Mon propos s'articulera autour de deux points : l'absence d'un encadrement général au vu du bilan des précédents accords donnés par le Parlement, et nos attentes.
Sur le premier point, je rappelle que l'état d'urgence sanitaire a de nouveau été déclaré par un décret du 14 octobre 2020. Après une phase de couvre-feu pour une partie seulement du territoire national, nous sommes repassés à une phase de large couvre-feu. L'état d'urgence sanitaire ne se décrète que pour une période courte ; au-delà s'impose le recours à la loi. C'est l'objet du projet de loi que nous discutons. Le Parlement a accepté en mars, en mai, en juillet et en novembre d'accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise. Tout au long de ces dix mois – près d'une année – , nous avons pu espérer que seraient examinées des mesures d'encadrement général des pouvoirs ainsi donnés. En effet, un accord pour appliquer des limitations aux libertés publiques et individuelles suppose que celles-ci soient temporaires, que le Parlement soit appelé à voter régulièrement et que les juges s'assurent de la proportionnalité de telles mesures.
Pour examiner ce nouveau projet de loi, nous avions besoin d'en savoir un peu plus sur le bilan des derniers mois, sur la campagne de vaccination, ses priorités et sa logistique, ainsi que sur les scénarios alternatifs susceptibles de l'adapter aux effets constatés. Or, nous avons reçu peu de réponses circonstanciées. En première lecture, ce projet de loi a été examiné sans réelle visibilité. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont constaté deux points de désaccord majeurs : la date de l'échéance, fixée au 31 janvier par le Sénat et au 26 février par l'Assemblée nationale, et les pouvoirs de contrôle du Parlement.
Nos interventions successives posent la question du rôle que doit jouer le Parlement dans l'instauration de l'état d'urgence et vis-à-vis des mesures qu'il implique. Nous avons été nombreux à dire qu'il fallait non seulement limiter dans le temps la prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais aussi renforcer les conditions de l'approbation du Parlement au fur et à mesure des prorogations de l'état d'urgence sanitaire ou de ses modifications significatives. Nous souhaitons donc bien qu'un débat parlementaire soit organisé à chaque nouvelle prolongation, ainsi qu'à chaque décision de mesures de restriction consécutive à une évolution notable de la situation sanitaire ou de la stratégie du Gouvernement.
Très concrètement, après les pénuries de gel hydroalcoolique, les changements d'indications sur les masques, les difficultés d'approvisionnement en vaccins, les interrogations sur les publics prioritaires et les protocoles applicables dans les écoles, il est logique que nous nous demandions si des considérations qui ne sont pas seulement médicales et de santé publique ne vous conduiront pas, dans quelques semaines, à nous demander d'autoriser de nouvelles restrictions aux libertés.
La transparence nourrit la confiance ; nous en avons tous ici besoin, y compris pour convaincre les plus réticents que, en l'état des connaissances disponibles, les mesures prises et à prendre sont proportionnées et efficaces, qu'elles sont cohérentes avec la situation sanitaire, et qu'elles ne sont pas dictées par des considérations extérieures. Cela suppose de placer l'expertise publique collégiale, transparente et contradictoire, au coeur de la décision.
Pour en revenir au projet de loi, la CMP n'a fait que constater un désaccord de fond quant au contrôle que le Parlement doit exercer sur le Gouvernement pendant cette période. La divergence ne porte pas seulement sur le périmètre respectif des deux institutions, mais aussi sur l'équilibre des pouvoirs et le strict encadrement des limitations des libertés, afin que les mesures à prendre soient mieux pensées, et donc mieux appliquées. Pour terminer, le groupe Socialistes et apparentés fera des propositions très concrètes pour encadrer les limitations des libertés, comme celle d'aller et venir…