La séance est ouverte.
La séance est ouverte à seize heures.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République (nos 3649 rectifié, 3797).
Vendredi soir, l'Assemblée a poursuivi la discussion des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement no 1576 à l'article 8.
La parole est à M. Alexis Corbière, pour soutenir l'amendement no 1576 .
Il s'agit de supprimer l'alinéa 8 de cet article – dont nous avons déjà demandé la suppression générale – en raison notamment des mots « contribuent par leurs agissements ». La notion de provocation est déjà comprise dans l'article. « Contribuent par leurs agissements », qu'est-ce d'autre qu'une provocation ? Pourquoi ce propos, qui nous semble vague et laisse donc la porte ouverte à des interprétations subjectives ?
La parole est à M. Éric Poulliat, rapporteur de la commission spéciale pour le chapitre II du titre Ier, pour donner l'avis de la commission.
Cet alinéa a pour but de préciser le sixième motif de dissolution, selon lequel sont dissous les associations et groupements de fait qui provoquent à la discrimination, à la haine ou à la violence. L'article 8 précise que sont également concernés les associations et groupements de fait qui « contribuent par leurs agissements » à la discrimination, à la haine ou à la violence. Cette précision paraît tout à fait utile : elle permet de clarifier, de rendre plus effectif ce motif de dissolution. Quant à la clarté de cette disposition, elle me paraît amplement suffisante ; on voit bien à quoi elle fait référence, elle vise des associations qui encourageraient par des discours haineux à des comportements discriminatoires ou haineux. Quoi qu'il en soit, je n'ai aucun doute sur le fait que le juge administratif saura s'en saisir avec clairvoyance. Avis défavorable.
La parole est à M. le ministre de l'intérieur, pour donner l'avis du Gouvernement.
Je souscris à cet amendement. Nous examinons un article qui vise à élargir la capacité de dissoudre des associations et dont nombre des dispositions peuvent représenter une grave atteinte à la liberté d'expression politique. J'entends bien que l'on fait confiance au juge mais l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure a déjà largement permis, dans l'histoire plus ou moins récente, de dissoudre les associations ou groupuscules considérés comme dangereux ou incitant à la haine ou portant atteinte à la forme républicaine du Gouvernement. Ce dispositif a été utilisé à plusieurs reprises, ces quarante dernières années, comme pour la dissolution de divers mouvements néonazis ou néofascistes, ou encore d'extrême gauche après Mai 68, par exemple.
Les modifications rédactionnelles apportées, comme l'a bien montré notre collègue Corbière, élargissent le spectre, que ce soit au présent alinéa ou à l'alinéa 6, qui prévoit que seront dissous les associations ou groupements de fait « dont l'objet ou l'action tend à porter atteinte à l'intégrité du territoire national [… ] ». Une telle disposition est sujette à de nombreuses interprétations où va certainement se nicher l'arbitraire ; c'est trop de largesse prise avec l'expression politique et les libertés publiques, alors que l'article L. 212-1 du code de la sécurité publique a été, je le répète, utilisé avec efficacité à de nombreuses reprises. On ne peut donc que s'inquiéter de ces modifications.
L'amendement no 1576 n'est pas adopté.
Le présent amendement vise à revenir sur la discussion que nous avons commencée la semaine dernière. Même si vous peaufinez, actualisez le droit, la seule modification substantielle étant que les associations peuvent être désormais responsables des agissements de leurs membres, vous modifiez en particulier le 6o de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, avec des approximations et des qualifications insuffisantes en droit qui peuvent conduire à de l'arbitraire, à une grave menace pour les libertés. Comme l'article 8 du projet de loi présente une grave atteinte aux libertés, il faut rester mesuré.
Dans ce que vous souhaitez mettre en place, vous faites apparaître la question de l'identité de genre. Nous en avons déjà parlé en commission : cette qualification n'est absolument pas fondée en droit. Elle n'existe pas. Vous le savez, monsieur le ministre : quand vous étiez député, vous avez cosigné une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur l'introduction et la diffusion de la théorie du gender en France. Or on peut regretter que vous l'introduisiez aujourd'hui, même si vous considérez que c'est, la ministre déléguée chargée de la citoyenneté l'a déjà dit, une disposition miroir du code pénal dans le code de la sécurité intérieure.
Le Conseil d'État l'a souligné, vous ne précisez pas qui est visé, ce que vous entendez par cette identité de genre. Il faudrait donc que nous en sachions un peu plus.
Il serait important, monsieur le ministre, que vous précisiez ce que sont les identités de genre. On s'en est rendu compte lors de débats sur plusieurs textes en 2020, vos collègues ministres se trouvent embarrassés. Je me souviens de la discussion sur le projet de loi relatif à la bioéthique, avec le ministre des solidarités et de la santé, le garde des sceaux… Cette notion leur échappait complètement parce qu'elle n'est en fait pas juridique. C'est peut-être une notion sociologique, universitaire, mais, j'y insiste, elle n'a rien de juridique. Il est important que le droit soit intelligible et qu'à cette fin vous nous donniez une définition des identités de genre qui nous permette de nous y retrouver. Sinon, il faudrait voter nos amendements de suppression.
Les amendements identiques nos 503 de M. Patrick Hetzel, 589 de Mme Emmanuelle Ménard, 665 de M. Marc Le Fur et 1197 de M. Ludovic Pajot sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
Les violences visant l'identité de genre sont clairement un concept juridique. En effet, la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté modifie les articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse qui, désormais, punissent expressément la diffamation ou l'injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur identité de genre.
Dans une décision de janvier 2020, la Cour de cassation s'est prononcée sur des propos injurieux visant des personnes transgenres sur le fondement de l'article 33 de la loi de 1881. L'article L. 212-1 du code de sécurité intérieure que vous citez énumère les provocations à discrimination pouvant donner lieu à une dissolution. Dès lors, il convient de compléter cette liste pour qu'elle soit la plus exhaustive possible, aussi les discriminations et violences portant sur l'identité de genre y ont-elles toute leur place. Avis défavorable.
Vous ne pouvez pas vous contenter de pirouettes en disant que cette notion est dans le droit, ce qui vous dispenserait de la définir. Le problème est de savoir de quoi l'on parle. Si je vous demande, monsieur le ministre, combien il y a d'identités de genre, me direz-vous deux, trois, quatre, cinq… ? On sait que c'est beaucoup plus compliqué : vous avez ceux qui ont une identité de genre, ceux qui sont « bigenres », les « polygenres », les « agenres » qui n'ont aucun genre, les « neutres » avec un genre neutre, les genres fluides dont le genre fluctue dans le temps en fonction des circonstances… Tout cela, c'est de la poésie mais ce n'est pas du droit. Or vous avez, derrière, une théorie, la théorie du genre, qui cherche à s'imposer.
Une poignée de militants cherchent à l'imposer. Je ne suis peut-être pas le mieux placé pour en parler, parce que je suis un homme, blanc, hétéro, et je pourrais ajouter bien d'autres défauts… On l'a entendu, l'autre jour avec notre collègue. Mais je prends la parole pour le dire car vous suivez, comme des ministres fantoches, ce qui est énoncé par certaines associations sans savoir à quoi cela correspond. L'identité de genre vise à remettre en cause l'organisation de la société. Il faut que le débat soit clair.
J'avais proposé en 2012, avec Mme Duby-Muller, la création d'une commission d'enquête sur l'introduction et la diffusion de la théorie du gender en France. À l'époque, vous qui êtes friand de références au mandat de 2007 à 2012, monsieur le ministre, vous aviez cosigné cette proposition de résolution, et je vous en remercie. On peut changer d'avis mais il faut au moins expliquer pourquoi, et pourquoi vous soutenez aujourd'hui l'introduction, dans le projet de loi, de cette théorie dont nous combattons la diffusion dans notre pays.
Monsieur le rapporteur, vous avez dit exactement la même chose en commission, …
… les arguments n'ont donc pas changé. Et M. le ministre ne veut pas nous donner plus d'explications. Or il est ici question de liberté. Vous introduisez dans le texte des concepts qui n'ont pas d'existence juridique. Vous parlez des discriminations par rapport au sexe mais ajoutez en même temps l'identité de genre. L'identité de genre, vous le savez, est un concept évolutif mais qui n'a pas pour autant de base légale. Un certain nombre de Français aimeraient donc des explications sur ce que vous entendez par-là. Puisque vous voulez l'introduire dans le code de la sécurité intérieure, donc dans le droit positif, c'est sans doute que vous avez une idée précise de ce que c'est ; dans ce cas, donnez-nous en la définition, du moins la vôtre.
Des collègues ont averti la semaine dernière que ces dispositions menaceraient l'existence d'associations. Comme c'est un concept qui n'existe pas, il se peut en effet que des gens ne soient pas favorables à la théorie du genre. Des associations qui contesteraient l'existence même de la théorie du genre seront-elles demain menacées de dissolution ?
La parole est à Mme Laetitia Avia, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre IV du titre Ier.
Ne tournons pas autour du pot : vous ne reconnaissez pas et vous n'acceptez pas l'existence de l'identité de genre.
… puisqu'il apparaît à la fois dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et à plusieurs reprises dans le code pénal. Il vous suffit de prendre votre smartphone, d'aller sur la page du code pénal et de taper « identité de genre » dans la partie recherche pour constater que ce concept est pleinement reconnu comme facteur de discrimination.
Que vous refusiez d'accepter que certaines personnes aient une identité de genre différente de leur sexe biologique, grand bien vous fasse. Mais, de grâce, ne leur niez pas la possibilité de contester les discriminations dont elles font l'objet, ce qui leur infligerait une double violence.
Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. M'jid El Guerrab applaudit également.
Chère collègue, vous dites qu'il ne faut pas discriminer ces personnes et nier les identités de genre, mais qu'est-ce que l'identité de genre concrètement ?
Voulez-vous que je lise la page Facebook qui présente les cinquante-deux genres possibles ?
Prenons l'amendement no 852 de votre collègue Mme Vanceunebrock, que nous allons examiner dans un instant et qui vise à faire respecter l'identité de genre « telle que revendiquée » par la personne.
L'exposé sommaire de cet amendement commence ainsi : « Intégrer la notion d'identité de genre dans ce texte est une avancée majeure qu'il faut souligner. » Évidemment ! Les militants de la théorie du genre sont à fond pour. Je poursuis : « Pour autant, cette expression connaît encore des interprétations diverses… » – autant dire que le texte n'est pas suffisant à leurs yeux et que vous allez vous faire taper sur les doigts ! – « … et il est utile de préciser ce qu'elle recouvre. Autrement, certains la relient au sexe, … » – oh là là, ça, c'est grave ! – « … qui est pourtant une notion bien distincte. »
Ce texte signifie, en somme, que les identités de genre sont définies par les personnes elles-mêmes, idée que vous suivez, ici, sans être capables vous-mêmes de préciser ce qu'est l'identité de genre ; vous vous contentez de dire qu'être contre, ce n'est pas bien car ce n'est pas à la mode.
Ayez le courage de reconnaître les réalités objectives sur lesquelles nous pourrions nous accorder : les réalités corporelles. Les appréciations psychologiques de ces réalités peuvent certes différer, mais elles ne relèvent pas du droit. Autrement, on ne s'en sort pas !
Je le répète, au lieu de nous accuser de faire des discriminations, dites-nous exactement ce qu'est l'identité de genre. Mais, en vérité, vous en êtes bien incapables !
Vous ne nous répondez pas. Vous vous bornez à reprendre une définition que vous avez décidé d'adopter et vous nous méprisez au motif que nous ne serions pas suffisamment informés ou doués pour trouver des informations sur les réseaux sociaux, …
… mais nous n'avons que faire des réseaux sociaux. Nous sommes dans l'hémicycle de l'Assemblée, nous sommes législateurs et nous faisons le droit.
Un historien canadien de la culture et de la politique a fait d'importantes recherches sur les gender studies – les études de genre. Savez-vous ce qu'il a reconnu récemment ? Qu'il avait falsifié les conclusions de ses travaux sur l'identité de genre.
Admettons que nous soyons en désaccord sur ce concept, reste qu'il recouvre des enjeux importants puisqu'il grave dans le marbre une identité. C'est la raison pour laquelle il me paraît indispensable que nous nous interrogions sur ce qu'est précisément l'identité de genre, afin que nous sachions de quoi nous parlons, au lieu d'obéir aux lobbies politiques qui n'ont qu'un seul objectif : la déconstruction.
Protestations sur les bancs du groupe LaREM.
Il s'agit d'un amendement de notre collègue Laurence Vanceunebrock. Intégrer la notion d'identité de genre dans le projet de loi est une avancée majeure qu'il faut souligner, bien que certains ne partagent pas cet avis. Nous tenons donc à remercier M. le ministre de l'intérieur et Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté pour la position qu'ils ont défendue pendant les travaux de la commission spéciale. Désormais, en effet, l'identité de genre ne peut plus être considérée comme une question marginale. Les discriminations liées à l'identité de genre doivent cesser, au même titre que celles liées à l'orientation sexuelle, à l'origine ou à la religion.
L'expression « identité de genre » connaît encore des interprétations diverses et il est utile de préciser ce qu'elle recouvre, certaines personnes continuant de confondre le genre et le sexe, deux notions pourtant bien distinctes.
Il est nécessaire de respecter l'identité de genre telle que la personne la revendique, indépendamment de son sexe. On ne peut imposer un genre à quiconque. Cet amendement propose donc d'apporter une précision au texte pour s'assurer du respect de l'objectif fixé par le Gouvernement, en indiquant que c'est l'identité de genre revendiquée par les personnes concernées qui doit être respectée.
M. Jean-Jacques Bridey applaudit.
Cette précision ne me semble pas nécessaire : il semble peu probable que l'on puisse discriminer une personne pour une identité de genre à laquelle elle ne s'identifie pas. Avis défavorable.
Malheureusement, certaines personnes s'identifient à un genre, mais on continue de les caractériser par leur sexe. Il me semble important de le rappeler.
L'amendement no 852 n'est pas adopté.
L'amendement no 1797 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 2030 .
Le groupe Agir ensemble propose de réintroduire dans le texte la notion d'atteinte à la dignité de la personne humaine, qui figurait dans l'avant-projet de loi parmi les causes de dissolution administrative d'une association ou d'un groupement de fait, mais dont le Conseil d'État a demandé le retrait.
Je veux rappeler trois points. Tout d'abord, le respect de la dignité humaine est une composante de l'ordre public depuis le fameux arrêt Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d'Aix-en-Provence, rendu le 27 octobre 1995 par le Conseil d'État. Ensuite, l'article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales proscrit les traitements inhumains ou dégradants. Enfin, la sauvegarde de la dignité de la personne humaine a été élevée au rang de principe à valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 27 juillet 1994.
La jurisprudence nationale et européenne est donc claire et définit précisément la notion de dignité humaine. Dissoudre une association au motif d'une atteinte à la dignité humaine ne comporte en rien un risque de méconnaissance de la liberté d'association. Nous souhaitons donc que la notion d'atteinte à la dignité de la personne humaine soit ajoutée à l'article 8.
Je comprends les raisons pour lesquelles vous souhaitez ajouter l'atteinte à la dignité humaine parmi les motifs de dissolution d'une association, mais le Conseil d'État a rappelé, dans son avis sur le texte, que la sauvegarde de la dignité de la personne humaine revêt de multiples dimensions et peut faire l'objet de nombreuses interprétations. Alors que tous les motifs énumérés relèvent de l'ordre public matériel, la dignité humaine relève de l'ordre public immatériel. Or celui-ci, s'il est reconnu par le droit et par la jurisprudence du Conseil d'État, que vous avez rappelée, soulève souvent de délicates questions d'interprétation.
Dès lors, il paraît dangereux de faire reposer une mesure aussi stricte et définitive qu'une dissolution d'association sur un motif pouvant faire l'objet de débats et d'interprétations diverses. Vous noterez, à cet égard, que l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure veille à ne faire référence qu'à des situations facilement objectivables, non sujettes à interprétation. Avis défavorable.
Nous nous sommes posé la même question que vous, monsieur Bournazel, puisque la première version du projet de loi, transmise au Conseil d'État, contenait la notion d'atteinte à la dignité de la personne humaine. Anticipant une censure du Conseil constitutionnel, le Conseil d'État a soustrait cette notion des motifs de dissolution d'une association. La notion d'atteinte à la dignité de la personne humaine fait en réalité, vous le savez, l'objet d'une controverse entre juristes, notamment sur la question de savoir si l'arrêt Morsang-sur-Orge doit aujourd'hui primer.
Le Gouvernement a décidé de suivre l'avis du Conseil d'État, ce qui explique notre avis défavorable sur l'amendement. Nous partageons évidemment votre objectif, mais nous ne voulons pas fragiliser un dispositif très important pour la République, avant son examen par le Conseil constitutionnel.
Je vous invite donc à retirer votre amendement puisque, s'il était adopté, il risquerait de fragiliser l'édifice que nous avons bâti et qui va déjà loin en matière de liberté d'association – cela a été souligné, je le sais, dans la séance de vendredi soir avec Mme la ministre déléguée – , la liberté d'association étant, selon le Conseil constitutionnel, un principe fondamental reconnu par les lois de la République.
Pour résumer, nous comprenons votre intention, puisque nous avions la même, mais nous avons décidé de faire confiance au Conseil d'État et d'entendre son conseil au Gouvernement en vue d'éviter la censure du Conseil constitutionnel.
Cet amendement ayant été déposé à l'initiative de notre collègue Christophe Euzet, je le maintiens. Je ne me sens en effet pas autorisé à le retirer. J'entends toutefois les explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, auxquelles nous sommes sensibles et que nous lui transmettrons.
L'amendement no 2030 n'est pas adopté.
Il a été déposé à l'initiative de nos collègues Guillaume Larrivé et Constance Le Grip et vise à appliquer la mesure de dissolution, d'une part, aux associations dont l'objet ou l'action porte atteinte aux exigences minimales de la vie en commun dans une société démocratique – on peut facilement imaginer quelles sont ces exigences minimales – et, d'autre part, aux associations qui exercent des pressions psychologiques ou physiques sur des personnes dans un but contraire au respect des principes de la République.
La parole est à M. Francis Chouat, pour soutenir l'amendement no 2401 .
J'ai déposé cet amendement avec Marie Guévenoux et plusieurs autres collègues. Nous le retirons au profit de l'amendement no 2402 , qui est défendu : il ne paraît pas nécessaire de reprendre la discussion que nous avons eue lors de l'examen de l'article 6. En effet, il est logique, en matière de dissolution d'associations, de considérer comme délictuel le fait de porter atteinte aux symboles de la République.
L'amendement no 2401 est retiré.
L'amendement no 2402 de Mme Marie Guévenoux vient d'être défendu.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements ?
