C'est aux cultes, aux cultes eux-mêmes, qu'il revient de s'organiser et de se financer. Quant à la puissance publique, elle peut, le cas échéant, faciliter les garanties d'emprunt pour les associations cultuelles qui en feront la demande, comme le prévoit l'organisation actuelle.
Parce qu'il est différent par nature, ce texte ne se hissera pas à la hauteur de celui de 1905 – mais aussi parce que vous ne saisissez pas l'opportunité de combattre les maux qui perdurent dans notre République. Quelques petites semaines : voilà le temps que nous aurons consacré à la délibération parlementaire sur des sujets ô combien essentiels. En 1905, dans le sillage d'Aristide Briand, rapporteur du projet de loi, les parlementaires ont rédigé et discuté leur texte pendant dix mois, après une discussion de deux ans au sein d'une commission spéciale sur la séparation des Églises et de l'État présidée par Ferdinand Buisson, et dont le rapporteur était déjà Aristide Briand. Cette commission avait pour objectif d'étudier les huit propositions de loi déposées sur le sujet et de trouver, dans la mesure du possible, un compromis satisfaisant pour toutes les forces politiques en présence.
La version finale de la loi est d'ailleurs très proche de celle adoptée par cette commission spéciale. J'insiste sur ce point, car je pense, comme Victor Hugo, que « la forme, c'est le fond qui remonte à la surface. » En agissant dans la précipitation et parfois, hélas, sous l'influence d'impératifs purement politiciens, nous nous privons d'un débat de fond et de la richesse des opinions citoyennes et parlementaires. Je suis convaincu qu'avec du temps supplémentaire, nous aurions pu écrire une bien meilleure loi et que nous aurions été nombreux à converger pour nous attaquer à ce qui constitue pour nous la plus grande injustice de ce monde : le séparatisme social, qui s'exerce en premier lieu dans l'institution scolaire.
L'école française est celle dans laquelle l'origine sociale des enfants pèse le plus lourd sur la réussite et le parcours scolaires. Ce n'est pas nouveau. Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron l'avaient déjà magistralement démontré il y a plus de soixante ans. Force est d'admettre que la situation n'a que peu changé en dépit de la promesse républicaine à laquelle nous sommes nombreux ici à adhérer, viscéralement attachés que nous sommes aux valeurs de la République. Aujourd'hui, une proportion significative de nos meilleurs élèves vit très tôt dans un entre-soi à la fois scolaire et social, parfois dès le primaire et presque toujours à partir du collège. Les sociologues de la jeunesse nous disent que les enfants des classes populaires et ceux des classes les plus privilégiées ne se rencontrent plus, ou très peu, leurs loisirs étant socialement très différenciés.