Or, nous l'avons maintes fois répété, la concentration des pouvoirs n'est pas synonyme d'efficacité, y compris dans les périodes de crises les plus aiguës car, pour être efficaces, les mesures doivent être éclairées, légitimes et consenties, toutes choses pour lesquelles l'implication étroite du Parlement est nécessaire.
La politique de lutte contre la covid-19 ne peut donc se faire en laissant notre assemblée sur la touche et en ne la consultant que pour la forme, au moment que vous jugez opportun.
L'état d'urgence vous a conduit à piloter la crise au jour le jour, en accumulant des erreurs qu'une étroite association du Parlement vous aurait aisément permis d'éviter, en mettant au jour d'autres solutions face aux risques identifiés sur le terrain. L'Assemblée est surtout pour nos concitoyens une assurance, celle de la collégialité et de la légitimité démocratique ; elle est également garante de la proportionnalité et de la nécessité des mesures envisagées ; il lui revient enfin de contrôler l'exécutif.
Mais vous lui refusez également désormais d'exercer pleinement ces compétences : la dissolution de la mission d'information de notre assemblée est le nouveau symbole de votre mépris des oppositions et de votre dédain pour la délibération et la contestation démocratiques.
C'est pourquoi nous récusons le régime dérogatoire que constitue l'état d'urgence sanitaire, régime initialement présenté comme temporaire et limité à trois mois, puis prolongé de six mois et désormais de plus d'un an.
Nous sommes très attachés à l'intervention régulière du législateur afin de s'assurer que les droits de nos concitoyens sont autant que possible préservés.
Nous ne pouvons donc pas vous suivre lorsque vous proposez de proroger le régime juridique de l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 31 décembre prochain. Cette décision est en effet de nature à banaliser toujours plus le recours aux procédures d'urgence et aux restrictions des libertés qu'elles impliquent. Elle apparaît en l'espèce d'autant moins fondée que la stratégie vaccinale doit permettre de vacciner la majeure partie de la population d'ici à l'été – à moins que le calendrier annoncé ne soit plus d'actualité, mais nous n'osons le penser.
Nous ne pouvons, pour le même motif, accepter le maintien de l'état d'urgence jusqu'au 1er juin, sans une clause de revoyure plus proche. Il est temps en effet que nous sortions de cette logique de mises entre parenthèses successives de l'État de droit, mises entre parenthèses que la situation ne justifie évidemment plus. Il est temps de passer à un régime de saisine régulière du Parlement, à un régime respectueux de la démocratie et du principe de séparation des pouvoirs.
Il n'est pas sain pour une démocratie de mettre le fonctionnement normal de ses institutions entre parenthèses dès que le vent se lève. Si des tempêtes plus durables devaient survenir, le régime d'exception pourrait devenir la norme, comme vous l'avez fait sur d'autres sujets depuis 2015.
Pour l'ensemble de ces motifs, vous ne serez pas surpris de voir le groupe de la Gauche démocrate et républicaine rejeter votre texte. En faisant le choix d'une gestion autoritaire de la crise sanitaire, vous prenez le risque d'ouvrir une crise démocratique, qui imposera à vos successeurs de redoubler d'efforts pour restaurer le lien de confiance réciproque entre gouvernants, élus de la nation et citoyens.
Cette crise démocratique n'est pas moins décisive que la crise sanitaire. Elle abîme notre pays en blessant ses racines républicaines. Notre vote n'aura donc rien, vous l'aurez compris, d'un vote de circonstance.