Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du lundi 8 février 2021 à 16h00
Respect des principes de la république — Article 8

Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur :

Il ne me semblait pas nécessaire de compléter les arguments du rapporteur sur la liberté d'association puisque nous avons eu ce débat en commission, mais je vais le faire bien volontiers.

Tout d'abord, je dirai à MM. Brindeau et de Courson qu'ils se trompent : d'une part, l'information des dirigeants est facile à démontrer ; d'autre part, comme le sous-entendait le rapporteur, il s'agit d'une disposition anti-naïveté.

Prenons l'exemple de BarakaCity dont j'ai proposé la dissolution, nombre d'entre nous s'accordant à dire que cela aurait dû être fait depuis longtemps – je regarde M. Chouat. Je ne vais pas vous faire la lecture exhaustive du décret que j'ai proposé en conseil des ministres, mais il est long et fait état de certaines collusions que vous ne pouvez que condamner.

Cette association avait un dirigeant connu et reconnu, très présent dans les médias et très suivi sur les réseaux sociaux. Sur son compte Twitter, il continue d'ailleurs à revendiquer la qualité – parmi d'autres – de fondateur de @barakacity et à attaquer la République française – je ne vais pas m'étendre davantage pour ne pas lui faire de la publicité.

De la même manière, l'ancien porte-parole du collectif contre l'islamophobie en France – CCIF – continuait à faire état de cette qualité après avoir été remplacé par des dirigeants qui n'avaient pas son aura. Quand il parlait, on savait qu'il représentait le CCIF, et l'association relayait d'ailleurs souvent ses propos.

Un simple membre d'association peut rester très influent après avoir été son fondateur, son président ou son porte-parole, et continuer à être son vecteur de communication. Il ne faut pas être naïf face à ce genre de stratégie dans le cas présent mais aussi en ce qui concerne les dispositions visant à combattre la haine en ligne, dont vous aurez à débattre prochainement.

Dans vos circonscriptions, vous connaissez sans doute une association dont l'histoire a été marquée par tel président, tel trésorier, tel secrétaire ou tel porte-parole. Après avoir quitté ses fonctions, cette personne peut parler de l'association dans la presse locale ou lorsqu'elle vous rencontre. Vous savez bien qu'elle se confond alors un peu avec l'histoire de l'association.

Ne soyons pas naïfs et adaptons-nous à l'ère réseaux sociaux. Comme l'a justement souligné le rapporteur, la procédure est contradictoire. Lorsqu'il propose une dissolution, le ministère de l'intérieur avance des arguments qui peuvent être contestés par l'association durant un délai qui se situe entre dix et quatorze jours en cas d'infractions liées au terrorisme. Et il m'est arrivé de dire à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques – DLPAJ – que les arguments de l'association m'avaient convaincu et que les motifs d'une dissolution ne me paraissaient pas suffisamment étayés. Pourtant, les fonctionnaires de la DLPAJ agissent en leur âme et conscience et s'assurent de la conformité au droit des mesures qui vont passer devant le conseil des ministres et le Conseil d'État.

L'argumentation de l'association peut aussi être démontée. On peut montrer que l'actuel dirigeant de BarakaCity est très informé des agissements de son prédécesseur puisque l'association s'en réclame même sur son compte. Il faudrait donc faire preuve d'une grande naïveté pour ne pas donner au ministère de l'intérieur les moyens pour combattre de telles associations totalement subversives face à la République.

Au lieu d'y voir malice, considérons cette disposition comme une arme puissante contre ceux qui utilisent les méandres du droit et parfois notre naïveté pour s'insinuer et continuer à tenir des discours de haine. Le fait de ne pas apparaître comme dirigeant peut être une manoeuvre destinée à permettre à un membre influent de s'insinuer dans le débat contre la République.

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