En réponse à Francis Chouat, je soulignerai qu'un objet ou une action tendant à porter atteinte aux exigences minimales de la vie en commun, motif que nous avons adopté pour justifier le retrait d'une subvention à une association, me paraît disproportionné pour décider de sa dissolution prévue à l'article 8. Cette notion est proche de celle d'exigences minimales de la vie en société, utilisée par le Conseil constitutionnel dans une décision d'octobre 2010. Si ce concept doit pouvoir justifier un retrait de subvention, il semble délicat, j'y insiste, de prononcer une dissolution à ce titre : ce concept est en cours de définition par la jurisprudence, la différence de gravité entre un retrait de subvention et une dissolution incitant à la mesure dans son usage. Avis défavorable.
Permettez-moi, monsieur le rapporteur, de revenir un instant sur l'amendement précédent pour souligner qu'il permettait justement de préciser la notion d'exigences minimales de la vie en société. En le rejetant, vous vous privez d'une possibilité de dissoudre des associations dont les idées et les pressions seraient contraires au respect des principes de la République.
J'en viens à l'amendement no 312 . Nous nous félicitons de la création d'une charte de la laïcité et de la nécessité pour toute association de la signer pour solliciter une subvention publique, tout comme nous nous félicitons du remboursement des subventions perçues en cas de non-respect des engagements républicains. Nous estimons cependant qu'il faut aller au-delà et prévoir la dissolution de toute association qui ne tient pas ses engagements. En effet, le non-respect des engagements républicains n'est pas acceptable et doit conduire à la dissolution de l'association.
L'amendement no 1772 de M. Jean-Christophe Lagarde est défendu.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements identiques ?
Je suis évidemment ravi que vous trouviez des vertus au contrat d'engagement républicain, mais il ne peut pas constituer un motif de dissolution d'une association puisqu'il est avant tout destiné à s'assurer que l'argent public n'est pas utilisé à des fins séparatistes. Le non-respect de ces principes ne justifie pas une dissolution ; une telle mesure me paraîtrait vraiment disproportionnée.
Ce qui unit le contrat d'engagement républicain et la dissolution, c'est leur appartenance à un continuum de sanctions : on peut, dans un premier temps, retirer des subventions à une association qui ne respecte pas le contrat d'engagement républicain ; mais si celle-ci se rend coupable de troubles avérés à l'ordre public au sens des conditions énumérées dans l'article 8, il est ensuite possible d'aller plus loin en prononçant sa dissolution. Reste, j'y insiste, qu'un manquement au contrat d'engagement républicain n'est pas un motif de dissolution. Avis défavorable.
Le présent amendement vise à interdire aux dirigeants d'une association qui a été dissoute en vertu de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, de fonder, de diriger ou d'administrer une association pendant trois ans à compter de la date à laquelle a été prononcée la dissolution définitive. Il semble important qu'une personne dont l'association a été dissoute conformément aux dispositions que nous avons votées soit dans l'impossibilité d'en refonder une dès le lendemain et de reprendre ses activités ; le cas échéant, le délai de trois ans évitera d'avoir à lancer une nouvelle procédure de dissolution.
L'amendement no 2533 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1198 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Au début de l'examen du présent article, nous avons abordé l'alinéa 13 sans toutefois, bien sûr, entrer dans le détail. Cet alinéa prévoit la possibilité d'imputer à une association ou à un groupement de fait les agissements « commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité, ou directement liés à leurs activités ». Le dispositif permet d'envisager la dissolution administrative des entités concernées « dès lors que leurs dirigeants [… ] se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour [… ] faire cesser » de tels agissements.
Cette disposition a suscité un certain émoi, exprimé notamment dans l'avis du Haut Conseil à la vie associative, en raison de l'insécurité juridique qu'elle pourrait faire courir aux dirigeants d'associations. Leur charge est déjà lourde et adopter une telle mesure reviendrait à faire peser sur eux une nouvelle responsabilité. Nous proposons donc la suppression de l'alinéa 13.
Les amendements identiques nos 504 de M. Patrick Hetzel et 667 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Boris Vallaud, pour soutenir l'amendement no 1001 rectifié .
La possibilité de dissoudre une association du fait des agissements de l'un de ses membres et non de ses dirigeants suscite évidemment beaucoup d'inquiétude dans le milieu associatif. Le Haut Conseil à la vie associative l'a dit et la CNCDH – Commission nationale consultative des droits de l'homme – , dans son avis sur le texte, a vu dans ce renversement de la charge de la preuve une disposition excessive. N'oublions pas qu'il s'agit d'une mesure de police administrative qui serait prise avant l'intervention du juge : elle est particulièrement sévère.
Il paraît difficile d'évaluer dans quelle mesure les agissements commis par les membres d'une association le sont « en cette qualité », tout comme il semble peu évident de définir ce que sont des agissements « directement liés aux activités de l'association » – on peut penser par exemple à des débordements survenant lors d'une manifestation. L'insécurité juridique résultant d'une telle rédaction entraîne une grande incertitude quant à l'effectivité du motif de dissolution.
On connaît la lourdeur et l'ampleur des responsabilités relatives à la charge de diriger une association ; or il nous semble qu'avec cette rédaction de l'alinéa 13, vous n'avez pas trouvé le bon équilibre, celui susceptible de garantir le respect plein et entier de la liberté d'association.
Nous voulons nous aussi marquer par cet amendement notre opposition à la création d'une disposition permettant d'imputer à une association des agissements commis par un de ses membres, mais je voudrais en profiter pour revenir sur les atteintes aux libertés associatives que contient le présent article – et plus généralement votre projet de loi – , tant elles me paraissent graves.
L'article 8 vous permettra de rayer d'un trait de plume toutes les associations qui dérangent la politique que vous menez contre l'intérêt général au nom de votre loi chérie du libre marché. Démonter un Mac Do pour dénoncer la malbouffe : dissolution. S'introduire dans un champ d'OGM – organismes génétiquement modifiés – pour dénoncer l'agrobusiness : dissolution. Mener une action anti-pub' : dissolution. Décrocher un portrait du président Macron pour dénoncer l'inaction climatique : hop, dissolution ! D'ailleurs, le syndicat des avocats de France déplore que la dissolution, qui n'était jusqu'alors prononcée qu'en cas d'atteinte très grave à l'ordre public, puisse l'être désormais du fait d'atteintes à des intérêts matériels privés.
Le contrat d'engagement républicain prévu à l'article 6 ouvrait déjà la voie à l'arbitraire en vous permettant de désigner selon votre goût qui est républicain et qui ne l'est pas. Nous nous rappelons par exemple du sort réservé au GENEPI – groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées – , auquel vous avez retiré la convention lui permettant d'accéder aux établissements pénitentiaires. Pour justifier la suppression de sa subvention et la restriction de son accès aux prisons, le ministère de la justice avait alors déclaré : « Il n'est pas cohérent pour nous de subventionner une association qui s'attaque aux fondements mêmes de notre institution. »
Vous portez une atteinte sans précédent aux libertés associatives. Les associations, que vous n'avez cessé de précariser en supprimant 250 000 emplois aidés, perdent chaque année depuis dix ans 1,7 % de leurs subventions. Elles dénoncent la marchandisation de l'action sociale du fait de la généralisation des appels à projets et de l'importance croissante des financements privés, conformément à votre esprit « start-up nation ».
Je rappelle aux députés du groupe La République en marche qu'il y a quelques mois, un rapport de l'Observatoire des libertés associatives a mis en évidence que les activités d'une centaine d'associations avaient été restreintes, réprimées ou entravées par les pouvoirs publics, et ce dans tous les secteurs – écologie, lutte contre les discriminations, logement, sport, culture. Un tel rapport devrait nous alerter : quel est ce monde que vous nous préparez, dans lequel les associations deviennent des supplétifs du ministère de l'intérieur ?
Finalement, c'est le Haut Conseil à la vie associative qui parle le mieux de votre projet de loi. Il affirme que « les articles concernant les associations proposés dans ce projet de loi sont, pour la plupart, superfétatoires, les pouvoirs publics disposant déjà de tous les leviers juridiques nécessaires au contrôle, à la sanction et à la dissolution. »
Un projet de loi inutile, donc, mais qui a visiblement le mérite de vous être utile, monsieur le ministre de l'intérieur, pour faire la promotion de votre nouveau livre dont la date de sortie ne pouvait être mieux choisie. Est-il vraiment opportun, pour un ministre de l'intérieur probablement très occupé, de publier un livre en pleine pandémie, …
… en profitant des moyens offerts par ses fonctions ? On se dit que venant de vous, plus rien ne nous étonne.
Mme Caroline Fiat applaudit.
En plus de tous les arguments avancés par les uns et les autres, auxquels je me range en présentant à mon tour un amendement de suppression de l'alinéa 13, j'ajouterai que le code pénal contient déjà des dispositions permettant de faire porter à une personne morale et donc à une association la responsabilité pénale des infractions commises soit par ses organes dirigeants, soit par certains de ses représentants.
Comme le souligne le Haut Conseil à la vie associative, en allant au-delà de ce que prévoit le droit et notamment en rendant potentiellement responsable l'ensemble d'une association des propos ou des actes de tel ou tel de ses membres, cet alinéa va beaucoup trop loin et crée une zone de fragilité juridique. Cela a été dit, et j'ajoute qu'il est possible d'imaginer que, par malveillance, quelqu'un devienne membre d'une association pour agir de telle manière à entraîner sa dissolution. La malveillance, ça existe, on ne vit pas dans un monde de Bisounours !
La mesure proposée comporte de nombreuses fragilités sur le plan juridique et son adoption conduirait à exposer les associations au risque de manoeuvres malveillantes. En la matière, les dispositions en vigueur du code pénal nous semblent suffisantes.
L'alinéa 13 fait débat depuis que nous avons commencé l'examen de l'article 8 ; je prendrai donc un peu de temps pour répondre.
La disposition concernée me semble utile et même nécessaire : elle permettra de mettre fin aux agissements d'associations qui rompent avec les nécessités premières de maintien de l'ordre public, mais s'en défendent en expliquant que les prises de parole de leurs membres, même les plus emblématiques, les plus médiatiques, les plus connus, ne les concernent ou ne les engagent pas.
Nous devons traiter ce sujet de manière prioritaire : si la jurisprudence du Conseil d'État permet désormais d'appréhender ces situations, la loi doit prendre acte de la nécessité de légiférer sur ce point, rendu particulièrement sensible par l'usage des réseaux sociaux.
Prenons le cas de l'ancien président d'une association, qui aurait fait une carrière médiatique ou politique et qui ne serait plus que membre de l'association en question. Il pourrait facilement parler en son nom, par exemple sur les réseaux sociaux, et il serait trop facile de considérer que l'association n'est pas engagée par ses propos.
Une telle disposition nécessite toutefois des garde-fous. Je tiens à vous rassurer : elle est entourée de garanties protectrices pour les dirigeants de l'association. Pour que des agissements leur soient imputés, il faut qu'ils en aient été informés et qu'ils n'aient rien fait – donc qu'ils se soient abstenus de prendre les mesures nécessaires – , compte tenu des moyens à leur disposition, pour y mettre un terme.
Les dirigeants sont donc protégés. À l'heure des réseaux sociaux, il me semble important de légiférer sur ce point en introduisant cette disposition utile. Avis défavorable.
J'émettrai également un avis défavorable tout en disant à Mme Panot qu'elle devrait éviter d'utiliser le mot « supplétif » comme une insulte. C'est un beau mot de la langue française.
M. Bruno Millienne applaudit.
La parole est à M. Sacha Houlié, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres II et III du titre II et pour les titres III et IV.
À entendre certains collègues, on a l'impression que ces motifs de dissolution peuvent concerner toutes les associations. Mais si l'on va voir quelle partie du code de la sécurité intérieure se trouverait modifiée, on se rend compte que la section concernée a trait aux groupes de combat et aux milices privées !
Des dissolutions sont prévues pour les associations qui provoquent des « manifestations armées », celles qui prennent la forme d'« organisations militaires », qui portent « atteinte à l'intégrité du territoire national » ou « à la forme républicaine du Gouvernement », celles qui promeuvent la « collaboration avec l'ennemi », celles qui incitent « à la discrimination, à la haine ou à la violence [contre] une ethnie, une nation, une race ou une religion », et enfin celles qui commettent « des actes de terrorisme ».
Excusez-moi, mais je trouve tout à fait normal que l'on puisse prendre un décret en conseil des ministres pour que de telles associations soient dissoutes lorsque leurs membres agissent ainsi ! On devrait même pouvoir renforcer ces dispositions sans que chacun s'en émeuve.
Par ailleurs, madame Panot, vous serez la première à demander la dissolution de Génération identitaire pour ces motifs, le cas échéant ! Vous serez donc la première à bénéficier de telles mesures. Pourquoi donc vous y opposer avant tant de force ?
Mme Mathilde Panot proteste.
Les amendements identiques nos 386 de M. Xavier Breton, 505 de M. Patrick Hetzel et 668 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
Il me semble important de répondre à cette question qui a fait l'objet de nombreux amendements de notre collègue Xavier Breton, car je ne voudrais pas donner l'impression d'éviter un sujet que nous avons d'ailleurs déjà abordé en commission.
L'introduction dans la loi des notions d'« entrisme communautaire » et d'« idéologies séparatistes », très mal définies sur le plan juridique, risque de réduire le champ d'application de la procédure d'imputabilité prévue par l'alinéa 13. J'y suis donc défavorable et cet avis vaut pour l'ensemble des amendements qui mentionnent ces notions.
À l'appui de mon avis défavorable sur ces amendements, je tiens à rappeler tout le travail que nous avons réalisé autour de ce texte et revenir sur l'argument de Sacha Houlié.
Les dissolutions d'associations donnent évidemment lieu à un recours au juge, mais elles passent aussi par le conseil des ministres. Au début de nos travaux, nous avons essayé de trouver un moyen plus simple que cette procédure tout de même lourde.
Pour l'information du Parlement, j'indique que la dissolution ne prend pas seulement quelques instants au ministre de l'intérieur, même lorsque l'association est connue pour être subversive. Je peux vous assurer que les membres du Gouvernement et le Président de la République l'interrogent. Le décret est long – cinq à six pages pour ceux que j'ai présentés – , sérieusement argumenté, et il se réfère à au moins deux éléments du code de la sécurité intérieure. En outre, il est toujours soumis à des recours, notamment au Conseil d'État qui est le juge des délibérations du conseil des ministres.
Dès la rédaction des premières dispositions du projet de loi, le Président de la République a souhaité que la dissolution d'une association soit toujours une mesure prise par décret en conseil des ministres, et non pas à un niveau inférieur comme cela peut se faire en d'autres matières, même si nous devons faciliter la procédure dans des cas comme ceux que vient de citer Sacha Houlié, où la République doit clairement se protéger de tentatives de subversion.
Ce maintien du décret en conseil des ministres est un gage du respect des libertés individuelles et de la liberté d'association. Je tenais à rappeler cet arbitrage rendu par le Président de la République pour l'information du Parlement et de tous ceux qui auront à comprendre l'esprit du législateur. Le passage en conseil des ministres et le recours au Conseil d'État permettent, je le répète, de respecter les principes de la liberté d'association qu'il ne s'agit en aucun cas de méconnaître.
À la suite des propos du rapporteur, je pense qu'il faut revenir à l'esprit originel du texte – la lutte contre les séparatismes – car il faut manier avec précaution et bien cibler ces mesures qui touchent à la liberté d'association. Un élargissement trop important ferait courir un vrai risque concernant les libertés.
Nous pouvons retravailler à la formulation pour qu'elle soit plus juridique. Pour ma part, j'ai repris les expressions « entrisme communautariste » et « idéologie séparatiste » qui figurent dans l'exposé des motifs du projet de loi. Sans un bon ciblage, nous allons voter une mesure générale qui risque d'inquiéter les législateurs que nous sommes et encore plus le Conseil constitutionnel.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 925 .
L'alinéa 13 pose un vrai problème. Il vise à revenir sur la disposition qui prévoit d'imputer à une association – c'est-à-dire à ses dirigeants – les infractions commises par certains de ses membres. Or il apparaît disproportionné que la responsabilité de l'association – et donc de ses dirigeants – soit engagée en cas d'infractions commises par un ou plusieurs membres, y compris de manière isolée.
Si nous comprenons l'intérêt d'une telle disposition, le moyen paraît en revanche excessif. En effet, les moyens à disposition des dirigeants d'association pour identifier les agissements répréhensibles de leurs membres sont souvent limités.
Dans son avis, le Défenseur des droits indique d'ailleurs que « ce dispositif ferait également courir le risque que des associations fassent l'objet de tentatives de déstabilisation de la part de personnes qui, prenant la qualité de membre ou se faisant passer pour tel, agiraient d'une façon qui mettrait l'existence de l'association en difficulté. »
Vous me direz, monsieur le rapporteur général, que vous avez prévu deux verrous…
… pour répondre à cette préoccupation : il faudra démontrer que les dirigeants étaient, d'une part, bien informés desdits agissements répréhensibles, et que, d'autre part, ils se sont abstenus de prendre les mesures nécessaires pour les faire cesser, compte tenu des moyens dont ils disposaient.
Pensez-vous que ces verrous pourront être levés ?
Pour ma part, je préfère proposer une mesure plus simple : les éventuels actes répréhensibles doivent avoir été commis par les dirigeants eux-mêmes et non par des membres qui pourraient avoir agi sciemment pour détruire l'association. Imaginons que quelques personnes aient fait de l'entrisme dans ce but, il leur suffit ensuite d'envoyer une lettre aux dirigeants pour que ceux-ci soient considérés comme informés et inactifs.
Comme le Défenseur des droits, je pense que c'est excessif. Le Conseil constitutionnel risque de censurer cette disposition qui consiste quand même en un transfert de responsabilités des auteurs des agissements répréhensibles vers les dirigeants de l'association. Quant aux verrous, ils vont faire l'objet de débats très délicats. Comment le ministre de l'intérieur va-t-il pouvoir prouver ces deux conditions ? Cela me paraît très difficile.
La dissolution d'une association donne lieu à une procédure contradictoire durant laquelle chacune des parties pourra produire ses arguments, notamment en ce qui concerne l'information des dirigeants.
En revanche, votre proposition laisse une brèche ouverte : l'association pourra enfreindre la loi sans encourir le risque de dissolution si elle agit par le biais d'un de ses membres dès lors qu'il n'en est pas un dirigeant. C'est pourquoi il est important de descendre jusqu'au niveau des membres. Avis défavorable.
Le fait que la procédure soit contradictoire ne m'empêche pas d'abonder dans le sens de notre collègue Charles de Courson.
