que vous êtes député, soit depuis près de dix ans – vous êtes même un spécialiste de ces questions au sein de votre groupe parlementaire.
Tout d'abord, ne dénigrons pas la qualité de la recherche dans notre pays ; c'est notre fierté nationale.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ne dénigrons pas non plus les grands organismes de recherche publique présents sur notre territoire.
Je ne vous ai pas entendu célébrer par des cocoricos le jour où ce même Institut Pasteur, que vous avez incriminé dans votre question, a été le premier organisme au monde capable – en seulement trois jours – , de séquencer le génome du virus du covid-19, une découverte qu'il a partagée avec le monde entier.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
C'est toujours pareil : ne parlons surtout pas de ce qui marche dans notre pays mais mettons en avant ce qui peut nous servir à attaquer ses adversaires.
Je ne peux plus entendre parler de fiasco des tests alors que nous sommes depuis des mois le pays d'Europe dans lequel on se teste le plus
Brouhaha.
Il faut désormais 0,6 jour pour être testé, quel que soit l'endroit où l'on se trouve dans le pays ; il faut moins de 24 heures dans 95 % des cas pour avoir le résultat ; et dans 92 % des cas on est appelé par l'ARS ou par l'assurance maladie dans les 24 heures qui suivent son test. Aucun pays au monde n'enregistre de telles performances. Et vous savez quoi ? C'est gratuit, sans ordonnance et vous faites ce test quand vous voulez. Je suis sûr que vous bénéficiez de ce dispositif lorsque vous estimez que c'est nécessaire. Est-ce le fiasco dans vous parlez ? Dans ce cas, vive les fiascos ! Je ne crois pas que cela en soit un.
De la même manière, s'agissant de la vaccination, vous avez parlé de l'unanimité des professionnels de santé. Mais ce qui réunit ces milliers de soignants, c'est le fait qu'ils travaillent tous les jours dans les centres de vaccination, qu'ils ont monté, non pas cinquante centres comme en Allemagne, mais 1 000 centres pour assurer un maximum de proximité, et qu'ils ont déjà vacciné plus d'1 million et demi de Français en quelques semaines, une campagne qui continue de monter en puissance.
Encore une fois, soyez fier de votre pays, de ceux qui le font avancer, qui recherchent, qui découvrent, qui créent. Et lorsqu'un laboratoire de recherche ne trouve pas forcément un traitement tout de suite, tolérez que l'on ne gagne pas à tous les coups. Soyez confiants, nous y arriverons.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.
Vaccination contre la covid-19
Je poserai deux questions au Premier ministre. Tout d'abord, l'Allemagne vient d'acquérir des médicaments à base d'anticorps monoclonaux pour soigner les personnes qui ne pourront être vaccinées en raison d'une contre-indication médicale. La France envisage-t-elle de faire de même ?
Deuxièmement, nous connaîtrons cet après-midi la préconisation de la Haute autorité de santé concernant l'utilisation du vaccin d'AstraZeneca, et ce au moment où l'Allemagne et certains autres partenaires émettent des doutes au sujet de son efficacité pour les plus de 65 ans. J'imagine que vous prendrez en considération ces doutes. D'ailleurs, je ne vois pas qui souhaiterait que ses parents ou grands-parents se voient injecter un vaccin efficace à 70 % alors que d'autres le sont à 94 %. La question de l'utilisation des vaccins d'AstraZeneca se pose donc légitimement. Vous avez, je crois, déjà envisagé de les destiner en priorité aux soignants de moins de 50 ans.
Ma question est simple, comme notre proposition est simple. Face à la détresse étudiante, sur laquelle les présidents des universités, les psychologues et les psychiatres vous alertent – 40 % de nos étudiants seraient en situation de détresse – , face à la situation que nous constatons dans nos circonscription, avec ces jeunes qui, depuis maintenant neuf à dix mois, n'ont pas assisté à un seul cours ni revu un seul professeur, voire un seul étudiant, souhaitez-vous, comme nous, que le vaccin d'AstraZeneca soit destiné en priorité aux étudiants, pour leur permettre de reprendre le chemin des universités, de retrouver une vie normale et de rattraper le dernier semestre ?
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Vous venez de l'indiquer, la Haute autorité de la santé se prononcera dans les heures qui viennent sur les conditions d'utilisation du vaccin d'AstraZeneca. Comme je l'ai indiqué ici-même le 16 décembre, la stratégie vaccinale de la France, après avis des autorités sanitaires qualifiées, consiste, comme c'est d'ailleurs le cas dans les pays qui nous entourent, à vacciner en priorité, d'une part les publics vulnérables, d'autre part les publics exposés.
Vous l'avez dit également, et toute l'Assemblée le sait, parmi les publics vulnérables figurent d'abord les personnes âgées de plus de 75 ans, les personnes résidant dans les EHPAD et les USLD, les unités de soins de longue durée – la primo-vaccination de ces publics devant être achevée, comme je l'ai annoncé, à la fin de la présente semaine – ainsi que des patients plus jeunes présentant des formes graves de comorbidité.
Parmi les publics exposés figurent en effet les soignants. Vous le savez, la vaccination des personnes appartenant à cette catégorie et âgées de plus de 50 ans a commencé. Attendons de savoir ce que nous dira la Haute autorité de santé concernant AstraZeneca.
Je constate comme vous que les décisions prises à la suite des recommandations des autorités sanitaires sont diverses selon les pays. Vous avez cité deux pays dans lesquels il a plutôt été décidé que ce vaccin serait administré aux personnes de moins de 65 ans. Je vous rappelle qu'en Grande-Bretagne, il a été décidé qu'il serait administré larga manu à l'ensemble de la population, parfois d'ailleurs en n'injectant qu'une seule dose, ce qui explique aussi les performances vaccinales de ce pays. C'est un choix qui a été fait en Grande-Bretagne. Ce n'est vraisemblablement pas le parti que nous prendrons.
Attendons de savoir ce que recommande la Haute Autorité de santé.
D'autre part, s'agissant des étudiants, je peux dire, sous réserve, encore une fois, des recommandations de la HAS, qu'il est peu probable qu'ils fassent partie de la catégorie des publics les plus vulnérables. Les étudiants ne sont pas ceux qui développent les formes les plus graves de la maladie et – Dieu merci – qui se retrouvent hospitalisés ou dans les services de réanimation.
En revanche, je vous rejoins pour considérer que le Gouvernement doit accorder un soin tout particulier aux étudiants de France, que le confinement a placés dans des conditions extrêmement difficiles. L'Assemblée nationale connaît parfaitement les dispositions que nous avons prises, notamment la reprise des cours en présentiel, à raison d'un jour par semaine et dans le cadre de jauges établies à 20 %. Nous veillons scrupuleusement à ce que ces mesures se déploient au cas par cas, université par université.
Toujours à propos de la situation des étudiants, dont vous vous souciez, je conclurai en vous disant qu'une façon de les accompagner et de les protéger consiste à développer encore plus, de façon positive et intensive à leur égard, la stratégie « tester, alerter, protéger », qui n'est pas du tout un échec comme je l'ai entendu mais au contraire une grande réussite…
… et qui, pourrait être amplifiée en étant appliquée à des cohortes d'étudiants, pour assurer, dans des conditions encore meilleures, la reprise des cours, un enjeu majeur.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Tout d'abord, comme l'a dit M. Véran, ne prenons pas exemple sur la Grande-Bretagne pour la vaccination.
Deuxièmement, si la Haute autorité de santé fait des recommandations, c'est vous qui prendrez la décision. Il existe, certes, des priorités sanitaires liées au covid-19 mais il en existe d'autres liées à l'état de désespérance dans lequel se trouvent les étudiants.
Mme Agnès Thill, M. Raphaël Schellenberger et M. Jean-Marie Sermier applaudissent.
À cet égard, je ne suis pas sûr que le retour à des cours en présentiel un jour par semaine suffise à remédier à la situation. Je vous invite à réfléchir à la réalité suivante : cette génération est sans doute celle qui risque de développer le moins de formes graves du covid-19, mais c'est aussi la plus confinée de France. Combien de temps pensez-vous qu'ils le supporteront ?
M. Raphaël Schellenberger applaudit.
Vaccination contre la covid-19
Monsieur le Premier ministre, vous annonciez vendredi ne pas confiner, en appelant à la responsabilité des Français. Sur ce dernier point, il n'y a pas débat : les Français ont fait preuve d'un courage et d'un civisme exceptionnels. C'est de votre côté qu'il y a eu défaillance. Or pour qu'il y ait confiance, il faut non seulement de l'efficacité, mais au préalable de la vérité et de la transparence.
Tout d'abord, qu'en est-il de la vérité ? Je prends un exemple : la vaccination des soignants. C'est une priorité reconnue par l'Organisation mondiale de la santé et vous venez d'ailleurs d'évoquer, parmi les publics les plus exposés, donc prioritaires, les soignants de plus de cinquante ans. Or j'ai une note de l'Agence régionale de santé d'Aquitaine – ma région – qui annonce que, faute de doses en quantité suffisante, il faut désormais vacciner moins de professionnels de santé ! Si c'est le cas, qu'attendez-vous pour le dire à nos concitoyens ? Et si ce n'est pas le cas, vous pouvez imaginer la confusion sur le terrain !
Ensuite, qu'en est-il de la transparence ? C'est le Président de la République qui décide de tout, après avoir convoqué un conseil de défense dont nous ne savons rien ! Le pays compte plus de 70 000 morts… Il est temps de tout dire : qui participe à ce conseil de défense ? Dites-nous qui, monsieur le Premier ministre. Les délibérations de ce conseil, y compris les hypothèses de travail qui y sont envisagées, devraient être rendues publiques : êtes-vous prêt à le faire ?
Vous voulez la confiance des Français… Donnez-leur d'abord des réponses !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.
Tout d'abord, s'agissant de la vaccination des soignants, je confirme que les soignants âgés de cinquante ans et plus sont un public prioritaire : depuis le début du mois de janvier, plusieurs centaines de milliers d'entre eux au sens élargi – puisque nous avons décidé d'y inclure aussi les pompiers et les aides à domicile – , soit la majorité, ont déjà reçu au moins la première injection.
Le Premier ministre a évoqué à l'instant l'avis que va rendre, vers dix-sept heures quinze pour être précis – je pousse la transparence jusque-là, monsieur le député – , le CTV, le comité technique des vaccinations de la Haute Autorité de santé, à propos du caractère recommandable ou non de l'AstraZeneca pour les personnes âgées de plus de soixante-cinq ans en fonction des données disponibles à ce stade.
Si cet avis était négatif, nous disposerons de données complémentaires d'ici à la fin du mois de février pour commencer à vacciner en ciblant les personnes plus jeunes, avant de continuer en mars avec les plus âgées si les données alors disponibles pour cette classe d'âge corroborent ce calendrier qui me semble souhaitable. Dans l'hypothèse où nous ne pourrions pas vacciner tout de suite les personnes âgées de soixante-cinq ans et plus avec ce vaccin, la possibilité de l'utiliser pour l'ensemble des soignants serait intéressante et évidemment à étudier. En tout état de cause, la réponse sera fournie dans la semaine pour que tout puisse être organisé. Je vous confirme la volonté du Gouvernement de continuer à protéger en priorité les soignants parce qu'ils agissent, en ville et à l'hôpital, pour le bien-être de nos concitoyens, que notre pays en a besoin et qu'ils sont particulièrement exposés au risque de coronavirus.
S'agissant du conseil de défense et de sécurité nationale, beaucoup a été dit et écrit. Pour avoir participé à une bonne quarantaine de ses réunions, je peux vous dire qu'elles ne ressemblent pas du tout à la vision que vous en avez : c'est un lieu d'échanges, de discussions, où sont présents ministres et experts. Et je vous certifie que les documents sur lesquels se fondent leurs réflexions sont à votre disposition puisqu'ils sont publiés tous les jeudis, à l'occasion des conférences de presse que le Premier ministre et moi tenons, qu'il s'agisse des courbes, des chiffres, des statistiques. Je sais que c'est un réflexe humain de croire dans ces circonstances qu'on nous cache des choses, mais ce n'est pas la stratégie du Gouvernement : sa stratégie, c'est la transparence la plus totale, …
… y compris par l'open data quand c'est possible.
Monsieur le ministre, que les choses soient claires : nous, socialistes, souhaitons la réussite de l'État français dans la campagne de vaccination.
Nous avons d'ailleurs été les premiers à déposer des propositions dans le cadre d'un projet de résolution vaccinal. Je dis bien les premiers ! Dès le mois de juin, nous sommes intervenus sur ces questions !
Mais que constate-t-on ? À chaque fois que vous vous exprimez publiquement, les faits vous démentent ! Ainsi, vous avez dit qu'il y aura quatre millions de Français vaccinés à la fin février, alors qu'on n'en sera à 2,5 millions.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Nos concitoyens sont épuisés… Le « quoi qu'il en coûte », c'est au vaccin qu'il faut l'appliquer !
Ma question s'adresse à Mme Nadia Hai, ministre déléguée chargée de la ville.
Au moment où nous débutons l'examen du texte « Respect des principes de la République », la tenue d'un conseil interministériel des villes est un signal fort que des actions vont être menées en faveur de l'émancipation des habitants de nos quartiers et une réaffirmation de la volonté du Gouvernement et de sa majorité d'oeuvrer pour l'égalité des chances. Notre politique de la ville est la définition même de « l'autre jambe » qu'évoquait le Président de la République dans son discours aux Mureaux.
Notre majorité y travaille au quotidien ; avec plusieurs de mes collègues, j'ai fait remonter des propositions concrètes sur l'éducation, l'emploi, la rénovation urbaine ou encore la sécurité. Construites avec les élus et les autres acteurs locaux, ces propositions sont le reflet de nos territoires, le reflet de leurs réalités ; elles soulignent l'importance d'une plus grande coordination de tous et d'une plus grande efficacité. Changer les choses, c'est notre but, même en ces temps de crise ! Ainsi, j'ai noté que vous avez annoncé la création d'une cité éducative pour le quartier de Metz-Borny, ce dont je vous suis très reconnaissant ; ce quartier où j'ai grandi, où j'ai beaucoup appris auprès de toutes ces personnes qui nous ont donné, à moi et à mes camarades, de leur temps en partageant leurs expériences. C'est un peu grâce à elles que je suis là aujourd'hui pour pouvoir poser cette question à un membre du Gouvernement.
Pendant trop d'années, les élus ont ressassé que la rénovation rassurait, mais pour beaucoup d'habitants, c'est toujours la même misère derrière la dernière couche de peinture ! Nous devons démontrer aux habitants de ces quartiers qu'il n'y a pas que deux issues, la précarité ou la rue. Telle la douzième lettre de l'alphabet grec, faisons la mue de nos quartiers, madame la ministre, pour que leurs habitants soient fiers d'être banlieusards. Ce qualificatif ne peut continuer à être associé au prolétariat, …
… ils ne sont pas condamnés à l'échec. Apprendre, comprendre et entreprendre, pour s'élever, progresser, et ne pas se retrouver face à ces deux issues. Ne les laissons pas chercher ailleurs, là où les réponses qui leur seront proposées les sépareront de la République.
Madame la ministre, je sais que nous partageons les mêmes objectifs. Il n'y a de plus beaux combats que ceux de refaire nation et de lutter contre les inégalités de destin. Plusieurs dizaines de mesures ont ainsi été annoncées vendredi dernier. Il est urgent qu'elles soient mises en oeuvre. Quels sont les principaux chantiers prévus ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – « Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le député, nous sommes en effet un certain nombre, dans cet hémicycle, à être des enfants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Et je tiens à rendre un hommage appuyé à toutes celles et ceux qui y font vivre la République au quotidien.
Le comité interministériel auquel vous faites référence s'est tenu vendredi dernier, sous la présidence du Premier ministre, en présence de nombreux membres du Gouvernement. Il s'agissait d'apporter des réponses concrètes. Il était évidemment très attendu des élus locaux mais aussi des habitants et des associations de ces quartiers, et de vous, mesdames, messieurs les députés. Je tiens d'ailleurs à vous remercier tous pour votre mobilisation qui a permis de co-construire les mesures que je vous présente aujourd'hui. Si la participation, c'est le nerf de la guerre, la co-construction est le reflet de toutes les discussions que nous avons eues depuis des mois.
J'insiste sur un chiffre : 3,3 milliards de mesures concrètes en faveur des habitants. C'était attendu et c'est extrêmement fort. Il s'agit de soutenir deux ambitions.
La première, c'est d'apporter des réponses visibles en accordant une grande place au cadre de vie. À ce titre, 2 milliards d'euros abonderont les crédits de l'ANRU – l'Agence nationale pour la rénovation urbaine – ; l'évolution des logements sociaux sera encadrée dans ces communes qui en concentrent déjà trop ; la sécurité sera mise en exergue – car les premières victimes de l'insécurité sont les habitants des quartiers – au travers de la création de sept quartiers dits de reconquête républicaine et le recrutement de 600 médiateurs sociaux.
La seconde ambition, c'est d'adopter une nouvelle approche de la politique de la ville, une approche ascendante, illustrée par les cités éducatives et par les cités de l'emploi, des dispositifs qui font toute leur place aux acteurs de terrain parce que nous savons pertinemment que si les problématiques peuvent être les mêmes, les solutions diffèrent en fonction du territoire concerné.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères.
Le 17 février dernier, à son retour en Russie, l'opposant politique Alexeï Navalny a été arrêté pour un motif kafkaïen : la justice russe l'accuse en effet d'avoir violé son contrôle judiciaire… du fait de sa convalescence après une tentative d'assassinat par empoisonnement, méthode qui n'est pas sans rappeler les empoisonnements d'Alexandre Litvinenko, de Viktor Iouchtchenko, de Sergueï et Ioulia Skripal, et de tant d'autres. Il ne me revient ici pas de juger le parcours et les idées de M. Navalny, mais nous ne pouvons que nous ériger contre le sort réservé aux oppositions russes. Ainsi, que dire de la brutale répression policière qui s'est abattue contre les manifestants ces derniers jours, se soldant par 5 300 arrestations ?
Suite à cette affaire, il a beaucoup été question de la demande par la France de l'arrêt de la construction du gazoduc Nord Stream 2, mais il est vrai que cela soulève d'importants problèmes d'indépendance énergétique.
Ma question portera donc sur la réponse politique que l'Union européenne, en particulier la France, compte apporter dans les prochains jours et les prochaines semaines. Nous avons appris que le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrel, sera à Moscou le 4 février et qu'il a demandé à voir l'opposant à ce jour en prison. De même, nous avons entendu, la semaine dernière, les appels du président du Conseil européen, Charles Michels, pour sa libération. Je rappelle qu'en octobre dernier, l'Union européenne avait prononcé quelques sanctions contre des personnalités et des diplomates russes dans le cadre de l'affaire Navalny. Quel bilan en tirez-vous ?
Mais il faut aller au-delà du bilan : quelle est la position de la France aujourd'hui ? Y-a-t-il consensus avec nos partenaires européens ? Et, à la lumière de ce nouvel épisode, comment envisagez-vous le futur des relations franco-russes ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LT.
Les arrestations collectives et préventives mises en oeuvre ces deux derniers week-ends en Russie sont arbitraires et parfaitement inacceptables.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Erwan Balanant applaudit également.
J'ai déjà eu l'occasion de dire que la France fait le constat d'une dérive autoritaire inquiétante de la Russie.
L'arrestation arbitraire de M. Navalny en janvier dernier le confirme et a suscité la mobilisation de la population russe que vous évoquez. La France demande sa libération immédiate et suit avec une grande attention la procédure qui va être engagée contre lui aujourd'hui même parce qu'elle a été jugée non équitable par la Cour européenne des droits de l'homme. La France ne proteste pas seule puisque l'ensemble des vingt-sept est sur la même position et que nous avons tous engagé une procédure de sanctions en réponse à l'empoisonnement de M. Navalny en territoire russe par une arme chimique russe, et demandons à la Russie la plus grande transparence sur cette affaire. La position des vingt-sept, après la visite du Haut représentant, M. Borrell, à Moscou, sera adoptée lors de notre réunion de ce mois en fonction des réponses que la Russie apportera.
Malgré tout, monsieur le député, la France demeure favorable à construire avec la Russie les conditions d'une relation qui permette d'assurer la sécurité et la stabilité en Europe. Il faut toutefois bien reconnaître que ces décisions prises par ce pays ne contribuent ni à la confiance ni à la sécurité.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Dans le contexte actuel, une bonne nouvelle n'est jamais de trop ! Et cette bonne nouvelle nous vient de l'apprentissage, ou plutôt d'un chiffre : 450 000, le nombre de jeunes qui se sont engagés en 2020 dans l'apprentissage, ce qui représente une augmentation de 19 % dans le secteur privé !
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Record historique en cette semaine nationale consacrée à l'apprentissage ! Un record d'autant plus positif que nous avons réussi à déjouer les effets néfastes de la crise et ce, nul ne peut l'ignorer, grâce au plan de soutien massif à l'apprentissage lancé par le Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
En effet, les primes à destination des entreprises – 5 000 euros pour l'embauche d'un jeune de moins de 18 ans et 8 000 euros pour un jeune majeur – ont permis l'embauche de nombreux apprentis dans nos TPE et PME ! Avec le plan « Un jeune, une solution » et la plateforme de recrutement lancée en novembre dernier, les jeunes peuvent être mis plus facilement en relation avec les entreprises. Mais n'oublions pas que cette dynamique est aussi le résultat d'une réforme, celle de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018, qui a permis de réformer l'apprentissage dans notre pays et d'en faire une voie d'excellence ! À l'heure où des milliers de jeunes se questionnent sur leur avenir, c'est la chance d'apprendre un métier, un véritable tremplin vers l'emploi ! En plus aujourd'hui, tous les secteurs concernés recrutent, y compris ceux durement touchés par la crise. Par ailleurs, je me réjouis que la mission menée actuellement par M. Laforcade intègre désormais une réflexion sur l'apprentissage dans le secteur des métiers du grand âge car cela permettra, je l'espère, de lever les freins existant à cet égard dans le secteur du médico-social.
Malgré ces bonnes nouvelles, face à la crise de surcroît, des interrogations persistent, madame la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion. Aussi, comment envisagez-vous 2021 madame la ministre ? Comment maintenir cette dynamique vertueuse ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – « Allô ? Allô ? » sur les bancs du groupe LR.
La parole est à Mme la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Madame la présidente de la commission des affaires sociales, chère Fadila Khattabi, je connais votre engagement personnel en faveur de l'apprentissage, y compris durant votre parcours professionnel. En cette semaine de l'apprentissage, je suis donc particulièrement heureuse de pouvoir vous apporter des bonnes nouvelles. Disons-le très simplement : l'année 2020 a marqué un record historique pour l'apprentissage.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Ce record, dans un contexte de crise, est inespéré : en 2020, plus de 450 000 apprentis ont été recrutés par les entreprises, soit environ 100 000 de plus qu'en 2019. Je présenterai dans quelques jours le bilan détaillé de l'apprentissage en 2020 et, dès la fin du mois, les données seront disponibles pour chaque département sur le baromètre de l'action publique.
Cette bonne dynamique traduit l'engagement des entreprises et leur volonté de préparer l'avenir : quand on recrute un apprenti, on prépare en effet les compétences dont on aura besoin dans deux ou trois ans. Ces résultats très encourageants, nous les devons également à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, adoptée en 2018, qui permet de lever les freins et d'adapter les formations aux besoins des entreprises. Cette loi est à mettre au crédit du Gouvernement et de la majorité.
Enfin dès juillet, le Gouvernement a fait le choix de placer l'apprentissage au coeur du plan « 1 jeune, 1 solution ». Vous l'avez dit, les primes proposées aux employeurs ont un effet décisif pour les encourager à embaucher un apprenti. Au vu de la situation sanitaire, nous avons décidé de prolonger les aides jusqu'à la fin du mois de mars et, pour réussir la rentrée de l'apprentissage en 2021, une concertation va être engagée prochainement avec les partenaires sociaux et tous les acteurs de l'apprentissage pour adapter ces aides au contexte actuel. Notre politique en faveur de l'apprentissage est plus que jamais nécessaire et je compte sur vous, mesdames et messieurs les députés, pour la promouvoir dans vos territoires.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Il y a urgence, nos étudiants souffrent. Décrochage scolaire, isolement social, précarité, dépression, suicides : les conséquences des confinements et des couvre-feux successifs sont d'une violence inouïe pour les jeunes.
À la détresse économique liée à la suppression des jobs étudiants, se mêle une détresse psychologique provoquée par l'arrêt des cours à l'université. À la Sorbonne, dans les universités d'Aix-Marseille ou Côte d'Azur et dans de nombreux IUT, des promotions entières n'ont repris aucun cours en présentiel, malgré les annonces faites à grand renfort de communication par le Président de la République et la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.
