Lorsqu'en mars nous avons voté le premier état d'urgence sanitaire, la situation n'était pas la même ; nous étions tous sous le choc, nous découvrions cette menace, nous découvrions cette crise, nous découvrions la nécessité de mesures exceptionnelles en temps de paix – si je puis m'exprimer ainsi – dans un État démocratique. C'est dans ce cadre-là que nous avions tous collectivement, à vingt-cinq dans l'hémicycle, construit un cadre juridique d'urgence pour gérer la crise.
Un an après, nous n'avons pas modifié ce cadre d'un iota. Nous nous sommes contentés, de prolongation de crise en prolongation de crise, de proroger un régime construit dans l'urgence pour parer à une situation que personne n'avait anticipée. Nous nous retrouvons donc, la semaine dernière, en commission mixte paritaire avec un débat qui, pour la première fois depuis le début de la crise, a été présenté, très sereinement, de la façon suivante : quelle est la place de la démocratie dans la gestion d'une crise sanitaire ? C'est une question qu'on ne s'était finalement pas posée jusque-là. En mars, il a été décidé de donner tous les pouvoirs nécessaires au Gouvernement ; ensuite, on a prolongé les dispositions créées dans l'urgence. À aucun moment nous ne nous sommes posé la question de la gestion de l'expression du peuple, par l'intermédiaire de ses représentants que nous sommes. À aucun moment nous ne nous sommes réellement posé la question de l'institutionnalisation du contrôle démocratique. C'est bien cela qui a fait échouer la commission mixte paritaire.
Que disions-nous ? Nous ne demandions pas un débat, contrairement à ce qu'a essayé de faire croire le Premier ministre en annonçant avant la commission mixte paritaire, de façon un peu sournoise, la tenue – apparemment aujourd'hui – d'un débat suivi d'un vote, conformément à l'article 50-1 de la Constitution. La semaine dernière, juste avant la commission mixte paritaire, toutes les chaînes d'information, tous les médias, annonçaient qu'aujourd'hui se tiendrait un débat conformément à cet article. Je le rappelle, au cas où quelqu'un l'aurait oublié ! Ce débat n'a pas eu lieu.
Nous voulions que le Gouvernement ait les moyens, si nécessaire, de mobiliser tous les outils dont il a besoin, y compris le confinement. Mais ce que nous disions aussi, c'est qu'à partir du moment où il les mobilise plus d'un mois, alors il faut un contrôle accru du Parlement, un débat, un vote. Nous n'étions pas complètement d'accord sur les modalités du débat et du vote. Les sénateurs proposaient qu'il faille une loi ; nous étions prêts à entendre qu'une loi, c'est peut-être trop rigide, pas assez souple. Pour ce qui est du vote, j'entends le débat sur la constitutionnalité. Nous avons la chance, avec la Ve République, d'avoir des institutions à la fois souples et rigides, rigides et souples. Heureusement qu'elles ont ces deux caractéristiques, parce que si le juge constitutionnel avait été saisi du premier texte relatif à l'état d'urgence sanitaire et s'était exprimé de façon rigide en fonction de la lettre de la Constitution, je ne suis pas sûr que le Gouvernement aurait eu à ce moment-là les moyens d'agir.
Eh bien, si la contrepartie de la souplesse du juge constitutionnel en mars et à l'occasion de toutes les prolongations de l'état d'urgence sanitaire, cela pouvait être d'accorder au Parlement la possibilité de s'exprimer par un vote concernant un confinement qui dure plus d'un mois, est-ce qu'on ne serait pas là en mesure de créer un droit pertinent d'un point de vue de l'exercice du contrôle démocratique ? C'est cette question que nous nous sommes posée en commission mixte paritaire. Je me réjouis que nous en fassions la publicité aujourd'hui, pour que nos concitoyens soient au courant de la nature des débats qui s'y sont tenus et du refus que la majorité et le Gouvernement ont opposé aux sénateurs et aux députés du groupe Les Républicains.