Premièrement, la mesure soulève une question de principes liés à la liberté fondamentale d'association : le dirigeant d'une association ne peut pas être mis sur un pied d'égalité avec un simple adhérent, notamment du point de vue de la responsabilité juridique.
Deuxièmement, il y a lieu de s'interroger sur le caractère opérationnel de cette disposition. Ledit membre agit-il en son nom ? Agit-il au nom de l'association ? Dans ce cas, a-t-il reçu mandat des dirigeants pour ce faire ? Dans quelle mesure les dirigeants étaient-ils informés ? Quel niveau de réponse au fait établi aurait-on pu exiger d'eux ?
Même si je comprends tout à fait l'objectif poursuivi, je pense que le dispositif envisagé pose problème sur le plan des principes et sur celui de son application.
Il ne me semblait pas nécessaire de compléter les arguments du rapporteur sur la liberté d'association puisque nous avons eu ce débat en commission, mais je vais le faire bien volontiers.
Tout d'abord, je dirai à MM. Brindeau et de Courson qu'ils se trompent : d'une part, l'information des dirigeants est facile à démontrer ; d'autre part, comme le sous-entendait le rapporteur, il s'agit d'une disposition anti-naïveté.
Prenons l'exemple de BarakaCity dont j'ai proposé la dissolution, nombre d'entre nous s'accordant à dire que cela aurait dû être fait depuis longtemps – je regarde M. Chouat. Je ne vais pas vous faire la lecture exhaustive du décret que j'ai proposé en conseil des ministres, mais il est long et fait état de certaines collusions que vous ne pouvez que condamner.
Cette association avait un dirigeant connu et reconnu, très présent dans les médias et très suivi sur les réseaux sociaux. Sur son compte Twitter, il continue d'ailleurs à revendiquer la qualité – parmi d'autres – de fondateur de @barakacity et à attaquer la République française – je ne vais pas m'étendre davantage pour ne pas lui faire de la publicité.
De la même manière, l'ancien porte-parole du collectif contre l'islamophobie en France – CCIF – continuait à faire état de cette qualité après avoir été remplacé par des dirigeants qui n'avaient pas son aura. Quand il parlait, on savait qu'il représentait le CCIF, et l'association relayait d'ailleurs souvent ses propos.
Un simple membre d'association peut rester très influent après avoir été son fondateur, son président ou son porte-parole, et continuer à être son vecteur de communication. Il ne faut pas être naïf face à ce genre de stratégie dans le cas présent mais aussi en ce qui concerne les dispositions visant à combattre la haine en ligne, dont vous aurez à débattre prochainement.
Dans vos circonscriptions, vous connaissez sans doute une association dont l'histoire a été marquée par tel président, tel trésorier, tel secrétaire ou tel porte-parole. Après avoir quitté ses fonctions, cette personne peut parler de l'association dans la presse locale ou lorsqu'elle vous rencontre. Vous savez bien qu'elle se confond alors un peu avec l'histoire de l'association.
Ne soyons pas naïfs et adaptons-nous à l'ère réseaux sociaux. Comme l'a justement souligné le rapporteur, la procédure est contradictoire. Lorsqu'il propose une dissolution, le ministère de l'intérieur avance des arguments qui peuvent être contestés par l'association durant un délai qui se situe entre dix et quatorze jours en cas d'infractions liées au terrorisme. Et il m'est arrivé de dire à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques – DLPAJ – que les arguments de l'association m'avaient convaincu et que les motifs d'une dissolution ne me paraissaient pas suffisamment étayés. Pourtant, les fonctionnaires de la DLPAJ agissent en leur âme et conscience et s'assurent de la conformité au droit des mesures qui vont passer devant le conseil des ministres et le Conseil d'État.
L'argumentation de l'association peut aussi être démontée. On peut montrer que l'actuel dirigeant de BarakaCity est très informé des agissements de son prédécesseur puisque l'association s'en réclame même sur son compte. Il faudrait donc faire preuve d'une grande naïveté pour ne pas donner au ministère de l'intérieur les moyens pour combattre de telles associations totalement subversives face à la République.
Au lieu d'y voir malice, considérons cette disposition comme une arme puissante contre ceux qui utilisent les méandres du droit et parfois notre naïveté pour s'insinuer et continuer à tenir des discours de haine. Le fait de ne pas apparaître comme dirigeant peut être une manoeuvre destinée à permettre à un membre influent de s'insinuer dans le débat contre la République.
Excusez-moi, mais je n'ai pas bien compris votre argumentaire. Comment pourrait-on dissoudre une association au motif que l'un de ses anciens dirigeants tient des propos antirépublicains ou autres ?
Comme mon ami Brindeau, je maintiens que cette disposition est excessive. Il est tout à fait normal qu'elle porte sur les dirigeants. En revanche, l'étendre aux simples membres pourrait donner lieu à des manoeuvres d'entrisme : trois ou quatre personnes pourraient décider d'adhérer pour déstabiliser l'association en tenant des propos antirépublicains, racistes, que sais-je encore… C'est d'ailleurs la thèse que soutient le Défenseur des droits, estimant que la mesure va trop loin.
Pour la bonne compréhension de l'alinéa, il est utile d'aller au bout de l'analyse. Parle-t-on uniquement des agissements des membres ou bien aussi des agissements directement liés à l'activité de l'association ou du groupement, même s'ils sont commis par des gens qui n'en sont pas membres ? L'hypallage se rapporte-t-elle à « agissements » ou à « membres » ?
L'auteur des agissements en question doit-il nécessairement être membre de l'association ou bien peut-il s'agir de quelqu'un qui, sans être formellement adhérent, se livre, dans le cadre des activités de l'association, à des agissements répréhensibles ?
La parole est à M. Florent Boudié, rapporteur général de la commission spéciale et rapporteur pour le chapitre Ier du titre II.
D'abord, pour ce qui est de la dissolution administrative, notre collègue Panot a tenu des propos qui n'étaient pas vraiment nuancés.
Les cas supplémentaires, M. le ministre l'a indiqué en conseil des ministres, seront assez peu nombreux et viseront notamment les discriminations en raison du sexe et de l'identité de genre. Vous devriez, me semble-t-il, vous réjouir de cet élargissement.
Pour répondre à la fois à M. de Courson et à M. Vallaud, le texte est très clair : on parle bien des membres de l'association, puisqu'il s'agit d'agissements « commis par un ou plusieurs de leurs membres agissant en cette qualité, ou directement liés aux activités de l'association ou du groupement ».
Mais ce sont les agissements ou les membres qui doivent être liés aux activités de l'association ?
Comme l'a souligné M. le ministre, cette disposition vise à lutter contre l'argument de naïveté. Parfois, l'équipe dirigeante de l'association prétend n'être pour rien dans les agissements de certains de ses membres – agissements que nous condamnons tous sans exception – , alors que ceux-ci sont en réalité mandatés par l'association. Il faut donc pouvoir engager la responsabilité de l'association en cas d'agissements de membres qui agissent en cette qualité ou qui sont directement liés aux activités de l'association, avec les garanties relatives aux dirigeants que vous avez soulignées, monsieur de Courson : il faut que ceux-ci soient informés de ces agissements et qu'ils n'aient pas agi compte tenu des moyens dont ils disposaient. Comme le note le Conseil d'État, c'est une mesure proportionnée, précise et équilibrée.
Je ne souhaite pas vous ennuyer mais poursuivre mon interrogation. Dans le cas d'espèce évoqué par le ministre, suffirait-il que le propriétaire du compte Twitter, fondateur de l'association que vous avez mentionnée, ne soit plus membre de cette association pour que celle-ci échappe aux motifs de dissolution ?
Il y a donc une voie pour continuer des agissements répréhensibles sans faire prendre de risques à l'association.
Monsieur Vallaud, admettons, comme vous semblez le suggérer, qu'il y ait un conflit entre un membre et l'association, et que le membre continue à se prévaloir de l'association sans le soutien de celle-ci. Le principe du contradictoire serait alors de mise : quand l'association apprendrait qu'on lui impute les propos de cet individu, elle répondrait que celui-ci ne fait pas partie de l'association, qu'il ne paie plus ses cotisations, qu'elle est en procès pour diffamation avec lui et qu'elle lui a déjà envoyé trois lettres pour exiger qu'il arrête de s'en réclamer. Cela suffirait : au terme de la procédure contradictoire, pas de doute, on distinguerait le membre et l'association.
Monsieur de Courson, la voix de la défenseure des droits est respectable, mais le conseil juridique du Gouvernement, qui nous aide à rédiger les textes pour que les choses se passent le mieux possible au Conseil constitutionnel, c'est le Conseil d'État que vous citez allègrement – sauf dans ce cas ! C'est lui qui nous a proposé la précision que vous combattez. Serait-il un ennemi des libertés ? Ce serait au moins un scoop dans notre échange !
Je me permets de vous renvoyer au considérant 30, page 17, de l'avis du Conseil d'État : « Le Conseil d'État suggère de préciser dans le projet que sont imputables à l'association ou au groupement de fait soit les agissements des membres qui se prévalent de leur appartenance à cette association, soit ceux qui sont directement liés à son activité. » On ne peut pas être plus clair ! « Ainsi précisées, ces dispositions qui s'inspirent, d'une part, de la jurisprudence du Conseil d'État » – qui, à vous suivre, serait donc liberticide depuis quelques siècles ! – « (CE, 30 juillet 2014 no 370306 Association « Envie de rêver » ; ordonnance du 25 novembre 2020 nos 445774, 445984 Association Barakacity) et, d'autre part, des dispositions permettant sur le fondement de l'article L. 332-18 du code du sport et pour des motifs voisins de ceux mentionnés au 6° de l'article L. 212-1 du CSI [le code de la sécurité intérieure] de prononcer la dissolution ou la suspension d'associations ou groupement de fait à raison des agissements de leurs membres. » C'est le Conseil d'État lui-même qui le suggère, quelles que soient vos difficultés d'interprétation.
Oui, les dispositions que nous prenons sont fermes mais je rassure M. Vallaud : si l'association est capable de démontrer que la personne responsable n'en est pas membre et qu'ils sont en conflit, il n'y a aucune raison de lui imputer les agissements de l'individu. Après, il y a quand même des « petits faits vrais », comme dirait Stendhal : relayer sans cesse la parole d'une personne ou continuer à l'inviter sur sa chaîne YouTube ou dans ses conférences sont des indices d'un lien fort. En revanche, s'il s'agit d'un individu qui n'est plus membre de l'association, avec lequel celle-ci est en conflit, mais qui s'en réclame pour je ne sais quelle raison sociale, il ne sera évidemment pas possible, je le répète, d'imputer ses agissements à l'association. Voilà l'avis du Conseil d'État ; je ne peux pas faire mieux.
J'ai lu le considérant 30. En effet, comme pour 90 % des mesures que vous proposez, vous suivez l'avis du Conseil d'État, …
Mais ce n'est pas pour autant que l'alinéa 13 de l'article 8 ne pose pas un problème de disproportion. On en discutera au Conseil constitutionnel !
Vous n'êtes pas très bon en prévisions, généralement : vous disiez que l'impôt à la source ne fonctionnerait pas !
Vous êtes mal informé, monsieur le ministre, j'ai toujours été pour le prélèvement à la source.
L'amendement no 925 n'est pas adopté.
L'amendement no 180 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 2365 .
Dans son article L. 212-1, le code de la sécurité intérieure énumère la liste des agissements qui peuvent être retenus pour dissoudre administrativement une association ou un groupement de fait. L'article 8 dont nous débattons complète le code en engageant la responsabilité des dirigeants de l'association dès lors qu'ils étaient informés que des membres de l'association ont commis, en tant que tels, ces agissements. Le présent amendement propose de préciser que les dirigeants doivent être « manifestement » informés, afin que des bruits de couloir ou des rumeurs ne puissent être retenus comme source d'information.
L'amendement no 2365 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 590 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Jean François Mbaye, pour soutenir l'amendement no 2570 .
L'article 8 cherche, à l'alinéa 13, à responsabiliser les dirigeants associatifs, mais en écoutant les interventions de nos collègues, notamment de M. de Courson, je me pose des questions. Si l'on cherche à responsabiliser les dirigeants, quid des moyens qu'on allouerait aux petites associations ? Exclure un membre ayant commis des agissements répréhensibles ne permettra pas forcément de les faire cesser. Vu les dispositions du code de sécurité intérieure, obliger les dirigeants à effectuer un signalement auprès des services de police ou de gendarmerie permettra non seulement de faciliter l'appréciation de l'imputabilité des agissements litigieux à la structure, mais encore d'améliorer l'accompagnement des associations et la prise en charge de ces situations. En effet, les pouvoirs publics disposent nécessairement de plus de moyens – et de moyens plus adéquats – que les petites associations pour agir en ce sens.
Le présent amendement propose de substituer une obligation de résultat – signaler les agissements répréhensibles aux forces de l'ordre – à celle de moyens, susceptible d'engendrer davantage de contentieux et d'obérer les actions entreprises afin d'atteindre l'objectif premier de la menace de dissolution : la neutralisation du membre en question. Il faut vraiment se poser la question des moyens qu'on donnera aux petites structures pour agir. En ce sens, les dispositions de l'alinéa 13 me semblent problématiques.
L'amendement affaiblirait grandement l'efficacité de l'article : le fait que ce soient les dirigeants qui prennent les mesures nécessaires permet un impact immédiat sur les agissements. Il faut conserver cette réactivité. Du reste, le signalement à la police ou à la gendarmerie est déjà possible sans qu'il entraîne la cessation immédiate des activités. Il faut maintenir la rédaction actuelle.
Avis défavorable.
L'amendement no 2570 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement no 211 .
En raison du temps législatif programmé, je me borne à dire qu'il est défendu.
L'amendement no 211 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 246 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
… 506 de M. Patrick Hetzel, 670 de M. Marc Le Fur et 1574 de M. Alexis Corbière sont défendus.
L'amendement no 592 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'alinéa 14 de l'article 8 autorise la suspension à titre conservatoire des activités d'une association pour une durée maximale de trois mois. En commission, nous avons essayé de modifier cette rédaction, qui ne nous semblait pas assez précise : pour certains, le délai était trop court ; d'autres s'interrogeaient sur la possibilité de le renouveler. Nous proposons de permettre la suspension à titre conservatoire jusqu'à l'issue de la procédure de dissolution qui interviendrait dans un délai de trois mois. Cette rédaction assurerait ainsi, de surcroît, l'obligation de faire aboutir dans ce délai la procédure de dissolution.
Le délai de trois mois incite à faire aboutir la procédure rapidement ; faire durer la suspension à titre conservatoire jusqu'à la dissolution risquerait au contraire de l'allonger. Cela ne paraît pas pertinent du point de vue de l'efficacité de la mesure. Avis défavorable.
J'entends la demande de M. Ravier. Si j'ai bien compris l'amendement et si je devais le résumer, cela revient à obliger le Gouvernement à dissoudre au bout de trois mois.
Il faut bien sûr se servir de toutes les ressources du droit pour que cette dissolution ait lieu le plus rapidement possible afin que les moyens administratifs ne soient pas utilisés de façon disproportionnée mais aussi dans le cas où nous aurions affaire à une association particulièrement véhémente envers la République.
Cependant, le délai de trois mois n'est pas toujours tenable. Je vais vous donner des exemples précis : parfois nous avons simplement des suspicions, parfois nous nous appuyons sur de « petits faits ». Ce n'est pas parce qu'on peut invoquer un des motifs prévus par le code de la sécurité intérieure que tous les motifs rendant possible la dissolution sont réunis.
Parfois encore il est nécessaire de consulter les services de renseignements – cela m'est arrivé – , comme la DGSI, la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSE, la Direction générale de la sécurité extérieure ou encore TRACFIN, traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins. Nous leur demandons d'étayer ses hypothèses en nous fournissant notamment des notes blanches, c'est-à-dire des documents qui ne mentionnent pas forcément les sources utilisées. L'existence et la validité de ces notes sont reconnues par le Conseil d'État mais ce type d'échanges avec les services de renseignement, notamment dans le domaine financier, demande du temps, parfois davantage que trois mois.
Le type de contrainte que vous proposez aurait des conséquences négatives selon moi. En effet, si le délai était dépassé, cela pourrait laisser entendre que la République n'a pas été capable de fournir dans le temps imparti les preuves justifiant une dissolution, qu'elle n'a pas su en tirer la substantifique moelle.
C'est pourquoi, sans vouloir briser un suspense insoutenable, et si M. le rapporteur Éric Poulliat me le permet, je peux dévoiler le scénario qui se profile. Nous envisageons de donner un avis positif à un amendement déposé par M. de Courson et qui vise à permettre un renouvellement de la durée de suspension de trois mois. Cette piste est peut-être la bonne.
Je comprends bien la volonté du parlementaire de réduire la marge de manoeuvre du Gouvernement afin qu'il n'utilise pas le recours à la suspension à l'infini pour éviter de procéder à la dissolution – mais de toute façon, si tel était le cas, le Conseil constitutionnel jugerait qu'un tel usage est disproportionné.
Encore une fois, monsieur Ravier, le délai de trois mois me semble trop court pour garantir systématiquement que les preuves seront produites, surtout lorsque ce travail nécessite un échange contradictoire qui peut durer plus longtemps que prévu, par exemple quinze jours.
Tout en étant d'accord sur le principe, je vous demanderai donc de retirer cet amendement qui crée un cadre trop restrictif et par exemple de reprendre la discussion lorsque nous en arriverons à l'amendement de M. de Courson.
Il vise précisément à vous obliger à prendre une décision dans un délai de trois mois. En commission, vous aviez approuvé l'idée d'une durée maximale de trois mois en expliquant que cela vous obligerait à prendre une décision rapidement. C'est pourquoi j'ai rédigé ainsi cet amendement.
Aujourd'hui, vous nous dites que le délai de trois mois est trop contraignant. Je peux l'entendre mais, dans ce cas, je vous renvoie à l'amendement de Pierre-Henri Dumont, dont je suis cosignataire, et qui s'inspire de celui que j'avais déposé en commission. Il s'agit en effet de vous donner la possibilité de suspendre à titre conservatoire l'association jusqu'à ce que la décision officielle soit prise, ce qui serait selon moi une vraie mesure de protection.
Je rappelle que nous parlons d'associations qui ont potentiellement provoqué des troubles à l'ordre public. Or, si vous prononcez une suspension à titre conservatoire de trois mois, mais si, au terme de ce délai, vous n'êtes pas parvenu à prendre une décision officielle de dissolution, l'association pourra reprendre ses activités, ce qui créerait une situation d'insécurité pour le peuple français. Si la contrainte des trois mois que prévoit l'amendement no 1019 vous gêne, je suis prêt à le retirer. Mais je ne retirerai pas le no 888 de Pierre-Henri Dumont, qui sécurise réellement le dispositif.