Les chiffres sont alarmants : 73 % des étudiants sont affectés au niveau psychologique, affectif ou physique ; 50 % sont inquiets pour leur santé mentale ; 30 % ont déjà eu des pensées suicidaires. Les numéros verts et les repas à un euro ne suffisent pas, …
Les jeunes se sentent stigmatisés par le Gouvernement qui leur fait la leçon et les accuse d'organiser des soirées clandestines
M. Julien Aubert applaudit.
Pour éviter de sacrifier une génération, apportons une triple réponse : envisageons une réouverture encadrée, mais plus large, des universités, pour éviter le drame des étudiants fantômes ; aidons économiquement les jeunes en grande précarité ; incitons davantage les entreprises à embaucher des jeunes en allégeant les charges.
Après les avoir oubliés pendant un an, ne confinez pas l'avenir des étudiants. Au-delà des mesures très insuffisantes annoncées, que compte faire concrètement le Gouvernement pour protéger la jeunesse de France ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, qui est retenue au Sénat. Je vais donc tâcher de vous répondre.
Personne ne saurait sous-estimer le problème que vous avez évoqué, puisqu'il se pose à l'échelle du monde. Ne faisons pas comme s'il n'y avait pas d'épidémie et tous les problèmes qu'elle pose : dans l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur du monde, c'est l'enseignement à distance qui prédomine. Cela crée bien sûr les problèmes que vous avez soulevés et on ne peut que partager votre inquiétude. La situation appelle deux catégories de mesures.
Tout d'abord, le retour physique des étudiants dans les universités, dans le respect des règles sanitaires, doit s'organiser dès que cela sera possible. C'est ce qu'a indiqué le Président de la République le 21 janvier lors de sa visite à l'université Paris-Saclay. Comme l'a rappelé M. le Premier ministre, ce retour sera possible une fois par semaine pour les publics qui en ont le plus besoin, avec une jauge de 20 %. Les présidents d'université et les chefs des établissements d'enseignement supérieur sont en mesure d'établir des protocoles sanitaires pour permettre ce retour dont nous allons progressivement observer la mise en oeuvre. Bien entendu, au cours des mois prochains, il est souhaitable d'y arriver le plus possible : le Gouvernement, à travers l'action de Frédérique Vidal, appuiera les présidents d'université dans ce sens. D'ores et déjà, il y a des endroits où le retour des étudiants prend forme.
En outre, nous devons fournir aux étudiants un appui social et psychologique. Avant même la crise sanitaire, de nombreuses mesures – comme la revalorisation des bourses – ont été prises par le Gouvernement. D'autres ont été décidées pour répondre à la crise, notamment le repas à un euro, deux fois par jour, annoncé par le Président de la République
M. Christophe Castaner applaudit.
Ne sous-estimez pas cette mesure : elle est importante, des dizaines de milliers d'étudiants en bénéficient. De même, l'aide psychologique est fondamentale : chaque étudiant dispose ainsi de trois consultations gratuites.
Ce qui compte maintenant, c'est de tenir un discours positif pour la jeunesse. Projetons-nous vers l'avenir, comme nous le faisons avec le plan « 1 jeune, 1 solution ». Faites des propositions en faveur d'une politique générale de la jeunesse
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Surréaliste, indécent : ce sont les mots du maire de Longueil, en Seine-Maritime, face aux mesures relatives à la carte scolaire. Pourtant, la crise sanitaire que nous traversons a révélé – comme jamais – le besoin de proximité et de présence physique, comme vous n'avez d'ailleurs pas cessé de le porter, mais aussi d'effectifs à dimension humaine, non seulement pour respecter les gestes barrières, mais également pour se donner les moyens de réparer l'ascenseur social de la République.
Or le sentiment que nous avons partout dans nos territoires – chez moi en Normandie, comme en Seine-Saint-Denis, dans le Puy-de-Dôme ou dans l'Allier, comme partout dans les communes rurales ou dans les quartiers populaires où la disparition des zones d'éducation prioritaire a laissé les écoles orphelines – , c'est que les inspections bâtonnent à la craie. Classes fermées, dotation horaire globale supprimée dans le second degré : une saignée est en préparation, comme s'il s'agissait de rattraper, à l'envers, la pause imposée par le confinement l'an dernier. Cette saignée complique nos efforts d'inclusion scolaire.
Alors que les familles, la communauté éducative dans son ensemble et les élus ont joué le jeu pour rouvrir les écoles, alors que nous allons débattre pendant quinze jours de la nécessité de réarmer la République, comment ne pas envisager un moratoire contre toute fermeture de classe non consentie ? Devant le tableau noir de la crise qui broie des vies, qui sacrifie toute une génération, qui aggrave les inégalités sociales et territoriales, allez-vous avoir – « quoi qu'il en coûte » – la sagesse de renoncer à la saignée de l'éducation nationale ?
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SOC et FI.
La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le député, évitons les mots outranciers. Comment pouvez-vous parler de saignée ? Je vais vous donner deux chiffres : l'année prochaine, il y aura 65 000 élèves en moins à l'école primaire, mais plus de 2 500 postes supplémentaires
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Nous allons battre le record du taux d'encadrement à l'école primaire. Parler de saignée a donc quelque chose d'indécent. Ce Gouvernement est celui qui aura le plus investi dans l'école primaire depuis cinq ans.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Cela se traduit par les classes dédoublées. Dans votre département de Seine-Maritime, trente-trois postes vont être créés alors qu'il y aura 1 000 élèves en moins. Bien sûr, on peut regarder au cas par cas pourquoi telle classe ferme et telle autre ouvre, mais la promesse de ne pas fermer d'école sans l'accord du maire vaut toujours. S'agissant des classes, un travail fin est mené, qui n'est même pas terminé au moment où nous parlons.
Parler de saignée est évidemment une posture politique ; si vous souhaitez que la rentrée scolaire soit réussie dans votre département, nous pouvons en parler de manière parfaitement sereine.
Les moyens sont sur la table et ils nous permettent de mener plusieurs politiques. La politique de l'école inclusive se poursuit avec la secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel : cette politique va permettre de créer de nouvelles classes ULIS – unités localisées pour l'inclusion scolaire – ainsi que des postes d'AESH – accompagnants des élèves en situation de handicap – à la rentrée prochaine. En outre, la politique de dédoublement touche maintenant la grande section de maternelle. Ce matin, dans le vingtième arrondissement, j'ai vu des écoles du quartier le plus défavorisé de Paris qui ont maintenant des résultats comparables à celles du septième arrondissement. Voilà la politique de l'école primaire du Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Comment pouvez-vous parler de saignée alors que nous réussissons à faire ce qui n'était jamais arrivé auparavant ?
Enfin – et c'est vrai aussi dans votre département – , nous allons tenir la promesse présidentielle de ne pas avoir plus de vingt-quatre élèves par classe. Nous avons donc une véritable politique de l'école primaire et la France va pouvoir afficher, pour la première fois, un budget la concernant à la hauteur de ceux des pays de l'OCDE qui nous sont comparables : c'est un très grand progrès dont nous devrions nous réjouir, plutôt que de caricaturer la situation.
Mêmes mouvements
Rires et applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe LR. – M. Ugo Bernalicis mime des mouvements de gymnastique
ne doivent pas vous faire oublier un impératif : mettre sur pause les mesures relatives à la carte scolaire. Dans un contexte de crise sans précédent, les parents, les élèves et les élus ont le sentiment que cette carte scolaire est déconnectée des réalités et de leur mobilisation quotidienne. Vos talents de danseur doivent vous permettre de corriger votre copie.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI. – M. le ministre se dirige vers un micro.
Monsieur le ministre, vous souhaitiez sans doute remercier M. Jumel pour l'hommage qu'il vient de vous rendre, mais votre temps de parole est épuisé.
L'expulsion d'un locataire est un drame humain dont la société ne peut se satisfaire. C'est très souvent la conséquence d'un accident de la vie : une perte d'emploi, une rupture familiale, un problème de santé. C'est dans tous les cas un échec, que ce soit pour le locataire, le propriétaire, les pouvoirs publics ou les acteurs associatifs.
En 2020, à la suite de la crise sanitaire, des mesures ont été prises pour endiguer les expulsions locatives grâce aux deux prolongements successifs de la trêve hivernale. La circulaire du 2 juillet 2020 a ensuite posé le principe selon lequel il ne peut y avoir d'expulsion sans solution de relogement ou d'hébergement. Ces mesures ont permis de limiter le nombre d'expulsions à 3 500, contre 16 700 en 2019. Cependant, si rien n'est anticipé, on pourrait s'attendre en 2021 à près de 30 000 expulsions.
Concernant les impayés de loyers, même si l'observatoire des impayés n'a pas, pour l'heure, relevé d'augmentation significative, je nourris de fortes craintes, pour les mois à venir, à l'égard de nouveaux publics concernés par les expulsions : commerçants, patrons de petites entreprises, auto-entrepreneurs ou jeunes salariés.
Enfin, il est indispensable de venir en aide aux propriétaires, notamment les plus petits, dont la situation financière dépend souvent du paiement du loyer. Il apparaît ainsi nécessaire d'augmenter dès cette année le fonds d'indemnisation des propriétaires. Au-delà des recommandations que j'ai eu l'honneur de transmettre à Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, la semaine dernière, je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement va déployer afin de limiter les expulsions locatives et leurs conséquences pour les locataires et les propriétaires.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La prévention des expulsions locatives constitue probablement, en matière de logement, l'un des sujets les plus importants pour l'année à venir. Pour commencer, je voudrais vous remercier du travail accompli et du rapport sur le sujet que vous venez de remettre au Gouvernement.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Nous allons traiter 2021 comme une année exceptionnelle : la première décision du Gouvernement est de prolonger la trêve hivernale, qui bloque les expulsions locatives et les coupures d'électricité, jusqu'au 1er juin prochain
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Mais nous devons aussi travailler à la prévention et à l'anticipation des expulsions qui finiront par se produire, pour mieux accompagner les ménages, pour leur ouvrir des droits, pour trouver d'autres solutions, pour prioriser les cas dans lesquels on peut encore agir, et aussi pour indemniser les bailleurs.
Et, avec le ministre de l'intérieur et la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, nous allons travailler à l'amélioration, à la systématisation et à l'accélération de l'indemnisation des bailleurs, car les drames des expulsions concernent les deux côtés :
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM
celui des locataires en très grande difficulté ; celui des propriétaires, qui parfois attendent et ont besoin de ce revenu.
Enfin, nous devons construire. Si le marché locatif est aussi tendu, c'est parce que nous ne construisons pas assez de logements, …
… en particulier pas assez de logements sociaux. Nous allons en construire davantage. Je propose aux bailleurs sociaux, avec Action logement et les partenaires sociaux, d'en construire 250 000 en deux ans. C'est un défi sans précédent que nous allons relever, qui contribue à l'égalité des chances, à la mixité sociale, au renforcement des principes républicains.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur – qui ne me semble pas être présent. Invité hier matin sur France Inter, ce dernier a déclaré : « Notre ennemi, il est idéologique, il ne relève pas de l'immigration – les trois quarts des attentats commis sur notre sol l'ont été par des Français – ni n'est propre à une religion. » Le ministre de l'intérieur a raison : notre ennemi, l'islamisme, ne saurait être confondu avec une religion. Mais comment peut-il nier l'évidence, le réel, en affirmant que ce fléau, l'islamisme, n'a pas de lien avec l'immigration ?
Son argument, on l'a entendu : les trois quarts des attentats commis sur notre sol l'ont été par des Français. Mais les Français dont il parle, ils sont pour la plupart issus de près ou de loin de l'immigration, et il le sait.
Protestations sur divers bancs.
Pourquoi, dès lors, ne pas le dire ? Pour ne pas faire d'amalgame, pour ne pas montrer du doigt toute une partie de la population – et c'est tout à son honneur.
Mais aujourd'hui, les Français musulmans ont besoin qu'on les protège de ces islamistes, et contrairement à ce que vous dites, c'est évidemment l'immigration qui nourrit l'islamisme, une immigration de masse, une immigration non contrôlée, une immigration clandestine, une immigration qui dévoie cette belle invention qu'est le droit d'asile.
Alors, s'il vous plaît, qu'on ne me réponde pas d'une pirouette contre l'extrême droite : je ne suis pas d'extrême droite, …
Exclamations sur divers bancs
… pas plus que xénophobe ou raciste : je suis simplement soucieuse de combattre, comme vous, l'islamisme et donc soucieuse de tarir une de ses sources, l'immigration de masse. Vous avez rejeté tous – je dis bien tous – les amendements qui traitaient de l'immigration à l'occasion de l'examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
Ma question est simple : pourquoi cet entêtement à nier la réalité ?
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Le projet de loi confortant le respect des principes de la République est un beau texte. Vous en avez débattu pendant plus de cinquante-cinq heures en commission et ces travaux ont vocation à apporter des réponses fortes, des réponses concrètes, et non à se jeter des anathèmes et à stigmatiser une partie de la population.
Vous savez que la menace terroriste, en France, est une menace qui a varié et qui, aujourd'hui, est plutôt d'ordre endogène. Vous savez également que les services de renseignement déjouent des attentats – un par mois en moyenne. Les cellules départementales de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire, les CLIR, quant à elles, agissent très concrètement sur le terrain, action qui peut donner lieu à des expulsions et qui a déjà conduit à la fermeture de 20 000 structures et à des redressements à hauteur de 30 millions d'euros concernant des organisations séparatistes.
Le gouvernement de Jean Castex, sur la proposition de Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur, a eu le courage de dissoudre le CCIF – collectif contre l'islamophobie en France – , de dissoudre Barakacity, de dissoudre le collectif Cheikh-Yassine.
Le Gouvernement agit contre le terrorisme et contre l'islamisme radical.
Mais, madame la députée, je ne peux pas vous laisser faire ce lien indigne parce que oui, l'immigration est aussi une chance pour la France, une richesse pour la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, SOC et LT.
L'immigration, c'est Kader, cet agent de nettoyage qui a travaillé pendant la crise sanitaire et que nous avons naturalisé : il est aujourd'hui notre compatriote. L'immigration, c'est Rosa, aide-soignante d'origine étrangère, qui a travaillé pendant la crise sanitaire, qui a sauvé des vies, madame la députée !
Mêmes mouvements.
L'immigration, c'est encore Khansaa, cette pharmacienne que nous avons aussi naturalisée, qui est donc devenue notre concitoyenne, eu égard à son engagement pendant la crise sanitaire.
Mêmes mouvements.
Le travail de l'Assemblée nationale, celui du Gouvernement, c'est d'être concret, c'est d'être sérieux, ce n'est pas de stigmatiser. Oui, je le répète, l'immigration est une chance, une richesse pour la France.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes SOC et LT.
Le 4 avril 2020 à Romans-sur-Isère, le 27 avril 2020 à Colombes, le 25 septembre 2020 à Paris, le 16 octobre 2020 à Conflans-Sainte-Honorine et enfin le 29 octobre 2020 à Nice : cinq attentats et, à chaque fois, le terroriste était issu de l'immigration.
Applaudissements parmi les députés non inscrits.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre. Dans le contexte actuel d'insécurité sanitaire, sociale et professionnelle, les signes de souffrance psychique se multiplient chez les jeunes, un tiers d'entre eux se trouvant dans un état dépressif ou suicidaire. Ce phénomène touche aussi une grande partie de la population, en proie à une angoissante incertitude face à l'avenir.
La covid-19 n'a qu'un effet multiplicateur sur une question fondamentale : celle du terreau des troubles psychiques et de leur prise en compte. Depuis plusieurs années, nous sommes alertés sur la détérioration des services de santé mentale. Le rapport présenté par Mmes Wonner et Fiat décrivait une situation au bord de l'implosion. En pédopsychiatrie, les délais de prise en charge dépassent désormais deux ans et les services d'hospitalisation sont surchargés. Pour répondre à cette détresse, tous les professionnels sont mobilisés et la place des psychologues est fondamentale. Ces dernières semaines, le ministre des solidarités et de la santé a d'ailleurs affirmé la nécessité de recourir à leur expertise. La création de 150 postes est prévue, dans le cadre du Ségur de la santé, et le Président de la République a annoncé le renforcement des postes à l'université et la création d'un « chèque psy ».
Ces mesures, qui ne constituent qu'un début, ne suffiront pas. Les retards de prise en charge et l'explosion du nombre des cas de détresse observés nécessitent l'augmentation drastique du nombre de structures de soins et de professionnels.
Monsieur le Premier ministre, face à l'urgence, pourquoi l'accès aux psychologues reste-t-il conditionné à la prescription d'un médecin, alors que cela alourdit inutilement l'accès aux soins psychologiques dans un contexte où de nombreux territoires sont confrontés à la désertification médicale ? Alors que vous annoncez des assises de la santé mentale, à quand un grand plan pour répondre aux besoins financiers et humains pour anticiper un phénomène qui va s'amplifier ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Le mois dernier, vous le savez, le ministre des solidarités et de la santé a fait un point d'étape sur la politique de soutien à la santé mentale. J'avais moi-même commandé un rapport sur la santé mentale dès mon arrivée au Parlement – ce secteur n'a en effet pas attendu la crise sanitaire pour être en souffrance. Ce point d'étape fut l'occasion pour le Gouvernement de réaffirmer sa préoccupation en la matière car, comme vous le soulignez, la crise sanitaire a favorisé une multiplication des cas de troubles mentaux d'une ampleur que nous ne pouvions envisager il y a un an.
Le Président de la République a souhaité que se tiennent les assises de la psychiatrie et de la santé mentale. Des actions spécifiques ont été menées dans tous les secteurs, notamment en faveur des jeunes et des étudiants. Un soutien, une écoute dédiés aux professionnels eux-mêmes ont été déployés par le Gouvernement, aux côtés des réseaux qui se sont mobilisés pour entendre nos concitoyens.
Reste que cette préoccupation nous emporte au-delà de la crise sanitaire qui, en la matière, a certes retardé certains chantiers, mais en a accéléré d'autres. Le dispositif de suivi VigilanS a été instauré dans quatorze régions et 15 000 personnes en ont déjà bénéficié. Quelque 60 millions d'euros supplémentaires ont été mobilisés en 2020 pour renforcer l'offre de soins en santé mentale et, grâce au Ségur de la santé, nous ouvrons 160 postes de psychologues.
Notre feuille de route a été enrichie par le Ségur de la santé et nous allons l'adapter, bien sûr, au contexte. Le dispositif VigilanS sera présent sur tout le territoire national pour contribuer à la prévention du suicide. L'appel à projets du fonds d'innovation organisationnelle en psychiatrie sera reconduit ; la coordination des acteurs sera renforcée par un dispositif de première ligne, dit médecins généralistes psychologues, et les 104 projets territoriaux de santé que vous évoquiez seront renforcés. Enfin, je ne le rappelle pas, un « chèque psy » est désormais accessible aux étudiants en complément des 1 600 emplois étudiants référents. Vous le voyez, nous sommes à la tâche.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Il n'exerce pas un métier, il a embrassé un état, l'état militaire, avec pour perspective, si la mission l'exige, le sacrifice ultime : c'est le soldat français. Quelle n'a pas été notre surprise de lire, sous la plume de Jean-Louis Borloo, une tribune dénonçant les conclusions de l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne, la CJUE, proposant que la directive sur le temps de travail s'applique aux militaires comme à n'importe quel travailleur ! Ce ne sont que des conclusions d'avocat général, mais tout de même ! Les suivre reviendrait à remettre en cause notre principe constitutionnel de « libre disposition des forces armées », à paralyser nos forces dont l'efficacité suppose qu'elles soient disponibles « en tout temps et en tout lieu ».
Nous ne sommes, hélas, pas rassurés par votre traitement de la jurisprudence Matzak, qui voudrait imposer aux pompiers volontaires l'application de la directive de 2003. Elle mettrait en péril notre sécurité civile fondée sur le volontariat
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR.
À court terme, le dossier doit être traité à droit européen constant, en faisant preuve d'agilité juridique. À long terme, il faut un engagement politique majeur. Mal rédigée, cette directive doit être revue.
Alors, monsieur le Premier ministre, mes questions sont simples. Quelle est votre analyse ? Quel est votre plan ? Êtes-vous prêt à mettre cette réécriture à l'agenda européen de la France ? Ne laissez pas des petits hommes gris sans visage et sans mémoire désespérer ceux qui arborent le visage rayonnant de la France ! Casque de feu ou casque lourd, c'est le même combat ! Pour eux, monsieur le Premier ministre, faites de la politique, une politique européenne !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Le Président de la République, vous le savez, a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises que l'impératif constitutionnel de libre disposition de la force armée et son corollaire, qui est bien sûr le principe de disponibilité du personnel militaire, sont les garants de la capacité de nos armées à préparer et à assurer la défense des intérêts supérieurs de la nation.
Vous l'avez dit, dans une affaire portée par la Slovénie devant la Cour de justice de l'Union européenne sur l'application aux militaires de la directive de 2003 sur le temps de travail, l'avocat général a de cette directive une lecture littérale et propose à la Cour d'écarter les termes des traités qui réservent aux États membres une compétence exclusive en matière de sécurité nationale. Ses conclusions, vous l'avez dit également, ne lient pas la Cour mais ont une valeur d'orientation et d'éclairage des débats juridiques en cause dans cette affaire.
La position du Gouvernement est constante et je tiens à me montrer très claire avec vous. La France, désormais seul État de l'Union membre permanent du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations unies, l'ONU, exerce des responsabilités éminentes en matière de défense. Elle est engagée en permanence pour assurer la sécurité de nos concitoyens, que ce soit par la dissuasion ou par ses opérations extérieures de lutte contre le terrorisme. Ses responsabilités et ses engagements ne sont contestés par personne en Europe. Nous voulons construire une Europe forte et efficace et nous faisons pleinement confiance à la sagesse de la Cour de justice de l'Union européenne pour réaffirmer l'importance de la compétence des États membres…
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Avant de lui donner la parole, je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Luc Lamirault, devenu député de la troisième circonscription d'Eure-et-Loir le 22 janvier dernier, en remplacement de Mme Laure de La Raudière.
Applaudissements sur plusieurs bancs.
Je vous remercie, monsieur le président. Je tiens avant tout à vous dire ma fierté en tant que nouveau député et ma fierté d'appartenir au groupe Agir ensemble.
Ma question s'adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé. En 2018, le Président de la République pointait un échec collectif dans la prise en charge du grand âge et annonçait un projet de loi pour répondre au nouveau risque que représente la dépendance. Je suis conscient que la crise sanitaire a retardé l'examen de ce texte, mais l'urgence n'a pas disparu. Aujourd'hui, 1,4 million de Français ont plus de 85 ans, et ils seront plus de 5 millions en 2060.
Or le nombre de professionnels au service des personnes âgées est insuffisant. Ces métiers souffrent d'un manque d'attractivité et de reconnaissance, ce qui rend le recrutement et la gestion du personnel très difficiles. Je veux ici saluer leur dévouement ; ils sont en première ligne durant la crise. Nous ne pouvons accepter que de nombreux seniors vivent totalement isolés à cause du manque d'aides à domicile dans nos territoires.
Comme vous le savez, le financement est un enjeu crucial puisque les salaires des aides à domicile, et plus généralement des professionnels du grand âge, sont très bas. Le Parlement a voté en octobre un budget de 150 millions d'euros pour cette année, auxquels s'ajouteront 200 millions l'année prochaine, afin de revaloriser les salaires des aides à domicile. L'objectif est de les augmenter de 15 %.
Les départements et les associations qui gèrent les aides à domicile ont besoin d'être rassurés : quels seront les moyens dont ils disposeront pour attirer davantage de collaborateurs ?
Par quels mécanismes pourront-ils mettre en oeuvre cette revalorisation ? Quelle est la feuille de route du Gouvernement dans les prochains mois pour gérer cette urgence ? Les personnes âgées, leurs aidants et l'ensemble du secteur attendent un calendrier précis, qui puisse être appliqué rapidement et soit à la hauteur de la création de la cinquième branche de la sécurité sociale.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Benoît Simian applaudit également.
Monsieur le député, cher Luc Lamirault, permettez-moi de vous féliciter à mon tour pour votre prise de fonctions.
Je vous remercie de votre question, qui me permet d'abord de rendre une nouvelle fois hommage aux personnels de l'aide à domicile qui prennent soin de nos compatriotes âgés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Leur activité est essentielle ; elle le sera d'autant plus que comme vous l'avez dit, dans cinq ans, le grand âge concernera 1 million de personnes supplémentaires tandis que 100 000 personnes de plus seront en perte d'autonomie. Nous avons donc un grand chantier devant nous. Nous nous employons à relever le défi : j'ai fait samedi dernier un point d'étape sur le plan d'action pour les métiers du grand âge et de l'autonomie. Nous n'attendons pas et notre travail n'est pas suspendu à une date, puisqu'il a déjà commencé.
Nous avons travaillé dans l'urgence pour renforcer les ressources humaines du secteur, en mobilisant Pôle emploi et les ARS – agences régionales de santé – auprès des établissements médico-sociaux, afin qu'ils puissent recruter. La plateforme de recrutement porte ses fruits ; elle a notamment permis la mobilisation des étudiants qui suscite, d'après les échanges très nourris que j'ai eus sur le terrain, la construction de vocations heureuses.
