On touche au fond de l'affaire : l'inscription au FIJAIT peut intervenir à différentes étapes de la procédure, mais, en l'occurrence, elle interviendrait dès le stade de la mise en examen, alors que la présomption d'innocence continue de s'appliquer. Or, les personnes inscrites à ce fichier sont soumises à des contraintes comparables à certaines mesures de sûreté, comme l'obligation de déclarer un changement d'adresse, c'est-à-dire à des mesures susceptibles d'être prises dans le cadre d'un contrôle judiciaire, lequel offre davantage de garanties.
Or je crois fondamentalement que ce sont les garanties démocratiques et procédurales offertes par notre système de droit – la présomption d'innocence et le fait que ce soit le magistrat qui se prononce a priori sur l'inscription dans le FIJAIT plutôt que de s'y opposer a posteriori – qui font de notre pays une République s'opposant en tout point au projet politique de certains séparatistes ou terroristes qui voudraient que nous reniions ces acquis. Au fond, nous nous honorons de vivre dans un État de droit et de ne pas ficher des individus au simple motif qu'ils sont poursuivis pour apologie du terrorisme : y renoncer, ce serait en quelque sorte donner le point à nos adversaires.
Je le dis solennellement, notamment à notre collègue rapporteure, puisque je sais qu'elle maîtrise le sujet : l'effet cliquet que nous dénonçons continue de s'appliquer, puisque le FIJAIT a été créé par la loi du 7 juillet 2015 et que tous les textes adoptés depuis permettent à l'exécutif de gagner du terrain sur la question du fichage. Car oui, monsieur le garde des sceaux, nous assistons à une extension problématique d'une multitude de fichiers en France. Si vous ne voulez pas le reconnaître, tant pis : si vous nous donnez le point en admettant que nous sommes les seuls à défendre ce point de vue et à lutter contre cette tendance, nous le prenons.