Vous avez mis l'accent sur un point très intéressant : la nécessité de faire preuve de précision concernant la durée et le caractère renouvelable du délai de suspension. Vous proposez d'étendre ce délai jusqu'à la prise de décision, ce qui enlève la dimension contraignante du délai de trois mois tel qu'il était prévu au départ. Il me semble donc plus souhaitable de permettre un renouvellement que de laisser courir la suspension tout au long de la procédure.
Comme M. le ministre, je serais donc plus favorable à l'amendement no 932 de M. de Courson qui vise à préciser que la suspension est renouvelable une fois, le délai maximum passant ainsi à six mois, ce qui me semble acceptable.
Il n'y a pas de contradiction, monsieur le député. En commission, j'ai indiqué qu'il n'était pas souhaitable que la suspension dure jusqu'à la décision de dissoudre ou non l'association, comme le prévoit l'amendement de M. Dumont car ce serait sans doute attentatoire à la liberté d'association et, à coup sûr, censuré par le Conseil constitutionnel étant donné que l'on ne précise pas dans quel délai la décision de dissolution doit être prise. Cet amendement ne pourrait donc pas être adopté. Même si l'on peut être d'accord avec son principe, la disposition qu'il prévoit serait censurée car contraire au droit.
Dans la plupart des cas, il est possible de dissoudre une association en trois mois, dès lors que l'on parvient à lancer une telle procédure. Cependant, croyez-moi, il existe des exceptions – je parle bien d'exceptions, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. C'est pourquoi la limitation du délai à trois mois ne me semble pas raisonnable.
Pour cette même raison, la proposition initiale du Gouvernement d'autoriser un renouvellement du délai de trois mois me semblait plus conforme, à la fois au droit et à la pratique. Cet acte positif – et attaquable – devant la juridiction administrative consiste à expliquer qu'un renouvellement est nécessaire parce que la procédure n'est pas tout à fait terminée, parce qu'on a besoin d'obtenir des informations supplémentaires ou parce que de nouveaux actes justifiant une dissolution ont été commis par l'association.
Un renouvellement permet de fixer un délai maximum au ministère pour achever la procédure, ce qui est légitime parce qu'une suspension illimitée porterait atteinte à la liberté d'association. Mais cette mesure est également réaliste parce qu'elle tient compte du temps qu'il faut pour réunir l'ensemble des informations. Il me semble donc préférable de nous accorder autour de l'amendement de M. de Courson qui permet de respecter le principe de liberté d'association sans négliger les contraintes du ministère de l'intérieur. Je demande donc le retrait de ces amendements ou émets à défaut un avis défavorable.
Je comprends votre logique et le caractère potentiellement inconstitutionnel de cette mesure que vous évoquez. Mais si vous maintenez une suspension à titre conservatoire de trois mois, je ne comprends pas pourquoi, lorsque l'association présente un réel danger pour l'ordre public, vous n'imposez pas au ministère certaines règles afin de protéger les Français. Si le délai de trois mois est trop court, nous pourrions le faire passer à six mois.
Tout d'abord, si vous me permettez, le fait de dire que vous souhaitez protéger les Français n'est pas un bon argument. Tout le monde le souhaite ! La question n'est donc pas là.
Lorsqu'on est aux responsabilités, on essaie de protéger les Français en restant dans le cadre de l'État de droit. Mon travail ne consiste pas à faire de la démagogie en proposant en l'occurrence d'étendre le délai à deux ans, à cinq ans, voire plus. Il consiste à prendre des décisions en étant conscient, j'y insiste, que nous sommes dans un État de droit, ce qui passe notamment par la liberté d'association. Comme cela a été dit tout à l'heure, quand on touche aux libertés, c'est parfois d'une main tremblante, ce qui est bien normal.
Nous considérons que la mesure que nous proposons est proportionnée. Il est possible d'étendre le délai à six mois si la demande de renouvellement est motivée, une procédure qui existe dans de nombreux autres contextes que nous connaissons. Cette période de six mois correspond d'ailleurs à la durée maximale de fermeture d'un lieu de culte en lien avec une entreprise terroriste prévue par la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, dite loi SILT. Cet exemple montre bien que la durée de trois mois renouvelables, que nous proposons, n'est pas un chiffre qui sort au hasard de notre esprit dont vous semblez penser qu'il ne se soucie pas assez de la protection des Français, mais il correspond à ce qui est admis par le juge des libertés.
Nous souhaitons tous protéger les Français mais il faut le faire en passant par une loi qui puisse être adoptée, validée et qui ne fasse pas ensuite l'objet de contestations, à travers par exemple une QPC, une question prioritaire de constitutionnalité. Nous n'avons pas intérêt à nous faire plaisir aujourd'hui dans l'hémicycle car nous prendrions le risque de voir, dans quelques mois, par exemple, une association islamiste gagner contre l'État. Cela ferait très mauvais genre, vous le reconnaîtrez bien volontiers. Au fond, faire de la démagogie lors de la discussion d'un texte de loi, c'est un peu comme les coups de soleil : ça fait du bien sur le moment mais ça fait mal après.
Sourires.
Sur l'article 8, je suis saisie par les groupes La République en marche et La France insoumise d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir les amendements nos 929 et 932 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
En l'état, l'alinéa 14 ne tient pas. Même si ce n'est pas indiqué clairement, le texte prévoit implicitement que la suspension peut être renouvelée tous les trois mois de façon illimitée. Ce n'est pas possible.
J'ai donc déposé deux amendements pour y remédier : le no 929 prévoit que la suspension se limite à une période de trois mois non renouvelable tandis que le no 932 évoque une période de trois mois renouvelable une fois, soit une période maximale de six mois. Il me semble qu'en six mois le Gouvernement a le temps de procéder à la dissolution de l'association.
J'en profite pour apporter une petite précision, même si cela n'a pas fait l'objet d'un autre amendement de ma part. L'alinéa prévoit de suspendre « tout ou partie » des activités d'une association, ce qui me paraît extrêmement difficile à mettre en application.
Je retire donc l'amendement no 929 et maintiens le no 932.
L'amendement no 929 est retiré.
L'amendement no 932 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.
La parole est à Mme Anne-Laure Blin, pour soutenir l'amendement no 213 .
En raison du temps programmé, je me contente de dire qu'il est défendu.
L'amendement no 213 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Les amendements identiques nos 388 de M. Xavier Breton, 507 de M. Patrick Hetzel et 676 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Je précise qu'ils sont défendus en raison du temps législatif programmé !
Nous nous sommes inspirés de l'article 44 du présent projet de loi qui autorise le recours à un référé-liberté contre une décision de fermeture d'un lieu de culte. Par cet amendement, nous proposons que cette possibilité soit également offerte dans le cas des mesures de suspension à titre conservatoire de tout ou partie des activités d'association, dans les mêmes conditions et avec la même rédaction que l'article 44. Je suis sûr que cette disposition vous convaincra.
La liberté d'association étant, vous le savez, une liberté fondamentale, les mesures de suspension entreraient dans le champ du référé liberté. Si les autres conditions étaient remplies dans le cas d'espèce, et notamment si l'atteinte était manifestement illégale, rien n'empêcherait un requérant de saisir le juge des référés. Votre amendement me semble satisfait, l'avis est donc défavorable.
L'amendement est en effet satisfait. Une association visée par cette suspension pourrait saisir le juge des libertés. La procédure du référé-liberté s'appliquerait. Votre amendement peut donc être retiré.
Il me semblait bien que ces mesures entraient dans le champ du référé-liberté. Cependant j'imaginais que la liberté de culte était aussi une liberté fondamentale et que, par conséquent, le référé-liberté était possible concernant les fermetures de lieux de culte sans qu'il soit nécessaire de mentionner cette disposition. C'est pourtant ce que vous avez fait dans l'article 44. Peut-être est-ce inutile dans ce cas également.
C'est possible. Dans ce cas, nous retirerons cette mention !
L'amendement no 1003 est retiré.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 933 .
Dans sa rédaction actuelle, l'alinéa 15 évoque la punition en cas de « violation d'une mesure conservatoire de suspension ». Mais on ne sait pas bien qui est visé. Par souci de précision, je propose d'ajouter « par un ou plusieurs dirigeants d'une association ou d'un groupement de fait ». Il me semble en effet que ce sont bien les dirigeants qui sont visés mais l'alinéa 15 ne donne aucune précision. Qui vise-t-on lorsque l'on parle de violation ?
Avis défavorable car limiter les sanctions aux dirigeants en limiterait fortement l'aspect dissuasif, d'autant plus que les groupements de fait, comme vous le savez, cher collègue, ne désignent pas forcément de dirigeant. De plus, ce serait contradictoire avec le fait que la mesure de suspension n'est effective que si l'intégralité des membres de l'association ou du groupement la respecte et qu'il est donc impératif que tous la respectent.
… car si, pour vous, l'alinéa 15 s'applique à tous les membres d'une association ayant été suspendue, une telle conception est beaucoup trop large. Ce n'est pas possible : il faut que la loi précise qui est responsable de la violation de la suspension et doit à ce titre être sanctionné et, dans une association, les responsables, ce sont les dirigeants. Je ne vois pas comment on pourrait appliquer l'alinéa 15 à d'autres personnes. Mais si c'est bien votre thèse, comment procéder d'après vous ?
L'amendement no 933 n'est pas adopté.
L'amendement no 593 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Le présent amendement vise à mettre en lumière, de manière détaillée, les agissements des associations ou des groupements de fait qui font l'objet d'une dissolution sur le fondement de l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure. Il s'agit ainsi de favoriser une meilleure acceptation des décisions de dissolution grâce à une plus grande transparence et aussi, par la réaffirmation des principes qui les justifient, de montrer que la République reste ferme.
Avis défavorable car cet amendement est satisfait par l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure qui précise bien que les mesures de dissolution font l'objet d'un décret en conseil des ministres.
L'amendement no 2269 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 84
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 69
Contre 13
L'article 8, amendé, est adopté.
Le sous-amendement no 2699 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 302 , sous-amendé, accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 1668 .
Cet amendement de notre collègue Thomas Rudigoz, inspiré par une recommandation émise en 2019 par la commission d'enquête sur la lutte contre les groupuscules d'extrême droite en France, vise à renforcer les sanctions prévues dans le cadre du délit de reconstitution de ligue dissoute. Si nous considérons en effet que la dissolution administrative s'avère un dispositif efficace, nous estimons néanmoins que la pénalisation de la reconstitution de tels groupes mériterait une évolution : les participants à ladite reconstitution – ou à son maintien – encourraient ainsi non plus trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, mais quatre ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende.
Je sais toute l'implication, tout le travail de notre collègue Thomas Rudigoz sur le sujet. Son amendement propose de renforcer les sanctions appliquées aux personnes qui participent au maintien ou à la reconstitution d'une association ou d'un groupement dissous. Or la peine en vigueur me semble proportionnée. Je rappelle en outre que les personnes condamnées encourent également une interdiction des droits civiques, civils et de famille, et une interdiction de séjour. Enfin, il convient notamment de conserver une différence substantielle avec celle sanctionnant le fait de reconstituer un groupe combat, à savoir cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende. À défaut d'un retrait, l'avis serait défavorable.
L'amendement no 1668 n'est pas adopté.
L'amendement no 303 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Belkhir Belhaddad, pour soutenir l'amendement no 1667 .
Cet amendement de notre collègue Thomas Rudigoz s'inscrit, comme le précédent, dans la lutte contre les groupuscules extrémistes en proposant qu'un rapport soit remis chaque année au Parlement sur le suivi des associations et des groupements ayant fait l'objet d'une dissolution administrative. Cette proposition est calquée notamment sur le modèle allemand, pays où les services de renseignement remettent annuellement un rapport au Parlement, qui traite non seulement de l'extrême droite mais aussi des menaces venant de l'extrême gauche et de l'islamisme radical. Dans le même esprit, nous pensons qu'il serait pertinent que la délégation parlementaire au renseignement soit tenue informée des menaces en la matière pesant sur l'ordre public et sur les institutions.
Par définition, les associations et les groupements dissous n'ont plus d'activité. En outre, les documents fournis à la délégation parlementaire au renseignement concernent le fonctionnement et l'organisation des services, et non des personnes ou des organisations suivies par lesdits services. Il ne me semble de surcroît pas utile pour cette délégation chargée du contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement en matière de renseignement et d'évaluation des politiques publiques s'y rapportant de disposer d'informations concernant des situations individuelles. Avis défavorable.
L'amendement no 1667 n'est pas adopté.
Je tiens à rappeler l'attachement du groupe Agir ensemble au principe de liberté d'association. Les fonds de dotation sont un levier important pour la création de structures philanthropiques qui poursuivent des activités d'intérêt général et qui jouent un rôle essentiel dans la vie sociale de la cité. Il arrive néanmoins que l'objet de ces fonds soit détourné pour des activités de nature irrégulière, à travers des montages financiers complexes – optimisation fiscale, libéralités testamentaires – dans le but de contourner les règles de transparence des financements.
Or l'étude d'impact a démontré que les moyens de contrôle de l'État ne sont pas suffisants. Il est donc nécessaire de prévoir leur renforcement et de préciser la loi. Sans revenir sur le régime déclaratif des fonds de dotation ni exiger la transmission de documents supplémentaires, cet article va permettre de préciser les moyens dont dispose l'autorité chargée de contrôler l'activité des fonds. Il introduit ainsi des dispositions telles que l'obligation d'établir annuellement un rapport d'activité approuvé par le conseil d'administration et de l'adresser à l'autorité administrative chargée du contrôle dans un délai fixé, sous peine de suspension de l'activité du fonds, suspension désormais facilitée et non plus limitée à six mois puisque renouvelable deux fois, soit jusqu'à dix-huit mois. Enfin, cette sanction administrative pourra dorénavant être cumulée avec la saisine du juge judiciaire par l'autorité de contrôle du fonds de dotation aux fins de dissolution de ce dernier. Actuellement, la dissolution est la seule solution alternative possible, ce qui ne permet pas d'agir assez rapidement, et donc efficacement, face à des situations d'urgence.
Enfin, je rappelle que notre collègue Charles de Courson a défendu en commission un amendement qui a permis de clarifier certains points concernant les sanctions prévues en cas de non-transmission par le fonds de dotation des éléments d'activité requis. Nous nous en réjouissons et voterons avec enthousiasme cet article.
M. Antoine Herth applaudit.
Cet article a pour objet de conforter le rôle de l'autorité administrative dans le contrôle des fonds de dotation. Or l'article 140 de la loi du 4 août 2008 dispose déjà que « l'autorité administrative s'assure de la régularité du fonctionnement du fonds de dotation. À cette fin, elle peut se faire communiquer tous documents et procéder à toutes investigations utiles » et ladite autorité peut prendre certaines dispositions allant jusqu'à la suspension de l'activité du fonds. De plus, l'article L. 562-2-1 du code monétaire et financier instaure pour certains professionnels – notaires, huissiers de justice, administrateurs judiciaires et mandataires liquidateurs, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, avocats et avoués près les cours d'appel, experts-comptables et commissaires aux comptes – une obligation de déclaration en cas de soupçon.
On voit bien que les dispositions adéquates existent, le problème résidant davantage dans la volonté de les appliquer. Les instruments juridiques sont suffisants mais il y a, on l'a dit, un manque de moyens, notamment au niveau des services de l'État. Ce n'est pas en s'en prenant à nouveau à la liberté des associations qu'on réglera ce problème.
Les amendements nos 511 de M. Patrick Hetzel, 682 de M. Marc Le Fur et 2491 de M. Julien Ravier sont défendus.
Nous nous contentons de dire qu'ils sont défendus en raison du temps programmé.
M. Bournazel a très bien défendu l'article 9. La commission est évidemment défavorable à sa suppression car, en l'état actuel du droit, il est difficile pour l'autorité administrative de suspendre et a fortiori de dissoudre les fonds de dotation qui ne respectent pas la loi alors que ceux-ci peuvent être aisément détournés de leur objet d'intérêt général, cela s'est vu : ainsi, le fonds de dotation Passerelles a financé en toute illégalité des constructions de mosquées avec l'argent d'un pays du Golfe, et il a fallu trois ans à la préfecture de la région Île-de-France pour en suspendre l'activité. C'est en effet un outil facile à créer et, en réalité, peu contrôlé. Il est donc important de donner les moyens à l'autorité administrative de repérer plus rapidement les fonds qui ne respectent pas les règles pour les suspendre et en demander la dissolution au juge.
La parole est à Mme Géraldine Bannier, pour soutenir l'amendement no 1250 .
Cet amendement de notre collègue François Pupponi vise à aligner les obligations des fonds de dotation sur celles des associations en matière de déclaration à l'autorité administrative des ressources en provenance de l'étranger. Ils doivent être tenus aux mêmes obligations de transparence et d'information des avantages et des ressources reçus de l'étranger que les associations.
Je partage complètement l'objectif de l'amendement, mais je vais proposer une autre solution avec un amendement portant article additionnel après l'article 12, solution qui me semble mieux adaptée. Donc avis défavorable.
Je ne vais pas discuter d'un amendement portant article additionnel après l'article 12 alors que nous sommes en train d'examiner l'article 9.
L'amendement no 1250 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Sur article 9, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 389 , 508 et 678 .
La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l'amendement no 389 .
Je défendrai en même temps l'amendement no 508 de M. Hetzel et l'amendement no 678 de M. Le Fur ainsi que, par avance, mes amendements nos 390 et 391 , madame la présidente. Tous visent en effet à bien cibler l'objectif des contrôles de ces fonds de dotation : contribuer à la lutte contre l'emprise communautariste et contre les idéologies séparatistes.
Je tiens à souligner votre constance et votre cohérence, cher collègue. Je comprends tout à fait l'objectif de tous ces amendements, mais mon argumentation est la même que tout à l'heure et l'avis identique : défavorable.
Les amendements identiques nos 390 de M. Xavier Breton, 509 de M. Patrick Hetzel et 680 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Les amendements identiques nos 391 de M. Xavier Breton, 510 de M. Patrick Hetzel et 681 de M. Marc Le Fur sont défendus.
L'amendement n° 941 propose que la durée de suspension de six mois ne puisse être renouvelée qu'une fois, et ce uniquement dans l'attente de la décision de l'autorité judiciaire saisie « dans les meilleurs délais ». Dans le texte, la durée est de six mois, renouvelable deux fois, ce qui fait au total dix-huit mois : c'est tout de même très long. Le n° 942 est un amendement de repli : il prévoit que la durée de suspension administrative d'un fonds de dotation puisse être renouvelée deux fois, et ce uniquement dans l'attente de la décision de l'autorité judiciaire, qui aura été saisie « dans les meilleurs délais ».