De tels dispositifs contribuent à faire évoluer le regard que nous portons sur ces métiers. Leur reconnaissance passera aussi par la carte professionnelle, qu'ils attendent depuis très longtemps et que nous sommes en train d'instaurer. Nous allons par ailleurs lancer une campagne de communication pour améliorer leur image, nous adaptons les formations aux enjeux de demain en augmentant leurs capacités d'accueil – 16 000 places supplémentaires ont été créées – , et nous diversifions les voies d'accès, notamment par l'apprentissage.
Enfin, le salaire de ces professionnels va augmenter de manière significative, d'abord en EHPAD, et ensuite pour les aides à domicile, grâce à la prime covid-19 déjà délivrée puis par un cycle de revalorisations salariales historique, que j'ai engagé en mobilisant l'enveloppe de 200 millions d'euros par an liée à la création de la branche autonomie – vous l'avez rappelé – , qui viendra en complément du financement des départements.
Vous le voyez, monsieur le député, le Gouvernement est à l'oeuvre pour soutenir ces métiers, et je veux saluer son action avec vous.
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Agir ens. – M. Thierry Benoit applaudit également.
Ma question s'adresse à la ministre de la transition écologique, chargée de l'énergie, …
… qui n'est pas présente, mais qui a décidé hier d'augmenter les tarifs réglementés de vente de l'électricité de 1,26 %, et ceux du gaz de 3,5 %. S'agissant de l'électricité, cela correspondra à une hausse de plus de 15 euros par an sur la facture d'un particulier, alors que le confinement et le couvre-feu font de surcroît augmenter la consommation des Français. Votre décision aura donc un effet multiplicateur.
La hausse de 2,6 % du tarif de l'électricité pour les professionnels fragilise également le dernier avantage concurrentiel de l'industrie française.
Une nouvelle fois, le pouvoir d'achat des Français est frappé. Pourtant, cette année, 3,5 millions de ménages ont déjà du mal à payer leur facture d'électricité, …
… et 14 % des Français disent avoir souffert du froid chez eux cet hiver.
L'État aurait dû se retenir d'augmenter le prix de l'électricité en cette période difficile pour les Français, d'autant que ce sont les choix de votre politique qui conduisent à un tel échec : subventions accordées à des énergies non rentables, investissements colossaux pour pallier l'intermittence, financement de l'effacement électrique, mécanisme de concurrence faussée par lequel EDF doit produire à perte au profit de ses concurrents, fermeture de moyens de production sûrs et amortis comme Fessenheim.
C'est la première fois qu'un gouvernement décide d'augmenter le prix de l'électricité pour financer les industriels qui acceptent de ne pas consommer au coeur des heures de pointe par peur des coupures, parce que nous ne produisons plus assez.
À cause de vous, les Français paient dorénavant leur électricité plus cher tout en étant plus que jamais exposés au risque de coupures. Comment entendez-vous assumer la réalité de votre bilan énergétique ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Comme vous le savez aussi bien que moi, c'est la Commission de régulation de l'énergie, qui est une autorité administrative indépendante, qui détermine l'augmentation des tarifs de l'électricité.
Celle-ci a été fixée à 1,73 %, sur la base d'une augmentation des coûts de production et d'approvisionnement.
Je suis comme vous sensible à la précarité énergétique.
Oui, des ménages ont du mal à se chauffer en France. Le Gouvernement est actif pour lutter contre ce phénomène, par exemple grâce au chèque énergie, dont nous avons augmenté le montant et élargi le nombre de bénéficiaires en 2019.
Vous avez augmenté le nombre de personnes qui en ont besoin ! Si vous meniez une politique énergétique cohérente, il ne serait pas nécessaire de prendre de telles mesures !
5,5 millions de ménages touchent désormais un chèque qui peut aller jusqu'à 277 euros.
Mais la principale solution à ce problème, c'est de rénover, de réaliser des travaux pour faire baisser la consommation énergétique de chacun.
C'est bien la politique que nous menons : grâce au dispositif MaPrimeRénov', 200 000 primes ont été versées l'année dernière et 2 millions de gestes de rénovation ont été financés en deux ans par les certificats d'économies d'énergie. Seule la rénovation des logements permettra de lutter contre la consommation indue et donc de faire baisser les factures. C'est ce que demande la convention citoyenne pour le climat, et nous irons plus loin grâce au projet de loi climat et résilience.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
C'est votre stratégie de production qui conduit à l'augmentation des prix ! C'est sur ce point que je vous ai interrogée, et vous avez répondu à côté !
Ma question devait s'adresser à Bruno Le Maire. Je vois qu'il n'est pas là mais je serai très heureux, monsieur le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises, que vous le remplaciez.
Bruno Le Maire a fait hier au micro de RTL l'annonce suivante : « Nous veillons à ce qu'il n'y ait pas de plans sociaux d'aubaine. S'il y a des cas qui peuvent vous choquer, il faut nous les signaler et nous regarderons cela très attentivement. »
Je porte donc à votre connaissance, même si je l'ai déjà fait ici à plusieurs reprises, quelques-uns des plans sociaux d'aubaine en cours actuellement.
Dans la restauration collective, Sodexo a versé ces trois dernières années 1,2 milliard d'euros de dividendes mais annonce un plan social de 2 000 postes.
Dans le secteur de la santé, Sanofi a bénéficié en quelques années de plus d'1 milliard d'euros d'aides publiques et le groupe a versé 4 milliards de dividendes à ses actionnaires, ce qui ne l'empêche pas d'annoncer 400 suppressions d'emplois en janvier, s'ajoutant aux milliers supprimés depuis des années.
Dans l'agroalimentaire, Danone versait en avril 2020 1,5 milliard d'euros de dividendes à ses actionnaires ; il annonce 400 à 500 suppressions de postes. Je pourrais ajouter à cette liste TUI, Total et sa raffinerie de Grandpuits, Schneider Electric et d'autres encore.
Si cela peut aider M. le ministre, je peux bien évidemment lui envoyer la liste exhaustive de ces plans sociaux d'aubaine par courriel ou par fax, …
… et je dispose des adresses et des noms des responsables. Il a dit qu'il veillerait à ce que de telles mesures ne soient pas prises : que comptez-vous faire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.
Vous citez des entreprises dont vous savez qu'elles ne se trouvent pas dans mon périmètre ministériel. Néanmoins, comme l'a dit hier Bruno Le Maire – vous aurez bien pris note de cette position exprimée à plusieurs reprises par le ministre de l'économie, des finances et de la relance – , le Gouvernement veillera à éviter les plans sociaux liés à un effet d'aubaine. Nous allons naturellement continuer à y être attentifs, car nous souhaitons vraiment pouvoir éviter ce phénomène.
Vous en citez quelques-uns ; nous en prenons bonne note, nous agirons le cas échéant et nous mettons tout en oeuvre pour accompagner les salariés…
Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR
Il ne s'agit pas d'accompagner les salariés, mais d'interdire les licenciements !
… et les aider à trouver des solutions de reprise. Élisabeth Borne, ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, a travaillé avec les partenaires sociaux pour créer des outils de reconversion et d'accompagnement en matière de formation.
Grâce à la politique de réindustrialisation prévue par le plan de relance, nous essaierons par ailleurs de fournir des solutions adaptées aux territoires concernés afin de répondre aux déséquilibres que vous signalez. Vous avez dressé une liste exhaustive dont nous avons connaissance. Nous essayons d'éviter ces licenciements malheureux et nous continuerons à le faire.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
La belle affaire ! Alors que le taux de chômage va bientôt atteindre 10 % à l'échelle nationale et que 80 000 emplois sont menacés par des plans sociaux, je ne pense pas que les demandeurs d'emploi accepteront votre réponse !
Je vais vous dire ce qu'il faut faire : il faut interdire les licenciements par des entreprises qui font des bénéfices
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
et taxer les capitaux pour lancer un grand plan d'urgence contre la pauvreté. L'an dernier, ce sont 175 milliards d'euros que se sont partagés les milliardaires grâce à vos cadeaux. Si vous n'êtes pas capables de l'entendre, je vous donne rendez-vous le 4 février pour la journée de mobilisation interprofessionnelle des salariés.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Tendez l'oreille : leurs revendications vont être de plus en plus fortes !
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Madame la ministre déléguée chargée de la ville, à l'heure où nous débattons du projet de loi confortant le respect des principes de la République, qui vise à lutter contre le séparatisme religieux, je veux vous parler d'un autre mal qui ronge notre pays : le séparatisme social.
La mixité sociale, promesse d'égalité, appelle une politique volontariste. Je tiens à ce propos à saluer l'action du Gouvernement – la vôtre et celle du Premier ministre – et les annonces faites la semaine dernière.
Nous allons enfin mettre un terme aux rustines législatives et au saupoudrage financier trop souvent pratiqués dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. En effet, malgré la promulgation de huit lois importantes en quarante ans et un budget annuel de 10 milliards d'euros, le bilan n'est pas bon. Il n'est pas flatteur : que ce soit à Montpellier, à Marseille ou dans ma circonscription, à Aix-en-Provence, je vois partout l'échec des politiques passées, qui n'ont eu de cesse de détruire pour reconstruire.
Or la mixité sociale ne dépend pas de la fraîcheur de la peinture : le béton, c'est bien, mais l'humain, c'est encore mieux ! Si l'attractivité est évidemment liée à la qualité du cadre de vie et à la présence de services publics, elle doit aussi et surtout être économique.
Nos quartiers fourmillent de talents ; ils sont un vivier important de volontés et d'énergies. C'est la raison pour laquelle l'entrepreneuriat – ce n'est pas un gros mot – doit y être encouragé, car l'on connaît l'effet d'entraînement et d'inspiration que peut avoir une réussite professionnelle. Il faut donc changer de logique et faire des quartiers dortoirs des « quartiers productifs », comme vous l'avez vous-même évoqué, en y amenant directement l'emploi.
Les annonces devant être suivies d'effets, madame la ministre déléguée, comment comptez-vous renforcer et développer l'entrepreneuriat et l'attractivité économique des quartiers ? Quels sont les objectifs qui devront être atteints par les « quartiers productifs » et sont-ils appelés à essaimer sur le territoire ?
Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur quelques bancs du groupe LaREM.
Tout comme vous, monsieur le député, je conçois la politique de la ville comme une politique au service de l'humain au coeur de l'urbain. Je crois vraiment que les mesures annoncées vendredi dernier à l'issue du comité interministériel des villes vont dans ce sens, car elles doivent permettre de favoriser l'émancipation économique des habitants des quartiers par plusieurs actions.
La ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion, Élisabeth Borne, a promu une mesure qui vise à renforcer les équipes de Pôle emploi pour qu'elles se mettent au service de l'emploi dans les quartiers – 500 conseillers supplémentaires viendront accompagner le plan « 1 jeune, 1 solution » et sa déclinaison sur le terrain.
Ensuite, vous l'avez souligné, il faut agir sur l'attractivité des territoires. Oui, il faut aussi considérer ces quartiers sous l'angle du développement économique. C'est ce que nous faisons à travers le programme « quartiers productifs » qui vise à y réinstaller des commerces de proximité, mais aussi en lançant des actions pour y relancer l'entrepreneuriat, en collaboration avec Bpifrance et la Caisse des dépôts.
Enfin, pour que tout cela puisse se traduire concrètement dans la vie de nos concitoyens, il faut changer de méthode, comme je le disais tout à l'heure à M. Mendes : il faut travailler avec tous les acteurs de terrain et reprendre les solutions existantes de manière à sortir d'une logique de dispositifs pour passer à une logique de parcours d'accompagnement de chaque habitant des quartiers. Telle est l'ambition que le Gouvernement veut partager avec vous, mesdames et messieurs les députés.
Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.
Monsieur le ministre de l'agriculture, cette pandémie n'en finit pas et nous sommes peut-être proches d'un nouveau confinement.
Le secteur agricole a été salué et les agriculteurs ont été remerciés d'avoir nourri la France pendant ces temps difficiles. Je veux pourtant appeler votre attention sur les difficultés importantes que connaît la filière viande et bovins allaitants dans les départements d'élevage comme l'Allier, où je suis élu.
On ne cesse de mettre en avant, à juste titre, la qualité et la sécurité alimentaire. Chez nous, la grande majorité des agriculteurs l'ont compris depuis longtemps, et les productions sous signe de qualité sont nombreuses.
La fermeture des restaurants, entre autres, rend de plus en plus difficile l'écoulement des morceaux dits nobles, ceux qui apportent une plus-value financière à l'éleveur engraisseur, et les prix payés au producteur baissent, le steak haché devenant le principal débouché. Tous les types d'animaux sont concernés, notamment les broutards et les taurillons, dont les prix ont chuté : il manque 100 à 200 euros par animal, c'est-à-dire le revenu de l'éleveur.
En fait, ceux qui ont joué le jeu de la qualité ne sont pas récompensés, bien au contraire.
C'est tout là le paradoxe que je voulais mettre en lumière. La loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi EGALIM, devait permettre de rémunérer les produits en fonction des coûts de production. C'est un véritable échec !
Monsieur le ministre, sans une action rapide pour compenser ces pertes, de nombreuses exploitations risquent de disparaître et les jeunes agriculteurs seront souvent les premiers et les plus affectés. C'est aussi la filière qualité dans son ensemble qui est touchée. Où en sont les engagements que vous aviez pris lors de votre venue en Auvergne ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur quelques bancs des groupes LR et SOC.
Permettez-moi de profiter de votre question pour adresser à l'ensemble de nos éleveurs les remerciements du Gouvernement, auxquels vous vous associez tous, j'en suis sûr. Les éleveurs sont très souvent pointés du doigt, comme dans ces campagnes diffamantes qui étaient encore présentes récemment dans les stations de métro.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR, UDI-I et Agir ens.
Ils ont nourri le peuple français et continuent à le faire, eux qui travaillent en moyenne cinquante-cinq heures par semaine, c'est-à-dire l'horaire le plus lourd, tous secteurs confondus, comme l'indiquent les données publiées la semaine dernière par l'INSEE.
Au même moment, certains cherchent à les discréditer. Pour ma part, je suis fier d'eux et je sais que vous l'êtes aussi, tout comme le président Chassaigne, que je suis allé voir dans son beau département. Rendons-leur hommage !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR. – Mme Agnès Thill applaudit également.
Lorsque j'étais en Auvergne-Rhône-Alpes, il y a quelques semaines, nous nous sommes mis d'accord sur une feuille de route pour la filière des jeunes bovins et des broutards, dont la situation est très compliquée.
Nous appliquons cette feuille de route, tout en sachant qu'elle n'est pas suffisante, notamment en ce qui concerne les prix de court terme. Nous devons finaliser sa mise en oeuvre, mais aussi faire en sorte que la loi EGALIM soit totalement appliquée. Pour ce faire, nous multiplions les contrôles.
Songez que l'on nous signale encore des prix de vente affichés en grandes surfaces qui sont tout juste au niveau du coût de revient des agriculteurs. C'est inacceptable ! Nous allons donc continuer à multiplier les contrôles.
Il faut aussi structurer les filières. Lançons-nous un défi : faire en sorte que les collectivités locales mettent de la viande de jeunes bovins au menu de leurs cantines. C'est une excellente viande pour nos enfants !
À un moment où l'on parle beaucoup de bien-être animal, je terminerais en vous livrant cette conviction : la meilleure façon d'assurer le bien-être animal, c'est d'abord de s'occuper du bien-être de l'éleveur, ne l'oublions jamais.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et LR.
Merci de votre réponse, monsieur le ministre, mais elle reste générale. Quelles mesures allez-vous prendre à court terme pour remédier aux difficultés que vous avez vous-même reconnues ?
Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – M. André Villiers applaudit aussi.
Cette question, à laquelle j'associe ma collègue Josiane Corneloup, présidente de l'Association nationale des pôles territoriaux et des pays, s'adresse au Premier ministre. Elle concerne les contrats de relance et de transition écologique, les CRTE, qui, dans certaines régions, ont été couplés avec des pactes territoriaux.
Ces contrats, fusion de deux précédentes contractualisations, devaient s'appuyer avec lisibilité et transparence sur des projets de territoire. Il s'agit de traduire les moyens disponibles pour la relance effective des territoires – qui en ont bien besoin ! – pour favoriser un développement territorial pérenne. Or, une fois de plus, nous constatons une dérive technocratique et bureaucratique voire un excès de centralisme qui risquent de plomber et de freiner la transition écologique.
Une circulaire du 20 novembre 2020 préconisait la concertation avec les élus locaux et les parlementaires, ce qui s'est fait de manière très inégale d'une région à l'autre et d'un département à l'autre. Le plus grand flou règne concernant les porteurs de projets, même si la circulaire précise que ce sont les intercommunalités ou leurs groupements qui seront les porteurs de ces contrats.
Les pôles d'équilibre territorial et rural – PETR – n'ont pas été mentionnés, alors qu'ils ont été créés pour élaborer une vision stratégique de développement des territoires et qu'ils ont, à ce jour, largement prouvé leur efficacité.
En outre, le projet de loi dit 4D – décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification – se fait toujours attendre. Pourtant, à défaut d'une vraie décentralisation, ce texte devrait permettre la différenciation.
Vous qui avez conduit des démarches de projets dans les Pyrénées-Orientales, monsieur le Premier ministre, pouvez-vous préciser la méthode du Gouvernement pour la réussite de ces CRTE si importants pour nos territoires ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.
Votre question, monsieur le député, me donne l'occasion d'aborder ce sujet d'importance. Vous avez tout à fait raison : ces CRTE, voulus par le Gouvernement, sont un moyen de faire profiter l'ensemble du territoire national des effets du plan de relance et des politiques publiques de l'État que celui-ci traduit.
M. Jean-Louis Bricout s'exclame.
Ils visent aussi à simplifier les modalités de contractualisation de l'État avec les collectivités territoriales, notamment avec le bloc communal. Comme nombre d'entre vous, le maire et président d'EPCI – d'établissement public de coopération intercommunale – que j'étais encore il y a huit mois s'y perdait parfois dans tous les dispositifs que l'État proposait à la contractualisation. Nous avons donc voulu simplifier.
J'en viens à ce qui est sans doute l'objet principal de votre question : quel est le périmètre de ces contrats ? La circulaire à laquelle vous faites allusion, que j'ai signée personnellement, me semble être assez claire et répondre à quelques principes, le premier étant le besoin de souplesse.
Compte tenu de la diversité des territoires, nous avons tout d'abord demandé aux préfets de département de lancer une concertation auprès des élus et des parlementaires, afin de nous indiquer quel périmètre était le plus adapté pour signer ces contrats dans leur département. Cette étape est terminée, et elle donne des réponses variables. S'il est vrai que la circulaire visait plutôt les EPCI, certains départements préconisent les PETR ou autres. Il y a de tout, pourvu que cela corresponde aux réalités territoriales. Loin d'avoir une vision technocratique, nous visons l'efficacité.
Lors de la deuxième étape, d'ici l'été, nous souhaitons que tous les territoires ainsi identifiés se dotent d'un CRTE. L'enjeu est majeur. Nous avons d'ailleurs invité les autres niveaux de collectivités territoriales qui le souhaitent à y participer
Ces contrats doivent aussi marquer la volonté des politiques de l'État, notamment en matière de transition écologique, et c'est pourquoi l'annexe à la circulaire fixe des objectifs indicatifs – j'y insiste, monsieur le député – pour en vérifier la bonne exécution.
Croyez-moi, c'est un outil dont les collectivités – et donc l'ensemble de nos concitoyens – vont bénéficier au premier chef.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Philippe Berta applaudit également.
Merci de votre réponse, monsieur le Premier ministre, mais il faudrait que vos services portent clairement le message de l'inter-territorialité
« Très bien ! » sur les bancs du groupe LR
et du portage prioritaire de ces contrats à l'échelle stratégique des PETR et des pays. Les urgences économiques et climatiques l'exigent.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Ma question s'adresse à Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
La crise que nous vivons depuis près d'un an nous oblige à n'oublier aucune des personnes touchées, et notamment les plus vulnérables.
Le 11 février 2020, le Président de la République ouvrait la Conférence nationale du handicap en insistant sur la possibilité pour tous d'obtenir une réponse et de bénéficier d'un accompagnement, dans une démarche qui englobe tous les aspects de la vie, avec la mise en place d'un numéro unique d'appel national, le 0800 360 360, et de plateformes de réponse départementales dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire. Ces dispositifs visent à informer, écouter et accompagner, afin d'apporter une réponse aux situations d'urgence et aux personnes sans solutions.
Vous avez annoncé qu'à terme, 400 communautés dotées d'un tel dispositif, les communautés 360, seraient créées au niveau des bassins de vie afin de garantir l'inconditionnalité de l'accompagnement au plus proche des besoins des personnes et des familles, et d'aller ainsi vers une société plus inclusive.
Vous connaissez mon engagement auprès des personnes en situation de handicap. Nous avons eu l'occasion d'en discuter lors de votre déplacement, le vendredi 22 janvier dernier, à la maison départementale des personnes handicapées – MDPH – de l'Aisne, département qui a déjà pleinement adhéré à ce dispositif.
Grâce à la mobilisation de ses différents partenaires – associations, établissements, agence régionale de santé – , la MDPH de l'Aisne a, par exemple, mis en oeuvre des actions durant les vacances de la Toussaint et de Noël pour assurer un répit indispensable aux familles, souvent épuisées.
Madame la secrétaire d'État, où en est le déploiement des communautés 360 ? Quelles avancées ont été constatées et retours avez-vous au sujet de ce dispositif ?
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées.
Vous avez raison, ce dispositif des communautés 360 apporte une vraie réponse. Dès le 8 juin, afin de pallier les problèmes du confinement et de la sortie de confinement, nous avons voulu déployer ce numéro, le 0800 360 360. Il s'agissait de répondre de manière inconditionnelle aux urgences de demandes de répit ou d'accompagnement aux soins des personnes handicapées.
À ce jour, quatre-vingt-quatre départements sont raccordés à ce numéro, et dix autres raccordements sont en cours. Plus de 16 500 appels ont été reçus, venant de personnes en demande de réponses très concrètes. Près de 40 % des appelants – près de 6 000 personnes – sont des proches aidants, qui ont ainsi pu être accompagnés.
Ces plateformes sont avant tout une porte d'entrée unique destinée à éviter les errances d'information, mais elles apportent aussi des réponses rapides et des solutions très concrètes en créant des solutions de répit, en accompagnant pour des soins ou des hospitalisations en ces temps de crise si compliqués pour les familles.
Ces communautés 360 se développent bien au-delà de la réponse téléphonique. C'est vraiment une méthode d'action des départements et des MDPH, qui sont au coeur du réacteur, avec les associations gestionnaires, les ARS et les acteurs de droit commun.
Celle de l'Aisne, que nous avons visitée ensemble, est assez unique parce qu'elle a été extrêmement réactive et coopérative avec l'ensemble des acteurs – et je tiens à souligner la réactivité des associations. Il y va de l'égalité des chances. Cette réactivité est nécessaire pour éviter les pertes d'acquis et les ruptures de parcours.
Cette prise en compte rapide et intégrée est primordiale pour les familles. Tous les acteurs de territoire partagent une responsabilité à l'égard de ces populations s'agissant de la nécessité d'éviter les ruptures de parcours. Nous le devons bien aux personnes en situation de handicap et à leurs familles. C'est ainsi que l'on change la réponse.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.
Je tiens simplement à vous remercier, madame la secrétaire d'État, pour tout ce que vous faites pour les personnes en situation de handicap. Bravo !
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem. – Murmures sur les bancs du groupe LR.
Monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, ma question porte sur l'arrestation d'Aung San Suu Kyi et le coup d'État militaire en Birmanie, le 1er février. J'y associe mes collègues membres du groupe d'amitié France-Birmanie, que je préside.
Lundi, l'armée birmane a arrêté Aung San Suu Kyi, la cheffe du gouvernement civil, ainsi que le président Win Myint. L'état d'urgence a été proclamé pour un an et des généraux placés aux principaux postes. Le coup d'État intervient après des années de partage du pouvoir entre le gouvernement civil et les militaires, encore très puissants dans le pays. Ces derniers dénoncent de prétendues fraudes électorales lors des législatives de novembre dernier, remportées massivement par la Ligue nationale pour la démocratie.
Ce coup d'État a suscité de nombreuses réactions à travers le monde. L'Union européenne et le secrétaire général de l'ONU l'ont condamné fermement, tandis que le Conseil de sécurité devrait, je l'espère, se réunir dans les prochains jours. Comme vous l'avez justement souligné, monsieur le ministre, « le transfert des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire à l'armée constitue une inacceptable remise en cause du processus démocratique engagé depuis une dizaine d'années. » Vous avez appelé à la libération immédiate et sans conditions d'Aung San Suu Kyi, de Win Myint, des députés et de toutes les personnalités du gouvernement et de la société civile arrêtées à la veille de l'ouverture de la session inaugurale du parlement.
Quelle voix ferme la France peut-elle faire entendre face à cette démonstration de force ? Quelles actions comptez-vous mener avec nos partenaires afin d'oeuvrer pour une paix durable en Birmanie ?
Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, LR, Dem et LT.
