Sous le quinquennat de François Hollande, le Parlement s'est prononcé sur la prolongation de l'état d'urgence tous les deux mois. Avec cet amendement, nous pourrons solliciter à nouveau le Parlement, dans deux mois, madame la ministre déléguée, et établir en pleine conscience, au vu des éléments factuels dont nous disposerons, s'il est opportun ou non de prolonger ces mesures de restriction des libertés publiques, au moment où une campagne électorale doit se tenir.
J'entends déjà des voix s'élever, disant que les Français sont d'abord soucieux de la gestion de la crise et n'ont que faire des élections : je ne le pense pas. Si ces élections devaient être annulées, les mêmes seraient sans doute les premiers à crier au scandale. Je réfute d'autant plus cet argument que, dans de nombreux pays, des élections majeures se sont déroulées, aux États-Unis, au Portugal, en Ukraine ; la Catalogne organisera, quant à elle, les élections parlementaires le 14 février prochain. Dès lors, pourquoi devrions-nous, en France, mettre la démocratie sous cloche et empêcher toute possibilité de faire campagne ? Chacun se fera son idée.
Nous le répétons : ce que le droit français permet est suffisant, et nous estimons que les institutions de la République sont capables d'affronter une crise sanitaire – dont nous ne minimisons pas l'ampleur – sans passer par cet attirail de dispositifs d'exception, et sans mettre le Parlement de côté.
En effet, les décisions du Gouvernement, parfois perçues comme précipitées, sont de surplus prises au sein d'un conseil de défense opaque, dont la légitimité démocratique est discutable. Cela donne l'impression de décisions d'alcôve, prises dans les secrets de cabinets parisiens, ce qui est fort éloigné de l'idée que je me fais de la démocratie.
Certes, la situation actuelle requiert des mesures fortes, mais celles-ci doivent résulter d'un processus de concertation et de transparence de l'ensemble des forces politiques.
Le groupe Libertés et territoires soutient également l'idée que chaque décret établissant un confinement ou un couvre-feu, doit, dans les trois jours suivants, faire l'objet d'une déclaration du Gouvernement devant le Parlement, suivie d'un vote, au titre de l'article 50-1 de la Constitution. Il s'agissait de l'une des avancées sur lesquelles la commission mixte paritaire avait trouvé un accord : nous regrettons que notre amendement à cet égard ne puisse être discuté en séance, alors qu'un amendement similaire avait pu l'être en commission.
Nous estimons néanmoins que cette mesure n'est pas suffisante, puisque les débats et le vote relevant de l'article 50-1 de la Constitution sont purement indicatifs. Le Gouvernement n'est pas tenu de suivre notre avis, et d'ailleurs il ne nous le demande pas ! Il nous demande seulement d'avaliser des décisions prises sans nous consulter. Cela s'apparente donc surtout un vote de confiance, mais celle-ci ne se décrète pas.
L'exécutif nous met une fois de plus devant le fait accompli. Mais, pour gagner l'adhésion, il faut fédérer. Or, la précipitation avec laquelle il nous est demandé de nous prononcer sur ce texte, destinée à nous démunir de nos propres prérogatives, crée un doute, tout comme la réticence du Gouvernement à venir motiver ses décisions devant le Parlement.
Cohérent avec la position qu'il a exprimée à de nombreuses reprises, quant à la méthode employée avec ces textes de prolongation, qui sont tout sauf techniques, et au vu des conséquences sur les libertés fondamentales, le groupe Libertés et territoires votera une nouvelle fois majoritairement contre ce projet de loi.