Le n° 934 est une variante : il s'agit de pouvoir renouveler la suspension une seule fois, et non deux, soit douze mois en tout. Le dernier amendement, le n° 938 prévoit que lorsqu'une autorité administrative décide de suspendre l'activité d'un fonds de dotation, l'autorité judiciaire soit saisie « dans les meilleurs délais » de façon à raccourcir les délais d'instruction de l'éventuelle dissolution du fonds. Il s'agit de faire en sorte que l'enquête de l'autorité judiciaire puisse débuter le plus rapidement possible, à la suite de la décision de suspension, afin que la décision de dissoudre ou non le fonds puisse intervenir assez vite. Cela permettrait d'éviter des suspensions administratives à répétition, en l'absence d'une décision judiciaire.
Je vais essayer de vous apporter une réponse groupée. L'exposé sommaire de deux de vos amendements, les nos 941 et 934, évoque une durée « disproportionnée ». Or le Conseil d'État, que vous citez régulièrement, n'a pas indiqué que la durée de dix-huit mois figurant dans le texte était disproportionnée.
Si le préfet saisit le juge aux fins de dissoudre un fonds dont les activités sont contraires à la loi, il faut laisser à l'autorité judiciaire le temps nécessaire pour mener une enquête et rendre une décision. En conséquence, il me paraît souhaitable d'en rester à deux renouvellements et de ne pas se limiter à un seul, comme vous le proposez.
En outre, vos amendements prévoient de saisir l'autorité judiciaire « dans les meilleurs délais » : quelle est la signification juridique de cette expression ? La rédaction actuelle me semble cohérente : avis défavorable aux quatre amendements.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 76
Nombre de suffrages exprimés 70
Majorité absolue 36
Pour l'adoption 65
Contre 5
L'article 9 est adopté.
L'amendement no 1133 de M. Stéphane Viry, qui vise à supprimer l'article 10, est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Je souhaiterais simplement rappeler que l'article 10 est nécessaire afin de permettre à l'administration fiscale de vérifier que les organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à une réduction d'impôt sont bien éligibles au dispositif.
Alors que les organismes bénéficiaires de dons sont très peu contrôlés, il s'agit désormais de faire respecter la loi : les associations qui profitent des incitations fiscales tout en menant des activités contraires aux lois de la République ou ayant des liens avec des entreprises terroristes doivent pouvoir être condamnées. Nous sommes tous d'accord pour que cela devienne une réalité. Je suis donc défavorable à l'amendement de suppression.
L'amendement no 1133 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il est défendu.
Je m'étonne de ce que vient d'indiquer le rapporteur : depuis des années, ces opérations dont les montants sont très importants et qui concernent des centaines, voire des milliers d'associations, ne sont donc pas contrôlées ! Je suis très inquiet de l'état de notre administration ou du manque de volonté politique…
Les amendements identiques nos 512 de M. Patrick Hetzel et 687 de M. Marc Le Fur sont défendus.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 1217 .
C'est un amendement technique : tel qu'il est rédigé, l'article ne précise pas avec exactitude les documents sur lesquels l'administration pourra s'appuyer pour effectuer son contrôle dans le cadre de la nouvelle procédure prévue à l'article L. 14 A du livre des procédures fiscales. Cela risque d'entraîner une insécurité juridique aussi bien pour les contrôleurs que pour les organismes contrôlés.
Par conséquent, il s'agit de préciser que ces documents sont ceux mentionnés à l'article L. 10 du livre des procédures fiscales – que vous connaissez tous – , à savoir : les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances, ainsi que les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'État.
La rédaction de l'article L. 14 A me semble claire : sont concernés les reçus, attestations ou tous autres documents par lesquels les organismes bénéficiaires de dons et versements indiquent à un contribuable qu'il est en droit de bénéficier des réductions d'impôt.
En d'autres termes, il s'agit de reçus fiscaux attestant du montant et de la date du versement. J'avoue ne pas comprendre réellement pourquoi vous souhaitez faire référence à l'article L. 10, qui concerne le contrôle des contribuables bénéficiant des réductions d'impôt, mais pas celui des organismes bénéficiaires. Vous auriez pu renvoyer à l'article 1740 A du code général des impôts, mais selon moi cette précision n'est pas indispensable à la compréhension de l'alinéa. Mon avis est donc défavorable.
L'article L. 10 porte sur le contrôle des impositions, que vous connaissez bien, monsieur de Courson. Or il ne s'agit pas de contrôler les impositions des associations, mais la délivrance des reçus fiscaux : ce n'est pas tout à fait le même sujet. Votre amendement me semble introduire plus de confusion qu'autre chose : mon avis sera donc défavorable.
Par ailleurs, monsieur Breton, il n'est pas raisonnable de réagir comme vous le faites et de suggérer que l'administration n'aurait pas assez de moyens, qu'elle ferait mal son travail ou encore que les politiques manqueraient de volonté. En réalité, cette affaire de reçus fiscaux et d'associations pose de nombreuses questions depuis très longtemps, M. de Courson le sait bien : contrairement aux partis politiques ou aux organisations syndicales, les associations qui délivrent des reçus fiscaux ne sont soumises à aucun agrément a priori. Une masse très importante de reçus fiscaux est donc établie, et ils sont d'autant plus difficiles à contrôler que les dons sont anonymisés.
En effet, lorsque vous remplissez votre déclaration, vous n'indiquez pas le bénéficiaire de votre don. C'est bien normal : le contrôleur des impôts n'a pas à savoir à quel parti politique ou à quel culte vous décidez d'adresser votre don en fonction de vos orientations et de vos opinions. Les contrôles n'ont pas à être réalisés en fonction de données tout à fait personnelles. L'anonymisation est donc la règle. Ainsi, ceux d'entre vous qui ont effectué des dons – vous en avez quasiment tous fait pendant les campagnes électorales – ont obtenu de la part de la CNCCFP, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, un reçu fiscal qui ne mentionne pas le bénéficiaire du don.
En l'absence d'agrément pour les associations d'un côté, et de mention de la personne qui a effectué le don de l'autre, les contrôles sont rendus difficiles. Ce n'est pas une question de manque de moyens : il faudrait des dizaines de milliers d'agents de la direction générale des finances publiques pour contrôler une par une les associations, ce qui ne serait pas de bonne politique. Il s'agit donc de remettre un peu de bon sens dans notre droit : des démarches pourront désormais être entamées afin de mieux contrôler, en plus des contribuables qui déclarent les reçus fiscaux, les associations qui les émettent.
Généralement, on pense – et c'est peut-être le cas d'une partie des parlementaires ou des personnes qui nous écoutent – que seules les associations reconnues d'utilité publique ont le droit d'établir un reçu fiscal. Ce n'est pas vrai : une association quelconque peut tout à fait émettre des reçus fiscaux. La situation est d'autant plus complexe qu'une association culturelle ayant par ailleurs des activités cultuelles peut bénéficier de déductions fiscales au titre d'actions de solidarité et récupérer une partie de l'argent public – puisqu'il s'agit bien d'argent public dès lors qu'il est question de reçus fiscaux – pour financer ses activités cultuelles et, par exemple, la construction d'un lieu de culte. Cela vous est peut-être déjà arrivé : on se retrouve parfois, à la lecture d'un prospectus, à se demander comment il est possible d'obtenir un reçu fiscal de la part d'une association oeuvrant pour la construction d'un lieu de culte : mettant à profit les incertitudes de la loi, c'est à bon droit qu'elle peut le faire.
Monsieur le député Breton, il y a quelques temps, j'ai proposé en conseil des ministres la dissolution du CCIF et un grand nombre d'entre vous avaient eu la gentillesse de souligner à quel point c'était une mesure courageuse et attendue. Sachez que, jusqu'au jour de sa dissolution, cette association émettait des reçus fiscaux : c'est, avouons-le, un peu contradictoire.
Il est donc nécessaire de redresser le droit des reçus fiscaux, non pas pour les limiter, mais pour mieux les contrôler. Monsieur de Courson, il ne s'agit pas de contrôler les impositions, comme le permet l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, mais bien la délivrance des reçus fiscaux. C'est un travail complexe, vous le savez. Pour répondre à M. Breton, il n'est pas question de mettre toute notre énergie dans une sorte de flicage général : il s'agit de faire en sorte que les contrôles puissent dérouler sur de bonnes bases, en permettant à chacun de savoir ce sur quoi il pourra être contrôlé.
Nous aurons peut-être l'occasion, avant l'examen du texte au Sénat, de travailler encore un peu plus sur cette question avec la direction générale des finances publiques. M. le ministre délégué chargé des comptes publics n'a pas pu venir aux bancs, mais je sais qu'il a prévu de venir au Sénat. En tout cas, nous travaillons beaucoup avec ses services, afin de mettre en place ces contrôles qui sont nécessaires. En effet, on a du mal à imaginer comment on pourrait poursuivre en justice des associations, les dissoudre ou les suspendre et les laisser continuer dans le même temps à émettre des reçus fiscaux sans aucun contrôle.
Monsieur le ministre, mon amendement avait l'intérêt de traiter un sujet que nous avons abordé en commission spéciale : l'article L. 10 vise le contrôle de droit commun, alors que l'article L. 14 A est une nouvelle procédure qui porte uniquement sur une partie de l'activité. Il s'agissait de permettre un contrôle simultané là où, actuellement, nous avons deux procédures complètement différentes qui ne sont pas articulées l'une avec l'autre. L'amendement permettait, dans le cadre du contrôle général, d'effectuer un contrôle spécifique reposant sur l'article L. 14 A, ce qui n'est pas le cas actuellement. Si vous n'en voulez pas, tant pis, mais c'est un vrai sujet, que nous avions abordé en commission spéciale. Deux procédures seront donc nécessaires.
L'amendement no 1217 n'est pas adopté.
La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement no 956 .
Il s'agit d'un amendement de précision. L'article 10 du projet de loi prévoit que l'administration fiscale pourra procéder, dans le cadre du contrôle fiscal des organismes sans but lucratif, au contrôle de la régularité de la délivrance des reçus et autres documents. Néanmoins, et nous en avons discuté en commission, l'article ne définit pas précisément la notion de régularité : cet amendement vise à le faire.
Tout d'abord, cette procédure permettra de vérifier la concordance entre les montants figurant sur les reçus délivrés aux donateurs et ceux des dons perçus par l'organisme donataire : tout le monde est d'accord sur ce point. Ensuite, il s'agira de s'assurer que l'association respecte les trois critères de non-lucrativité, de désintéressement et du caractère élargi des bénéficiaires de son action. En effet, monsieur le ministre, vous nous avez indiqué en commission spéciale que ces trois critères figurent dans des circulaires. Or, étant donné la délicatesse du droit des associations, il vaudrait mieux les mentionner dans la loi.
Enfin, la notion de régularité vise aussi l'adéquation entre l'objet des dons et l'objet de l'association : les dépenses effectuées par l'association doivent correspondre à l'objet des dons. Ces précisions paraissent essentielles, afin d'encadrer strictement le contrôle effectué par l'administration fiscale et de protéger aussi bien les organismes contrôlés que les contrôleurs.
Je salue votre ténacité et votre volonté de préciser le texte, toutefois, la rédaction que vous proposez pourrait introduire de la confusion. Le contrôle de régularité porte sur deux éléments : d'une part, la concordance entre les montants des dons inscrits sur les reçus fiscaux et les montants effectivement versés, d'autre part, le contrôle de l'éligibilité d'un organisme par rapport aux critères fixés aux articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts.
Ce contrôle est distinct de la vérification de comptabilité, qui consiste à contrôler le caractère non lucratif de l'activité et la gestion désintéressée. Toutefois, nous en avions discuté en commission spéciale, les deux procédures sont complémentaires, et l'une peut amener à enclencher l'autre si l'administration fiscale l'estime nécessaire. J'émets en conséquence un avis défavorable.
Monsieur le rapporteur, la confusion n'est pas ce qui me caractérise, du moins je l'espère.
Tout l'objet de l'amendement consiste au contraire à préciser la notion de « régularité » dont nous avons largement débattu en commission.
Il me semble que deux des trois critères que je propose vous conviennent. L'administration doit vérifier la concordance entre les montants figurant sur les reçus fiscaux délivrés aux donateurs et les montants perçus par l'organisme bénéficiaire. Sur ce point vous êtes d'accord ? Bien ! Vous convenez aussi qu'elle doit vérifier l'adéquation entre l'objet des dons et l'objet de l'association, autrement dit que les dépenses de l'association correspondent bien à l'objet des dons. Bien ! Il reste un seul point de désaccord qui concerne le fait que l'association respecte le caractère non lucratif de son activité principale, le caractère désintéressé de sa gestion et le caractère élargi des bénéficiaires de son action. Mais, si vous ne contrôlez pas ces éléments, comment voulez-vous contrôler le reste ?
Finalement, votre réponse m'inquiète. Vous m'auriez dit être d'accord mais ne pas vouloir faire figurer ces éléments dans la loi, j'aurais retiré l'amendement à la lumière de la position du ministre, même si je pense qu'il est préférable que la définition de la « régularité » figure dans la loi plutôt que de laisser tout cela traîner dans des circulaires facilement modifiables. Monsieur le rapporteur, est-ce bien sur le point que j'ai cité que vous êtes en désaccord ?
Oui ! Bon, si je dis seulement « oui », je crains que cela ne suffise pas.
Sourires.
Il y a, d'un côté, le contrôle de comptabilité et, de l'autre, le contrôle de régularité : ces deux procédures sont complémentaires…
L'amendement no 956 n'est pas adopté.
Il vise à supprimer l'alinéa 5 et à insérer un nouvel alinéa après l'alinéa 10.
Afin que le contrôle sur place ne puisse durer en pratique plus de six mois, il est nécessaire de fusionner les deux délais de six mois prévus aux articles L. 14 A et L. 14 B du livre des procédures fiscales, en un unique délai de contrôle sur place de six mois. Comme cela est prévu au III de l'article L. 52, pour les vérifications de comptabilité, il est proposé d'introduire une suspension du délai de six mois jusqu'à la remise complète à l'administration par l'organisme vérifié des documents qu'il aura été mis en demeure de produire.
Par ailleurs, il ne semble pas proportionné de prévoir une suspension sans limite compte tenu de l'enjeu circonscrit du contrôle : c'est pourquoi le délai total des opérations sur place ne pourra excéder douze mois.
Il convient enfin d'éviter que l'administration ne prolonge ses investigations sans limite après la fin du contrôle sur place : c'est pourquoi il est nécessaire que l'administration ait l'obligation de communiquer à l'organisme vérifié les résultats de contrôle dans les trois mois qui suivent l'achèvement du contrôle sur place.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement no 2141 et donner son avis sur les amendements en discussion commune.
Il rejoint celui de Bertrand Sorre. Il s'agit d'un amendement de précision rédigé à la suite de nos auditions – en l'espèce, c'est France générosités qui a fait remonter le problème. Il est nécessaire de clarifier la durée du contrôle en précisant qu'il s'agit d'un contrôle de six mois maximum à compter de la présentation par l'organisme contrôlé de l'ensemble des documents demandés par l'administration fiscale.
Pour des raisons rédactionnelles, je suis défavorable à l'amendement no 1055 et je vous demande d'adopter mon amendement.
Je suis également défavorable à l'amendement no 183 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements en discussion commune ?
Je suis défavorable aux amendements nos 183 et 1055 et favorable à l'amendement du rapporteur. Cela dit, cet amendement, dont j'imagine qu'il a été rédigé en lien avec les services de Bercy, m'étonne. Je rappelle en effet aux parlementaires qu'ils ont voté, il y a deux ans, une loi sur le droit à l'erreur.
La loi du 10 août 2018 pour un État au service d'une société de confiance, dite loi ESSOC, donne au Gouvernement la possibilité de prévoir une limitation des durées des contrôles, quelle que soit l'administration concernée. J'aime beaucoup la direction générale des finances publiques qui a sans doute un peu inspiré nos débats qui visent, finalement, à prévoir un timing dans le timing.
Je donne un avis favorable par solidarité. Tout le monde est très heureux de pouvoir prévoir des délais pour un contrôle, …
… mais le principe général c'est que l'ensemble des administrations se mettent d'accord. On cherche à châtier ceux que l'on soupçonne d'être « les méchants », et à laisser « les gentils » tranquilles. Tout le monde se met d'accord, les URSSAF, les impôts et les douanes par exemple, pour faire un bon contrôle général qui ne traîne pas en longueur, parce que cela peut gêner tout le monde, y compris l'activité économique et associative. Il ne faut pas que chacun soit dans sa « chacunière ».
Je suppose que l'Assemblée va adopter l'amendement, mais j'aurai l'occasion d'en reparler au Sénat, car l'idée est bien d'en rester à l'économie générale de la loi ESSOC, sans cela nous déferions aujourd'hui ce qui a été fait il y a deux ans. Si je me souviens bien, les administrations n'étaient pas très favorables à la loi voulue par le Président de la République et par la majorité parlementaire, visant à engoncer l'intégralité des contrôles dans une durée générale.
Une expérimentation est en cours dans deux grandes régions. Le Parlement pourrait sans doute utilement demander dans quelques mois où les choses en sont. C'est un peu l'enjeu de ce que nous votons. Je me méfie des amendements de niche de l'administration. Dans les réunions interministérielles, j'ai été trop confiant – cela ne me ressemble pas ; je vais maintenir la position solidaire que mon cabinet a eue avec vous, mais je reviendrai sur ce point au Sénat après avoir eu une explication avec les autres services de l'État.
Merci, monsieur le ministre, pour la confiance que vous accordez aux parlementaires. Nous avons vraiment eu une remontée d'informations, en particulier de la part de France générosités qui nous a alertés sur la question des délais du contrôle. L'amendement vise à satisfaire cette préoccupation, mais j'entends votre argument et je ne doute pas de votre ténacité pour faire évoluer le texte de manière cohérente au cours de la navette parlementaire.
L'amendement no 1055 est retiré.
L'amendement no 183 n'est pas adopté.
L'amendement no 2141 est adopté.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l'amendement no 1057 .
J'aurais dû le préciser lors de l'examen de mon amendement précédent : celui-là et les quatre qui suivent visent aussi à instaurer, pour les associations et les fondations collectrices, des garanties égales à celles dont bénéficient les contribuables particuliers ou les entreprises dans le cadre de la procédure du contrôle étendu. Ces amendements, travaillés notamment avec France générosités, s'inscrivent dans la lignée de l'avis du Conseil d'État et permettent d'intégrer des garde-fous sur la temporalité du contrôle, la nature des documents à produire, la procédure et l'étendue de la sanction.