Monsieur le président du groupe d'amitié France-Birmanie, merci de poser cette question et d'alerter la représentation nationale et l'opinion publique sur la situation très grave en Birmanie. M. Win Myint, président de la République de l'Union de Myanmar, ainsi que Mme Aung San Suu Kyi ont été arrêtés, avec d'autres personnalités. Ce coup d'État est inacceptable et je l'ai dénoncé. Nous demandons fermement que les résultats des élections du 8 novembre dernier, aboutissement d'un long processus démocratique, qui ont donné à Mme Aung San Suu Kyi une victoire spectaculaire, soient entérinés. Le peuple birman s'est exprimé démocratiquement, il doit être entendu.
En ce moment même, à notre demande, le Conseil de sécurité se réunit à New York, avec le soutien des Européens. Le message qui en sortira devrait être d'une grande fermeté. Au niveau européen, nous avons déjà engagé des actions contre les autorités militaires de Birmanie : il y a deux ans, des sanctions fortes avaient frappé certains officiers de l'armée qui avaient organisé des violations des droits de l'homme contre la population de Rohingyas. Pour éviter tout malentendu, je précise qu'à mes yeux comme aux vôtres, la réponse à la crise des Rohingyas passe par la réussite du processus démocratique en Birmanie.
M. Alain David acquiesce.
C'est pourquoi, si d'aventure les autorités militaires ne reviennent pas sur leur coup d'État, l'Union européenne devra impérativement prendre des mesures nouvelles dans les jours qui viennent.
Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et SOC.
Monsieur le ministre de l'économie, voilà bientôt un an et demi que les viticulteurs français souffrent d'une hausse des taxes de douane de 25 % de la part des États-Unis sur leurs exportations de vin. L'administration Trump avait décidé de faire de notre filière viticole la victime collatérale du conflit qui oppose Airbus et Boeing, et cela fonctionne visiblement très bien. Le vin, les transports : deux sujets chers à mon coeur, que l'on confronte aujourd'hui dans un combat interminable, auquel ni Bruxelles ni Paris n'ont à ce jour apporté de solutions concrètes et viables.
Coup de tonnerre : avant de quitter la présidence, l'administration Trump a annoncé, le 12 janvier dernier, que dorénavant tous les vins dont le cognac, ainsi que l'armagnac, seraient taxés de 25 %. Cette mesure va probablement coûter 1 milliard d'euros de chiffre d'affaires à notre pays, alors que 600 millions ont déjà été perdus en 2020.
Ma circonscription, dans le Médoc, a toujours eu de bonnes relations avec les États-Unis. La Fayette, à l'époque, était parti de Pauillac pour reconquérir la liberté. Mais l'année 2020 a été fatale : fermeture de l'usine Ford, coup dur pour la viticulture…
Monsieur le ministre, vous avez ouvert le fonds de solidarité aux viticulteurs et autorisé les entreprises à rembourser en différé les prêts garantis par l'État. Si ces mesures permettent à notre filière de respirer, elles ne représentent que des solutions ponctuelles, de court terme, qui mettent notre viticulture sous perfusion d'argent public. Aussi, je voudrais savoir quelles discussions vous engagez aujourd'hui avec la nouvelle administration américaine pour faire cesser la guerre commerciale entre Boeing et Airbus, et donc ce matraquage contre nos producteurs viticoles.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT. – M. Jacques Cattin applaudit également.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation – et de la viticulture !
Vous l'avez bien résumé : notre belle filière viticole et vinicole a été une victime collatérale – c'est le bon terme – des décisions unilatérales prises par l'administration Trump en lien avec le conflit aéronautique qui n'a rien à voir avec nos spiritueux ni avec un quelconque produit agricole.
Ces taxes diminuent la compétitivité de nos exportations vers les États-Unis et les font chuter drastiquement.
Face à ce problème, nous avons tout d'abord, vous l'avez dit, soutenu la filière avec des aides spécifiques. Le secteur du vin et des spiritueux est cher au Premier ministre ; aussi, dès sa nomination, il a pris des décisions sur les aides financières qui lui étaient destinées.
Il y a quelques jours, le ministre de l'économie, le ministre délégué chargé du commerce extérieur et moi-même avons annoncé un renforcement de ces aides.
Deuxièmement, il faut parvenir à une désescalade dans nos négociations avec les Américains, sans faire preuve de naïveté. Nous devons montrer que nous sommes prêts à réagir tout en cherchant l'apaisement. C'est pour cela que le ministre de l'économie, des finances et de la relance a d'ores et déjà eu un premier échange avec la nouvelle secrétaire au Trésor et que j'ai échangé avec le commissaire européen à l'agriculture, en début de semaine.
Enfin, il faut aussi que l'Union européenne assume ses responsabilités en soutenant financièrement la filière. Cela fait un an que nous le demandons à la Commission. Les échanges se poursuivent et nous devons obtenir satisfaction.
Merci pour votre engagement !
Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et LR.
Madame la ministre de la culture, en 2018, le Gouvernement annonçait, à la surprise générale, la fermeture de France 4. Prévue pour le mois d'août dernier, cette fermeture fut fort heureusement repoussée d'un an – un sursis judicieux compte tenu du contexte de crise sanitaire, qui a permis au groupe France Télévisions d'engranger un succès inédit auprès de la jeunesse.
Je vous pose donc une question simple : allez-vous, oui ou non, fermer définitivement France 4 ?
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
La commission des affaires culturelles et de l'éducation vous a confié, ainsi qu'à Mme Béatrice Piron, une mission flash pour réfléchir à l'amélioration de l'offre jeunesse sur le service public de télévision. Vous avez rappelé que la décision d'arrêter France 4 a été prise il y a presque trois ans. Il n'était évidemment pas question de diminuer l'offre jeunesse du service public, mais de réfléchir à une meilleure offre, plus diversifiée et plus complète. France Télévisions a continué son travail en diversifiant, par l'intermédiaire d'un pacte jeunesse, l'offre jeunesse sur l'ensemble des chaînes du service public.
Par ailleurs, l'audiovisuel public a développé une offre numérique à travers les plateformes Okoo et Lumni, dont la fréquentation est de plus en plus importante.
Troisième élément : nous devons garantir la qualité de la création dans le domaine de l'animation, celle-ci étant un facteur de valeur ajoutée pour l'audiovisuel public.
Nous consentons un effort important avec un engagement de 32 millions d'euros de soutien à la création de l'animation.
L'audiovisuel public est donc très réactif. Il a d'ailleurs montré, avec la création en quinze jours d'une nouvelle chaîne culturelle, Culturebox, à quel point il pouvait s'adapter à une situation de crise complexe.
Cette chaîne qui propose une offre culturelle diverse et de qualité est une vraie réussite.
Les conclusions du rapport que vous me remettrez officiellement dans quelques instants sont beaucoup plus larges que le seul maintien de la chaîne France 4, et je vous remercie par avance de l'excellence de vos travaux.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe LR.
Sourires.
En effet, fermer France 4, c'est nier la qualité de ses programmes et son utilité pour répondre à une demande multiforme. Ainsi, lors du premier confinement, entre 300 000 et 1 million d'élèves ainsi que leurs parents se retrouvaient chaque jour devant les cours de l'émission éducative « La Maison Lumni », que vous avez évoquée, qui a été proposée par la chaîne.
Fermer France 4, c'est laisser un vide qui ne sera comblé à ce stade ni par l'application Okoo ni par la plateforme en ligne.
Fermer France 4, c'est réaliser des économies dérisoires qui ne s'élèveraient qu'à 10, voire 7 millions d'euros, soit 0,3 % du budget du groupe, …
… très loin des 40 millions annoncés.
Fermer France 4, c'est aggraver la fracture territoriale en pénalisant les foyers des territoires qui ont un moins bon accès à internet, à l'heure où un quart des foyers n'accèdent à l'audiovisuel que par la TNT.
Voilà ce qui ressort de la mission flash sur l'audiovisuel public que j'ai menée aux côtés de Béatrice Piron. Notre rapport a recueilli un consensus total et j'ai hâte de connaître votre avis.
La décision de fermer France 4 serait-elle motivée par autre chose, comme un accord pour récupérer le canal 14 ? Dans ce cas, rien ne s'oppose au maintien d'une chaîne dédiée à la jeunesse sur un autre canal.
Madame la ministre, ne commettez pas cette faute à l'égard de notre jeunesse !
Applaudissements sur les bancs du groupe LR.
Suspension et reprise de la séance
La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq, sous la présidence de M. David Habib.
Nous poursuivons aujourd'hui l'examen du sixième projet de loi relatif à l'état d'urgence sanitaire. Comme le ministre des solidarités et de la santé et moi-même l'avons rappelé à plusieurs reprises, les mesures de police sanitaire que le Gouvernement a dû prendre depuis le premier trimestre 2020 ont heureusement permis de juguler drastiquement la propagation de ce virus qui bouleverse tant nos vies. Les deux périodes de confinement que nous avons vécues, le couvre-feu, le port du masque et plus généralement la limitation des rassemblements, que chacun s'impose en responsabilité, auront permis – et continuent de permettre – d'éviter la saturation de notre système de santé, en particulier des services de réanimation.
Notre préoccupation quotidienne est le respect d'un nécessaire équilibre entre la protection essentielle pour sauver des vies et les adaptations que nous prenons pour assurer que nos vies en aient plus que le seul nom. Sauver des vies sans que la vie s'arrête, voilà notre responsabilité, et elle est immense.
Protéger les plus fragiles, à commencer par nos aînés, c'est mon devoir et c'est notre devoir à tous, parce que la fraternité n'est pas un mot abstrait, tout juste bon à orner les bâtiments publics. C'est une exigence concrète, quotidienne, et nous n'avons pas choisi autre chose depuis le début de cette épidémie. Le Gouvernement est pleinement conscient des sacrifices que chacun a consentis pour nous permettre de tenir ensemble. Les efforts de chacun ont permis d'éviter le pire.
Pour autant, cette épidémie continue de sévir dans le monde entier, et notre pays n'est pas épargné. Si les dernières mesures que nous avons su prendre ont porté leurs fruits, l'émergence de nouveaux variants change la donne. Elle nous fait craindre une circulation virale plus rapide, plus difficile à contrôler. Nous devons être en mesure d'y faire face pleinement, pour ne pas créer une épidémie dans l'épidémie. C'est pourquoi il paraît essentiel de nous armer face à cette menace grandissante.
Pour lutter contre ces variants, notre réponse passe notamment par l'augmentation significative des capacités de séquençage et le déploiement de kits PCR criblant les variantes connues à date, par un renforcement des mesures de contact tracing lors de toutes les investigations de cas suspectés ou confirmés, ainsi que par des actions de renforcement de l'isolement, avec l'intervention d'infirmières à domicile auprès des cas positifs aux variants.
L'état d'urgence sanitaire est déclaré depuis le 17 octobre 2020 sur l'ensemble du territoire national et, à la demande du Gouvernement, il a été prorogé par le Parlement jusqu'au 16 février 2021 par la loi du 14 novembre dernier. En dépit de ces efforts, la situation sanitaire demeure préoccupante et l'évolution prévisible de l'épidémie de covid-19 nous amène à demander au législateur une prorogation de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin 2021.
Cette date a fait l'objet de débats et, si l'on peut bien sûr regretter que les deux chambres n'aient pu trouver un accord, je comprends aussi ce qui vous a pleinement mobilisés lors de la réunion de la commission mixte paritaire. Je salue la position de votre commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, position qui permet au Gouvernement d'agir en responsabilité jusqu'à cette échéance, et qui se veut équilibrée au regard de la situation actuelle et de ce qu'elle suppose.
Ces choix ne sont jamais faciles. On ne prend pas de telles décisions sans les mesurer pleinement, dans toutes leurs dimensions sanitaires, sociales, économiques – humaines en somme. C'est encore cet impératif de responsabilité, que nous devons aux Français, qui nous pousse à prendre toutes les mesures possibles pour que le confinement ne soit plus que la mesure de dernier recours pour sauver nos capacités hospitalières et éviter que les vies de nos concitoyens ne soient mises en péril.
Je veux dire aux Français et à leurs représentants ici présents que je mesure leur lassitude – je la partage pleinement – , mais aussi que la brutalité de la crise nous impose des mesures que nul n'aurait imaginé devoir prendre dans les perspectives les plus difficiles, parce que, oui, ce que nous vivons aujourd'hui relevait de l'impensable il y a un an. C'est au regard de ces éléments que je salue le travail de la commission des lois pour revenir sur les principales mesures permettant au Gouvernement d'agir en responsabilité. Je pense en particulier au rétablissement de la date de fin de régime de l'état d'urgence sanitaire au 1er juin 2021. Nous souhaitons tous que ce régime d'exception soit le plus bref possible, mais nous devons être en mesure d'agir.
De la même façon, je salue le rétablissement par la commission des lois de l'échéance de fin de mise en oeuvre des systèmes d'information de lutte contre l'épidémie au 31 décembre prochain. Cette période supplémentaire va nous permettre de parer à toute éventualité, mais aussi, sur le plan technique et scientifique, de mesurer toutes les évolutions en cours à date. Concrètement, ces outils permettent aujourd'hui que plus de 93 % des cas index et 85 % des cas contacts soient joints dans les vingt-quatre heures par l'assurance-maladie. C'est primordial.
À nouveau, le Gouvernement souhaite donc fixer un cap, que nous révisons à mesure que la situation évolue, mais qui donne une échéance, une orientation. C'est un enjeu démocratique et nous nous y tenons. Reste que l'évolution de la situation nous a imposé de repousser progressivement cette échéance. Nous nous en serions bien passés, vous, moi, nous tous ici, comme les Français.
Par ailleurs, cette échéance vous permet encore, comme vous le faites chaque semaine, mais aussi, de manière plus développée, dans le cadre de séances de contrôle de l'action du Gouvernement, de vous enquérir de la motivation des choix opérés par celui-ci – ce qui est salvateur à deux titres : cela vous permet, sur un plan démocratique, d'exercer pleinement et librement vos responsabilités, et cela nous permet également de rappeler ce qui guide nos choix et notre souci permanent de garantir la protection de la santé des Français.
La nécessité d'outiller notre pays face à d'autres épidémies éventuelles de même ampleur, voire plus graves encore – vous le savez, et nous avons eu l'occasion de le dire et de le rappeler – est impérative. Pour autant, chaque chose doit venir en son temps.
Le nôtre est à l'action, chaque heure de chaque jour, pour enrayer l'épidémie.
Nous aurons l'occasion, une fois celle-ci derrière nous, de dresser un bilan du régime d'état d'urgence sanitaire…
Pour évaluer, il ne fallait pas dissoudre la mission d'information sur la gestion de l'épidémie !
En effet, la dissolution de la mission d'information ne va pas faciliter la tâche. Et ce n'est pas très transparent !
… et de lui apporter, avec un regard enrichi de nos expériences, les ajustements nécessaires et appropriés pour disposer de l'outil le plus indiqué possible face à une situation de cette nature. Mesdames et messieurs les députés, tandis que s'ouvrent les débats en nouvelle lecture, je vous remercie pour les travaux conduits depuis bientôt un an sur le sujet. Notre souci, partagé de façon constante, est que la démocratie parlementaire continue de battre son plein, dans le seul intérêt de nos concitoyens.
CQFD, comme on l'a vu avec la dissolution de la mission d'information !
Ensemble, continuons d'avancer en responsabilité pour sortir au plus vite du régime d'état d'urgence en protégeant nos proches et renouer, quand les conditions le permettront, avec cet art de vivre qui nous caractérise et qui nous manque chaque jour davantage.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
La parole est à M. Jean-Pierre Pont, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Qui, en décembre 2019, aurait prédit ce que les Français subissent depuis un an : une première vague, une deuxième vague voire une troisième vague menaçante, des mutations du virus, des confinements, des couvre-feux, et l'arrivée salvatrice, en moins d'un an, des vaccins ? Qui aurait pu prévoir un tel scénario ? Personne. En revanche, comme pour le virus, les Français ont eu droit à une avalanche de « y'a qu'à, faut qu'on ».
Exactement !
Alors, avec modestie et humilité, qui peut prévoir ce qui nous attend cette année ? Là encore, personne. Il faut naviguer à vue malgré la tempête, adapter le combat contre le virus aux dernières informations émanant des hôpitaux, au jour le jour, avec l'impossibilité de toute anticipation valable.
Ce qui est certain, c'est que le confinement plus ou moins strict et le vaccin sont, à ce jour, les seuls remparts réellement efficaces contre le virus. Depuis la fin du mois de décembre, la vaccination est en cours. Elle est logiquement adaptée à la vulnérabilité des différentes couches de la population. Certes, son déroulement est gêné par des retards imprévus d'approvisionnement dus à la fois aux contraintes de production et de livraison des laboratoires, mais aussi, à mon avis, à la technocratie bureaucratique de Bruxelles.
Quant au confinement, qu'il est indispensable de mettre en place ou non selon la situation du moment, je me permettrai de le comparer à un robinet : si on le ferme à fond, c'est très efficace sur le plan épidémiologique, mais dangereux sur le plan économique et pour la fatigue psychologique de la population ; si, au contraire, on l'ouvre à fond, on court le risque d'un raz-de-marée du virus que connaissent malheureusement actuellement certains pays européens, avec des chiffres de mortalité catastrophiques. Il s'agit alors, et ce n'est pas si simple, de trouver la juste mesure, le juste équilibre entre efficacité et risque, avec une adaptation permanente à la situation sanitaire du moment. En tant que médecin, je constate, madame la ministre déléguée, que le Gouvernement a trouvé en ce moment un équilibre responsable tout en accordant, suivant votre choix et celui du Président de la République, la priorité à la santé des Français.
Si l'on effectue un premier bilan, que peut-on constater objectivement ? La France fait partie des pays qui testent le plus ; la France fait partie des pays dont les chiffres de mortalité par million d'habitants sont parmi les moins élevés ; la France fait pourtant partie des pays qui imposent le moins de restrictions à sa population ; enfin, je l'espère, la France fera très prochainement partie des nations qui vaccinent le plus. Malgré critiques et jérémiades de tous bords, les Français, par leur discipline, et vous, madame la ministre déléguée, par votre action, pouvez vous targuer ensemble de résultats corrects et encourageants face à une crise sanitaire exceptionnelle.
Dans ce contexte, le Parlement est appelé à jouer un rôle en prorogeant une nouvelle fois l'état d'urgence sanitaire pour maintenir notre niveau d'effort collectif, et surtout pour ne pas baisser la garde au pire moment. La commission mixte paritaire qui s'est réunie à l'Assemblée nationale jeudi dernier a trouvé certains points de convergence importants, sans toutefois s'accorder sur l'ensemble des dispositions restant en discussion. Je vous le dis en toute franchise, la majorité a abordé cette commission mixte paritaire avec la réelle volonté d'aboutir à l'accord qu'exigeait la situation. La suppression de l'article 3, que nous avions décidée dès l'examen en première lecture du projet de loi, avait jeté les bases favorables d'un potentiel accord et des propositions complémentaires ont été formulées pour continuer de rapprocher notre point de vue de celui du Sénat. Nous avons notamment formulé une proposition importante permettant un contrôle dans le temps des mesures de confinement et de couvre-feu par la restauration d'un débat sur la nécessité de leur prolongation après six semaines de mise en oeuvre. Nous étions prêts à discuter ces modalités ; cet engagement inédit et formel que l'exécutif était prêt à prendre – et je veux ici remercier le Gouvernement – se serait ajouté à la déclaration et au débat, eux aussi suivis d'un vote, promis par le Premier ministre en amont d'un éventuel confinement.
Je regrette vivement que cette proposition de compromis n'ait pas été retenue et que la commission mixte paritaire ait échoué sur un dispositif qui, tel qu'il était proposé par le Sénat, était irréaliste et inapplicable tant il était contraignant – je rappelle qu'il s'agissait de voter une loi de prorogation du confinement avant un délai de quatre semaines. Cette mesure ne permettait pas de disposer d'éléments nouveaux à partir desquels nous prononcer de manière sérieuse sur la poursuite du confinement et affectait la capacité de l'exécutif à agir avec réactivité face à l'évolution de l'épidémie. Forte du travail de fond qu'elle a engagé sur ce texte dès son dépôt, la commission des lois est donc revenue à la rédaction équilibrée adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, laquelle – je le sais en tant que médecin – permettra de poursuivre efficacement notre lutte. En tant que rapporteur, je serai vigilant au maintien en l'état de ce texte, même si nos discussions seront, comme toujours, riches et animées.
Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.
J'ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. François Ruffin.
« Reconfinement imminent » : c'était la une du JDD dimanche dernier avec, en photo, le Premier ministre et le chef de l'État. Citation : « Macron pourrait l'annoncer dès cette semaine. » Mais, l'après-midi, les « macronologues » du Parisien tempèrent : « Reconfinement : rien ne sera décidé avant mercredi, assure l'Élysée ». Le lendemain, lundi, en milieu de journée, mon smartphone me notifie : « Castex : Des décisions seront prises cette semaine » – « des décisions », pour tout le monde, au point où on en est, c'est le re-reconfinement. Mais, en soirée, BFM TV affiche en bandeau : « Confinement : Macron veut prendre son temps ». Pourquoi, d'après les potins du Point ? Parce que le chef de l'État « déteste par-dessus tout [… ] qu'on lui torde le bras ».
Nous sommes fatigués, usés, lassés – pas seulement, je crois, des confinement, déconfinement, reconfinement, re-déconfinement et éventuellement, à coup sûr, sans doute bientôt, en mars, du re-reconfinement, mais surtout, aussi, d'être des jouets entre vos mains, d'être traités comme des pantins plus que comme des citoyens. Nous sommes suspendus aux lèvres du souverain. Que va-t-il décider pour nous, pour nos vies ? Car tous les aspects de nos vies sont touchés – tous. Jamais autant que depuis un an nous n'avons senti le poids de la Ve République…
… et son intrusion jusque dans nos vies privées. Ce sont nos enfants qui, lors des confinements, ne peuvent plus voir leurs grands-parents. Jamais cela ne s'est vu dans notre histoire – je dirais même que jamais cela ne s'est vu dans l'histoire de l'humanité – , que l'on coupe ainsi les liens familiaux. Peut-être était-ce nécessaire, mais ce qui me stupéfie, c'est que cette rupture presque anthropologique se fasse sans le moindre débat, sans le moindre vote, juste parce qu'un soir, le président, je le cite, « assume ». Que l'on prenne l'avancement du couvre-feu à dix-huit heures. Le Gouvernement baptise cela du nom de « mesure complémentaire » – joli euphémisme. Comme si c'était anodin ! J'ai vérifié : jamais, dans son histoire, la France n'avait connu de couvre-feu à dix-huit heures. Durant l'Occupation, c'était vingt heures. Idem durant la guerre d'Algérie : vingt heures. Pendant les révoltes de 2005 : vingt-deux heures. Jamais, donc, la France n'a connu de couvre-feu aussi tôt. Et pourtant, comment fut-il décrété ? Sans même une discussion à l'Assemblée.
Il en va de même pour tous les champs de la société. À la mi-décembre, c'était presque acté : les lieux de culture – cinémas, théâtres, musées – allaient rouvrir. Tenez-vous prêts, leur confiait-on en off au ministère. Quarante-huit heures plus tard, patatras, le Président tranchait : vous restez fermés. Mon fils ne fait plus de handball depuis un an ; je reçois des courriels de personnes qui ont arrêté le sport, qui souffrent à nouveau d'obésité, qui se sont mises aux antidépresseurs. Où cet état de santé mentale et physique est-il discuté ? Nulle part. Notre collègue de droite Émilie Bonnivard en témoignait pour les stations de ski : jamais leur ouverture, ni leur fermeture, ne furent débattues ici.
Il aura fallu saisir le Conseil d'État simplement pour se faire entendre et pour connaître les raisons sanitaires factuelles de vos décisions.
Même quand les choix du roi vont, me semble-t-il, dans le bon sens, j'éprouve le même malaise. Il y a deux semaines, en déplacement dans une fac, Emmanuel Macron déclarait : « S'il en a besoin, un étudiant doit pouvoir revenir à l'université un jour par semaine. » Cette clémence, je l'ai reçue comme un soulagement pour les étudiants, comme une première sortie de l'horreur du tout-distanciel. Mais comment est-elle venue ? Sa femme, Brigitte Macron, déclarait la veille sur une antenne : « Le Président est excessivement sensibilisé à la question étudiante. » En sommes-nous réduits à cela ? À devoir toucher le bon coeur du monarque ou celui de son épouse, à obtenir pour des pans entiers du pays comme un droit de grâce ?
