Intervention de Éric Ciotti

Séance en hémicycle du mercredi 3 février 2021 à 15h00
Respect des principes de la république — Après l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Vous l'avez remplacé, madame la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, et j'espère que vous émettrez un avis ; c'est votre devoir. Comment le Gouvernement n'aurait-il pas d'avis sur un sujet aussi essentiel ? Comment vous personnellement, qui êtes tellement associée au combat pour l'égalité entre les hommes et les femmes, n'auriez-vous pas d'avis sur ce débat concernant le voile, lequel participe à une forme d'asservissement ? Je reprends le mot du garde des sceaux, même s'il me semble que Mme Rihlac a contesté tant le fait que je défende mes arguments, que celui que je cite le ministre de la justice.

Je le citerai à nouveau, s'exprimant dans le cadre de ses fonctions actuelles, ainsi que le ministre de l'intérieur lorsqu'il était parlementaire.

Le garde des sceaux a ainsi très clairement indiqué, en commission spéciale, que le voile pouvait être « un choix ». M. El Guerrab et M. Ahamada l'ont également dit. C'est vrai. Mais le garde des sceaux ajoute que le voile peut être « un asservissement », et c'est cela qui fait débat et qui pose problème. Mes chers collègues, pouvons-nous tolérer « un asservissement » dans notre démocratie ? C'est la question fondamentale qui est posée.

Qu'est-ce que le voile aujourd'hui ? Je citerai trois personnes. En 1989, le cheikh Haddam, recteur de la grande mosquée de Paris, répondait ainsi à la presse lors de « l'affaire des foulards » du collège de Creil : « Le Coran est clair : il recommande à la femme musulmane de se couvrir pour éviter toute forme de séduction. »

En juin 2016, sur une radio périphérique, Gérald Darmanin indiquait : « Je pense que les femmes qui portent [… ] des vêtements très amples qui laissent juste le visage, ce n'est plus tout à fait acceptable dans la République. »

Le 13 avril 2016, dans une interview à Libération, Manuel Valls, qui a siégé dans vos rangs, mes chers collègues de la majorité, et qui a été un grand Premier ministre républicain – je le dis à Francis Chouat – tenait les propos suivants : « [… ] ce voile identitaire, politique, revendiqué comme tel, en cachant la femme, vise à la nier. Comment ignorer que les femmes subissent dans les quartiers populaires une pression culturelle faite de sexisme et de machisme ? »

Enfin, je reviens à l'université avec une dernière citation. À ce propos, je rappelle que, sur le fond et d'un point de vue juridique, notre amendement a pour objet un service public et a donc été déclaré recevable par la séance. Je le dis au président Lagarde : je suis favorable à ce que les usagers du service public soient astreints, comme les agents, à la neutralité, non pas dans l'espace public, mais dans les services publics. Nous défendrons des amendements en ce sens. Ce serait une évolution.

Enfin, disais-je, en 2013, de même que vous nous faisiez part de votre propre malaise devant vos étudiants, monsieur Euzet, la mission laïcité du Haut Conseil à l'intégration s'inquiétait du fait qu'à l'université « un nombre croissant d'enseignants éprouve devant des étudiants arborant ostensiblement des signes d'appartenance religieuse qui apparaissent comme autant de symptômes de la montée de revendications identitaires et communautaristes, de fermeture, voire d'ostracisme, de refus de certains savoirs ». Tel est bien le problème, ne le niez pas.

Vous évoquez la liberté, mais nous sommes tous attachés à la liberté ! J'en appelle, pour ma part, à la liberté de ceux qui ne portent pas le voile à l'université. Eux aussi sont choqués de se voir imposer une appartenance religieuse. Et je précise que je ne vise pas qu'un seul signe religieux, mais, naturellement, tous les signes religieux.

Mes chers collègues, en conscience, et il ne s'agit pas d'une question juridique : existe-t-il encore beaucoup d'étudiants juifs qui peuvent porter la kippa dans les amphithéâtres de certaines universités ? Non. Ils ont été évincés du port de ce signe religieux, par la peur, par la force, et par la pression du prosélytisme.

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