L'amendement no 1057 tend à insérer un nouvel alinéa après l'alinéa 8 de l'article. Compte tenu du fait que le contrôle de réalité du don, tel qu'il est indiqué sur le reçu fiscal, par rapport à ce qui est inscrit dans la comptabilité de l'organisme, a été transformé en contrôle d'éligibilité au régime du mécénat de l'organisme, et compte tenu de l'obligation de déclaration du montant des dons et du nombre de reçus fiscaux qui incombe désormais à l'organisme, il paraît indispensable de réduire le délai de prescription d'une année, afin de l'aligner sur le délai de prescription général applicable à l'impôt sur les revenus, sur les sociétés et taxes assimilées.
Le contrôle ne porterait donc pas sur les reçus émis pendant les quatre années qui suivent l'émission du reçu fiscal, mais sur les trois années qui suivent la déclaration desdits reçus par l'organisme qui les a émis.
Tout d'abord, permettez-moi de signaler que votre amendement contient probablement une erreur de référence, car il me semble que vous vouliez viser non pas l'article 223 bis du code général des impôts, mais l'article 222 bis tel que nous proposons de l'adopter à l'article 11 du projet de loi.
Je vous réponds néanmoins sur le fond. Effectivement, en matière d'impôt, l'administration fiscale dispose d'un délai qui court jusqu'à la fin de la troisième année suivant celle où l'imposition est due. Toutefois, ici, on ne parle pas d'impôt : la réduction d'impôt bénéficie aux contribuables donateurs, pas à l'organisme qui reçoit des dons. C'est l'organisme qui est contrôlé, et le contrôle ne porte pas sur les impôts qu'il aurait dû verser. Il n'y a donc pas de raison de modifier la rédaction dans le sens que vous proposez. Avis défavorable.
L'amendement no 1057 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l'amendement no 1053 .
Il vise à remplacer l'alinéa 11 par deux nouveaux alinéas. L'actuelle rédaction du texte, qui réduit les garanties des associations, me paraît discriminante, sans aucune justification, par rapport aux garanties accordées aux autres contribuables. Or il faut que l'organisme vérifié puisse bénéficier des mêmes garanties que n'importe quelle entreprise ou particulier qui supporte une procédure de contrôle externe.
En conséquence, l'envoi par le vérificateur du document de clôture du contrôle doit ouvrir à l'organisme vérifié un délai de trente jours pour présenter ses observations. L'administration doit être tenue de répondre à ces observations. Si, après cette réponse, le désaccord persiste entre l'administration et l'organisme vérifié, celui-ci doit pouvoir obtenir un recours hiérarchique auprès du chef de service de l'auteur du contrôle et, en cas de désaccord, il doit pouvoir faire appel à l'interlocuteur départemental ou régional qui est un fonctionnaire de rang élevé, spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur.
Enfin, l'organisme vérifié devrait pouvoir saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, qui serait composée pour partie par des membres des organismes représentatifs des organismes sans buts lucratifs et qui émettrait un avis sur les éléments de fait évoqués lors du contrôle.
Il est important de rappeler les garanties apportées aux organismes qui font l'objet d'un contrôle. Ce sont des garanties classiques en cas de contrôle de l'administration fiscale : envoi préalable d'un avis informant du contrôle et spécifiant les années soumises au contrôle ; obligation de rappeler à l'organisme son droit de se faire assister d'un conseil de son choix ; envoi dans un délai encadré d'un document motivé rendant compte des résultats du contrôle et justifiant une éventuelle proposition de sanction ; débat contradictoire sur la sanction envisagée ; interdiction pour l'administration de contrôler une nouvelle fois pour la même période.
Ces garanties sont renforcées par le projet de loi qui leur donne valeur législative, alors qu'elles ne relevaient jusqu'à maintenant que du niveau réglementaire. Il s'agit d'une suggestion du Conseil d'État, qui n'en faisait toutefois pas une obligation. En conséquence, selon moi, il n'y a pas de lieu de modifier la rédaction actuelle du texte. Avis défavorable.
L'amendement no 1053 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je vous informe que, sur l'article 10, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l'amendement no 1058 .
Il vise à compléter l'article 10 par un nouvel alinéa. Les organismes sans but lucratif qui poursuivent un but d'intérêt général, comme les associations ou les fondations, sont régulièrement confrontés à des incertitudes d'interprétation quand ils souhaitent solliciter le régime du mécénat.
Dans l'objectif d'améliorer la transparence de la décision publique et la relation de confiance avec l'administration, le présent amendement a une vocation pédagogique en permettant la publication de décisions, dont les données auront été rendues anonymes, ayant donné lieu à la remise en cause du bien-fondé de l'émission de reçus fiscaux ouvrant droit à une réduction d'impôt pour le donateur sur la base des articles 200, 238 bis et 978 du code général des impôts.
Par ailleurs, cela permettra à l'organisme de confronter ses objectifs fondamentaux avec le régime fiscal des activités qu'il exerce et d'en tirer toutes les conséquences sur ses choix, notamment en conduisant l'organisme soit à se séparer d'activés manifestement inéligibles, soit à distinguer comptablement les dons qui sont destinés à financer des activités éligibles, qui ouvrent droit à réduction fiscale, de ceux qui, non éligibles, n'ouvrent pas droit à avantage fiscal. Ces décisions seraient publiées dans un rapport annuel rendu public.
Chers collègues, je comprends votre souhait de mettre à la disposition des associations le plus de renseignements possible concernant les critères d'éligibilité aux réductions d'impôt. À ce titre, lors des auditions, l'administration fiscale nous a affirmé que les nouvelles dispositions seraient appliquées avec prudence et qu'elle restait à l'écoute pour accompagner les associations du mieux possible.
S'agissant du rapport dont vous proposez la publication, je crois, sous toute réserve, qu'il est d'ores et déjà prévu. Il reviendra à l'administration de déterminer elle-même les informations pertinentes qu'il conviendra de publier et sous quelle forme. Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1058 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 88
Majorité absolue 45
Pour l'adoption 86
Contre 2
L'article 10, amendé, est adopté.
L'amendement no 1054 de M. Bertrand Sorre, portant article additionnel après l'article 10, est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Votre inquiétude n'ayant pas lieu d'être, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement no 1054 , ayant reçu un avis défavorable du Gouvernement, est retiré.
La parole est à M. Bertrand Sorre, pour soutenir l'amendement no 1056 .
Il est nécessaire de définir précisément la nature des pièces à présenter par l'organisme vérifié. En effet, en l'état actuel des textes, l'administration est libre de déterminer au cas par cas, c'est-à-dire de façon arbitraire, la documentation qu'il doit produire.
Si je comprends tout à fait le sens de votre amendement, en revanche, la modification de l'article que vous proposez serait, à la lecture, incompréhensible. Je vous invite donc à le retirer pour le retravailler et le rendre acceptable ; à défaut, avis défavorable
L'amendement no 1056 est retiré.
L'article vise à insérer un nouvel article 222 bis dans le code général des impôts qui imposerait une nouvelle obligation aux associations faisant appel à la générosité du public. Elles devraient ainsi déclarer à l'administration fiscale, dans les trois mois de la clôture de leur exercice, le montant global des dons reçus l'année précédente et le nombre de documents délivrés au cours de cette période.
D'une part, cette disposition ne présente pas de lien avec l'objet du présent projet de loi confortant le respect des principes républicains, qui vise à lutter contre le séparatisme et l'entrisme communautariste. D'autre part, elle crée une nouvelle contrainte pour ces associations dont on ignore l'objectif. Le Haut Conseil à la vie associative s'est d'ailleurs demandé si cet article n'a pas pour seule finalité de disposer d'outils statistiques, puisqu'on perçoit mal le contrôle opérationnel qui pourrait être conduit sur de telles masses.
Les amendements nos 514 de M. Patrick Hetzel, 693 de M. Marc Le Fur, 1134 de M. Stéphane Viry, 1199 de M. Ludovic Pajot et 2495 de M. Julien Ravier sont défendus.
Quel est l'avis de la commission ?
L'article 11 vise à donner les moyens à l'administration fiscale d'identifier les organismes qui bénéficient des réductions d'impôt liées aux dons. Il est donc nécessaire puisqu'il permettra d'empêcher que l'argent public finance des organismes qui ne respectent pas les principes de la République.
Il est vrai, et vous avez raison de le souligner, qu'il fait peser une contrainte nouvelle sur les associations, contrainte, toutefois, qu'il ne faut pas surestimer : la vie des associations, même des plus petites, n'est pas en péril. Les associations étaient déjà tenues de délivrer des reçus fiscaux aux particuliers. Le projet de loi leur demande simplement de compter le nombre de reçus délivrés et d'additionner le montant cumulé des dons versés, ce que beaucoup d'associations effectuent déjà lors de la tenue de leur comptabilité.
Ce que le Haut Conseil à la vie associative et les représentants du mouvement associatif nous reprochent le plus, ce n'est pas le texte en lui-même, ainsi qu'ils nous l'ont expliqué lors des auditions, mais le sentiment de défiance qui s'en dégage à l'égard des associations. Je tiens à le redire ici : nous respectons les associations qui constituent le pilier de notre pacte républicain. Il n'est pas question de les désigner comme des adversaires, qui, au contraire, sont ceux qui dénaturent l'outil démocratique qu'est l'association.
Quant à l'argument selon lequel l'article 11 ne présenterait aucun lien avec le projet de loi, je note que l'amendement suivant, n° 394, propose de limiter le dispositif à la lutte contre le séparatisme, ce qui prouve que la mesure permet bel et bien de lutter contre le séparatisme. Avis défavorable.
Je ne comprends vraiment pas comment cette disposition nous permettra de lutter contre le terrorisme. L'un de mes amis, qui gère le denier du culte dans le diocèse de ma circonscription, s'est inquiété des contraintes que nous pourrions encore imposer. Pour ajouter des contraintes aux associations cultuelles, vous n'êtes pas les derniers ! Je ne saisis pas comment le recensement du montant global des dons cumulés et du nombre de reçus nous permettra de lutter efficacement contre le séparatisme.
Le véritable enjeu est de permettre aux fidèles de pratiquer correctement leur culte dans des lieux de culte décents. Telle est la vraie question que nous devrions nous poser. Alors même que l'islam, qui est la deuxième religion en France, n'a pas les moyens de bien fonctionner, votre réponse est d'empiler de nouvelles contraintes sur les contraintes déjà existantes. C'est incompréhensible et inutile.
Je n'ai toujours pas compris l'objet de l'article. Quel est son apport ? On saura que l'association X a délivré, par exemple, pour 120 000 euros de reçus pour les dons perçus. Qu'en fera l'administration fiscale ? Expliquez-moi.
Je ne comprends pas : vous pourriez aller jusqu'au bout de votre raisonnement – nous en débattons depuis des années – , en réclamant une liste des donataires afin que l'administration fiscale puisse effectuer des rapprochements. Actuellement, et vous le savez pertinemment monsieur le ministre, le contrôle des donateurs n'est pas simple, puisque seules les pièces justificatives doivent être conservées dans l'hypothèse d'un éventuel contrôle. Or l'immense majorité des contribuables ne sont pas contrôlés : les contribuables disposant de petits et moyens revenus ne le sont pratiquement pas, seuls le sont ceux déclarant de très gros revenus.
Si des associations ont indûment délivré des reçus fiscaux, les sanctions qui s'appliquent à l'encontre de leurs dirigeants sont très sévères. Si vous pouviez nous éclairer, monsieur le ministre ou monsieur le rapporteur, j'en serais fort aise, ainsi qu'on le disait au Grand Siècle.
L'intervention de monsieur Pancher me surprend : alors que nous travaillons sur ce texte depuis déjà quelques jours, vous établissez un lien direct avec le terrorisme. Pardon de vous le dire, vous êtes un peu loin de l'objet du texte. C'est un peu dommage de ne pas vous être exprimé auparavant, en commission spéciale ou en séance publique : vous auriez entendu les arguments du Gouvernement, du rapporteur général et des orateurs qui expliquaient que la lutte contre le terrorisme faisant déjà l'objet de différentes lois, il s'agissait justement de ne pas en débattre ici.
En revanche, il nous revient de discuter des mesures visant à lutter contre le terreau du terrorisme, à limiter les ingérences étrangères sur le sol national et à préciser juridiquement un certain nombre de dispositions, notamment relatives au droit des cultes. Je ne sais pourquoi vous faites des amalgames douteux et dénoncez ainsi ces mesures : est-ce parce que vous n'avez pas suivi le débat et que, peut-être, le simple fait de l'évoquer vous entraîne sur des chemins où votre pensée s'est égarée ?
On n'a pas besoin de vos réflexions ! Vous pouvez les garder pour vous !
Vous nous montrez du doigt comme si nous niions les cultes et que nous n'adoptions que des mesures technocratiques inefficaces pour combattre le séparatisme. Cela n'explique pas pourquoi la quasi-intégralité de la représentation nationale vote, article après article, toutes les dispositions que nous lui proposons ! Mettons cela, qui n'est pas bien grave, sur le compte de notre incompréhension réciproque concernant ce point. Je le répète : c'est dommage que nous n'en ayons pas débattu auparavant.
Monsieur de Courson, l'article 11 permet de compléter utilement l'article 10 : il en est le miroir. Lorsque j'étais ministre de l'action et des comptes publics, il m'est arrivé de demander aux services fiscaux pourquoi, dans le cadre de la politique fiscale que nous menions, ils n'avaient pas contrôlé certains clients. Vous le savez, les services fiscaux se réunissent autour de la table avec le préfet. Bien qu'ils ne soient pas placés sous son autorité, ils peuvent utilement déclencher le contrôle d'associations susceptibles de poser des problèmes – en tout cas, le fait qu'elles pourraient en poser est évoqué.
L'information relative au montant des dons – sans pour autant connaître l'identité des donateurs – versés pour la construction d'un lieu de culte ou en faveur de l'expansion d'une association que l'on pourrait considérer comme ne respectant pas les principes de la République, représente l'un des moyens d'affiner les contrôles que l'on déciderait de réaliser. Il sera possible de déclencher le contrôle d'une association recevant peu de dons mais qui, notamment en prévision de la construction d'un lieu de culte, souhaiterait en recevoir davantage en recourant au publipostage – qui fera, lui aussi, l'objet d'un encadrement, en parallèle du contrôle des financements étrangers. Si le contrôle était déclenché, il pourrait ne rien donner – et ce serait très bien – , ou mettre en lumière certaines difficultés.
Vous le savez bien, la question du reçu fiscal n'est pas la seule à se poser : il y a également celle du détournement de fonds qui peut naître de ces reçus fiscaux. Tous les moyens, notamment ceux utilisés par les partis politiques pour détourner de l'argent de manière totalement illicite, sont bien connus : or il est souvent difficile de prouver de tels détournements.
L'article 11 est le pendant de l'article 10. Connaître le montant nous permet de disposer d'une information parmi d'autres. Après tout, nous débattons d'une disposition relative à une réduction d'impôt sur le revenu de 66 % du montant des dons versés par les Français : il s'agit d'une déduction fiscale. Vous êtes, monsieur député, très attentif – et vous avez bien raison – à la dépense publique ou au crédit d'impôt dont nous discutons souvent dans l'hémicycle lors de l'examen des projets de loi de finances ou des projets de loi de finances rectificative. Les reçus fiscaux, c'est quand même de l'argent public dépensé à bon escient, sans aucun doute. Toutefois, la confiance n'exclut pas le contrôle. Connaître chaque année le montant des reçus fiscaux constitue une information globale qui permet de déterminer, sur plusieurs exercices, si l'activité de l'association est normale ou si elle ne l'est pas, en raison d'un projet qu'il est intéressant de connaître, ou de potentiels détournements.
Afin d'être cohérent tant avec les propos de M. le ministre et de M. le rapporteur qu'avec l'esprit du texte, il faut absolument indiquer que cette disposition – vous avez notamment évoqué les contrôles pour le financement des lieux de culte – sera mise en oeuvre dans le cadre de la lutte contre l'entrisme communautariste ou les idéologies séparatistes.
Les amendements identiques nos 513 de M. Patrick Hetzel et 692 de M. Marc Le Fur sont défendus.
Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
Comme vous l'avez souligné, l'objet de l'article 11 est bien de lutter contre les séparatismes. Aussi, insérer les éléments que vous proposez pourrait-il paraître judicieux. Toutefois, leur rédaction créerait une insécurité juridique, ce qui n'est pas souhaitable. L'avis est donc défavorable.
L'amendement no 1571 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
Il vise à prévoir une sanction plus dissuasive pour les organismes bénéficiaires de dons ouvrant droit à une réduction d'impôt, en cas de non-respect de l'obligation de fournir une déclaration des montants perçus et des reçus délivrés. En effet, lors des auditions, nous nous sommes aperçus que le montant de cette sanction, fixé à 150 euros, pouvait sembler faible et peu coercitif, particulièrement pour les grandes structures.
Il convient toutefois de conserver une sanction proportionnée, qui ne punisse pas plus sévèrement les associations que les particuliers qui omettent une déclaration, et qui ne pénalise pas non plus les petites associations par rapport aux grandes. Par conséquent, nous ne proposons une sanction aggravée qu'en cas de récidive, afin de ne pas porter préjudice aux associations de bonne foi, et de ne punir plus sévèrement que celles qui persistent à ne pas déclarer de déclaration.
L'amendement no 2146 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
Sur les articles 11 et 12, je suis saisie par le groupe La République en marche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
L'amendement no 1251 de M. François Pupponi est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Il est défavorable. Cet amendement est satisfait par l'adoption du précédent.
Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour votre explication et votre amendement. Celui de M. Pupponi étant effectivement satisfait, je le retire.
L'amendement no 1251 est retiré.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 88
Nombre de suffrages exprimés 86
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 75
Contre 11
L'article 11, amendé, est adopté.
L'amendement no 1569 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 44 de Mme Marie-Pierre Rixain est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission spéciale a donné un avis défavorable sur cet amendement. Toutefois, et même s'il est très rare que je m'autorise à émettre un avis à titre personnel, je tiens à dire que j'y suis favorable par principe.
Cela étant, j'ai cru comprendre que l'amendement était déjà satisfait : c'est pourquoi je laisse au Gouvernement le soin de nous donner des précisions.
Le Gouvernement suit l'avis de M. le rapporteur.
L'amendement no 44 est adopté.
Il est procédé au scrutin.
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 92
Nombre de suffrages exprimés 87
Majorité absolue 44
Pour l'adoption 85
Contre 2
L'article 12, amendé, est adopté.
La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l'amendement no 2671 , portant article additionnel après l'article 12.
Cet amendement nous paraît important dans la mesure où il vise à inclure dans le texte l'article 4 de la proposition de loi de Sarah El Haïry, adoptée par notre assemblée, visant à améliorer la trésorerie des associations. L'objet de cet article est symbolique, mais néanmoins concret et attendu par nombre d'associations : permettre à l'État de confier à des associations d'intérêt général la gestion d'immeubles dont il est devenu propriétaire lors de procédures pénales de saisies, conduites par l'Agence de recouvrement des avoirs saisis et confisqués – AGRASC. En d'autres termes, il s'agit de transférer à des associations la gestion de biens mal acquis.