De quoi parle-t-on aujourd'hui ? Du re-reconfinement. Je viens d'en entendre parler comme d'un robinet que l'on pourrait ouvrir ou fermer, mais ce dont on parle, c'est d'enfermer un peuple, un peuple libre, un grand peuple même, le peuple de France, sans aucunement y associer les Français ; ni directement, ni par le biais de leurs représentants. « Le Président réfléchit », lis-je dans la presse. Mais pourquoi Emmanuel Macron réfléchit-il tout seul, sans nous ? « Deux camps s'opposent au sein du Gouvernement », nous dit-on encore. Mais pourquoi ces deux camps n'échangent-ils pas leurs arguments en public ? Car ces deux camps traversent aussi la société ; ces deux camps, en vérité, traversent chacun de nous, partagés et incertains que nous sommes. Comment arbitrer entre vie biologique et vie sociale ? À quoi sommes-nous prêts à renoncer ? Mais il n'y a aucun lieu, aucune institution pour échanger ces arguments, ces statistiques, ces études ; aucun lieu, aucune institution pour se forger une conviction ; aucun lieu, aucune institution pour accoucher ensemble de décisions. Notre sort se décide derrière des portes closes. En sortira-t-il de la fumée blanche ? Pourrons-nous partir en vacances ? Serons-nous punis à la nuit tombée ? Nous sommes dépossédés.
Des idées, nous en avons ; vous en avez, chers collègues ; les Français en ont, des bonnes et des mauvaises. Mais où peut-on faire le tri ? Où peut-on réfléchir ensemble ? Le confinement par roulement ou par âge, la priorité aux blouses blanches pour la vaccination, le traitement par la vitamine D, par l'hydroxychloroquine ou par le Regeneron, un grand appel aux infirmières qui ont quitté le métier, la licence d'office pour les vaccins, la réanimation à domicile, la réquisition de l'industrie pharmaceutique… Toutes ces idées, où pouvons-nous en discuter ? Où peut-on discuter avec les restaurateurs, avec les étudiants, avec les soignants, avec les scientifiques ? Comment envisageraient-ils, eux, de s'organiser ? Que voudraient-ils apporter au pays pour se sentir utiles ? Comment renforcer les solidarités ?
Ce lieu d'échanges, d'émulation, de débat, n'existe pas ; il n'est pas ici, en tout cas. La France traverse une crise incroyable, une crise formidable, une crise multiforme – sanitaire, sociale, morale, économique – , et notre Assemblée regarde ailleurs, notre Assemblée se démet, notre Assemblée ne s'en saisit pas, notre Assemblée met comme priorité le séparatisme à l'ordre du jour, notre Assemblée supprime même – ça, c'est un exploit – la modeste voire insignifiante mission qui était dédiée au covid-19, notre Assemblée de larbins
Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM
ne remplit pas sa fonction devant la nation. Des lieux s'inventent hors d'ici, à l'échelon local : à Paris s'est mis en place un conseil citoyen ; à Amiens, au fond, les réunions en préfecture offrent au moins un temps d'écoute, de concertation ; mais à l'échelon national, rien.
C'est une question de principe – oui, démocrate, je le suis par principe, et je le reste même par temps de pandémie – , mais aussi une question d'efficacité. Si encore, avec les pleins pouvoirs, vous réussissiez ! Mais vous échouez sur tout : sur les masques, les tests, la deuxième vague, les vaccins… Et vous échouez par votre solitude…
… car, j'en suis convaincu, à nous consulter, à consulter les Français, à consulter les soignants, les étudiants, les commerçants, à mettre sur pied une convention citoyenne sur le coronavirus ou une chambre du temps long, nous aurions fait mieux, beaucoup mieux.
Il y a près d'un an, nous étions pris par surprise par cette saleté de virus sorti d'on ne sait où.
Les mesures subites, autoritaires, immédiates, nous les avons comprises ; la société les a acceptées, tolérées. Mais la première vague est passée et l'été, l'automne, l'hiver, une année s'est écoulée. Où est l'urgence désormais ? Et surtout, combien de temps va-t-elle durer ? Six mois, un an, davantage encore ? Faut-il éliminer la démocratie et vous confier les pleins pouvoirs pour une CDI, une crise à durée indéterminée ?
Je veux dire mon inquiétude, pas seulement pour aujourd'hui, mais aussi pour demain, pour l'avenir. Des crises, nous allons en traverser beaucoup. Météo France annonçait hier encore, dans un rapport, des températures extrêmes pour la fin du siècle ; les inondations succèdent déjà aux sécheresses ; la grippe aviaire est là, en même temps que la pandémie ; nous sommes entrés dans une crise climatique de longue durée. Quelle réponse apporterons-nous ? Choisirons-nous l'urgence, l'éternelle urgence, ou au contraire l'organisation, la prévoyance ? La dictature – puisque oui, il s'agit d'une forme de dictature – , la concentration des pleins pouvoirs entre les mains d'un homme, d'une poignée d'hommes, d'un conseil de défense anonyme, ou, au contraire, la démocratie, encore la démocratie, toujours la démocratie ?
Avec le covid-19, nous ne subissons selon moi qu'une première secousse. D'autres chocs viendront, bien plus terribles, et cette pandémie n'est, je le crains, qu'un échauffement, un entraînement. Or, comme par réflexe, le chef de l'État s'accapare les pleins pouvoirs et nous maintient dans un coup d'état d'urgence permanent. C'est une alerte, un mauvais signe pour la suite : vous avez choisi.
« Le problème clef, pour moi, c'est l'écrasement des hiérarchies » : le président Emmanuel Macron ose se plaindre en ces termes, alors qu'il tient nos vies entre ses mains, décide de la distance qui doit nous séparer, de nos heures de sorties et de retour. Il ose en outre dénoncer une « société qui s'horizontalise, [un] nivellement complet, [… ] une crise de l'autorité. » Mais que voudrait-il encore ? Que voudrait-il de plus ?
Oui, avec cette pandémie, l'occasion fait le larron ; elle constitue une opportunité pour vous, pour votre classe, pour le monarque républicain de se débarrasser du démos, du peuple – ce qui tourne souvent mal, dans notre histoire. Contre le pouvoir solitaire, autoritaire, toujours les Français protestent, jusqu'à parfois le renverser.
Le poète résistant René Char écrivait : « Dans nos ténèbres, il n'y a pas une place pour la beauté. Toute la place est pour la beauté. » Avec ces lois successives sur l'état d'urgence qui n'en finit pas, nous avons l'impression que plutôt que de vouloir rallumer une lumière, vous ne cessez de chercher à prolonger la nuit.
Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.
Je n'ai pas grand-chose à ajouter. Je ne vous saluerai pas, monsieur Ruffin, comme vous ne m'avez pas saluée, et n'avez salué personne.
« Oh là là ! » sur les bancs du groupe FI.
Si l'exécutif possédait réellement les pleins pouvoirs, nous ne débattrions pas pour la sixième fois sur la prorogation de l'état d'urgence. Vous ne pouvez comparer ce qui n'est absolument pas comparable – c'est tout ce que j'aurai à vous dire.
Nous en venons aux explications de vote.
La parole est à M. Stéphane Peu, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Notre groupe, par mon intermédiaire, votera en faveur de la motion de rejet préalable.
Comme l'a indiqué François Ruffin, il faut discuter la tentation autoritaire, la solitude du pouvoir – d'autant plus qu'avec le recul donné par le temps, elle se révèle d'une efficacité douteuse.
Au-delà de la conjoncture, François Ruffin pose une question de fond : alors que depuis 2015, notre pays a vécu plus de la moitié du temps dans un régime d'état d'urgence, nos démocraties parlementaires sont-elles devenues inaptes à affronter les crises terroristes, sécuritaires, climatiques, sociales mais aussi épidémiques – puisque tout le monde nous dit que celle-ci n'est pas la dernière – qui vont se multiplier ?
M. François Ruffin applaudit.
Faisons attention à la tentation autoritaire, celle de s'extirper du régime démocratique pour affronter les crises. Certes, les Français font actuellement surtout preuve de résilience ou de lassitude, mais attention au réveil ! En matière de régimes autoritaires comme en d'autres, le peuple préfère souvent l'original à la copie – je ne vous ferai pas de dessin.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
La parole est à M. Guillaume Gouffier-Cha, pour le groupe La République en marche.
Si nous débattons de ce texte en nouvelle lecture, c'est parce que jeudi dernier, en commission mixte paritaire, nous ne sommes pas parvenus à trouver un accord avec nos collègues sénateurs. Celui-ci était pourtant tout proche.
Nous nous étions rapprochés sur de nombreux points, notamment sur le constat – celui de la réalité de la crise sanitaire, avec son lot d'inquiétudes – et sur la nécessité qui en découle de maintenir le régime d'état d'urgence que nous avons construit dans cet hémicycle et avec nos collègues sénateurs, dans un cadre démocratique, parlementaire, respectueux de nos institutions et de la Constitution. Cet outil nous permet d'agir, de prendre des mesures pour protéger nos concitoyennes et concitoyens et garantir à nos hôpitaux un fonctionnement correct.
En présentant cette motion de rejet, monsieur Ruffin, vous niez tous ces points de convergence, aussi bien le constat que les outils qu'il est nécessaire d'employer, même si c'est difficile. Vous dites que tout est décidé hors du débat, dans une dérive autoritaire. Mais non ! Comme Mme la ministre déléguée vient de le rappeler, c'est la sixième fois que nous nous réunissons pour discuter du cadre juridique de l'état d'urgence, et le Gouvernement, avec la suppression de l'article 3 du texte, devra revenir devant nous s'il souhaite proroger l'état d'urgence après le mois de juin ou instaurer un dispositif transitoire face à la crise. Aussi voterons-nous contre cette motion de rejet.
Enfin, monsieur Ruffin, j'ai noté votre fascination pour le Président de la République, Emmanuel Macron ; il faudrait par moments sortir de votre prisme purement amiénois !
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Raphaël Schellenberger, pour le groupe Les Républicains.
Il a donné sa lecture des travaux de la commission mixte paritaire qui s'est tenue la semaine dernière. Permettez-moi de partager la nôtre.
Oui, l'accord n'était pas loin, mais, monsieur Gouffier-Cha, il vous a manqué la liberté de discuter en votre qualité de parlementaires,
Mme Martine Wonner applaudit
élus au suffrage direct, bénéficiant d'une légitimité personnelle pour participer à la construction collective d'une position : vous étiez pendus au téléphone, à attendre la position de Matignon.
Sourires et exclamations sur les bancs du groupe FI.
C'est bien cela qui a rendu la discussion impossible ! C'est bien votre incapacité à dégager des marges de manoeuvre pour proposer une solution acceptable qui a empêché les travaux d'aboutir !
L'attitude de M. le rapporteur et la modification qu'il a ensuite fait adopter en commission des lois sont inacceptables. Elles nous ramènent encore en arrière, alors que nous avions atteint des points de quasi-équilibre.
Oui, nous n'étions pas loin d'aboutir à un accord, mais le texte que vous avez fait adopter lors du dernier passage en commission est inacceptable pour nous, car il va beaucoup trop loin, en accordant les pleins pouvoirs et pour trop longtemps à un gouvernement auquel de moins en moins de Français font confiance.
Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Mme Martine Wonner applaudit également.
La parole est à M. Philippe Latombe, pour le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés.
Monsieur Schellenberger, nous reviendrons dans la discussion générale sur ce que vous venez de dire concernant la commission mixte paritaire. Toutefois, vous savez très bien que la proposition qui y a été discutée, consistant à prévoir une déclaration du Gouvernement suivie d'un débat et d'un vote au titre de l'article 50-1 de la Constitution, ne peut, aux termes de la Constitution, être imposée par les parlementaires à l'exécutif. En outre, cette proposition – qui avait certes des avantages, et permettait au Parlement de s'exprimer – concernait uniquement un éventuel confinement.
Vous éludez par ailleurs le fait que les sénateurs et députés présents en commission mixte paritaire étaient unanimement favorables à la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, parce que la situation l'exige.
Nous ne pouvons soutenir cette motion de rejet préalable, parce que nous avons besoin de ce cadre juridique et que la crise n'est pas terminée. La question n'est pas celle du parlementarisme ou de son éventuelle exacerbation : nous disposons d'autres moyens de contrôler l'action du Gouvernement, que nous pouvons tous utiliser et que nous aurons l'occasion d'aborder dans le cadre de la discussion générale.
Nous avons besoin que l'exécutif ait les moyens de réagir très vite face à une situation sanitaire qui évolue très vite. Sans cette capacité de réaction, donnée par le cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire, nous n'y arriverons pas et nous ne pourrons pas protéger les Français.
Bien évidemment, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés votera contre la motion de rejet préalable.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour le groupe Agir ensemble.
Nous ne voterons pas en faveur de cette motion de rejet préalable ; de manière générale, nous sommes contre ces motions, parce que nous voulons discuter sur le fond et donner notre position.
Sur le fond, justement, dans des circonstances exceptionnelles, il faut prendre des décisions exceptionnelles. Nous traversons une crise inédite, douloureuse, difficile. Vous avez eu raison de souligner, monsieur Ruffin, que beaucoup de Français sont en grande difficulté sociale et demandent à pouvoir reprendre des activités culturelles et sportives. Bien sûr ! Nous sommes les premiers à relayer et à comprendre ces attentes.
Prenons l'exemple de l'habitante du XVIIIe arrondissement de Paris avec laquelle je discutais dimanche, sur le marché de la rue du Poteau. Si elle a formulé beaucoup de demandes et de critiques, elle a conclu par une remarque de bon sens : « oui, il est difficile de gouverner par temps de tempête, et j'imagine bien que les décisions ne sont pas faciles à prendre, parce que nous avons besoin que les plus hautes autorités de l'État nous protègent dans cette crise et nous ouvrent des perspectives. »
Il y a quelques semaines, je discutais avec un de nos anciens Premiers ministres, qui a exercé ces fonctions il y a quelques années. Il m'a confié qu'il n'aimerait pas gouverner aujourd'hui, parce que c'est devenu très difficile, avec tous ces « y a qu'à » et ces « faut qu'on ». Il est tellement facile d'indiquer la marche à suivre quand on n'est pas aux responsabilités !
Pour notre part, nous mesurons la difficulté de prendre des décisions, et savons qu'il n'y a pas de recette miracle, nulle part dans le monde.
Chers collègues de gauche et de droite, l'opposition est souvent facile. Demandez-vous donc d'abord ce que vous pouvez faire pour votre pays, pour aider le Président de la République et le Gouvernement à réussir collectivement à nous sortir de cette crise inédite, qui touche le monde entier. Nous pourrons ensuite débattre, confronter les opinions, et vous pourrez critiquer, comme c'est naturel, comme vous l'avez fait et continuerez à le faire à l'heure de ce sixième débat concernant l'état d'urgence.
Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.
La parole est à M. Pascal Brindeau, pour le groupe UDI et indépendants.
Notre collègue François Ruffin s'est livré à une figure imposée avec cette motion de rejet préalable. Nous ne partageons pas son objectif d'arrêter le débat immédiatement. En effet, à ce stade de la navette parlementaire, nous devons le faire aboutir, en faisant vivre des propositions, y compris alternatives à ce qui est proposé.
Sur le fond, monsieur Ruffin, vous formulez cependant de manière assez juste notre grande problématique collective : jusqu'à quel degré est-il souhaitable, acceptable, de limiter l'exercice de la démocratie par les représentants de la nation et par nos concitoyens pour garantir l'efficacité de mesures privatives de libertés individuelles et collectives dans la lutte contre le virus ?
Mesdames et messieurs de la majorité, ce débat de fond subsiste, même si vous avez malheureusement toujours tendance à le contester, prétendant que rien ne peut primer la protection sanitaire de nos concitoyens, que rien ne justifie de discuter de la date de fin de l'état d'urgence sanitaire prévue dans le projet de loi initial, que rien n'est discutable concernant la durée prévue pour l'utilisation des systèmes d'information ou l'habilitation donnée au Gouvernement de légiférer par des ordonnances qu'il peut modifier et prolonger à souhait. Pour notre part, nous n'avons aucune possibilité de rediscuter de ces questions et des habilitations données au Gouvernement, alors qu'elles concernent de nombreux domaines et affectent fortement nos concitoyens.
Voilà le vrai débat. Nous vous demandons…
… depuis le début de ces débats d'écouter un peu les propositions alternatives.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Vous dites, madame la ministre déléguée, que c'est la sixième fois en un an que nous débattons de ce sujet – mais encore heureux !
Pourtant, quel est le résultat de ces débats successifs ? Depuis un an, combien d'amendements des oppositions avez-vous acceptés dans cette discussion essentielle sur la réponse qui doit être apportée à cette crise sanitaire inédite ? Combien de propositions de la France insoumise sur l'organisation de roulements dans la vie quotidienne et sur celle du dépistage, sur les moyens à investir dans l'hôpital public pour faire face à la crise, sur la relance économique, et le soutien aux petites entreprises ? Aucun, ou presque aucun.
On peut donc toujours débattre et c'est notre rôle, mais n'utilisez pas cet argument pour prétendre que votre manière de faire face à la crise est démocratique, d'autant que vous nous demandez de vous accorder des pouvoirs exorbitants du droit commun, des pouvoirs qui réduisent de manière drastique les droits et les libertés fondamentales de la population, au motif qu'il s'agit précisément de répondre à une crise sanitaire.
Il serait peut-être bon de s'interroger sur votre bilan au bout d'un an, parce que cette motion de rejet n'est pas simplement formelle. Si nous rejetons la prorogation, c'est pour vous contraindre à dresser ce bilan et éventuellement à écouter d'autre voix et à mettre en oeuvre d'autres solutions.
On a beau dire que la crise est mondiale, certains pays s'en sortent mieux, comme le montre l'institut Lowy, qui est loin d'être une instance insoumise mais classe la France, au niveau mondial, en soixante-treizième position sur quatre-vingt-dix-huit pour sa gestion de la crise sanitaire.
Avez-vous des réponses au fait que certains pays, et pas uniquement des pays autoritaires ou exotiques, mais des pays européens, se débrouillent mieux ? Non, vous n'avez aucune réponse.
Mme Mathilde Panot applaudit.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour le groupe Libertés et territoires.
C'est toujours un moment éminemment solennel que ce débat sur l'état d'urgence sanitaire, exercice auquel nous nous livrons pour la sixième fois.
D'emblée, j'annonce que le groupe Libertés et territoires soutiendra cette motion de rejet préalable, car, de débat réel, il n'y a en réalité jamais eu depuis le 23 mars 2020. Depuis cette date, nous assistons en effet à une fuite en avant du Gouvernement, qui fait perdurer l'état d'urgence et impose aux Françaises et aux Français une privation de liberté dont ils ont aujourd'hui plus qu'assez.
Regardez ce qui se passe dans les territoires, où certains ont déjà tout perdu : n'entendez-vous pas l'épuisement, la souffrance, les difficultés économiques et sociales dans lesquelles vous continuez à précipiter ce pays ?
La France en a plus qu'assez, et je vous rappelle qu'il y a d'autres solutions. Je remercie mon collègue François Ruffin d'avoir évoqué le traitement précoce ou les possibilités de prévention.
Regardons ce que d'autres pays sont en train de faire : l'Italie rouvre ses restaurants, ses bars et ses musées. Pourquoi faudrait-il alors que les Français continuent de vivre, non pas confinés, puisqu'ils sont voués à aller travailler, mais sous un régime de couvre-feu ? Je souhaiterais que l'on puisse en discuter.
Sur la motion de rejet préalable, je suis saisi par le groupe La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour le groupe Socialistes et apparentés.
Cette motion de rejet que nous avions nous-mêmes présentée la dernière fois, mon groupe la soutiendra bien sûr. Après avoir insisté sur le travail réalisé en CMP, je voudrais souligner qu'il nous manque un vrai bilan médical et scientifique, connu, partagé, et que dès lors nous ne pouvons pas véritablement tenir un débat sur les stratégies suivies dans cette crise sanitaire. Nous n'avons pas non plus pu discuter des propositions de l'opposition, alors qu'elles mériteraient d'être débattues librement ici.
Le Parlement a montré qu'il était responsable et savait prendre des décisions. Nous avons proposé qu'un vote ait lieu pour entériner chaque décision de confinement, dans la mesure où la population comprend mal qui décide en vérité : est-ce le Président ? le Parlement ? le Gouvernement ?
Au-delà de nos accords et de nos désaccords, nous prenons parti aujourd'hui non seulement sur l'état d'urgence mais aussi, plus globalement, sur le fonctionnement de nos institutions, car il importe de se poser les bonnes questions.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 134
Nombre de suffrages exprimés 123
Majorité absolue 62
Pour l'adoption 22
Contre 101
La motion de rejet préalable n'est pas adoptée.
Sans surprise, la commission mixte paritaire qui se réunissait la semaine dernière n'a pas réussi à trouver de terrain d'entente sur la place de la démocratie dans la gestion de la crise sanitaire.
L'exécutif veut, avec le soutien de sa majorité, continuer de décider seul des mesures à prendre, quelles que soient leurs incidences sur la vie quotidienne de millions de nos concitoyens, et du tempo.
Je parle de l'exécutif, mais celui-ci se réduit désormais à la figure du chef de l'État : c'est Emmanuel Macron qui, seul, a décidé vendredi soir de repousser un troisième confinement. La question n'est pas de savoir ici si ce report est opportun ou non, mais quelle est la légitimité de ce fait du prince et de cet exercice quasi monarchique du pouvoir.
M. François Ruffin applaudit.
Depuis le début de cette crise, nos compatriotes ont le sentiment justifié d'être de moins en moins les citoyens d'une république et de plus en plus les sujets d'une monarchie présidentielle.
M. François Ruffin applaudit.
Or, nous l'avons maintes fois répété, la concentration des pouvoirs n'est pas synonyme d'efficacité, y compris dans les périodes de crises les plus aiguës car, pour être efficaces, les mesures doivent être éclairées, légitimes et consenties, toutes choses pour lesquelles l'implication étroite du Parlement est nécessaire.
La politique de lutte contre la covid-19 ne peut donc se faire en laissant notre assemblée sur la touche et en ne la consultant que pour la forme, au moment que vous jugez opportun.
L'état d'urgence vous a conduit à piloter la crise au jour le jour, en accumulant des erreurs qu'une étroite association du Parlement vous aurait aisément permis d'éviter, en mettant au jour d'autres solutions face aux risques identifiés sur le terrain. L'Assemblée est surtout pour nos concitoyens une assurance, celle de la collégialité et de la légitimité démocratique ; elle est également garante de la proportionnalité et de la nécessité des mesures envisagées ; il lui revient enfin de contrôler l'exécutif.
Mais vous lui refusez également désormais d'exercer pleinement ces compétences : la dissolution de la mission d'information de notre assemblée est le nouveau symbole de votre mépris des oppositions et de votre dédain pour la délibération et la contestation démocratiques.
C'est pourquoi nous récusons le régime dérogatoire que constitue l'état d'urgence sanitaire, régime initialement présenté comme temporaire et limité à trois mois, puis prolongé de six mois et désormais de plus d'un an.
Nous sommes très attachés à l'intervention régulière du législateur afin de s'assurer que les droits de nos concitoyens sont autant que possible préservés.
Nous ne pouvons donc pas vous suivre lorsque vous proposez de proroger le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 décembre prochain. Cette décision est en effet de nature à banaliser toujours plus le recours aux procédures d'urgence et aux restrictions des libertés qu'elles impliquent. Elle apparaît en l'espèce d'autant moins fondée que la stratégie vaccinale doit permettre de vacciner la majeure partie de la population d'ici à l'été – à moins que le calendrier annoncé ne soit plus d'actualité, mais nous n'osons le penser.
Nous ne pouvons, pour le même motif, accepter le maintien de l'état d'urgence jusqu'au 1er juin, sans une clause de revoyure plus proche. Il est temps en effet que nous sortions de cette logique de mises entre parenthèses successives de l'État de droit, mises entre parenthèses que la situation ne justifie évidemment plus. Il est temps de passer à un régime de saisine régulière du Parlement, à un régime respectueux de la démocratie et du principe de séparation des pouvoirs.
Il n'est pas sain pour une démocratie de mettre le fonctionnement normal de ses institutions entre parenthèses dès que le vent se lève. Si des tempêtes plus durables devaient survenir, le régime d'exception pourrait devenir la norme, comme vous l'avez fait sur d'autres sujets depuis 2015.
Pour l'ensemble de ces motifs, vous ne serez pas surpris de voir le groupe de la Gauche démocrate et républicaine rejeter votre texte. En faisant le choix d'une gestion autoritaire de la crise sanitaire, vous prenez le risque d'ouvrir une crise démocratique, qui imposera à vos successeurs de redoubler d'efforts pour restaurer le lien de confiance réciproque entre gouvernants, élus de la nation et citoyens.
Cette crise démocratique n'est pas moins décisive que la crise sanitaire. Elle abîme notre pays en blessant ses racines républicaines. Notre vote n'aura donc rien, vous l'aurez compris, d'un vote de circonstance.
Après l'échec de la commission mixte paritaire qui s'est tenue jeudi dernier, nous voici donc une nouvelle fois réunis pour discuter de la prorogation du régime d'état d'urgence et de l'état d'urgence lui-même.
Il me semble important de revenir un instant sur les raisons de l'échec de cette commission mixte paritaire et sur l'accord que nous n'avons pas su trouver avec nos collègues sénateurs. Cet accord paraissait pourtant très proche – le constat sur la situation était partagé, et des propositions avaient été faites de part et d'autre – , notamment grâce au travail et à l'engagement de la présidente de la commission des lois et de notre rapporteur que je tiens à saluer ici. On ne peut donc que regretter cet échec, mais nous devons tous en tirer les enseignements.
