Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 3 février 2021 à 21h15
Respect des principes de la république — Après l'article 1er

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Vous évoquez ainsi, monsieur Cormier-Bouligeon, le cas des jurys d'assises et des réservistes, qui seraient des collaborateurs occasionnels du service public dont on exigerait la neutralité. Pardon, mais les jurés d'assises ont droit à une indemnité de compensation pour leur participation au service public. C'est encore plus vrai des réservistes, qui ont même un contrat.

Excusez-moi, madame la rapporteure, mais la neutralité à laquelle les assesseurs des bureaux de vote sont tenus n'a aucun caractère religieux : il s'agit de garantir la neutralité du vote ! Je n'ai certes jamais été magistrat, et je ne suis absolument pas un expert du droit, mais il se trouve que j'ai tenu beaucoup de bureaux de vote depuis que je suis militant et la première chose qu'on apprend dans cette fonction c'est qu'on doit assurer cette neutralité, qu'on soit assesseur ou fonctionnaire. Les policiers n'ont pas le droit de porter leur arme dans un bureau de vote pour ne pas risquer d'influencer le vote et les affiches qui auraient pu se trouver à proximité, dans le préau de l'école où les opérations de vote se déroulent, par exemple, doivent être retirées. Même le maire n'a pas le droit d'y évoquer des sujets municipaux. Mais il s'agit d'une neutralité politique, celle d'un lieu qui est sacralisé par la République le jour du vote : cela n'a rien à voir avec les collaborateurs occasionnels. En forçant trop l'argument, on en arrive à des démonstrations franchement absurdes qui desservent l'objectif qu'on prétend servir.

Franchement je ne vois pas très bien comment on peut adopter un autre point de vue que celui que nous avons défendu, qui est argumenté et qui traduit, me semble-t-il, une conception différente de la laïcité. Ne laissez pas croire que ce n'est qu'une question juridique, comme si certains collaborateurs occasionnels du service public n'étaient pas déjà soumis au respect de cette neutralité. Je trouve vraiment étonnant qu'on ait encore ce genre de discussions après des heures de débat, en commission et ici.

Votre proposition, monsieur Chouat, est d'une autre nature, le président de la commission a eu raison de le rappeler. Je respecte tout à fait vos convictions et je les partage même, vous le savez bien, mais d'autres avant vous, avant nous – pardonnez-moi cet accès d'humilité – ont eu cette idée, car votre amendement, ce n'est rien d'autre que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, sauf que celle-ci est écrite en des termes mieux choisis. La Déclaration des droits prévoit déjà la liberté de conscience absolue ainsi que sa protection et la liberté d'expression même religieuse.

Elle précise notamment que la liberté, c'est tout ce qui permet de vivre sans embêter les autres. C'est même rappelé, ça a été dit hier par un député communiste, par le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie du bloc de constitutionnalité, ainsi que par l'article 1er de la Constitution de 1958, voulue par le général de Gaulle, et par les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui sont également partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité.

Que l'exposé des motifs ne plane pas à ces hauteurs, soit : ce n'est pas La Chartreuse de Parme…

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