Je rappelle que cet article a été adopté en première puis en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et en première lecture par le Sénat. Je rends d'ailleurs hommage au travail de Mme El Haïry, désormais secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement, sur cette proposition de loi dont l'ambition est d'améliorer la trésorerie des associations. Cependant, la suspension de la navette parlementaire sur ce texte depuis le 29 novembre 2019 rend très incertaine son adoption définitive. Plusieurs dispositions seraient pourtant particulièrement bienvenues pour le mouvement associatif.
Il nous semble donc opportun de transférer cet article consensuel dans le présent projet de loi, qui a beaucoup plus de chances d'être définitivement adopté à l'issue de la navette parlementaire et qui comprend tout un chapitre consacré aux associations. La mesure pourrait ainsi entrer en vigueur beaucoup plus rapidement.
Je rappelle que plusieurs pays européens, à l'instar de l'Italie, ont d'ores et déjà adopté des dispositions analogues, dans le prolongement de la directive du 3 avril 2014 du Parlement et du Conseil européens concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne.
Non seulement d'un point de vue moral et symbolique, mais surtout pour agir de manière concrète en faveur des associations, il conviendrait que l'Assemblée nationale confirme le vote de l'article 4 de la proposition de loi de Mme El Haïry en l'incorporant dans le présent projet de loi.
Sur le principe, j'adhère à l'objectif de votre amendement, qui me semble intéressant s'agissant de la bonne gestion des deniers publics. Vous faites référence à la proposition de loi de Sarah El Haïry, aujourd'hui secrétaire d'État : or, sur ce texte, la navette parlementaire n'est pas achevée. De plus, pour que la mesure que vous souhaitez intégrer au présent texte soit pleinement opérationnelle au plan juridique, il faudrait modifier les articles 41-5 et 99-2 du code de procédure pénale, ce que ne prévoit pas votre amendement. Je demande donc son retrait, afin que vous puissiez revoir sa rédaction.
Oui, madame la présidente. Dans la mesure où je propose le transfert d'un article qui a été adopté en première et en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et en première lecture par le Sénat, je suis un peu surpris par ces remarques d'ordre juridique.
Quant à la navette parlementaire sur la proposition de loi de Sarah El Haïry, il n'est pas nécessaire d'avoir fait l'ENA ou Saint-Cyr pour comprendre qu'elle n'ira pas à son terme d'ici à 2022.
C'est pourquoi, le présent texte représentant une occasion unique de confirmer un choix politique et moral important, relatif au transfert, à des associations, de biens acquis par le crime, c'est-à-dire mal acquis, j'invite M. le rapporteur à déposer un sous-amendement afin de faire aboutir ma proposition : il n'y aurait alors plus aucune ambiguïté sur un sujet consensuel, attendu et concret de cette importance.
L'amendement no 2671 n'est pas adopté.
La parole est à Mme Monica Michel, pour soutenir l'amendement no 1732 .
Il vise à étendre les dispositions destinées à renforcer la démocratie interne au sein des associations cultuelles à tous les types d'association. La portée de cette ambition serait limitée si, comme le prévoit l'article 26 du projet de loi, elle devait être circonscrite aux seules associations cultuelles. Si, dans les faits, le type d'organisation interne décrit dans cet amendement est déjà largement répandu, il convient néanmoins d'en assurer l'effectivité pour l'ensemble des associations.
Vous souhaitez étendre les obligations spécifiques aux associations cultuelles relevant de la loi de 1905 à l'ensemble des associations relevant de la loi de 1901. Or il me semble que ces obligations sont justement spécifiques aux cultes et qu'il serait disproportionné de les imposer à l'ensemble des associations. Avis défavorable.
L'amendement no 1732 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
Je suis saisie de huit amendements, nos 1050 , 1047 , 1051 , 1049 , 1252 , 1253 , 2170 et 2046 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement no 2170 fait l'objet d'un sous-amendement.
La parole est à M. Julien Ravier, pour soutenir les amendements nos 1050 , 1047 , 1051 et 1049 , qui peuvent faire l'objet d'une présentation groupée.
Nous en venons à un moment très important de l'examen de ce texte, dont l'article 35 prévoit le contrôle des financements étrangers pour les associations relevant de la loi de 1905, c'est-à-dire les associations cultuelles. Il s'agit vraiment d'une bonne chose, mais si nous voulons lutter contre le séparatisme islamiste, il faut s'attaquer au séparatisme islamiste. Or, nous le savons, les associations cultuelles islamistes relèvent de la loi de 1901. Il me paraît donc tout à fait judicieux d'étendre à ce type d'association le dispositif prévu à l'article 35 relatif, je le répète, au contrôle des financements émanant de puissances étrangères prônant potentiellement le séparatisme.
De fait, les associations sportives, culturelles ou éducatives sont la cible de l'entrisme de l'islamisme politique. J'imagine que tout le monde a lu le dernier numéro du Journal du dimanche, qui a consacré quatre ou cinq pages à l'entrisme, notamment financier, de la Turquie dans des associations loi de 1901. Voilà pourquoi, par cette série de quatre amendements – M. Houlié, rapporteur de la commission spéciale pour les chapitres II et III du titre II et pour les titres III et IV, en présentera aussi un similaire – je vous propose d'étendre le dispositif de contrôle des financements étrangers aux associations relevant de la loi de 1901 de manière à mieux nous protéger.
L'amendement no 1050 vise à instaurer la combinaison de deux mesures. La première est la déclaration obligatoire des financements intracommunautaires supérieurs à 10 000 euros pour les associations loi de 1901. La seconde est la demande d'autorisation préalable de financement extracommunautaire. En effet, les capitaux circulant librement au sein de l'Union européenne, il est impossible d'instaurer un système d'autorisation préalable pour les financements intracommunautaires.
Le no 1047 est un amendement de repli dont l'objet est la transposition exacte de la disposition prévue à l'article 35 aux associations loi de 1901. Celles-ci auraient à déclarer tout financement étranger, quel que soit le pays concerné, supérieur à 10 000 euros.
S'agissant de l'amendement no 1051 , il vise à instaurer une obligation d'autorisation préalable au financement extracommunautaire pour les associations organisées selon la loi de 1901.
Enfin, l'amendement no 1049 tend à créer une obligation de déclaration des financements étrangers extracommunautaires. Il s'agit d'un amendement de repli, au cas où vous ne voudriez pas instaurer une déclaration des financements étrangers pour tous les pays et préféreriez vous concentrer sur les États extracommunautaires, notamment sur la Turquie – je vous renvoie de nouveau vers le Journal du dimanche paru hier.
Nous avions envisagé en commission, avec M. le rapporteur Éric Poulliat, d'étendre l'obligation de déclaration des financements étrangers aux associations relevant de la loi de 1901. Certaines associations – associations sportives, ou d'aide aux devoirs, par exemple – bénéficient, en effet, de dérogations spécifiques, prévues par le code pénal, pour organiser des activités de façon discriminatoire, en fonction du sexe pour les compétitions sportives par exemple. Or ces dérogations peuvent être dévoyées par des associations qui s'inscrivent dans une logique séparatiste.
J'ai présenté en commission, puis retiré, un amendement qui tendait à restreindre le contrôle au financement extracommunautaire, notamment parce que l'article 35 du présent projet de loi est suffisamment contraignant pour n'être admissible que si cette disposition concerne la protection des intérêts fondamentaux – je vous renvoie à l'arrêt Commission contre Hongrie de la Cour de justice de l'Union européenne.
Cet amendement-ci élargit le contrôle des financements étrangers à l'ensemble des associations loi 1901. Il s'agissait pour nous de prendre date : nous souhaitions travailler avec M. le rapporteur Éric Poulliat pour affiner notre proposition, qui n'avait pas vocation à être adoptée en l'état. Il vous expliquera les modifications nécessaires pour que cet amendement remporte l'adhésion de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Éric Pouillat, rapporteur, pour soutenir le sous-amendement no 2701 , portant sur l'amendement qui vient d'être défendu.
Madame la présidente, pour la clarté des débats, il me paraîtrait préférable que l'amendement no 2046 soit présenté avant que je n'explique le sens de mon sous-amendement.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 2046 .
Le groupe Agir ensemble souhaite également lutter contre cet entrisme séparatisme, d'où qu'il vienne, dans les associations loi 1901, qu'elles soient sportives, culturelles, ou fassent du soutien scolaire. Nous souhaitons que le contrôle prévu pour les associations relevant de la loi de 1905 soit étendu aux associations loi 1901. S'agissant des financements étrangers, il est essentiel à nos yeux que l'administration ait non seulement un droit de regard, mais aussi un droit d'opposition.
C'est là une question importante, sur laquelle nous aimerions des réponses de la commission et du Gouvernement. Il faut avancer.
J'approuve l'objectif de ces amendements : contrôler les financements étrangers reçus par les associations loi 1901. Mais, pour cela, nous devons adopter un dispositif opérationnel et proportionné : notre pays compte quelque 5 000 associations cultuelles, mais 1,5 million d'associations loi 1901. L'extension que vous demandez est donc très importante.
Je remercie de leur travail nos collègues qui ont déposé ces amendements. L'amendement no 2170 de M. Houlié, à la rédaction duquel j'ai participé, me semble le plus abouti. Mon sous-amendement no 2701 permet de recentrer le contrôle sur les associations qui touchent plus de 153 000 euros de dons, qui sont dans les faits les plus concernées : il remplace également l'obligation de déclaration par une obligation d'établir, dans les comptes annuels, un état séparé des financements étrangers. Ce dispositif permet d'atteindre notre objectif commun de façon proportionné et acceptable pour les associations.
Je suis donc favorable à l'adoption de l'amendement no 2170 sous réserve de l'adoption de mon sous-amendement ; je propose aux auteurs des autres amendements de les retirer.
Monsieur Ravier, je partage tout à fait votre conception des choses. Permettez-moi quelques points d'explication du texte. Aujourd'hui, la République ne connaît pas les financements étrangers perçus sur son sol par les associations liées aux différents cultes, quel que soit le mode de gestion de celles-ci, loi de 1901 ou loi de 1905. Elle ne peut donc pas s'y opposer. Par ailleurs, elle ne connaît pas le financement du monde associatif, quelle que soit sa structure, et ne peut donc pas faire valoir non plus la moindre opposition.
S'agissant des cultes, nous avons inscrit dans le texte dès avant sa présentation au Conseil d'État une disposition essentielle : à partir de 10 000 euros, nous souhaitons connaître tous les financements reçus non seulement des États, mais aussi des ONG, des fondations, des entreprises, des particuliers même, étrangers au sol national, et qui financent un lieu de culte, et cela pour les associations relevant de la loi de 1905 comme de la loi de 1901. Nous avons bien conscience qu'une partie des lieux de culte sont gérés sous le régime de la loi de 1901, même si nous pouvons le déplorer : l'un des objets de ce texte est de forcer ces associations à aller vers le régime de la loi de 1905. Quoi qu'il en soit, les associations lois 1901 qui gèrent des lieux de culte seront soumises sans aucun doute à cette disposition de déclaration, et l'État pourra s'opposer à ces financements.
Mais la lutte contre le séparatisme, ce n'est pas seulement la lutte contre l'islamisme : nous voulons aussi lutter contre les ingérences étrangères, dont certaines relèvent non pas de l'islamisme, mais d'un contrôle de la diaspora. Il faut combattre les deux, de façon un peu différente sans doute.
Connaître les financements étrangers touchés par les associations dont nous avons dit qu'elles sont parfois aussi des officines de lutte contre la République est donc indispensable. C'est l'apport de ces amendements à ce texte, qui ne prévoyait pas initialement ces dispositions : il ne nous avait pas semblé que la mesure de généralisation des déclarations des revenus venant de l'étranger et de l'opposition par l'État était possible sans risquer la censure du Conseil constitutionnel. Restreinte à la gestion des lieux de culte, elle nous apparaissait proportionnée et donc pouvoir éviter la censure.
En commission spéciale, M. Houlié a proposé d'élargir cette déclaration et cette faculté d'opposition de l'État à toutes les associations, quelles qu'elles soient, dans la limite bien sûr du droit européen – ce qui pose d'autres problèmes, puisque l'on pourrait passer par un pays tiers membre de l'Union européenne pour financer des associations en France, et je soumets cette première possibilité d'entorse à votre sagacité : un tel mécanisme serait difficile à combattre..
J'ai dit en commission spéciale trouver cette proposition intéressante, mais disproportionnée. Le compromis proposé par l'amendement de M. Houlié, sous-amendé par M. Poulliat, est, je crois, le maximum de ce que nous pouvons faire : il permet à l'État de connaître un certain nombre de financements étrangers, et de s'y opposer lorsqu'il y a une atteinte grave aux valeurs de la République et à l'ordre public. Avec cette disposition, nous aurions pu connaître les financements reçus par le CCIF et par BarakaCity, et nous y opposer. C'est bien notre souhait.
Cette disposition n'est pas aussi large que celles que vous proposiez, monsieur Ravier, mais celles-ci seraient à coup sûr censurées par le Conseil constitutionnel, comme contraires à la liberté d'association. Le Conseil d'État nous a autorisés à prendre des mesures fortes, obligation de déclaration et faculté pour l'État de s'opposer, concernant le financement d'associations qui gèrent des cultes, qu'elles relèvent de la loi de 1901 ou de celle de 1905. C'est bien parce que cette mesure concerne exclusivement la gestion des cultes que nous pouvons la prendre. Ce que demandent ici plusieurs amendements, c'est un élargissement à toute la vie associative, indépendamment de la gestion du culte. Le Conseil d'État juge une telle mesure disproportionnée ; nous pensons qu'il n'a pas tort, même si l'on peut comprendre les arguments sur lesquels se fondent ces demandes – je ne sous-estime en rien l'entrisme islamiste dans certaines associations, ou plus généralement les tentations séparatistes.
Il nous semble donc que, pour que les dispositions juridiques votées fonctionnent, sans toucher à la liberté d'association telle qu'elle est reconnue par le Conseil constitutionnel, il serait préférable d'adopter l'amendement no 2170 sous-amendé. Je suggère donc le retrait des autres amendements. Nous aurions ainsi atteint notre objectif, et le texte du Gouvernement s'en trouverait enrichi, sans encourir la censure du Conseil constitutionnel.
On dérive complètement, complètement ! Comment pourriez-vous vous opposer à ces financements d'origine étrangère, étatique ou privée, sans demande d'autorisation préalable ? Que pourrez-vous faire une fois l'argent versé ? Le III de l'amendement no 2170 me semble donc inopérant : « L'autorité administrative peut s'opposer », nous dit-on : mais encore faudrait-il qu'elle sache préalablement que tel État, telle fondation étrangère, telle personne physique ou morale étrangère verse de l'argent !
Par ailleurs, votre amendement est-il vraiment eurocompatible ? Vous ne distinguez nulle part les fonds d'origine étrangère venus de l'extérieur de l'Union de ceux circulant à l'intérieur de l'Union.
Cette logique de contrôle des associations cultuelles, puis d'extension de ce contrôle à toutes les associations est une logique infernale. Comment allez-vous faire ?
Voilà quelques petites questions – il y en a certainement beaucoup d'autres. Nous aimerions être un peu mieux éclairés. J'ai cru un moment que M. le ministre, après avoir dit tout le bien qu'il pensait de cet amendement, allait dire qu'on verrait plus tard… Mais il n'a pas demandé le retrait de cet amendement. Il rappelle néanmoins l'avis du Conseil d'État, qui a estimé que cette mesure était complètement disproportionnée.
Pour nous, le plus important est de lutter contre l'entrisme séparatiste, quel qu'il soit, dans les associations relevant de la loi de 1901. Nous avons eu ce débat en commission spéciale ; un travail a été mené depuis, et j'entends bien les arguments de M. le rapporteur Éric Poulliat et de M. le ministre sur ce sujet général. L'important, c'est d'avancer sans encourir le risque d'une censure du Conseil constitutionnel. Nous retirons donc notre amendement no 2046 et nous voterons l'amendement présenté par le rapporteur Houlié, ainsi que le sous-amendement du rapporteur Pouillat. Le contrôle des financements étrangers est un sujet essentiel, et nous devons apporter des réponses très claires.
L'amendement no 2046 est retiré.
Je suis satisfait de constater que vous avancez sur ce sujet. Tout cela va dans le bon sens. Mais je rejoins les observations de Charles de Courson. Mes amendements permettent d'aller un peu plus loin. Je comprends que vous souhaitiez réduire les contraintes imposées aux associations loi de 1901, d'une part, parce que le service TRACFIN n'aura pas suffisamment de moyens pour tout contrôler, ils nous l'ont dit, et, d'autre part, parce que ce sont des myriades d'associations qui seraient concernées. Je comprends donc votre intention de circonscrire le champ d'application de cette disposition.
Vous placez à 153 000 euros le seuil au-dessus duquel les associations devront tenir une comptabilité séparée et déclarer leurs financements venus de l'étranger, qui pourront être contrôlés, comme ce sera le cas avec l'article 35 pour les associations cultuelles, lesquelles relèvent de la loi de 1905.
Pourquoi ne pas aller vers un système d'autorisation préalable pour les financements extra-communautaires ? Il permettrait de bloquer les financements étrangers potentiellement douteux en vérifiant si la puissance ou la personne morale étrangère est susceptible de faire de l'entrisme séparatiste, au lieu d'avoir à exiger leur restitution. Le régime déclaratif intra-communautaire auquel nous sommes soumis en raison de la libre circulation des capitaux rend totalement impossible le système d'autorisation préalable, comme les représentants TRACFIN nous l'ont expliqué lors des auditions ; en revanche, au niveau extra-communautaire, une autorisation préalable est possible. M. le ministre pourrait rédiger un nouveau sous-amendement, afin d'y intégrer une obligation d'autorisation préalable pour les financements extra-communautaires des associations du périmètre circonscrit.
Je tenais à apporter quelques précisions à mon collègue de Courson, qui a posé plusieurs questions.
Premièrement, le sous-amendement de M. Pouillat supprime le III de mon amendement. C'est pour cette raison que je parlais d'imperfection du dispositif : le VII du sous-amendement supprime les alinéas 12, 13 et 15 de l'amendement. Vous pouvez être rassuré sur le droit d'opposition.