Les enseignements positifs tout d'abord. Lors de cette CMP, nous avons constaté qu'avec nos collègues du Sénat nous partagions un même constat sur la réalité de la crise sanitaire, sur les incertitudes qui lui sont liées, et sur la nécessité de maintenir le régime de l'état d'urgence sanitaire, qui offre au Gouvernement la possibilité d'agir dans un cadre juridique clair pour protéger la vie de nos concitoyens et pour permettre à nos personnels soignants d'exercer leur mission et à nos hôpitaux de tenir.
Nous avons convenu qu'il fallait proroger l'état d'urgence et nous étions sur le point de nous mettre d'accord sur une date de fin, à la mi-mai.
Nous sommes aussi convenus de la nécessité de renforcer le rôle du Parlement. Nous avons notamment entériné le maintien de la suppression de l'article 3 et celui de la suppression d'un régime transitoire après le 1er juin 2021. Cette décision implique que le Gouvernement sera appelé à se présenter à nouveau devant le Parlement à la fin du printemps si la crise sanitaire nécessite alors de proroger à nouveau l'état d'urgence ou d'instaurer un régime transitoire. Nous avons donc trouvé des points d'accord, mais nous avons échoué sur un point, important bien entendu, celui du confinement et du contrôle de son application ; nous le regrettons.
La majorité du Sénat tenait absolument à ce que le confinement soit déclenché par une loi. Nous avions, de notre côté, réussi à obtenir un engagement de la part du Gouvernement : organiser un débat suivi d'un vote dans le cadre de l'article 50-1 de la Constitution, dès lors que le confinement dépasserait une durée de six semaines. Si cette proposition a reçu un accueil favorable de la part de différents groupes de l'Assemblée et du Sénat, la majorité de la Haute Chambre n'a pas pu y donner suite ; nous ne souhaitions pas aller dans le sens qu'elle proposait. Cet engagement a donc entraîné l'échec de la CMP, hélas ! Eu égard à la crise sanitaire, à son imprévisibilité, à la complexité des décisions qu'elle amène à prendre au vu de la situation sanitaire, mais aussi sociale et économique, la proposition des sénateurs nous apparaissait comme contre-productive et, qui plus est, de nature à alourdir tout le processus de décision en créant une crispation supplémentaire autour de la question du confinement.
Les décisions prises par le Président de la République et le Premier ministre en fin de semaine dernière – décisions difficiles et courageuses, que nous saluons – confortent la position que nous avons défendue jeudi dernier lors de la rencontre avec les sénateurs ; nous voulons définir clairement un cadre juridique respectueux des institutions et de la Constitution, qui permette au Gouvernement d'agir de manière efficace et proportionnée dans cette crise sanitaire sans précédent, et de s'adapter en continu.
Aussi, dans le débat qui va avoir lieu cet après-midi et qui fait suite aux travaux d'hier en commission des lois, nous confirmerons le rétablissement de la rédaction des articles du projet de loi tels que nous les avions adoptés en première lecture. Le régime de l'état d'urgence courra jusqu'au 31 décembre 2021 ; les systèmes d'information prendront fin à la même date. L'état d'urgence, quant à lui, sera prorogé jusqu'au 1er juin 2021.
Cet état d'exception est une épreuve qui, nous le savons, demande des efforts importants à nos concitoyennes et concitoyens, qui perturbe le quotidien et qui interroge l'avenir. Mais eu égard à la crise sanitaire et à ses incertitudes, notamment concernant la virulence des variants du virus, il nous est nécessaire de prolonger ce dispositif. J'espère que nos travaux seront sereins, à l'image de ceux de la CMP de jeudi dernier et de la commission des lois d'hier. Bien entendu, les députés de La République en marche prendront leurs responsabilités et voteront en faveur du projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
C'est le cinquième texte que nous étudions concernant l'état d'urgence, voire le sixième si l'on compte l'échec de l'idée d'instaurer, en période de crise, un régime pérenne de gestion de l'état d'urgence sanitaire. Je perçois dans vos propos, madame la ministre déléguée, une forme de lassitude à devoir être là pour finalement toujours discuter du même texte juridique.
Lorsqu'en mars nous avons voté le premier état d'urgence sanitaire, la situation n'était pas la même ; nous étions tous sous le choc, nous découvrions cette menace, nous découvrions cette crise, nous découvrions la nécessité de mesures exceptionnelles en temps de paix – si je puis m'exprimer ainsi – dans un État démocratique. C'est dans ce cadre-là que nous avions tous collectivement, à vingt-cinq dans l'hémicycle, construit un cadre juridique d'urgence pour gérer la crise.
Un an après, nous n'avons pas modifié ce cadre d'un iota. Nous nous sommes contentés, de prolongation de crise en prolongation de crise, de proroger un régime construit dans l'urgence pour parer à une situation que personne n'avait anticipée. Nous nous retrouvons donc, la semaine dernière, en commission mixte paritaire avec un débat qui, pour la première fois depuis le début de la crise, a été présenté, très sereinement, de la façon suivante : quelle est la place de la démocratie dans la gestion d'une crise sanitaire ? C'est une question qu'on ne s'était finalement pas posée jusque-là. En mars, il a été décidé de donner tous les pouvoirs nécessaires au Gouvernement ; ensuite, on a prolongé les dispositions créées dans l'urgence. À aucun moment nous ne nous sommes posé la question de la gestion de l'expression du peuple, par l'intermédiaire de ses représentants que nous sommes. À aucun moment nous ne nous sommes réellement posé la question de l'institutionnalisation du contrôle démocratique. C'est bien cela qui a fait échouer la commission mixte paritaire.
Que disions-nous ? Nous ne demandions pas un débat, contrairement à ce qu'a essayé de faire croire le Premier ministre en annonçant avant la commission mixte paritaire, de façon un peu sournoise, la tenue – apparemment aujourd'hui – d'un débat suivi d'un vote, conformément à l'article 50-1 de la Constitution. La semaine dernière, juste avant la commission mixte paritaire, toutes les chaînes d'information, tous les médias, annonçaient qu'aujourd'hui se tiendrait un débat conformément à cet article. Je le rappelle, au cas où quelqu'un l'aurait oublié ! Ce débat n'a pas eu lieu.
Nous voulions que le Gouvernement ait les moyens, si nécessaire, de mobiliser tous les outils dont il a besoin, y compris le confinement. Mais ce que nous disions aussi, c'est qu'à partir du moment où il les mobilise plus d'un mois, alors il faut un contrôle accru du Parlement, un débat, un vote. Nous n'étions pas complètement d'accord sur les modalités du débat et du vote. Les sénateurs proposaient qu'il faille une loi ; nous étions prêts à entendre qu'une loi, c'est peut-être trop rigide, pas assez souple. Pour ce qui est du vote, j'entends le débat sur la constitutionnalité. Nous avons la chance, avec la Ve République, d'avoir des institutions à la fois souples et rigides, rigides et souples. Heureusement qu'elles ont ces deux caractéristiques, parce que si le juge constitutionnel avait été saisi du premier texte relatif à l'état d'urgence sanitaire et s'était exprimé de façon rigide en fonction de la lettre de la Constitution, je ne suis pas sûr que le Gouvernement aurait eu à ce moment-là les moyens d'agir.
Eh bien, si la contrepartie de la souplesse du juge constitutionnel en mars et à l'occasion de toutes les prolongations de l'état d'urgence sanitaire, cela pouvait être d'accorder au Parlement la possibilité de s'exprimer par un vote concernant un confinement qui dure plus d'un mois, est-ce qu'on ne serait pas là en mesure de créer un droit pertinent d'un point de vue de l'exercice du contrôle démocratique ? C'est cette question que nous nous sommes posée en commission mixte paritaire. Je me réjouis que nous en fassions la publicité aujourd'hui, pour que nos concitoyens soient au courant de la nature des débats qui s'y sont tenus et du refus que la majorité et le Gouvernement ont opposé aux sénateurs et aux députés du groupe Les Républicains.
Je serai concis, beaucoup ayant déjà été dit au sujet de l'état d'urgence, de sa prorogation dans le cadre de ce projet de loi, et de l'échec de la CMP ; échec que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés regrette vivement, et qui a eu lieu dans un contexte médiatique fortement marqué par l'anticipation d'un hypothétique reconfinement. C'est d'ailleurs sur cette seule question que la CMP a échoué : comment faire pour que le Parlement vote en cas de prolongation d'un confinement ? Des propositions constructives ont été mises sur la table, y compris par l'exécutif, après une longue discussion. À cet égard, je souhaite remercier ici la présidente de la commission des lois et les députés présents à la CMP.
Suivant le parallélisme des formes, l'exécutif avait pris l'engagement d'organiser, en cas de confinement au-delà de six semaines, un débat conformément à l'article 50-1 de la Constitution, suivi d'un vote. Cela a achoppé, alors que pour le reste, des accords avaient été trouvés. C'est vraiment dommage.
Sur le reste du texte soumis à la nouvelle lecture, je souhaite revenir sur les points que le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés estime importants. En premier lieu, notre groupe est pleinement satisfait que le texte d'inscription dans le droit commun des mesures d'état d'urgence sanitaire soit examiné plus tard, lorsque la situation sanitaire face à la crise de la covid-19 sera apaisée. Les événements récents concernant les délais de livraison des vaccins ou la gestion des frontières montrent que nous continuons à apprendre sur la gestion de l'épidémie.
Dès lors, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est nécessaire. Comme cela a été écrit dans l'étude d'impact, la situation laisse craindre une potentielle nouvelle flambée de l'épidémie dans les semaines à venir ; aucun indicateur ne permet pour l'instant d'envisager une amélioration nette et rapide de la situation. Nous le voyons, le Gouvernement doit en permanence ajuster les mesures visant à assurer la sécurité sanitaire en fonction de l'évolution de la pandémie. Aussi doit-il pouvoir prendre et annoncer des dispositions rapidement. Celles-ci sont parfois d'autant plus indispensables que nous sommes confrontés à l'arrivée sur notre territoire de nouveaux variants qui peuvent entraîner une contamination plus rapide. Nous devons donc donner au Gouvernement un cadre juridique d'action qui s'inscrit dans des délais adaptés aux enjeux sanitaires. Pour notre groupe, ceux proposés dans le texte sont pertinents. Nous notons d'ailleurs avec satisfaction l'inscription dans la loi elle-même des dispositions de l'article 4, alors qu'il avait été question ab initio, avant le passage en conseil des ministres, d'un renvoi à un décret en Conseil d'État. Le rôle du Parlement est ainsi conforté, ce qui nous satisfait. De même, la suppression de l'article 3 par amendement en commission des lois, qui a fait l'unanimité des groupes politiques à l'Assemblée comme au Sénat, est saluée par l'ensemble des membres du groupe.
En troisième lieu, l'examen du texte montre la capacité du Parlement à travailler lors de situations d'urgence, même lorsque le calendrier parlementaire est dense. Nous pensons que donner un cadre juridique d'action rapide au Gouvernement n'est pas contraire au rôle du Parlement, à certaines conditions : ainsi, le Parlement ne se dessaisit pas en totalité des moyens de contrôle de l'exécutif, car il conserve sa capacité à convoquer devant les commissions ad hoc les membres du Gouvernement et hauts fonctionnaires chargés de la gestion de la pandémie. En outre, les parlementaires conservent individuellement les moyens d'interroger les ministères ou l'administration à tout moment. Madame la ministre déléguée, je salue d'ailleurs le fait que vous ayez été, avec votre ministre de tutelle, aussi présents pour répondre, en commission ou lors des questions d'actualité, aux questions sur les moyens appliqués par l'exécutif depuis un an.
Pour autant, ces possibilités parlementaires ne peuvent être efficaces qu'à la condition que la transparence dans les réponses et les chiffres soit réelle. Nous l'avons vu avec les masques ou les tests, nos concitoyens veulent savoir et être considérés en adultes. Il en va de même actuellement avec les vaccins. La transparence est nécessaire pour permettre l'adhésion de tous aux mesures privatives de liberté qui doivent sanitairement être prises. Je salue en cela les informations sur les livraisons de vaccins que vous fournissez quotidiennement ; nos concitoyens en attendent beaucoup et nous les leur devons.
Enfin, une autre condition qui me tient particulièrement à coeur concerne des projets de ratification des ordonnances. Nous comptons sur vous pour que ces projets soient déposés sur le bureau de l'Assemblée immédiatement après la publication desdites ordonnances, et que leur examen soit programmé très rapidement, sans délai, même dans un calendrier parlementaire contraint. Ces points ayant été mis en exergue, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés est favorable au texte et votera en sa faveur.
Mme Anne-Laure Cattelot applaudit.
Mon propos s'articulera autour de deux points : l'absence d'un encadrement général au vu du bilan des précédents accords donnés par le Parlement, et nos attentes.
Sur le premier point, je rappelle que l'état d'urgence sanitaire a de nouveau été déclaré par un décret du 14 octobre 2020. Après une phase de couvre-feu pour une partie seulement du territoire national, nous sommes repassés à une phase de large couvre-feu. L'état d'urgence sanitaire ne se décrète que pour une période courte ; au-delà s'impose le recours à la loi. C'est l'objet du projet de loi que nous discutons. Le Parlement a accepté en mars, en mai, en juillet et en novembre d'accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise. Tout au long de ces dix mois – près d'une année – , nous avons pu espérer que seraient examinées des mesures d'encadrement général des pouvoirs ainsi donnés. En effet, un accord pour appliquer des limitations aux libertés publiques et individuelles suppose que celles-ci soient temporaires, que le Parlement soit appelé à voter régulièrement et que les juges s'assurent de la proportionnalité de telles mesures.
Pour examiner ce nouveau projet de loi, nous avions besoin d'en savoir un peu plus sur le bilan des derniers mois, sur la campagne de vaccination, ses priorités et sa logistique, ainsi que sur les scénarios alternatifs susceptibles de l'adapter aux effets constatés. Or, nous avons reçu peu de réponses circonstanciées. En première lecture, ce projet de loi a été examiné sans réelle visibilité. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont constaté deux points de désaccord majeurs : la date de l'échéance, fixée au 31 janvier par le Sénat et au 26 février par l'Assemblée nationale, et les pouvoirs de contrôle du Parlement.
Nos interventions successives posent la question du rôle que doit jouer le Parlement dans l'instauration de l'état d'urgence et vis-à-vis des mesures qu'il implique. Nous avons été nombreux à dire qu'il fallait non seulement limiter dans le temps la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais aussi renforcer les conditions de l'approbation du Parlement au fur et à mesure des prorogations de l'état d'urgence sanitaire ou de ses modifications significatives. Nous souhaitons donc bien qu'un débat parlementaire soit organisé à chaque nouvelle prolongation, ainsi qu'à chaque décision de mesures de restriction consécutive à une évolution notable de la situation sanitaire ou de la stratégie du Gouvernement.
Très concrètement, après les pénuries de gel hydroalcoolique, les changements d'indications sur les masques, les difficultés d'approvisionnement en vaccins, les interrogations sur les publics prioritaires et les protocoles applicables dans les écoles, il est logique que nous nous demandions si des considérations qui ne sont pas seulement médicales et de santé publique ne vous conduiront pas, dans quelques semaines, à nous demander d'autoriser de nouvelles restrictions aux libertés.
La transparence nourrit la confiance ; nous en avons tous ici besoin, y compris pour convaincre les plus réticents que, en l'état des connaissances disponibles, les mesures prises et à prendre sont proportionnées et efficaces, qu'elles sont cohérentes avec la situation sanitaire, et qu'elles ne sont pas dictées par des considérations extérieures. Cela suppose de placer l'expertise publique collégiale, transparente et contradictoire, au coeur de la décision.
Pour en revenir au projet de loi, la CMP n'a fait que constater un désaccord de fond quant au contrôle que le Parlement doit exercer sur le Gouvernement pendant cette période. La divergence ne porte pas seulement sur le périmètre respectif des deux institutions, mais aussi sur l'équilibre des pouvoirs et le strict encadrement des limitations des libertés, afin que les mesures à prendre soient mieux pensées, et donc mieux appliquées. Pour terminer, le groupe Socialistes et apparentés fera des propositions très concrètes pour encadrer les limitations des libertés, comme celle d'aller et venir…
Depuis un an, l'épidémie de covid-19 bouleverse nos existences. L'apparition de ce nouveau virus a frappé la quasi-totalité de la planète ; le monde entier a dû affronter une pandémie d'une forme inconnue. La situation est inédite pour la communauté scientifique, pour les gouvernants, et pour les citoyens que nous sommes. Depuis près d'une année, notre démocratie vit au rythme de l'urgence sanitaire, économique, sociale et psychologique, qui met à rude épreuve nos existences. La période du premier confinement fut particulièrement éprouvante, lorsque les soignants étaient mobilisés jour et nuit à l'hôpital. Ensuite est arrivée la fin du printemps ; nous pensions retrouver progressivement nos vies normales. À la rentrée, nous avons subi une deuxième vague, qui a imposé de recourir à un nouveau confinement. Aujourd'hui, face à la menace que fait peser l'apparition de variants provenant des quatre coins du monde, il est impératif de continuer à appliquer des mesures sanitaires strictes, afin d'éviter qu'ils ne se propagent à plus grande échelle. Nous vivons toujours dans une incertitude qui perdure, malmène nos existences et empêche de se projeter durablement dans l'avenir.
Comme vous, madame la ministre déléguée, j'entends la lassitude, la colère parfois, le doute qui guette, et les angoisses de nos concitoyens. Je comprends la souffrance exprimée dans des témoignages auxquels nous avons tous été confrontés dans nos circonscriptions. Je mesure le terrain que la précarité gagne dans la population. À notre niveau, nous essayons de faire connaître les situations d'urgence et de trouver des solutions.
Toutefois, je veux dire qu'il existe des motifs d'espoir. Jamais dans l'histoire de l'humanité, on n'avait aussi vite trouvé un vaccin contre un virus dont on ne connaissait rien il y a encore un an. Les solutions sont là ; un horizon va progressivement se dessiner.
Je veux dire qu'il y a des raisons d'avoir confiance. Jamais on n'aura mis une économie entière à l'arrêt pour protéger la santé de nos concitoyens. Aucun autre pays n'aura appliqué autant de mesures d'aides exceptionnelles, l'État se substituant à l'employeur pour payer les salaires, garantissant les prêts accordés par les banques, abondant un fonds de solidarité aux plus précaires. Bien entendu, certains dispositifs peuvent nécessiter des ajustements, pour prendre en considération les situations nouvelles. Nous y travaillons.
Je veux dire enfin qu'il ne faut pas céder à la tentation de propager la rumeur, d'exacerber les tensions, de tenir des propos à l'emporte-pièce – les « y a qu'à » et les « faut qu'on » – , et de s'adonner aux certitudes qui ne reposent sur aucun fait. Cette crise est aussi une épreuve d'humilité, qui s'impose à chacun de nous : l'épidémie ne cesse d'évoluer, remettant en cause ce que l'on croyait acquis ; aucun expert ne peut prétendre qu'il aurait bien entendu fait tout mieux que tout le monde ; nous savons tous combien les décisions sont difficiles à prendre dans ces heures graves, parce que tous les gouvernements du monde sont confrontés aux mêmes difficultés, avec la même intensité. Soyons-en conscients lorsque nous analysons la politique du Gouvernement. Le groupe Agir ensemble a fait des propositions constructives depuis plusieurs mois, qui ont trouvé un écho favorable au Gouvernement – nous nous en félicitons. Le contrôle plus strict des frontières, la politique « tester, tracer, isoler » et l'aide à l'isolement des malades sont autant de barrières qui freinent la propagation du virus.
Chacun des membres de notre groupe votera en conscience sur ce texte. L'histoire récente a épargné à notre pays les guerres et les grandes catastrophes humaines. Aujourd'hui, la situation nous oblige à agir ensemble afin de sortir de cette épreuve collective en une nation forte et rassemblée. J'invite mes collègues de tous les bancs à réfléchir d'abord à l'intérêt général : notre seule boussole en période de crise doit être le service de nos concitoyens. La prorogation de l'état d'urgence sanitaire est une mesure dérogatoire, qui correspond à ces circonstances exceptionnelles. Pour les représentants de la nation que nous sommes, nous savons ce que cela implique de responsabilité. Soyons à la hauteur de cet immense défi, de notre responsabilité, de l'intérêt général ; mettons-nous au travail au service de la population, et cessons les polémiques inutiles.
Nous examinons en nouvelle lecture un projet de loi visant à proroger l'état d'urgence sanitaire, parce que la commission mixte paritaire n'a pas abouti. Cela symbolise assez bien votre responsabilité dans l'échec de la gestion de la crise sanitaire. Personne ici évidemment ne conteste qu'il est difficile de demander à nos concitoyens de se confiner, de respecter un couvre-feu, de renoncer à réunir leurs proches pour les fêtes de fin d'année, de privilégier le télétravail en abandonnant les relations sociales qui participent à l'équilibre de la vie professionnelle, d'être empêchés d'aller au musée ou au cinéma ; d'imposer aux restaurateurs de fermer leur établissement pendant des mois, sans même une perspective de réouverture ; d'interdire aux stations de ski d'utiliser leurs équipements, alors même que, curieusement, l'enneigement était particulièrement favorable cette année. Cependant, pour que toutes ces décisions soient comprises et acceptées durablement, elles doivent être assorties de l'humble acceptation que vous n'avez pas toujours raison. Vos certitudes reposent sur les conclusions du Conseil scientifique : si l'on opère un raccourci, ce dernier vous dicte des décisions politiques qui appartiennent au Gouvernement, en concertation avec le pouvoir législatif.
Au fond, depuis le début de la crise, la question est de savoir jusqu'à quel point il est acceptable que les parlementaires renoncent à leurs prérogatives dans l'exercice quotidien de la démocratie, afin de permettre l'application de mesures exorbitantes du droit commun pour lutter efficacement contre la propagation du virus. Je ne vous fais pas de procès ; néanmoins, si nous avions adopté les certitudes que vous avez exprimées au début de la crise concernant les masques et la stratégie de déconfinement, ou celles que vous affichez aujourd'hui quant à la politique de vaccination, la stratégie ne serait pas la même ; la stratégie de vaccination serait différente sans les appels des élus locaux, relayés ici par les parlementaires, à ouvrir des centres de vaccination. À cause de vos certitudes sur les commandes de vaccins, une start-up française n'a pas été sollicitée par le Gouvernement à l'appui de cette stratégie.
Il n'y a qu'ici que nous pouvons débattre de tels sujets, à intervalles réguliers. Le ministre des solidarités et de la santé est lassé de devoir revenir, pour la vingt-troisième fois a-t-il dit, devant la représentation nationale, pour répéter sans cesse les mêmes arguments, qu'il présente comme des certitudes. Nous devrions alors ne pas discuter de la date butoir d'un état d'urgence prorogé, ni de celle de l'utilisation de systèmes d'information qui contreviennent pour partie à des principes fondamentaux, notamment le respect du secret médical ; nous devrions laisser le champ libre à l'exécutif, nous dessaisissant de nos prérogatives élémentaires, comme le contrôle de l'exécutif ! Doit-on considérer qu'un député qui adresse une lettre à un ministre remplit sa mission de contrôle de manière satisfaisante dans cette situation ?
Il est dommage que vous n'ayez pas pu faire en sorte que la CMP aboutisse et que vous reveniez nous demander de voter le texte initial. Le groupe UDI et indépendants aurait accepté de voter le texte adopté au Sénat, mais nous ne voterons pas celui que vous proposez.
Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.
Les médias en ce moment me demandent souvent ce que je ferais si j'étais à la place d'Emmanuel Macron. Peut-être le demandent-ils parce qu'ils sentent que le vent tourne en faveur de notre camp… Quoi qu'il en soit, l'hôpital public n'en serait pas là et il est certain que je ferais tout, sauf maintenir le carcan autoritaire qu'impose votre stratégie moyenâgeuse. Il est certain que je ne serais pas occupé à faire voter, pour la troisième fois, une prolongation de l'état d'urgence, en prétendant qu'instaurer un état d'exception, imposer des couvre-feux, et donner tout pouvoir à un conseil de défense résoudra efficacement nos problèmes. Contrairement à vous, après avoir accumulé erreurs, improvisations, volte-face, comme lors de la mauvaise série de la semaine dernière, j'aurais au moins l'humilité, dans une telle crise, d'écouter un peu les suggestions des autres, même ceux qui appartiennent à l'opposition, en laissant une véritable place à un débat à l'Assemblée, et en arrêtant de traiter de polémiques leurs propositions.
Attention, chers collègues, l'être humain supporte mal les épées de Damoclès, comme il supporte mal d'être traité de manière répétitive comme un petit enfant inconséquent, quand bien même nos 66 millions de soi-disant procureurs – ou plutôt de victimes – font en réalité preuve d'une gentillesse et d'une responsabilité incroyables : monsieur Macron l'aurait-il oublié ? L'être humain est surtout un être social, dont les besoins alimentaires ne se restreignent pas à boire et à manger, et certainement pas à boire, à manger, et à aller bosser.
