Intervention de François Cormier-Bouligeon

Séance en hémicycle du mercredi 3 février 2021 à 21h15
Respect des principes de la république — Après l'article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cormier-Bouligeon :

Que nous a-t-on opposé jusqu'à présent ? Des inexactitudes juridiques, un voyage en Absurdie et des arguments d'opportunité politique.

On nous a dit, d'abord, que les collaborateurs occasionnels du service public n'existaient pas en droit. Pourtant, mes chers collègues, ils y existent bel et bien : on les retrouve dans le code de l'environnement, dans le code de la santé publique, dans le code de la sécurité intérieure, dans le code de procédure pénale, ou encore dans le code de la sécurité sociale. Oui, les collaborateurs occasionnels du service public existent en droit. Dans son étude de 2013 souvent citée, mais généralement citée improprement, le Conseil d'État se bornait à constater – comme il se doit dans une étude – que les collaborateurs n'étaient pas une catégorie classique du droit du service public, à la différence des agents, des usagers ou des tiers. Il n'a rien dit d'autre. De nombreux commentateurs estiment même que le Conseil d'État invitait le législateur à clarifier ce point. Le moment est venu, chers collègues ; nous sommes législateurs, légiférons !

On nous a dit, ensuite, que les collaborateurs occasionnels n'exerçaient pas une mission de service public – argument aussi inexact qu'absurde. Si les collaborateurs occasionnels du service public n'exerçaient pas une mission de service public, ils ne seraient pas considérés comme tels par le juge administratif – c'est même ce qui conditionne leur reconnaissance, et c'est cette condition sine qua non qui leur assure une protection similaire à celle des agents en cas d'accident dans l'exercice d'une telle mission ! La jurisprudence est constante en la matière depuis l'arrêt Commune de Saint-Priest-la-Plaine rendu par le Conseil d'État le 22 novembre 1946.

On nous a dit, encore, que les collaborateurs occasionnels ne pouvaient pas être soumis aux mêmes règles que les agents du service public. Rafraîchissons-nous la mémoire : nous avons déjà soumis certains de ces collaborateurs, dans la loi, à des obligations déontologiques spécifiques, allant jusqu'aux principes de réserve, de discrétion et de secret professionnel – je pense aux jurés d'assises, aux réservistes volontaires ou encore aux collaborateurs occasionnels de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, entre autres exemples.

J'ajoute qu'alors que nous réclamions en commission spéciale, outre la neutralité, l'application des mêmes dispositifs de protection pour les collaborateurs occasionnels que pour les agents, le ministre de l'intérieur et la rapporteure nous ont dit que les collaborateurs occasionnels étaient compris dans le dispositif. Précieux aveu : oui, les collaborateurs occasionnels existent, oui, on peut leur appliquer les mêmes règles en matière de protection fonctionnelle. Alors pourquoi ne pas leur appliquer la neutralité ? Car faute de le faire, ils seraient désormais les seuls, je dis bien les seuls, à ne pas appliquer la neutralité. Même droits et mêmes devoirs : c'est la seule logique juridique qui tienne la route. Non, rien en droit ne s'oppose à cette ultime extension de la neutralité qui permettrait à l'ensemble de la sphère du service public d'être désormais couverte par l'obligation de neutralité.

Alors si des oppositions subsistent – et il en subsiste – elles sont d'une autre nature – de nature politique. Après tout, c'est noble. J'écarte d'emblée l'argument du « pas de vagues » et celui du « ne mettons pas le feu aux poudres » bien trop faciles à court terme, mais bien trop dangereux et coûteux sur le temps long. J'entends, en revanche, l'argument de la paix civile qui nous est chère à tous. Cette crainte existait déjà en 2004, après les conclusions de la commission Stasi. Et pourtant, le législateur a pris ses responsabilités et voté l'interdiction du port de signes religieux ostensibles dans les établissements scolaires pour les élèves, qui ne sont pourtant pas des agents, mais des usagers. Avons-nous assisté à un embrasement dans les écoles, les collèges et les lycées de France ? Non, c'est le contraire qui s'est produit. En clarifiant ce qui est autorisé et ce qui est interdit, en posant un cadre clair et compris de tous, la loi de 2004 a apaisé les esprits. Voilà l'exemple à suivre pour nous qui légiférons en 2021.

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