Deuxièmement, comment faire ? Tout d'abord, il peut y avoir une procédure de contrôle de TRACFIN ; en cas d'absence de contrôle administratif, il est possible de passer par une procédure civile d'exécution classique : une saisie à titre conservatoire peut être obtenue par une ordonnance de référé en saisissant en urgence n'importe quel tribunal judiciaire, dès lors qu'un fondement légal permet de procéder à la saisie, comme une suspicion sur les financements visés.
Troisièmement, est-ce eurocompatible ? Oui, à partir du moment où l'on cible le contrôle des financements étrangers sur les associations qui reçoivent plus de 153 000 euros.
Nous n'avons pas souhaité rouvrir le débat avant la présentation des amendements de MM. Ravier et Euzet, pour avoir une discussion complète. Il y a peut-être encore des correctifs à apporter, notamment concernant le seuil de 153 000 euros – lequel renvoie à un décret – et les procédures de contrôle. L'amendement jette les premières bases : des ajustements pourront être apportés au cours de la navette, voire en CMP – commission mixte paritaire.
Une remarque formelle, monsieur Houlié : lorsque vous intervenez, vous vous adressez à tous les députés. Ce n'est pas un dialogue, car les observations que vous faites éclairent l'ensemble des députés.
Mais vous vous adressez à tout le monde, monsieur le rapporteur – je le dis de la même façon à M. de Courson.
Je souhaitais ménager la susceptibilité de votre collègue, monsieur de Courson…
Sourires.
J'avais quelque chose à dire à M. de Courson, mais je le dirai à tout le monde.
Sourires.
Ce sous-amendement va dans le bon sens. Toutefois, il y a deux choses à ne pas confondre : il y a le contrôle, certes, mais l'intérêt de la déclaration est avant tout de communiquer l'information aux administrations, c'est-à-dire d'autoriser la transparence – et c'est là le plus important. Bien sûr, TRACFIN ne pourra pas tout contrôler, mais, au moins, les services fiscaux et l'administration auront l'information et l'on saura exactement qui fait quoi ; en cas de suspicion d'activité anormale ou illégale, il y aura contrôle.
Par ailleurs, le sous-amendement permet de répondre à une revendication légitime des cultes qui demandaient : « Pourquoi seulement nous ? » Oui, il faut généraliser la disposition, car ils ne sont pas les seuls susceptibles d'utiliser des fonds à la provenance douteuse.
Les auteurs des amendements en discussion commune sont invités par M. le rapporteur et M. le ministre à retirer leurs amendements, à l'exception de l'amendement no 2170 et du sous-amendement no 2701 . Sans refaire les débats, pourriez-vous m'indiquer si vous souhaitez les retirer ?
La parole est à M. Julien Ravier.
Je ne retire pas mes amendements. Par ailleurs, je n'ai pas obtenu de réponse sur le dispositif d'autorisation préalable pour les financements extra-communautaires, pourtant totalement envisageable et auquel je tiens particulièrement. Je le proposerai également pour les associations loi 1905.
Je tiens à apporter une précision à M. Ravier, qui a posé de bonnes questions. Le contrôle préalable présente clairement un risque d'inconstitutionnalité…
La question est par ailleurs discutable du point de vue de la liberté d'association. Le sujet de la libre circulation extra-communautaire avait également été abordé par Sacha Houlié en commission spéciale, où nous avions vu que les traités précisent que la libre circulation s'impose aussi bien entre deux États membres qu'au niveau extra-communautaire. Il n'est donc pas possible de faire autrement sans contrevenir aux traités européens. Votre disposition va trop loin, à la fois par rapport à la Constitution et par rapport au droit européen.
Le sous-amendement no 2701 est adopté.
L'amendement no 2170 , sous-amendé, est adopté.
Dans la lignée de l'amendement précédent, je propose d'étendre le contrôle des financements étrangers aux fonds de dotation. Ce contrôle renforcé est complémentaire des mesures adoptées à l'article 9 du projet de loi.
L'amendement no 2173 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement no 1191 vise à rendre accessibles en ligne les données relatives au montant, aux modalités de versement et aux conditions d'utilisation des subventions attribuées par les collectivités territoriales, dans l'objectif de permettre un contrôle plus efficace et une meilleure transparence pour les citoyens. J'ai bien conscience, comme vous me l'aviez indiqué en commission, que la mise en place du dispositif est complexe, surtout pour les petites communes, et c'est pour cette raison que nous avons ajouté un second amendement, le no 1204, prévoyant un seuil en nombre d'habitants à fixer par décret. J'avais alors l'oreille du rapporteur ; j'espère encore l'avoir.
Quel est l'avis de la commission ? L'oreille du rapporteur a-t-elle été sensible aux amendements de Mme Oppelt ?
J'ai été sensible à ces amendements en commission spéciale car la question de la transparence des sommes versées aux associations par les collectivités territoriales est un sujet digne d'attention. Le seuil actuel est fixé à 23 000 euros, mais ceux qui connaissent bien les collectivités territoriales savent que beaucoup d'associations touchent des subventions bien moindres : pour elles, la publicité n'est donc pas obligatoire, même si – soyons honnêtes – , la plupart du temps, elles sont attribuées par le conseil municipal, dont les délibérations sont publiques.
Le seuil de 23 000 euros, fixé par le décret du 6 juin 2001, pourrait être revu à la baisse par le Gouvernement, car il me semble très élevé. Mais cela relève du domaine réglementaire. Avis favorable à l'esprit de l'amendement ; sur l'amendement en lui-même, demande de retrait, car il est en partie satisfait.
La publicité des débats sur les subventions est normale et assurée par leur tenue en conseil délibérant. Souvent, les collectivités territoriales mettent en ligne ces délibérations, mais elles n'en ont pas l'obligation.
Nous sommes tous sensibles à l'idée de rendre la publicité de ces informations obligatoires : je veux simplement rappeler à Mme Oppelt que l'amendement n'a pas été soumis à l'Association des maires de France, alors qu'il représente une charge éventuelle, notamment pour les petites collectivités qui ne disposent pas toutes d'un site internet permettant de mettre en ligne l'historique des délibérations. J'entends l'argument : la question est de savoir si l'Assemblée veut adopter cette disposition en attendant le Sénat, où l'on pèsera sans doute au trébuchet ce qui concerne les collectivités territoriales, notamment les plus petites d'entre elles. En tout état de cause, la publicité est déjà garantie grâce aux délibérations consultables par tout un chacun – même si l'on sait qu'y accéder est parfois complexe en pratique. Attention, donc, à la différence entre grandes et aux petites collectivités.
J'ajoute enfin que 23 000 euros, c'est aussi le seuil à partir duquel les élus doivent signer une convention dont les dispositions autorisent des contrôles. Le seuil de publicité est donc fixé à ce montant pour épouser ces contraintes supplémentaires. Demande de retrait pour travail et consultations ; à défaut, avis de sagesse.
L'amendement est satisfait pour la raison indiquée par M. le ministre : pas de subventions sans délibérations ; or les délibérations sont publiques. Tout le monde peut y accéder, et la plupart des grandes collectivités les ont d'ailleurs mises en ligne pour en faciliter l'accès. Il n'y a donc pas de caractère privé ou secret à l'attribution de ces subventions.
J'entends bien les arguments. Moi-même, à Nantes, je peine pour obtenir ces données. Nous avons celles du conseil municipal mais, souvent, ce qui manque, c'est le cumul de données : par thématique, entre la ville et la métropole, ou entre la ville, la métropole et d'autres collectivités. Il me semble important d'aller plus loin dans la transparence. Je laisse donc les amendements au vote.
On peut reconnaître à notre collègue le mérite d'avoir posé les termes d'un problème réel, mais nous sommes particulièrement sensibles à l'argument selon lequel ce type de disposition doit faire l'objet d'une concertation avec l'Association des maires de France. En effet, elle pèse sur l'ensemble des communes, et il serait préférable de se laisser un temps de discussion, quitte à réexaminer la proposition lors du passage du texte au Sénat. Nous voterons contre ces amendements.
L'amendement no 464 de M. Raphaël Schellenberger est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Cet amendement spécifique vise à imposer la tenue sous forme électronique du registre des associations de droit local dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Je vois l'intérêt de l'amendement : il me semble relever du domaine réglementaire, mais j'estime que l'on peut y donner un avis favorable.
L'amendement no 464 , accepté par le Gouvernement, est adopté.
La parole est à M. Pierre-Yves Bournazel, pour soutenir l'amendement no 2581 .
Les fonds alloués à des associations peuvent parfois être utilisés pour financer des manifestations à l'étranger organisées par des institutions, associations ou personnes privées étrangères. Si l'objet de ces manifestations était contraire aux principes républicains, il faudrait prévoir un garde-fou : c'est l'objet de cet amendement. Sans remettre en cause la possibilité offerte aux associations de transférer des fonds vers l'étranger, le groupe Agir ensemble pense que l'argent public versé aux associations en France ne saurait servir des causes incompatibles avec le principe républicain de laïcité. Nous voulons donc que les associations bénéficiaires de dotations publiques soient tenues d'informer l'autorité administrative de l'objet et du montant des versements qu'elles effectuent au bénéfice des institutions, associations ou personnes privées étrangères.
L'article 1er du décret du 5 mai 2017 relatif à l'accès sous forme électronique aux données essentielles des conventions de subvention impose d'indiquer dans ces textes l'objet de la subvention.
En outre, votre amendement est satisfait par l'article 6 du projet de loi : si une association bénéficiaire d'une subvention poursuit un objet illicite ou que ses activités ne sont pas compatibles avec les principes de la République, la subvention lui est retirée, que ses activités aient lieu en France ou à l'étranger.
Votre amendement me semblant satisfait, l'avis est défavorable.
L'amendement no 2581 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
La parole est à M. Philippe Benassaya, pour soutenir l'amendement no 1389 .
Je souhaite défendre cet amendement de mon collègue Michel Vialay, député élu dans les Yvelines comme moi. Les associations sont au contact direct des citoyens, parfois dans des quartiers sensibles où l'État a du mal à s'implanter – Michel Vialay et moi savons de quoi nous parlons. Certains bénévoles peuvent avoir une forte influence négative sur certains bénéficiaires de ces associations, en particulier dans les associations sportives qui oeuvrent dans certains quartiers et qui y tiennent une place très importante.
Former des lanceurs d'alerte visant à prévenir la radicalisation permettrait d'identifier certains individus qui restent en dehors des radars de l'État et d'éviter que certaines associations ne deviennent des relais du radicalisme, de quelque sorte qu'il soit.
Je saisis la motivation de l'amendement, mais plusieurs éléments demandent à être précisés : quel serait l'objectif du réseau de lanceurs d'alerte ? Qui le déploierait et qui le financerait : État ? Associations ? Quels seraient ses moyens et ses prérogatives ? Vous renvoyez toutes ces questions à un décret, ce qui empêche de se faire une idée précise du mécanisme.
En outre, quelle serait la plus-value du dispositif ? Les associations sont déjà en mesure d'identifier les cas de radicalisation qu'elles sont susceptibles de constater en leur sein – ce qui ne veut pas dire qu'elles le fassent systématiquement. L'organisation des remontées d'informations relève de la compétence du préfet. On ne voit pas ce qu'un réseau de lanceurs d'alerte apporterait : donc l'avis est défavorable.
L'amendement no 1389 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'amendement no 464 de M. Raphaël Schellenberger vise à modifier l'alinéa 3 de l'article 21 du code civil local applicable dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, afin que les registres des associations soient systématiquement tenus sous forme électronique.
Notre amendement vise, lui, à ce que ce registre soit tenu sous le contrôle du juge par le greffe du tribunal judiciaire, selon un modèle défini par arrêté du garde des sceaux. Cet arrêté fixera la date à compter de laquelle le registre sera tenu sur support électronique.
Y a-t-il concordance entre le droit local et les articles 1366 et 1367 du code civil ? Je n'en suis pas certain !
Dans le même esprit que pour l'amendement no 464 , l'avis est favorable.
C'est vous, collègues du groupe La République en marche, qui introduisez le droit local dans le débat, pas moi !
Je suis favorable à l'abrogation du concordat d'Alsace-Moselle, mais à aucun moment le groupe La France insoumise n'a soulevé cette question dans notre discussion. C'est vous qui le faites, ce qui me va très bien car ce sujet d'intérêt général concerne tous les Français. Je souhaite que ceux qui nous écoutent le comprennent bien. Nous en reparlerons lors de l'examen des prochains articles : j'espère que tous les laïques auront à coeur de me soutenir pour mettre fin à cette aberration antilaïque.
Mme Caroline Fiat applaudit.
L'amendement no 2451 est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 204 de Mme Marie-France Lorho et 1328 de Mme Laurence Trastour-Isnart, portant article additionnel avant l'article 13.
Ils sont défendus.
La parole est à Mme Nicole Dubré-Chirat, rapporteure de la commission spéciale pour le chapitre III du titre Ier, pour donner l'avis de la commission.
et . L'avis est défavorable, puisque nous avons modifié le titre du chapitre III du titre Ier en commission spéciale. Nous ne revenons pas sur ce qui a été décidé.
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'avis est également défavorable. Nous avions initialement intitulé ce chapitre « Dispositions relatives à la dignité de la personne humaine », mais la commission spéciale a décidé, après des débats longs et nourris, de changer le titre en « Dispositions relatives au respect des droits des personnes et à l'égalité entre les femmes et les hommes », rédaction que nous trouvons opportune et qui résume bien les articles contenus dans le chapitre.
Madame la rapporteure, vous venez de dire : « Nous ne revenons pas sur ce qui a été décidé. » Rassurez-moi, il sera quand même possible de débattre des amendements et d'améliorer le texte en séance publique, n'est-ce pas ? Cet amendement de suppression de l'article 13 s'inscrit dans cette logique.
Cet article vise à renforcer la protection des héritiers réservataires. Dont acte. Mais tel qu'il est rédigé, il intègre de nouveau dans le droit des successions et des libéralités une sorte de droit de prélèvement. Or le droit de prélèvement a été déclaré inconstitutionnel, à l'occasion de l'examen, le 5 août 2011, d'une QPC par le Conseil constitutionnel, au motif qu'il engendrerait une rupture d'égalité entre les héritiers de nationalité française qui en bénéficiaient et les héritiers étrangers.
Lors de son audition, le Conseil supérieur du notariat a fait part de ses craintes quant à la mise en oeuvre de ces mesures. Comment accomplir cette nouvelle obligation ? Comment faire pour retrouver un héritier ?
Cette nouvelle responsabilité risque d'alimenter frustrations et contentieux, car l'usine à gaz que vous mettez en place créera de nombreuses incertitudes juridiques.
C'est pourquoi il convient de supprimer l'article 13.
L'intérêt de cet article est de nourrir les avocats. En effet, il alimentera des contentieux épouvantables entre le droit du pays du de cujus, comme on disait autrefois, c'est-à-dire le défunt, et celui du pays d'implantation.
La deuxième raison qui me pousse à demander la suppression de l'article tient à l'exclusion des conjoints du champ de celui-ci. Seuls les enfants sont concernés. Au nom de quoi ?
Lorsque j'ai posé la question, on m'a répondu que la situation était déjà suffisamment compliquée pour les enfants sans qu'il soit besoin d'ajouter les conjoints. Certes, mais il s'agit d'une rupture d'égalité, comparable à celle qui a motivé l'élaboration de l'article 13.
Mes chers collègues, nous pouvons nous faire plaisir, mais, comme à Xavier Breton, il me semble que cet article pose un énorme problème de rupture d'égalité entre les enfants, plus précisément entre ceux qui résidaient dans un pays de l'Union européenne au moment du décès du de cujus et les autres. En effet, seuls les premiers auront droit à la réserve héréditaire.
On comprend l'idée qui sous-tend l'article 13, mais celui-ci aboutit à des impasses. Il convient de conserver le droit international privé positif, à savoir la règle selon laquelle le droit applicable est celui du pays du de cujus, celui où il était considéré comme résident au moment de sa mort. Pensez à Johnny Hallyday !
Heureusement que le chanteur ne résidait pas plus de six mois en Californie au moment de sa mort, contrairement à ce que prétendait sa veuve, sinon le droit français ne se serait pas appliqué. Grâce à cela, les droits de ses deux premiers enfants ont pu être respectés.
L'amendement no 2523 de M. Julien Ravier est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Le principe de réserve héréditaire offre à chaque enfant la liberté d'accéder au droit de succession ou de le refuser. Il garantit l'égalité entre les hommes et les femmes. Enfin, il assure la fraternité, en prévoyant une répartition égale dans la fratrie. Il empêche ainsi de déshériter ou de léser un enfant.
L'article 13 renforce la protection des héritiers, d'une part en améliorant leur information, par le notaire, sur le droit à l'action en réduction, d'autre part en prévoyant la possibilité pour les enfants omis par le testament et régis par la loi étrangère d'effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens du défunt situés en France pour être établis dans les droits réservataires que leur confère la loi française.
Monsieur Breton, le Conseil constitutionnel a en effet déclaré que le droit de prélèvement créait une discrimination entre les enfants étrangers et les enfants français. Or l'article couvre l'ensemble des héritiers, français et étrangers, et ne procède à aucune discrimination. Quant au conjoint, il bénéficie d'une partie ou de la totalité – s'il n'y a pas d'enfant – de la succession. La réserve héréditaire concerne, comme son nom l'indique, le droit de succession en France, qui est un droit de filiation, réservé aux héritiers.
L'avis est défavorable à ces amendements de suppression.
Le raisonnement juridique de Mme la rapporteure démontre parfaitement l'opportunité de maintenir l'article 13 dans le texte. Les arguments des défenseurs de la suppression de l'article me semblent empreints d'une certaine confusion entre différents dispositifs. Dans son avis sur l'article, le Conseil d'État n'a relevé aucun risque d'inconstitutionnalité ni d'inconventionnalité.
Le dispositif que nous allons adopter sera certes difficile à déployer – vous avez raison de le souligner – et créera des contentieux, mais je préfère que la loi fasse valoir les droits des héritiers, notamment l'égalité entre les filles et les garçons – puisque c'est de cela qu'il s'agit lorsque le droit coutumier prévoit la possibilité de déshériter un enfant. Si nous suivions votre raisonnement, nous devrions ne rien toucher aux inégalités de peur de créer des contentieux. Je ne suis pas d'accord avec cette position et préfère élaborer un droit qui assure l'égalité. Certes, les lois diffèrent d'un pays à l'autre, mais nous n'allons pas nous excuser de bâtir un droit français plus égalitaire que celui d'autres pays. L'avis est donc défavorable.
Le conjoint a aussi un droit de réserve. Pourquoi l'avez-vous écarté ? Vous ne répondez pas à cette question.
Mme la rapporteure vous a répondu !
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
Suite de la discussion du projet de loi confortant le respect des principes de la République.
La séance est levée.
La séance est levée à dix-neuf heures trente.
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l'Assemblée nationale
Serge Ezdra