Cette stratégie chaotique et liberticide n'est plus gérable. La situation n'est plus tenable. Ce n'est pas en prolongeant une énième fois ces pleins pouvoirs que vous améliorerez la situation du pays, ni au niveau sanitaire, ni au niveau économique, ni au niveau humain ou démocratique.
Si j'étais à la place d'Emmanuel Macron, en sus d'abandonner mes mauvaises habitudes de monarque, je clarifierais et je changerais immédiatement de stratégie, en organisant la société par roulement, afin de limiter au maximum les contacts mais sans écraser nos besoins sociaux, nos besoins culturels, nos besoins affectifs. Cela nécessite, certes, une planification et une organisation, mais les acteurs sociaux pourraient largement y contribuer si telles étaient les consignes.
Je ferais en sorte que les masques ne soient plus distribués au compte-gouttes, mais gratuitement, comme ils auraient dû l'être dès les premiers signes épidémiques, pour éviter d'en faire un objet discriminant pour les plus démunis et pour ne pas accroître les inégalités, ni la propagation de la maladie.
Je me préoccuperais de recruter des soignants et du personnel pour les hôpitaux et les EHPAD, en leur donnant les moyens de faire leur travail correctement et en augmentant leurs rémunérations de façon pérenne, plutôt que de continuer à prévoir des centaines de suppressions de lits, comme cela est encore le cas en pleine crise – je pense notamment au projet de l'hôpital Grand Paris-Nord, dans ma circonscription.
Je permettrais le dédoublement de toutes les classes…
Le Gouvernement l'a fait.
… pour éviter la mise en place de protocoles intenables et inefficaces dans les écoles, en y consacrant les moyens matériels et humains nécessaires, mais je ne demanderais pas, une fois encore, aux enseignants de faire quatre fois plus avec quatre fois moins.
En parallèle de ce traitement de l'urgence sanitaire, je proposerais – et vous devriez le faire sans attendre – à l'Assemblée de discuter d'un grand plan anti-pauvreté, financé par une taxation des plus riches et de ceux que j'appelle les profiteurs de crise. Les milliardaires ont à cet égard accumulé 175 milliards d'euros de plus l'an dernier, si bien que la France se situe au troisième rang du classement de l'augmentation de la fortune des milliardaires, derrière les États-Unis et la Chine.
J'irais chercher l'argent où il se trouve, en restaurant l'impôt de solidarité sur la fortune, en taxant les dividendes, plutôt qu'en faisant des chèques en blanc aux grandes entreprises, dont certaines se sont permis de licencier alors qu'elles reçoivent de l'argent public et qu'elles touchent des dividendes. Avec cet argent, nous pourrions créer des centaines de milliers d'emplois-jeunes, ouvrir le RSA – revenu de solidarité active – aux jeunes de moins de 25 ans, et augmenter les minima sociaux pour que plus personne n'ait à vivre sous le seuil de pauvreté dans notre pays.
Enfin, à la place de M. Macron, je préférerais travailler à garantir la souveraineté sanitaire de la France. Je ferais des relocalisations et des nationalisations nécessaires une réalité, plutôt qu'une énième promesse creuse. Par exemple, Sanofi a perçu, depuis plusieurs années, 1 milliard d'euros d'argent public, et 4 milliards d'euros de dividendes en 2020, tandis que 400 emplois supplémentaires y seront bientôt supprimés.
Je passerais commande aux entreprises françaises du secteur de la santé, au lieu de laisser faire le libre-échange et la main invisible du marché. Ainsi, l'entreprise franco-autrichienne Valneva livrera ses doses au Royaume-Uni, faute d'avoir un débouché sur le marché français ; l'entreprise Macopharma, dans les Hauts-de-France, produit des masques FFP2 qui sont achetés par le Brésil, les USA, le Canada, l'Espagne, mais plus par la France depuis le mois de septembre dernier ; et n'oublions pas Péters Surgical ou Luxfer.
Je me préoccuperais de garantir notre souveraineté vaccinale et notre capacité à répondre à la demande des Français, qui veulent pouvoir bénéficier de ce vaccin avant 2035 !
Et en attendant de rattraper le retard sur un vaccin français et d'imposer les licences libres, j'aurais le pragmatisme d'aller voir du côté de la Chine et de la Russie, dont il semble que les vaccins soient efficaces à 95 %, plutôt que de rester soumis aux marchés correspondant à nos alliances géostratégiques. Il y a tant à faire et tant de solutions à trouver, différentes des solutions autoritaires que vous proposez. Sans surprise, le groupe La France insoumise se prononcera à nouveau contre cette prolongation de l'état d'urgence sanitaire.
Applaudissements sur les bancs du groupe FI.
Nous revoici dans cet hémicycle, à la suite de l'échec de la commission mixte paritaire, pour évoquer une fois encore l'état d'urgence sanitaire. Le groupe Libertés et territoires a déjà maintes fois exprimé les raisons de son désaccord avec les méthodes entourant les lois successives de prorogation de l'état d'urgence sanitaire. Cependant, afin de ne pas être caricaturés comme un groupe contestataire ou qui nierait la gravité de la situation, nous nous sommes fait force de proposition. Nous défendrons à nouveau nos idées lors de cette nouvelle lecture, avec constance.
La situation sanitaire est très préoccupante. Comme vous, chers collègues de la majorité, je pense que l'heure est à la mobilisation. Cependant, cette mobilisation collective doit-elle s'effectuer en dédaignant la démocratie ? La situation actuelle peut-elle justifier un mépris des institutions dans le pays des libertés fondamentales, et la mise sous cloche de notre démocratie ? Nous ne le pensons pas.
Le fait d'instaurer un régime d'exception jusqu'au 1er juin 2021, tandis que nous n'avons aucune visibilité sur la situation dans les deux prochains mois, reviendrait quasiment à vous conférer les pleins pouvoirs, alors même que nous ignorons s'ils seront encore nécessaires. Je dis cela à dessein, car nul n'ignore en effet les enjeux de la date du 1er juin : elle vous permet, en cas d'adoption du texte, de mettre sous cloche la démocratie, en empêchant de facto la tenue d'une véritable campagne électorale pour les élections régionales et départementales.
Peut-être n'est-ce pas l'intention du Gouvernement. Dans ce cas, afin de dissiper les doutes, nous invitons la majorité à voter l'amendement que je présenterai, qui vise à ramener la date butoir du régime d'état d'urgence sanitaire, non pas au 1er juin, mais au 16 avril, soit dans trois mois.
Deux mois, plutôt…
Sous le quinquennat de François Hollande, le Parlement s'est prononcé sur la prolongation de l'état d'urgence tous les deux mois. Avec cet amendement, nous pourrons solliciter à nouveau le Parlement, dans deux mois, madame la ministre déléguée, et établir en pleine conscience, au vu des éléments factuels dont nous disposerons, s'il est opportun ou non de prolonger ces mesures de restriction des libertés publiques, au moment où une campagne électorale doit se tenir.
J'entends déjà des voix s'élever, disant que les Français sont d'abord soucieux de la gestion de la crise et n'ont que faire des élections : je ne le pense pas. Si ces élections devaient être annulées, les mêmes seraient sans doute les premiers à crier au scandale. Je réfute d'autant plus cet argument que, dans de nombreux pays, des élections majeures se sont déroulées, aux États-Unis, au Portugal, en Ukraine ; la Catalogne organisera, quant à elle, les élections parlementaires le 14 février prochain. Dès lors, pourquoi devrions-nous, en France, mettre la démocratie sous cloche et empêcher toute possibilité de faire campagne ? Chacun se fera son idée.
Nous le répétons : ce que le droit français permet est suffisant, et nous estimons que les institutions de la République sont capables d'affronter une crise sanitaire – dont nous ne minimisons pas l'ampleur – sans passer par cet attirail de dispositifs d'exception, et sans mettre le Parlement de côté.
En effet, les décisions du Gouvernement, parfois perçues comme précipitées, sont de surplus prises au sein d'un conseil de défense opaque, dont la légitimité démocratique est discutable. Cela donne l'impression de décisions d'alcôve, prises dans les secrets de cabinets parisiens, ce qui est fort éloigné de l'idée que je me fais de la démocratie.
Certes, la situation actuelle requiert des mesures fortes, mais celles-ci doivent résulter d'un processus de concertation et de transparence de l'ensemble des forces politiques.
Le groupe Libertés et territoires soutient également l'idée que chaque décret établissant un confinement ou un couvre-feu, doit, dans les trois jours suivants, faire l'objet d'une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, suivie d'un vote, au titre de l'article 50-1 de la Constitution. Il s'agissait de l'une des avancées sur lesquelles la commission mixte paritaire avait trouvé un accord : nous regrettons que notre amendement à cet égard ne puisse être discuté en séance, alors qu'un amendement similaire avait pu l'être en commission.
Nous estimons néanmoins que cette mesure n'est pas suffisante, puisque les débats et le vote relevant de l'article 50-1 de la Constitution sont purement indicatifs. Le Gouvernement n'est pas tenu de suivre notre avis, et d'ailleurs il ne nous le demande pas ! Il nous demande seulement d'avaliser des décisions prises sans nous consulter. Cela s'apparente donc surtout un vote de confiance, mais celle-ci ne se décrète pas.
L'exécutif nous met une fois de plus devant le fait accompli. Mais, pour gagner l'adhésion, il faut fédérer. Or, la précipitation avec laquelle il nous est demandé de nous prononcer sur ce texte, destinée à nous démunir de nos propres prérogatives, crée un doute, tout comme la réticence du Gouvernement à venir motiver ses décisions devant le Parlement.
Cohérent avec la position qu'il a exprimée à de nombreuses reprises, quant à la méthode employée avec ces textes de prolongation, qui sont tout sauf techniques, et au vu des conséquences sur les libertés fondamentales, le groupe Libertés et territoires votera une nouvelle fois majoritairement contre ce projet de loi.
Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. François Ruffin applaudit également.
La France vit, depuis le 17 mars 2020, sur une ligne de crête, pour faire face à la crise sanitaire mondiale. Elle cherche un équilibre entre des mesures trop strictes, qui porteraient atteinte aux capacités de résilience des Français, et des mesures trop souples, qui mettraient en péril la vie et la santé des plus fragiles d'entre nous.
Or, on juge précisément une société à l'attention qu'elle porte aux plus fragiles : aux personnes âgées, aux personnes souffrant d'un handicap ou d'une immunodéficience, mais également à la jeunesse, aux personnes en situation de précarité, fragilisées non pas par la maladie, mais par les conséquences des mesures de privation de liberté – conséquences sociales et économiques, conséquences sur la santé physique et mentale.
Il s'agit du sixième projet de loi instaurant ou prolongeant un état d'urgence sanitaire que nous examinons. Les débats permettent à la chambre haute comme à la chambre basse de s'exprimer sur la stratégie sanitaire du Gouvernement, et c'est heureux, tant les débats parlementaires sont actuellement éloignés des principales préoccupations des Français : quand nos proches pourront-ils être vaccinés et quand pourrons-nous les prendre dans nos bras ? Quand nos filles et nos fils pourront-ils retrouver un emploi, le chemin de l'université ? Quand retrouverons-nous une vie culturelle, une vie de convivialité, une vie tout simplement ?
D'autres l'ont dit avant moi mais c'est un point primordial sur lequel il faut insister : l'absence de débat et d'une évaluation approfondie, par le Parlement, de l'action du Gouvernement constitue un problème majeur. Il n'est pas possible de limiter aussi longtemps nos prérogatives. En agissant seul, le pouvoir exécutif limite lui-même la légitimité des décisions qu'il doit prendre. Il n'est pas possible que, chaque semaine, la vie d'un pays soit suspendue à l'issue d'une réunion tenue à huis clos.
C'est la représentation nationale, élue au suffrage universel direct, qui doit attester de la nécessité d'agir et de mettre en oeuvre des mesures exceptionnelles. Le Gouvernement ne peut être fort que si le Parlement est à ses côtés, et s'il accepte de l'écouter. Comment les soignants des services de soins infirmiers à domicile – SSIAD – peuvent-ils comprendre que, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, les propositions de revalorisation salariale aient toutes été rejetées ? Il a finalement fallu attendre la conclusion des travaux pilotés par un haut fonctionnaire, pour prendre la même décision… Où se situent la légitimité et la crédibilité de l'action publique ? Comment compter sur le même dévouement de la part des professionnels de santé, qui ont obtenu, fin janvier, de haute lutte, une revalorisation qui leur était due, alors qu'une décision juste aurait pu être prise, ici même, dès le mois d'octobre ?
Depuis les premières mesures d'urgence, nous alertons le Gouvernement sur les conséquences des mesures restrictives, qui engendrent encore plus de précarité et encore plus de souffrance parmi les étudiants. Ces jeunes, stigmatisés, furent d'abord accusés d'inconséquence ; ils menaçaient leurs aînés, leur disait-on. On semble aujourd'hui découvrir qu'ils garderont des plaies durables.
Dans les circonstances exceptionnelles que nous traversons, les débats, la controverse, les objections sont tous nécessaires, même si cela est difficile pour le Gouvernement, parce que nous traversons, justement, un moment difficile. L'acceptabilité des mesures de restriction sociale ne se décrète pas. Elle est légitime lorsqu'elle est issue d'un processus démocratique.
Recentrer l'action du Parlement sur les préoccupations quotidiennes et immédiates des Français est d'autant plus essentiel qu'à ce jour, une question, qui nous taraude tous, n'a pas encore été abordée : comment vivre avec le virus, si la situation se prolonge deux, trois, quatre ans ? Peut-on continuer à voir se gonfler les files d'attente devant les associations d'aide alimentaire ? Peut-on continuer à perdre notre art de vivre, pour reprendre votre expression, madame la ministre déléguée ? Jusqu'à quand pouvons-nous mettre en péril les acteurs culturels, nous mettant ainsi tous en danger ?
Il nous faut désormais des perspectives. Nous ne pourrons pas échapper à ce débat. Il est nécessaire de se mettre, dès maintenant, à l'ouvrage. Telle est la véritable urgence, qui n'est pas celle de prolonger encore un état qui vise à destituer les parlementaires de leur pouvoir de proposition et d'action.
Mme Martine Wonner et M. François Ruffin applaudissent.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi sur lesquels les deux assemblées n'ont pu parvenir à un texte identique.
Il me semble important de reprendre de nouveau la parole car bien que nous nous retrouvions ici pour la sixième fois, le débat reste plutôt stérile. Il y a dix mois, j'expliquais déjà que le Gouvernement nous enfermait dans une inéluctable logique sécuritaire, sous couvert d'une gestion de la crise sanitaire.
Il y a onze mois, nous pouvions peut-être nous accorder sur le fait que nous ignorions, au fond, ce qu'était cette pandémie mondiale, laquelle pouvait inquiéter. Les décisions prises à partir du 23 mars 2020 étaient peut-être les bonnes, mais depuis nous avons appris que ni le confinement ni le couvre-feu ne protègent les individus et les soignants de la covid-19.
Le chemin que vous tracez et sur lequel vous continuez de nous entraîner est tout à fait curieux et préjudiciable tant pour les libertés fondamentales que pour la santé des Français. Il me semble, madame la ministre déléguée, que vous et le Gouvernement devriez vous remettre en question. Le confinement devait être instauré, tout le monde l'attendait, les médias étaient sur des charbons ardents et, finalement, il n'a pas eu lieu. Le président Macron a désavoué son gouvernement
Protestations sur plusieurs bancs du groupe LaREM
et le Conseil scientifique lui-même, parce qu'aucun bilan n'a été dressé depuis un an. C'est absolument incroyable !
Monsieur Ruffin, vous avez claqué des doigts pour demander la parole, geste que je n'apprécie pas d'ordinaire. Comme je ne veux pas que vous interprétiez d'une quelconque façon mon refus de vous donner la parole, je vous l'accorde. Néanmoins, vous auriez pu, comme l'a indiqué madame la ministre déléguée, nous appeler et nous vous aurions entendu.
Monsieur le président, je me suis permis de claquer des doigts comme je le fais avec d'autres présidents de séance. Lorsqu'après avoir levé la main pendant trente secondes voire une minute, cela n'a suscité aucune réaction – et ce, parce que je suis dans un coin, je ne prétends pas que ce soit une forme de sectarisme à notre égard – il faut bien appeler votre attention.
Je salue Mme la ministre déléguée, puisqu'elle le souhaitait, ainsi que tous mes collègues parlementaires.
J'ai entendu M. Bournazel nous inviter à nous mettre au service du pays. Or la manière dont le Parlement et ses représentants sont mis de côté nous en empêche précisément. Qui devraient bénéficier en priorité du peu de vaccins dont nous disposons ? Pourrions-nous en discuter ensemble ? Non.
À quoi pourrait servir l'industrie pharmaceutique implantée sur notre territoire ? Devrions-nous la réquisitionner ? Devrions-nous disposer d'une licence d'office ? Il n'y a pas de lieu pour en discuter, pour enrichir le débat avec nos connaissances et pour sortir par le haut de cette situation. La décision de recourir au vaccin russe ou chinois sera sans doute préparée dans les confins du ministère ; le Président de la République et son conseil trancheront, mais sans l'aide des parlementaires.
Comment organise-t-on des actions de solidarité dans nos territoires auprès des étudiants, des jeunes et pas seulement auprès de ceux qui font la queue pour obtenir l'aide alimentaire ? Nous avons des idées ; les restaurateurs ont des idées. Or le fait que l'Assemblée nationale soit ignorée nous interdit de disposer d'un lieu où nous pourrions intervenir pour construire ensemble des solutions. Nous discutons aujourd'hui de tout ce qui ne concerne pas directement les Français, alors que ces enjeux dont on nous demande de nous dessaisir sont d'une urgence brûlante et suscitent une préoccupation légitime. Notre intervention ne saurait être considérée comme une nuisance, ainsi que l'a sous-entendu M. Bournazel ; nous pouvons, au contraire, proposer des enrichissements.
Je suis saisi de quatre amendements de suppression, nos 2, 26, 28 et 39.
La parole est à Mme Martine Wonner, pour soutenir l'amendement no 2 .
Seule la suppression de l'article 1er est envisageable. Je le redis, l'état d'urgence sanitaire prolongé n'est pas la seule option. Combien de pays dans le monde ont voté et instauré un état d'urgence sanitaire pour affronter la situation ? Combien ont refusé de traiter les personnes malades ?
J'ai rappelé tout à l'heure que le Président avait désavoué le Conseil scientifique. Je le comprends : en 1912, l'exemple du Titanic a démontré que science et profit n'ont jamais fait bon ménage. La coordination Santé libre, composée de 30 000 médecins en France et d'autant de professionnels de santé, apporte aujourd'hui un éclairage sur les modalités thérapeutiques : nous pouvons reprendre une vie normale en France, tout en protégeant les Français. Depuis quand les médecins, confrontés à une épidémie, n'ont-ils pas le droit de soigner ? Expliquez-le-nous, une bonne fois pour toutes ! Menons ce débat qui n'a jamais eu lieu. J'observe avec désespoir que le rapporteur se moque, c'est dommage.
Ce sont 30 000 professionnels de santé qui, aujourd'hui, grâce à leur expérience du quotidien, accompagnent leurs patients et sauvent des vies et, par voie de conséquence, également l'hôpital. Lorsque l'on soigne des personnes de façon précoce, elles n'ont pas besoin d'être hospitalisées et n'encombrent pas les lits de réanimation – lesquels auraient dû être très largement augmentés il y a un an, ce qui n'a pas été fait.
Nous souhaitons supprimer cet article qui prévoit de reporter au 31 décembre 2021 la caducité du régime d'état d'urgence sanitaire, initialement prévue le 1er avril 2021. Ainsi que nous le répétons depuis le début des débats, l'ensemble des mesures et des instruments nécessaires à la réponse sanitaire, de notre point de vue, peuvent s'inscrire dans le cadre du droit commun. Depuis un an, vous êtes d'ailleurs incapables de proposer un cadre juridique pérenne alors vous l'aviez promis lors des nombreux débats que nous avons tenus sur ce sujet.
J'aimerais vous interpeller sur le bilan. Une fois encore, vous soutenez que tous ces outils qui répriment et réduisent les libertés sont nécessaires pour pouvoir agir du point de vue sanitaire. Or le bilan est plus que mitigé, voire carrément calamiteux : la France se classe à la soixante-treizième place sur quatre-vingt-dix-huit pour sa réponse à la crise sanitaire. Si l'état d'urgence n'offre pas de véritable réponse à la crise, vous avez pu, en vertu de ses dispositions, réprimander les automobilistes sur le périphérique parisien, aligner des amendes, utiliser des drones dans les manifestations et restreindre les libertés, ainsi que le ministre de l'intérieur s'en est tant vanté dans les médias, communiquant sur ces actions. Tout cela, vous savez le faire !
Ce n'est pas cela qui fera reculer le virus. Nous avons formulé de nombreuses propositions que vous avez rejetées, considérant certainement que seul Jupiter, le monarque thaumaturge que vous nous vantiez il y a quelques mois, est capable de vaincre le virus. Nous n'avons aucune raison rationnelle et objective de vous autoriser à instaurer un état d'urgence sanitaire perpétuel.
Applaudissements sur les bancs de FI.
Si j'ai bien compris, cet article vise à donner les pleins pouvoirs au Gouvernement pour quatre mois et à laisser en dernier ressort le Conseil scientifique, le conseil de défense, voire le Président lui-même décider de ce qui est bon pour les Français. Et les décisions que j'évoque ici ne sont pas des mesurettes, mais relèvent du domaine des libertés fondamentales : la liberté de réunion, de circulation et de travailler.
Le Parlement – soit l'Assemblée nationale et le Sénat – est le seul endroit où l'on peut décider de limiter ces libertés, parce qu'ensemble nous représentons tous les Français ; nous seuls pouvons prendre une telle décision. C'est précisément ce que nous demandons depuis le début des discussions relatives à l'état d'urgence sanitaire et qui nous est refusé. Je ne peux évidemment pas voter les pleins pouvoirs au Gouvernement pour quatre mois ; ce serait tout à fait disproportionné, même au regard de la crise que nous traversons aujourd'hui.
Je serai bref et ne répéterai pas tous les arguments déjà soulevés lors de la discussion générale en faveur de la suppression de cet article qui, je le rappelle, proroge le régime d'état d'urgence jusqu'au 31 décembre 2021.
Je souhaiterais souligner le lien existant entre ce délai, qui nous semble anormalement long, et la stratégie vaccinale qui, nous l'espérons tous, va fonctionner. Si j'en crois les explications relatives à la stratégie vaccinale, au printemps ou en tout cas avant l'été, toutes les personnes concernées par les phases 1 à 4, c'est-à-dire la moitié des Français, devront être vaccinées. Si par bonheur nous atteignons cet objectif, l'état d'urgence pourrait légitimement faire l'objet d'une révision puisqu'il se justifierait probablement moins. Dès lors, nous ne comprenons pas la date du 31 décembre proposée dans cet article.
Murmures.
Tous les pays n'ont pas instauré d'état d'urgence sanitaire à proprement parler, madame Wonner ; ils l'ont dénommé autrement, état d'exception ou autre. L'adoption de ces amendements aurait pour conséquence d'éteindre au 1er avril toutes les mesures prises en application de l'état d'urgence sanitaire.
Il ne s'agit pas ici de débattre du contenu mais du cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire, dont la prolongation reste soumise périodiquement au vote du Parlement. Les sénateurs ont eux-mêmes validé cette prorogation. Je vous rappelle que le cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire a été adopté de manière transpartisane par les deux assemblées au mois de mars 2020. Avis défavorable.
Même avis.
La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l'amendement no 10 .
Monsieur le rapporteur, madame la ministre déléguée, je ne vous intente pas de procès d'intention, mais le fait que vous ne vous soyez pas exprimés de façon spontanée – vous l'avez fait, monsieur le rapporteur, après que nous avons remarqué que vous n'aviez pas pris la parole – est très révélateur non pas du fait que vous soyez muets, mais d'une forme de banalisation de l'état d'urgence sanitaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes LR, LT et FI.
Depuis des semaines, on évoque l'état d'urgence et depuis bientôt un an, on vit sous le régime d'état d'urgence sanitaire. Si je reprends les mots du ministre de la santé, c'est un texte technique, calendaire, une broutille – circulez, il n'y a rien à voir.
Nous n'exigeons pas un fondement juridique à la moindre intervention de l'État, mais il faut tout de même rappeler que l'état d'urgence sanitaire relève d'un droit exorbitant du droit commun, d'un droit d'exception.
Ce n'est pas rien ! Depuis presque un an, nous vivons dans un état d'exception en vertu duquel les libertés fondamentales d'aller et de venir, d'entreprendre, de culte, sont encadrées voire menacées. Des pans entiers de notre droit positif, de notre droit que l'on pourrait qualifier d'ordinaire, relatif à la sécurité sociale, à la santé, mais aussi le droit du travail sont aujourd'hui suspendus, altérés et modifiés par des dizaines d'ordonnances.
Le rapporteur peut nous gratifier d'un petit avis, c'est quand même la moindre des choses ! Nous estimons que les délais proposés par le Gouvernement sont trop longs et nous souhaitons les raccourcir.
Merci de me donner la parole, monsieur le président – ce n'est pas que je ne voulais pas la prendre tout à l'heure, c'est que le président ne me l'avait pas tout à fait donnée…
Sourires.
Monsieur Gosselin, s'agissant de cet amendement, je vous renvoie à la sagesse de vos collègues sénateurs, qui ont validé cette date du 31 décembre. C'était l'un des nombreux points d'accord trouvés lors de la CMP. Avis défavorable.
Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.
Soyez assuré, monsieur le député Gosselin, qu'il n'y a aucune banalisation de ma part ; j'ai trop de respect pour le débat parlementaire. Mais lorsque le rapporteur donne tous les arguments contre des amendements qui visent à supprimer un article dont dépend le projet de loi, il est tout à fait normal que je me contente de donner un simple avis défavorable.
Je le répète, je ne banalise en rien ces mesures qui sont toujours proportionnées à la situation – même si vous conviendrez qu'elles doivent s'adapter à son évolution – et ne sont jamais prises de gaieté de coeur. J'estime donc qu'il nous faut raison garder dans nos débats et ne pas lancer des anathèmes de ce genre. Il me semble que personne n'a envie de vivre ce que l'exécutif doit affronter.
Six députés demandent la parole. Je vais la leur accorder, puis, aux termes de notre règlement, je m'en tiendrai à deux interventions au maximum à la suite de la présentation des différents amendements. Je fais ce geste pour permettre à toutes les sensibilités de s'exprimer, aussi ne vous sentez pas obligés d'utiliser l'intégralité des deux minutes dont vous disposez.
M. Philippe Gosselin rit.
La banalisation signalée par M. Gosselin est évidente. Mais disons-nous la vérité : elle ne concerne pas seulement la ministre déléguée, le Gouvernement et le rapporteur, mais la société dans son ensemble.
Dans l'esprit public, il semble naturel de déléguer les pleins pouvoirs et de reporter la fin de l'état d'urgence de semaine en semaine, voire de mois en mois. En témoignent nos débats fort peu animés de ce soir, que nous prévoyons d'ailleurs de conclure avant le dîner ou juste après.
Or nous discutons bien d'un sujet fondamental. Donnons-nous à nouveau les pleins pouvoirs à l'exécutif ? Pourra-t-il décider seul d'un nouveau confinement ? Pourra-t-il décider seul que le couvre-feu ne commencera plus à dix-huit heures mais à vingt heures, avant d'opter à nouveau pour dix-huit heures ? Pourra-t-il décréter seul que les commerces devront fermer ? Au fond, nous sommes en train de décider de remettre notre vie quotidienne entre les mains d'un seul homme.
Nous ne décidons pas du contenu des mesures, mais du contenant. Je le répète, acceptons-nous de remettre ces pouvoirs entre les mains d'un seul homme ? Et je constate donc qu'il semble naturel qu'en temps de crise nous remettions tout entre les mains des autorités. Cette banalisation, signalée par M. Gosselin, est désormais évidente.
Je vous remercie, monsieur Gosselin, d'avoir pointé combien un état d'urgence n'est pas quelque chose de banal.
On ne peut pas continuer à laisser au Gouvernement la possibilité de se saisir à sa guise de cette boîte à outils jusqu'au 31 décembre. Ça suffit ! Il existe d'autres moyens. Faisons à nouveau confiance aux parlementaires ! Nous ne sommes pas là pour toujours obéir à un gouvernement qui souhaiterait continuer ainsi encore longtemps.
Souvenez-vous, la loi du 23 mars 2020 prévoyait une clause de caducité. Or vous avez complètement changé les règles du jeu. Il faut que les Français puissent avoir de nouveau confiance. Ils ne parviennent pas à faire de projets et sont bien plus terrorisés par leur détresse sociale et économique que par le covid-19.
Rappelons que le Gouvernement a tout de même déposé un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires.
M. François Ruffin applaudit.
Il a bien fait de ne pas l'inscrire à l'ordre du jour. Il semble qu'il soit enterré et j'en félicite le Gouvernement.
Pourquoi avoir choisi la date du 31 décembre ? M. Véran, que beaucoup critiquent, nous dit que 70 millions de Français – je ne savais pas que nous étions 70 millions, mais peu importe – seront vaccinés d'ici à la fin juin. Je pense que tout le monde ici a entendu la même chose.
Dès lors, madame la ministre déléguée, à quoi sert-il de proroger l'état d'urgence jusqu'au 31 décembre ?
Notons à cet égard que notre collègue Gosselin se montre sympathique, …
… puisqu'il vous donne trois mois supplémentaires après la fin juin, sachant que nous pouvons aussi espérer que le réchauffement climatique nous aidera à enrayer la crise sanitaire. Aussi, mes chers collègues, convient-il de se rallier à l'amendement de Philippe Gosselin.
Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-I ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.
J'aime quand mon collègue Charles de Courson salue le tempérament violemment modéré de l'homme de la Manche.
Madame la ministre déléguée, je m'adresse à vous puisque vous m'interpelliez, il n'y a pas d'anathèmes, pas plus qu'il n'y a eu d'insultes, de provocations, ou quoi que ce soit. J'énonce simplement une vérité : il y a une banalisation du recours à l'état d'urgence.
Que le Gouvernement agisse ne pose pas problème ; personne ne lui récuse cette possibilité. Encore heureux, d'ailleurs, que vous agissiez ! Cependant, nous sommes dans un état exceptionnel qui mérite des contrôles particuliers. Dans une démocratie normale, l'un des pouvoirs est celui du Parlement, de la représentation nationale. Et dans une période de crise, il me semble que le contrôle démocratique doit être encore renforcé. Or, aujourd'hui, il ne l'est manifestement pas.
C'est sous la contrainte des événements que nous nous retrouvons, certes de manière régulière, pour débattre de l'état d'urgence. Depuis le début, nous demandons des clauses de revoyure, mais nous ne les obtenons pas.
Vous affirmez que le Parlement a tout pouvoir, alors même que nous sommes au lendemain ou au surlendemain de la suppression d'une commission d'enquête qui, après avoir rendu son rapport, pouvait continuer à travailler sur la question de l'état d'urgence et le suivi de la covid-19.
Il y a donc bien une banalisation, laquelle rend important d'avoir des délais courts. Bienheureux, à cet égard, l'amendement que nous vous présentons…
… et qui vous laisse la possibilité de travailler pendant les vacances d'été avant que nous ne nous revoyions à la rentrée. Le 30 septembre est une bonne date.
Le Gouvernement n'a pas supprimé une commission d'enquête !
M. le rapporteur nous dit que la date du 31 décembre avait l'aval du Sénat – alors circulez, il n'y a rien à voir. Mais dès lors que la commission mixte paritaire a échoué et que le texte que nous examinons aujourd'hui en nouvelle lecture n'est pas celui du Sénat, il est normal que les députés fassent de nouvelles propositions sur ce qui leur semble important.
Or le fondement juridique de l'état d'urgence sanitaire est justement quelque chose d'important. Les collègues de la majorité nous invitent à observer la situation sanitaire et le nombre de décès par jour. Il est évident que le contexte implique de prendre des mesures, y compris restrictives ; là n'est pas la question. La question est la suivante : pendant combien de temps l'état d'urgence, fondement juridique des politiques qui sont menées et du dessaisissement des prérogatives du Parlement, ne peut-il pas être remis sur le métier ?
Au fond, c'est par facilité – nous vous le reprochons d'ailleurs depuis le début – que vous instaurez des délais longs. Cela vous laisse des marges de manoeuvre et, pendant ce temps, le Parlement ne disposera que de son pouvoir de contrôle de l'action du Gouvernement. Or il nous faut aussi pouvoir légiférer de manière régulière, surtout sur ces mesures d'exception.
Tout d'abord, soyez assurée, chère Martine Wonner, qu'il n'y a point de moquerie de la part de notre rapporteur. Je tiens à dire qu'il est entièrement engagé, disponible et mobilisé sur sa mission, avec sérieux et responsabilité, tout en étant aussi à même de nous apporter son éclairage de professionnel de la santé.
Deuxièmement, il n'y a pas de banalisation de l'état d'urgence. Nous n'avons cessé de le redire, c'est la sixième fois que nous nous réunissons pour en débattre et nous serons très probablement amenés à le faire encore dans les semaines et les mois qui viennent, pour discuter de l'application des différentes mesures.
J'ai le sentiment qu'il n'y a pas non plus une banalisation de la part de nos concitoyennes et concitoyens, qui comprennent la réalité de la situation et le bien-fondé des décisions qui doivent être prises pour les protéger et maintenir nos hôpitaux à flot.
Cela étant, plusieurs erreurs ont été faites par les différents orateurs s'agissant des deux premiers articles du texte. Nous ne débattons pas pour le moment de la date de fin de l'état d'urgence, mais de la prorogation de l'existence du régime de l'état d'urgence. Nous l'avons toutes et tous créé ici même et nous continuons de le façonner au fil de la crise.
Enfin, monsieur de Courson, il y aura bien un projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires auquel nous aurons à nous atteler. La décision a été prise de ne débattre de ce sujet qu'une fois la crise derrière nous, de manière à bénéficier d'une absolue sérénité et de pouvoir tirer tous les enseignements de la gestion de cette crise.
Le groupe La République en marche ne votera donc pas cet amendement.
Avant de mettre cet amendement aux voix, je rappelle que ce sera le seul sur lequel nous aurons des débats aussi étendus. Nous appliquerons désormais le règlement à la lettre.
L'amendement no 10 n'est pas adopté.
Oui, mais il n'y a pas de chronomètre. S'il y en avait un, nous tiendrions plus facilement le temps.
Dans ce cas, regardez-moi et vous verrez si vous arrivez au terme de votre temps.
Rires
même si vous ressemblez peut-être à Cronos, un dieu merveilleux. Bref, j'espère que vous me décompterez cet aparté de mes deux minutes.
Je vous remercie de votre bienveillance.
Cet amendement vise à restaurer des mesures protectrices des libertés publiques et individuelles qui avaient été adoptées par le Sénat. Nous cherchons ici à empêcher l'interdiction des réunions dans les lieux d'habitation, ou encore à imposer l'intervention d'un JLD – juge des libertés et de la détention – après quatorze jours de quarantaine ou d'isolement imposé à domicile, ce qui nous paraît constituer le minimum dans un État de droit. Dans sa mauvaise sagesse, la commission des lois a supprimé ces dispositions alors qu'elles sont protectrices des libertés.
On nous dit qu'il convient de revenir au texte initial, mais, monsieur le rapporteur, madame la ministre déléguée, même si vous êtes en désaccord avec le Sénat, gardons néanmoins le meilleur de ce qui avait été mis sur la table. Ce n'est pas parce que la commission mixte paritaire n'a pas été conclusive qu'on ne doit pas être respectueux des libertés publiques et individuelles.
Le JLD, ce n'est pas une invention du groupe LR à l'occasion de l'état d'urgence sanitaire, mais un juge qui existe pour veiller aux libertés et, le cas échéant, aux conditions de détention. Il a une véritable utilité dans un État démocratique et plus encore lorsque nous sommes en état d'urgence sanitaire.
Nous pouvons être en désaccord avec le Sénat sur d'autres éléments, mais, dans l'intérêt des libertés et de l'État de droit, nous devons au moins nous rejoindre sur ces mesures.
La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l'amendement no 18 .
Il vise à retenir deux suggestions du Sénat qui me paraissent utiles. La première conférerait aux commissions parlementaires le pouvoir de saisir formellement le Conseil scientifique. La seconde serait de donner habilitation au Gouvernement pour fixer les modalités de désignation des membres de ce conseil ainsi que ses règles, notamment en matière de conflits d'intérêts.
Je me doute que l'Assemblée nationale va rejeter cet amendement, …
… puisque cette séance est manifestement dédiée à l'enregistrement des choix de l'exécutif.
Je le regrette, car j'aurais aimé – je l'ai démontré à de multiples reprises par mes votes – que nous soyons collectivement capables d'affronter cette crise sanitaire dans un esprit de fédération des efforts de la nation.
Madame la ministre déléguée, le Sénat n'est tout de même pas une assemblée de punks.
Sourires.
C'est une assemblée responsable et raisonnable, et la manière avec laquelle ses propositions sont systématiquement écartées, ou presque, est assez regrettable. On peut en déduire que vous ne cherchez en rien la construction d'un quelconque consensus transpartisan.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement identique no 43 .
Dans le même esprit, nous estimons que ces deux dispositions adoptées par le Sénat méritent de trouver leur place dans le texte. Leur adoption permettrait, d'une part, au Parlement d'entendre régulièrement les membres du Conseil scientifique et de se forger leur propre opinion et, d'autre part, de prévenir les situations qui remettraient en cause la crédibilité du Conseil ou de certains de ses membres – et donc, par incidence, de celle des décisions prises par le Gouvernement. C'est donc une mesure de prudence que nous vous proposons d'adopter.
Laissez-moi d'abord vous dire quelle fut ma surprise en entendant nombre de nos collègues vitupérer contre l'état d'urgence sanitaire : ces collègues ont fait défaut à la mission flash conduite par M. Gosselin et moi-même. Leur participation à ses travaux aurait été la bienvenue, tout comme leurs propositions pour faire évoluer le régime juridique de l'état d'urgence. Cette remarque me semblait utile au débat. Cet amendement que je présente avec Philippe Gosselin est d'ailleurs directement issu des travaux de cette mission.
La spécificité de cet amendement-ci réside dans le fait qu'il ne reprend de la version du Sénat que la mesure permettant aux commissions parlementaires de saisir le Conseil scientifique, notamment pour être éclairées sur la situation sanitaire comme l'est le Gouvernement et pour pouvoir adopter des mesures en conséquence. Cette disposition, que j'avais proposée en première lecture, avait été reprise par le Sénat et figurait dans le projet soumis à la commission mixte paritaire. Je souhaite qu'elle soit intégrée au texte que nous adopterons.
L'amendement ne reprend cependant pas la mention selon laquelle un décret détermine les règles déontologiques applicables aux membres du Conseil scientifique, car j'ai été convaincu par la remarque formulée par le ministre en première lecture : le Conseil étant déjà constitué et consacré pour la crise que nous traversons, en modifier la composition et changer les règles du jeu en cours de route n'aurait pas beaucoup de sens.
Monsieur Gosselin, dans une négociation, chacun doit apporter quelque chose, pour tenter d'aboutir à un résultat commun. Je vous assure que nous avons mis de nombreux éléments dans la balance. Si, malgré tout, aucun accord n'est trouvé, chacun repart dans son camp et les discussions reprennent dans chaque chambre.
Nous pourrions tout de même garder le meilleur des enrichissements proposés, monsieur le rapporteur !
Nous avions fait des propositions, en acceptant par exemple le principe de la saisine du Conseil scientifique, à condition que cette possibilité soit laissée au président de chaque chambre, et non aux présidents des commissions parlementaires. Passons.
J'émettrai un avis global sur ces amendements, qui visent à rétablir, entièrement ou en partie, la rédaction de l'article 1er proposée par le Sénat. Soyons clairs : je ne souhaite pas que nous anticipions sur le débat légitime et important qui se tiendra dans le cadre de l'examen du projet de loi instituant un régime pérenne de gestion des urgences sanitaires. Le moment venu – c'est-à-dire à froid, à l'issue de la crise – , il nous faudra dresser un bilan et déterminer comment améliorer le régime de l'état d'urgence sanitaire en fonction des situations qui pourraient se présenter, et qui n'impliqueront pas nécessairement un coronavirus, mais peut-être tout autre chose.
Dans l'immédiat, je ne souhaite pas que nous examinions cette question par le petit bout de la lorgnette, au risque d'ailleurs de fragiliser ce qui fonctionne : même si je ne présume pas de la pertinence de certaines des modifications suggérées, n'oublions pas que le cadre de l'état d'urgence sanitaire reste satisfaisant et qu'il est indispensable de le préserver pour poursuivre la lutte contre l'épidémie.
Enfin, je ne souhaite pas non plus que nous changions les règles en cours de route, notamment s'agissant de la composition du Conseil scientifique, dont les membres accomplissent selon moi un travail important et difficile.
Ils ont le pouvoir de nous éclairer, mais c'est à nous, politiques, de décider. Avis défavorable.
Il est défavorable à ces amendements, qui visent à revenir sur des éléments dont nous avons déjà débattu. En revanche, les enrichissements que vous évoquez et que nous sommes obligés de rejeter aujourd'hui…
… seront évidemment intégrés dans le texte que nous envisageons pour instituer un régime pérenne de gestion des urgences. Je rappelle que nous sommes toujours en pleine crise sanitaire. Or, un bilan intervient généralement à la fin de la période considérée.
Ces enrichissements, que nous approuvons nous aussi, seront intégrés au projet de loi à venir. J'aimerais que vous en teniez compte.
Comme je l'ai annoncé, je ne prendrai que deux orateurs sur ces amendements, conformément au règlement.
La parole est à M. Charles de Courson.
Ces amendements, qui visent à permettre au Parlement de saisir le Conseil scientifique, et que même des membres de la majorité soutiennent, me semblent présenter un grand intérêt. Pour débattre de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire ou de l'organisation des élections départementales et régionales au mois de juin, par exemple, il serait tout de même intéressant que nous puissions demander directement son avis au Conseil scientifique. Cela me paraît constituer une mesure de bon sens : pourquoi l'exécutif aurait-il seul accès à ces avis ?
Nous débattons ici de choses importantes. Je veux, à cet instant, soulever plusieurs points.
D'abord, ce n'est pas parce que nous essayons de vous amener à envisager des améliorations à l'état d'urgence sanitaire que nous sommes opposés à ce régime. Je fais d'ailleurs partie des élus qui ont voté à plusieurs reprises en faveur de l'état d'urgence sanitaire et qui s'interrogent désormais, précisément parce que vous ne voulez pas l'améliorer. Je m'interroge sur le délai de prolongation, que je trouve anormal, mais également sur le rôle du Conseil scientifique que chacun a vu, la semaine dernière, se livrer à une forme de mise en scène médiatique hâtive, précipitée, contredisant ses propres dires et ceux du Gouvernement en l'espace de trois jours, ce qui, à mon sens, le disqualifie partiellement comme conseil avisé du Gouvernement.
Ne pas permettre aux députés – qui représentent tout de même rien moins que les Français – d'interroger directement le Conseil scientifique me paraît anormal. Repousser l'adoption de cette mesure au motif que nous l'intégrerions dans une loi ultérieure instituant un état d'urgence pérenne n'est pas non plus acceptable.
Dernier point : madame la présidente de la commission des lois, les Français ont besoin d'être accompagnés pour continuer d'accepter la situation très difficile que nous traversons tous. Or, accompagner les Français, c'est permettre aux débats parlementaires d'aller à leur terme et aux oppositions – car elles existent encore – de vous accompagner en ce sens. Dans le cas contraire, qui sait ce qu'il se passera dans notre pays dans les jours ou les semaines à venir ?
C'est Laurent Fabius qui me l'a appris : lorsqu'un président de séance annonce fermement qu'il s'en tiendra à deux orateurs, il est immédiatement démenti. La parole est donc à Mme la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Sourires.
Je rappelle que la loi que nous avions votée en mars 2020 prévoyait explicitement une information hebdomadaire du Parlement sur les actes pris par le Gouvernement en vertu de l'état d'urgence sanitaire.
Par ailleurs, nous avons déjà la possibilité de procéder à toute audition qui nous semblerait utile pour éclairer les débats. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait à plusieurs reprises. M. Delfraissy a été entendu. La commission des lois a également entendu M. Cauchemez, épidémiologiste membre du Conseil scientifique, sur l'application StopCovid.
Il suffit que n'importe quelle commission permanente de l'Assemblée convoque un membre du Conseil scientifique ou son président pour que cette audition ait lieu. Il est donc faux de prétendre que le Parlement ne peut pas auditionner le Conseil scientifique, ou que nous refusons ces auditions.
Une dernière chose : de nombreux intervenants ont évoqué la commission mixte paritaire, à laquelle certains d'entre vous et moi-même avons participé. Chacun pourra, je le crois, témoigner des efforts fournis par la majorité pour trouver un accord : nous étions particulièrement attachés à ce que la CMP soit conclusive, précisément pour manifester auprès de nos concitoyens un moment d'unité nationale sur ces questions sanitaires.
Cela ne s'est malheureusement pas produit. En toute logique, le débat parlementaire se poursuit, et les positions que nous avions exprimées en première lecture reprennent toute leur force. C'est ce qui se passe actuellement, ne vous en déplaise.
Je retire mon amendement au bénéfice de l'excellent amendement no 8 de MM. Houlié et Gosselin, pour bien montrer que je ne défends pas ici une simple position partisane.
Je profite d'avoir un instant la parole pour répondre à la présidente de la commission des lois : nous avons bien compris – nous sommes députés depuis huit ou neuf ans, voire davantage pour certains, puisque nous redoublons nos mandats grâce au suffrage universel – que votre qualité vous permettait de solliciter l'audition de telle ou telle personne. L'enjeu n'est toutefois pas uniquement celui-là : il s'agit de consulter le Conseil scientifique en tant que collège, y compris en lui demandant une contribution écrite, d'enrichir notre compréhension des aspects techniques et scientifiques de la crise sanitaire, et de faire oeuvre de responsabilité. Je regrette beaucoup que les députés de la majorité s'apprêtent à suivre – assez docilement, je dois le dire – l'avis du Gouvernement en rejetant l'amendement de M. Houlié.
L'amendement no 18 est retiré.
L'amendement no 8 est adopté.
Applaudissements sur divers bancs.
L'article 1er, amendé, est adopté.
Avant que soient présentés les amendements de nos collègues visant à supprimer l'article 2, et même si tous les arguments ont déjà été avancés, je rappelle qu'il proroge l'état d'urgence jusqu'au 1er juin. Je m'inscris dans le prolongement des propos que tenait tout à l'heure notre collègue de Courson : même si la décision n'est pas encore arrêtée, au mois de juin sont censées se tenir rien moins que des élections régionales et départementales. Adopter l'article en l'état, sans se donner la possibilité de discuter d'ici là de la nécessité de proroger ou non l'état d'urgence et d'en décider collectivement, c'est en vérité s'empêcher d'organiser les élections.
Car enfin, comment planifier des élections sans un moment de délibération ? Je rappelle que les élections ne se limitent pas au jour du vote : une élection n'est démocratique que dans la mesure où il est possible d'échanger des arguments pendant les semaines qui précèdent le scrutin. On appelle cela faire campagne. Or comment fait-on campagne, dans notre bon et vieux pays ? On tient des réunions dans des cafés – ils sont fermés. On organise des réunions et des événements publics – c'est impossible. On fait du porte-à-porte pour discuter avec les citoyens – chacun sait qu'à l'heure actuelle, tout cela est très difficile, voire impossible.
Quelles conséquences en tirons-nous ? Ce vote ne doit pas être pris à la légère. Nous devons échanger nos arguments de façon rationnelle. Or on voit au contraire, comme cela a été dit précédemment, se développer une très mauvaise pédagogie : nous nous habituons à ce que des décisions emportant la convocation ou non du peuple souverain soient laissées entre les mains d'une minorité, alors que c'est dans cet hémicycle qu'elles devraient être prises. C'est ici que nous devrions en débattre, quitte à prendre peut-être des décisions difficiles.
C'est la raison pour laquelle on ne saurait adopter cet article, à moins de bafouer la démocratie. Je le répète : nous ne pouvons décider de convoquer ou non de 45 millions de Français aux urnes qu'à condition de disposer de tous les éléments nécessaires. Une fois de plus, la légèreté avec laquelle cette assemblée s'apprête à prolonger l'état d'urgence sanitaire montre que ces élections sont ramenées à peu de chose. C'est assez inquiétant.
Il est vrai que le fait de prolonger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 1er juin pose question. Que se passera-t-il à compter du 2 juin ? Aurons-nous, entre-temps, voté la loi instituant définitivement l'état d'urgence dans le droit commun, ou pourrons-nous enfin redonner aux Françaises et aux Français leurs libertés fondamentales ? Sur quels critères scientifiques et épidémiologiques continuez-vous à vouloir enfermer les Français, et, par là, à bafouer la démocratie ? Si nous voulons organiser des élections régionales dignes de ce nom, il faut en effet redonner aux Français la capacité de débattre dans les territoires.
Pourtant, qu'avez-vous fait, chers collègues de la majorité ? Vous avez voté, pas plus tard que la semaine dernière, la suppression de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la gestion de la crise sanitaire. Pour quelle raison ? Elle était particulièrement importante pour évaluer d'autres stratégies thérapeutiques que la stratégie vaccinale. Je ne suis pas opposée à cette stratégie, mais chacun voit combien elle a du mal à se déployer en France comparativement à d'autres pays : nous n'avons vacciné que très peu de personnes.
Il y a donc bien urgence à proposer autre chose, et surtout à vivre à nouveau dans un pays démocratique.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion en nouvelle lecture du projet de loi autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire ;
Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra